Texte intégral
Bonjour.
Q.- On va parler Sécurité sociale, on va parler régimes spéciaux des retraites, contrat de travail. On a du pain sur la planche ce matin, X. Bertrand. Entrons tout de suite dans le vif du sujet avec la Sécurité sociale. Les complémentaires santé, mutuelles ou autres ne risquent-elles pas d'augmenter leurs tarifs ?
R.- Pourquoi elles augmenteraient leurs tarifs ?
Q.- A cause de la franchise ?
R.- Non, parce que justement ce qui a été précisé hier par R. Bachelot, c'est que justement, pour les contrats responsables, il n'y aurait pas de prise en charge de cette franchise. Parce que la volonté c'est à la fois de responsabiliser et puis surtout de trouver des recettes supplémentaires, pour financer le nouveau plan Alzheimer, les soins palliatifs et la recherche contre le cancer, la prise en charge du cancer. Autrement, qu'est-ce qu'on ferait ? Des grands discours comme d'habitude, alors que là on veut concrètement trouver des moyens supplémentaires. Donc les franchises ne vont pas servir à combler le trou de la Sécurité sociale, mais à financer des dépenses nouvelles, c'est un engagement du Président.
Q.- Donc le trou, donc 800 millions à peu près...
R.- Oui 800, 850...
Q.- Autour de 800 millions d'euros...
R.- Je ne suis plus ministre de la Santé, mais c'est ça.
Q.- Ça ne servira pas, ça ne servira pas à combler le trou de la Sécurité sociale ?
R.- Autrement, dans ces cas-là, il y aurait eu des franchises avec un niveau exceptionnellement élevé, de façon à complètement faire disparaître le trou de la Sécu. Ce qui montre bien que ce n'est pas cette logique-là.
Q.- Pour combler le trou de la Sécurité sociale, ne faut-il pas par exemple restreindre la liberté d'installation des médecins ? Le candidat Sarkozy l'avait évoqué ?
R.- C'est la question qui a été posée. Là, vous lancez un peu un quiz pour l'ancien ministre de la Santé ce matin ?
Q.- Oui ! Un petit peu, ce n'est pas un quiz. Ce n'est pas un quiz, ce sont des questions précises, X. Bertrand.
R.- Oui, je sais, mais c'est plus des questions pour R. Bachelot, on est bien d'accord ?
Q.- Oui, mais vous êtes aussi ministre des Relations sociales et de la Solidarité.
C'est pour ça que je vais vous répondre.
Q.- Alors !
R.- La question de l'installation des médecins, il y a aujourd'hui la possibilité de s'installer partout - c'est la liberté d'installation, la liberté de prescrire. Mais aujourd'hui on s'aperçoit qu'il y a beaucoup plus de médecins, par exemple au Sud et pas beaucoup au Nord. Moi, je suis par exemple, élu en Picardie, c'est l'endroit en France où il y a le moins de médecins généralistes par habitant. Alors on avait lancé quelque chose, c'est-à-dire l'incitation de payer plus les médecins quand ils s'installent justement dans les zones sous-médicalisées. Entre le moment où on a pris la décision et le moment où l'Assurance maladie et les syndicats de médecins se sont mis d'accord, vous savez, combien de temps, il a fallu ? Plus d'un an et demi, plus d'un an et demi, c'est-à-dire que ces mesures-là, elles ont à peine commencé à se mettre en place, ce qui montre bien aussi qu'il faut aller beaucoup plus vite dans l'application des mesures. C'est aussi pour que le traitement que nous avions mis en place pour la Sécurité sociale, il a besoin d'être suivi par tout le monde, et d'être suivi vraiment avec la plus grande vigilance.
Q.- Mais là, je vais vous fâcher, X. Bertrand, c'est votre faillite, puisque le Premier ministre parle de "faillite" ; c'est votre faillite, vous avez été ministre, notamment ministre de la Santé...
R.- Et Secrétaire d'Etat à l'Assurance maladie.
Q.- Et Secrétaire d'Etat à l'Assurance maladie, c'est votre faillite ou pas, c'est la faillite de ce plan, je me souviens de ce plan de 2004, que vous avez accompagné.
R.- Vous savez de combien serait le déficit de l'Assurance maladie aujourd'hui sans la réforme de 2004 ?
Q.- Non.
R.- Il serait de 20 milliards d'euros.
Q.- On nous avait promis un retour à l'équilibre quand même, X. Bertrand ?
R.- Attendez, J.-J. Bourdin, sans la réforme de l'Assurance maladie de 2004, sans les efforts des Français, le déficit ne serait pas de 6 milliards d'euros comme cette année, il serait de 20 milliards d'euros, ce n'est pas moi qui l'indique, les chiffres sont clairs et tout le monde peut justement vérifier ces chiffres. Il s'est quand même passé quelque chose, il s'est passé quelque chose. Pourquoi ? Parce que les Français ont joué le jeu du médecin traitant, il y a eu davantage de contrôles sur les arrêts de travail et puis on a pris par exemple des génériques.
