Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Aujourd'hui est un jour décisif, non pas seulement parce qu'il est celui du premier PLFSS depuis ma prise de fonction. C'est un moment crucial qui doit traduire clairement notre volonté d'agir, notre détermination à ne pas laisser passer l'occasion d'engager les réformes qui s'imposent. C'est un moment que j'aborde avec gravité, parce que les décisions que nous allons prendre obéissent à un impératif : faire face aux contraintes sans les transférer sur l'avenir, honorer nos promesses, ne pas décevoir nos concitoyens qui exigent des réponses concrètes à leurs préoccupations quotidiennes.
Les Français sont républicains dans l'âme. Ils sont fiers de leurs institutions quand celles-ci leur assurent les conditions d'une solidarité effective. Ils savent que cette solidarité n'est pas qu'une pure clause de style, qu'elle n'est pas de toute éternité établie par la seule grâce de l'incantation, qu'il faut se battre pour la préserver, lui donner corps, la faire vivre.
Chacun de nous, et tous ensemble, nous sommes responsables du devenir d'un pacte sur lequel nous devons aujourd'hui imprimer notre sceau pour en consolider les fondements. Notre devoir est de donner à nos enfants la chance de vivre dans une société de confiance où un système de soins de qualité soit assuré à tous les âges de la vie, quels qu'en soient les aléas, et de manière harmonieuse sur le territoire.
J'ai consulté. J'ai beaucoup reçu, écouté. Et j'ai senti à chaque fois cette volonté commune de garantir aux générations futures l'accès à des soins de qualité. Pour ma part, la prise de conscience qu'il fallait agir sans délai pour donner ces chances au futur, a été immédiate. Dès les premières semaines de mon arrivée au ministère, les symptôme éloquents d'un mal être de notre système, depuis longtemps déclarés mais pas toujours pris en compte avec la détermination nécessaire, se sont manifestés avec une telle insistance qu'il nous a fallu agir sans tarder. Ainsi, nous avons pris, dans un même mouvement, les mesures qu'imposent les exigences de santé publique mais aussi celles qu'impliquent les impératifs de bonne gestion.
Quand la sécurité des patients est mal assurée, comment retarder encore la fermeture d'un plateau technique ? Quand des alertes sérieuses concernant la qualité des soins se font pressantes, concernant notamment des activités aussi sensibles que la radiothérapie, être responsable, c'est répondre sans faux-fuyant ni délai. De même, lorsque la dérive des comptes menace à terme les fondements mêmes de notre système de santé, lorsqu'une procédure d'alerte est pour la première fois déclenchée, un décideur public averti et avisé, partant des propositions des caisses nationales d'assurance maladie, doit prendre les mesures qui s'imposent pour redresser la barre avant qu'il ne soit trop tard.
C'est ce que j'ai fait, durant les quatre mois passés à la tête du ministère chargé de la santé, consciente d'agir, à chaque fois, suivant un seul et même objectif : nous donner les moyens de mieux soigner. Mieux gérer pour pouvoir soigner mieux, soigner mieux pour éviter les incohérences inutilement coûteuses et préjudiciables au patient : ministre en charge de la santé, je n'ai pas agi sur deux fronts séparés. Seule une bonne gestion, en effet, rend possible ce qui est souhaitable. Et réciproquement, l'amélioration qualitative du soin participe de cette bonne gestion. Tel est le cercle vertueux qu'il nous revient de promouvoir. Telle est notre responsabilité commune.
Certes, nous savons tous que la construction du PLFSS pour 2008 doit permettre de résoudre cette équation difficile. Il nous faut, semble-t-il, concilier des impératifs et des contraintes de nature différentes. Or, nos objectifs ne sont qu'en apparence disjoints.
En effet, pour prendre en charge nos nouveaux besoins de santé (maladie d'Alzheimer, cancer, soins palliatifs), tout en respectant l'exigence de solidarité entre les générations, en aucun cas nous ne pouvons nous permettre de grever les comptes de l'assurance maladie et de faire ainsi payer à nos enfants le prix de notre inconséquence.
C'est pourquoi les franchises médicales sont inscrites dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale afin de financer ces grands chantiers prioritaires.
Afin de préserver la situation des plus fragiles, cette mesure prévoit que seront exonérés de son application les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, les enfants mineurs et les femmes enceintes, dont la situation reste ainsi inchangée. 15 millions de nos concitoyens en seront exonérés.
Le montant de la franchise ne pourra excéder un plafond global de 50 euros par an, pour protéger les plus malades. Elle sera assurable par les organismes d'assurance maladie complémentaires, dans les limites posées par les contrats responsables.
Pour répondre aux attentes de nos concitoyens, conformément aux priorités présidentielles, pour faire progresser la qualité des soins dans notre pays, il nous revient en outre de porter un coup d'arrêt au mode de gestion chaotique que notre système de santé subit depuis trop longtemps.
Certes, les contraintes sont fortes. Cependant, la seule façon de préserver l'avenir de l'assurance maladie et de mieux satisfaire les exigences de solidarité, de qualité et de sécurité des soins, c'est de faire face. Les ignorer, laisser courir les dépassements toujours plus importants qu'anticipés, ce serait, très bientôt, éroder jusqu'à l'asphyxie nos marges de manœuvre. Notre système de santé pourrait se porter bien mal, si nous continuons, sans précaution, à dépenser mal, à mal disposer de nos ressources, à mal orienter nos moyens.
Les dépenses de santé de la France s'élève à 11% contre 9 dans l'OCDE : le potentiel de progrès de notre système est clairement sous exploité. Dès lors, comment mieux faire ? Comment préserver le pouvoir d'achat des Français tout en honorant nos engagements vis à vis de nos partenaires européens ? Comment mieux dépenser les moyens mis au service de la santé publique ?
Nous avons besoin de réponses claires, pragmatiques, susceptibles de donner au système les moyens de se réformer. Ainsi, le PLFSS se veut responsable et modernisateur en son principe. L'objectif national de dépense d'assurance maladie pour 2008 n'est ni démesuré, ni sous estimé.
J'ai voulu un ONDAM équilibré. Pour la médecine de ville, 2%, à quoi il faut ajouter 1,2% par l'effet des franchises, soit 3,2%. Pour l'hôpital, la même chose : 3,2%.
J'ai voulu un ONDAM réaliste. Il n'est pas sous estimé : il permettra d'accompagner la réforme de l'hôpital et tient compte de la progression tendancielle des soins de villes. Il n'est pas pour autant démesuré : les marges de manœuvre qu'il nous offre supposent, bien évidemment, la mise en œuvre d'importantes économies. Là encore, l'effort demandé sera bien réparti entre ville et hôpital, et tiendra compte des tendanciels de la dépense.
Il convient avant tout de ne pas placer le système sous le joug de contraintes impossibles, de lui donner davantage de latitude pour réorganiser et moderniser quand il le faut. L'hôpital notamment attend quelques restructurations utiles, à la fois vertueuses en terme d'efficience et bénéfique aux patients qui pourront ainsi bénéficier de soins de meilleure qualité.
Cessons donc de considérer comme une menace ce qui constitue plutôt une occasion propice au redéploiement des moyens, à l'amélioration qualitative du système de soins. Tel est, en particulier, le sens de cette mesure forte qui consiste à porter la T2A à 100% !
Toutes ces mesures obéissent à une seule logique, non pas une logique strictement comptable, mais bien plutôt la logique de la responsabilité.
Dans cette optique, il conviendra de « rendre dès maintenant beaucoup plus efficace, la démarche dite de maîtrise médicalisée, en concertation avec tous les acteurs de santé », comme me l'a expressément demandé le Président de la République. En contrepartie des revalorisations à venir et de l'amélioration des conditions d'exercice des professionnels de santé, je souhaite que la prescription soit plus efficace et que les soins gagnent en qualité.
Comment faire pour s'en assurer ? Quelle est la bonne méthode ? Nous proposons, tout d'abord, qu'une période d'observation soit instaurée avant que n'entrent en vigueur les revalorisations que pourront négocier les partenaires conventionnels. L'Etat a toujours tenu ses engagements. Ce délai d'observation devra être mis à profit pour que toutes les parties prenantes tiennent les leurs.
Dans un autre ordre d'idées, je souhaite qu'à partir de maintenant les engagements conventionnels soient exprimés en volume et non plus en montant. Les efforts négociés avec les partenaires de soins ne sauraient, en effet, provenir de simples variations de prix dont ils ne sont pas responsables.
J'ai longuement, trop peut-être, évoqué parmi les mesures visant à moderniser notre système de soins celles qui me paraissent traduire, d'une manière tangible, notre détermination à assurer une réforme nécessaire et progressiste. Comment susciter, en effet, l'adhésion et la mobilisation de chacun, si les efforts consentis ne se traduisent pas concrètement par une meilleure prise en charge et une amélioration des soins ?