Q.- Mais alors pourquoi est-ce qu'on n'est pas à l'équilibre ?
R.- Tout simplement parce qu'on n'est pas allé assez loin notamment dans la lutte contre les fraudes. Quand j'ai enfourché à l'époque ce cheval de bataille, certains m'en ont même fait le reproche. J'assume que dans un système de solidarité, il faut de la responsabilité et qu'il faut lutter contre les abus, les gaspillages et les fraudes. Mais je ne suis pas certain que tout le monde ait vraiment compris que c'était une priorité. Vous avez aujourd'hui 6 à 8 milliards d'euros de dépenses inutiles par an, un examen médical sur six, qui est fait en double et qui ne sert à rien. Tout cet argent-là, je préfèrerais qu'il ne soit pas gaspillé et qu'il nous serve non seulement à réduire les déficits, mais aussi à les supprimer.
Q.- J'ai encore deux questions sur la Sécurité sociale.
R.- Décidément !
Q.- Mise en place d'une cotisation sur les stocks-options, vous êtes d'accord ou pas ?
R.- J'ai vu que le débat...
Q.- Vous êtes favorable ou pas ?
R.- Ecoutez ! Attendez ! Si déjà un membre du Gouvernement, ce matin, a ça comme point de vue, alors que ce n'est pas dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, il y aurait une incohérence. Maintenant, la vraie question : est-ce que c'est un débat intéressant ? On va l'avoir au Parlement parce que j'ai vu qu'il y a au moins deux parlementaires qui nous disent qu'ils vont le mettre.
Q.- Qui préparent des amendements ?
R.- Moi, je trouve intéressant justement de regarder s'il n'y a pas en dehors du seul salaire, d'autres pistes de financements.
Q.- 3 milliards d'euros, ça rapporterait.
R.- Non, non, non.
Q.- Non ?
R.- Ça c'est en théorie, sur l'ensemble des stocks-options. Il faut aussi se méfier des recettes miracles. Ce n'est pas les stocks-options, par exemple, qui règleraient tout le problème de financement de la Sécurité sociale. Méfions-nous aussi des recettes trop simples. Mais je pense que ce débat, c'est pour savoir qu'est-ce qui doit financer la protection sociale ? Moi, je trouve intéressant de le porter.
Q.- De l'ouvrir.
R.- Surtout pour le ministre de la Solidarité.
Q.- Evidemment, évidemment. Alors dernières question : combien rapportent les taxes sur le tabac et l'alcool ? Et où va l'argent ?
R.- Alors là franchement, il faudrait que je fasse appel à tous mes souvenirs...
Q.- Mais où va l'argent ?
R.- Le montant total, maintenant, parce qu'E. Woerth l'a annoncé hier, tout l'argent sans exception ira bel et bien à la Sécu. Ira bel et bien à la Sécu. Mais il faut bien voir aussi...
Q.- Ca c'est nouveau, parce que jusqu'à maintenant l'argent n'allait pas à la Sécu ?
R.- Non, non, avec la réforme de 2004, on avait réussi à faire revenir au budget de la Sécurité sociale, la quasi-totalité de ces droits tabac. Et E. Woerth l'a indiqué pour qu'il y ait une opération transparence, tous les droits iront maintenant à la Sécurité sociale. Mais J.-J. Bourdin, ce n'est pas ça qui fait la différence, c'est plutôt au nom de l'opération transparence, mais ce n'est pas ça qui change effectivement le niveau des déficits. Le niveau des déficits c'est : est-ce que l'on sait mieux organiser notre système de santé ? Est-ce qu'entre la médecine de ville et l'hôpital ça marche mieux ? Est-ce que les gens se parlent ? Est-ce que c'est mieux organisé ? C'est la question notamment de l'installation des professionnels de santé. Et est-ce que surtout on sait lutter contre les abus, les gaspillages et les fraudes ? Si on sait vraiment faire ça, jusqu'au bout, sans relâcher les efforts...
Q.- Vous garantissez un équilibre des comptes ?
R.- Je pense même que le déficit peut disparaître. Je le pense.
Q.- Que le déficit peut disparaître ?
R.- Oui.
Q.- X. Bertrand, en combien de temps ?
R.- Ecoutez, ça dépend aussi....
Q.- Mais si nous sommes vertueux tous, en combien de temps ? Tous, tous, tous ?
R.- Tous, c'est-à-dire ? Attendez ! S'il n'y avait aucune fraude dans le système ?
Q.- Oui.
R.- Les fraudes c'est 6 à 8 milliards d'euros, ce n'est pas moi qui l'indique, c'est l'Assurance maladie, c'est la Cour des comptes. Chaque année, 6 à 8 milliards d'euros, gaspillage, abus et fraudes. Il est de combien le déficit ?