Notre système de santé soutient la comparaison avec ceux des autres pays développés. Cependant, parce que nous devons mieux faire pour répondre aux nouveaux besoins qui se font jour, il nous faut sans tarder nous en donner les moyens.
Ce PLFSS pour 2008 apportent quelques réponses utiles à des demandes pressantes et légitimes.
Ainsi, certains professionnels de santé souhaitent développer un mode d'exercice qui permette l'amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Dans cet esprit, je souhaite que soit expérimenté, dès l'année prochaine, de nouveaux modes de rémunération, sous la forme d'un forfait ou par capitation concernant la prise en charge de certains patients, comme ceux qui sont atteints d'une affection de longue durée.
Notre seule ambition est de favoriser le progrès. A cet égard, je me suis exprimé, le 11 septembre dernier pour que soit améliorée la santé des femmes, et notamment de celles qui vivent dans les situations les plus précaires, ou de celles qui sont les plus vulnérables. Le PLFSS pour 2008 accordera ainsi aux centres de planification la possibilité de pratiquer des IVG par voie médicamenteuse de manière à réduire le recours anormalement élevé en France aux IVG chirurgicales.
La réforme est nécessaire. De bonne foi, chacun peut en convenir. Mais elle est aussi possible quand le sens des responsabilité et l'esprit de concertation se conjuguent.
Ainsi, l'évolution de la démographie médicale doit être appréhendée comme un fait, une simple donnée objective qui n'implique aucune fatalité dans ses conséquences, aucun renoncement à agir.
La liberté d'installation, à laquelle je suis, le Gouvernement est profondément attaché, doit se conjuguer avec le caractère collectif de l'assurance maladie.
Est-il normal qu'il n'y ait plus de pédopsychiatres depuis 2004 en Lozère, alors qu'on en trouve 31 dans le département de l'Hérault tout proche ?
Est il normal qu'il y ait 10 fois plus de cardiologues en Loire Atlantique qu'en Mayenne, départements qui font pourtant partie de la même région ?
Est il normal que jusqu'à 4 millions de personnes connaissent des difficultés à pouvoir se rendre chez un médecin généraliste ?
Est-il normal qu'il n'y ait que 25 ORL dans le Limousin ?
Il est toujours possible d'avancer dans la voie de la réforme quand le souci de l'intérêt général l'emporte sur la complaisance et l'inertie.
Je souhaite que les partenaires conventionnels entament des négociations pour traiter ces questions dans les mois qui viennent. Comment peut-on faire courir le bruit que la liberté d'installation serait remise en cause, alors même que le Président de la République a rappelé son attachement à ce principe et appelé à des négociations en vue d'une répartition plus harmonieuse de l'offre de soins sur le territoire ? Qui peut soutenir que les jeunes seront tenus écartés des négociations, alors que je souhaite précisément qu'ils y soient directement associés ? Qui a dit qu'on ne laissera pas aux négociations avec les professionnels de santé le temps qu'elles méritent ? Il n'y a pas de date butoir dans le projet de loi.
Les jeunes médecins seront associés à ces négociations. Nos concitoyens attendent une répartition plus harmonieuse et plus efficiente des professionnels de santé sur l'ensemble du territoire. Cette exigence, nous l'avons entendu. Cette exigence, nous devons la satisfaire.
Ce projet de loi de finances engage également d'autres réformes nécessaires à une meilleure organisation de notre système de soins comme par exemple l'incitation au regroupement des pharmacies d'officine, dont le nombre est plus élevé dans notre pays que dans les autres pays de l'Union européenne.
Comme je le disais déjà le 4 juillet dernier, notre système de santé se situe à la croisée des chemins. Je vous propose aujourd'hui de faire un premier pas dans la bonne direction. Ce premier pas, nous devons l'ébaucher sans hésitation pour amorcer le virage que les Français attendent, l'inflexion qui nous permettra d'éviter l'écueil de la dette.
Sans vouloir plus longtemps filer la métaphore, je vous dirai pour finir qu'il est grand temps de nous prémunir contre ces dérapages qui, mal contrôlés, pourraient nous conduire dans une direction que nos concitoyens ne veulent pas prendre. Alors, choisissons sans hésiter la seule méthode qui convient : celle d'une réforme responsable et équilibrée.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 26 septembre 2007