Q.- Il est de 12 milliards cette année.
R.- Non, non, non. Ne confondons pas ; la Sécu, il y a quatre branches : il y a la branche maladie...
Q.- Oui je sais.
R.- Non, non, c'est bien...
Q.- Globalement de 12 milliards d'euros.
R.- Un peu de pédagogie : l'Assurance maladie qui est en déficit, la vieillesse qui est en déficit, la branche famille qui ne l'est plus, avec des nouvelles mesures que j'ai annoncées hier pour permettre justement qu'on ait la majoration d'allocations familiales plus à 16 ans mais à partir de 14 ans. Et puis, il y a la branche accidents du travail, maladies professionnelles, aussi à l'équilibre.
Q.- Bien ! Les heures sup, le décret d'application sera publié quand ?
R.- Là dans les prochains jours, c'est un dossier qui est géré à Bercy.
Q.- C'est-à-dire ? Avant le 1er octobre ?
Bien sûr, bien sûr.
Q.- Dans les prochains jours, c'est-à-dire que nous sommes mardi avant la fin de la semaine ?
R.- Avant la fin de la semaine. Mais surtout, ce qui est important, c'est qu'entre le 30 septembre et le 1er octobre, il va se passer quelque chose d'important pour les salariés. Vous prenez par exemple celui qui aujourd'hui, fait des heures supplémentaires payées à la fin du mois. Du jour au lendemain, il va gagner plus, quelqu'un qui est par exemple au SMIC, aujourd'hui, qui fait 4 heures supplémentaires par semaine, à la fin du mois d'octobre, il aura 133 euros de plus.
Q.- Il va gagner plus...
R.- Le Smic, 4 heures de plus par semaine, à la fin du mois 133 euros. C'est-à-dire que tous les grands discours que l'on a entendus sur les mesures de l'été qui profiteraient à qui, on ne sait pas, ça va profiter notamment aux ouvriers et aux salariés dans ce pays. Cela veut dire que ça va donner du pouvoir d'achat.
Q.- Sauf que dans les PME/PMI, il existe des systèmes de primes. Et que ça ne va pas changer grand-chose pour beaucoup de salariés des petites entreprises...
R.- Qu'est-ce que vous êtes de dire là ?
Q.-...qui sont payés avec des primes.
R.- Donc pas avec des heures supplémentaires ?
Q.- Pas avec des heures supplémentaires, avec des primes, on va transformer ces primes en heures supplémentaires.
R.- C'est donc tout l'intérêt...
Q.- Est-ce que leur pouvoir d'achat, est-ce que le pouvoir d'achat de ces salariés de petites entreprises va vraiment augmenter ?
R.- Si les primes deviennent des heures supplémentaires, la réponse est claire, c'est oui. Pourquoi ? Parce qu'il n'y aura pas de charges sociales sur ces heures supplémentaires...
Q.- Et donc un manque à gagner pour la Sécurité sociale, au passage ?
R.- Oui, mais ça sera compensé, il faut savoir ce que l'on veut. Si l'on veut justement avoir un investissement dans l'économie, si on veut redonner du pouvoir d'achat aux Français, parce que l'argent qu'on va donner aux Français, ces 133 euros pour quelqu'un qui est au Smic, qu'est-ce qu'il va en faire ? Il va les dépenser. Il va les dépenser, pour lui, pour sa famille, c'est donc de l'argent qui va aller dans l'économie, ça fait du bien. C'est du carburant dans le moteur de la croissance, voilà aussi le choix qui a été fait par le Président, de vouloir, avec ce texte sur l'emploi et le pouvoir d'achat, de redonner du carburant pour l'économie française.
Q.- X. Bertrand, je voudrais revenir rapidement, ça vous concerne les préretraites, rapidement, la Sécurité sociale il s'agit aussi de renoncer à la facilité des préretraites. Le président de la République l'a dit. Seulement, quand on voit ce qui se passe chez Alcatel ou Airbus par exemple, est-ce qu'on va taxer ces préretraites-là ?
R.- Evidemment ! Evidemment, je crois qu'il faut sortir des...
Q.- Parce que toutes les entreprises ont recours, vous le savez bien ! Malheureusement...
R.- Non, mais attendez, je veux sortir de la logique d'une politique qui est dans les grands discours : il faut, il n'y a qu'à, s'il vous plait, arrêtez les préretraites. Aujourd'hui, on va passer à autre chose, et autre chose, c'est-à-dire très concrètement, nous allons taxer beaucoup plus lourdement les préretraites, parce que les entreprises qui ne jouent pas le jeu des salariés âgés, qui utilisent les préretraites pour les faire sortir de l'entreprise...
Q.- Donc les plans Alcatel et Airbus seront taxés ?
R.- Si on parle bien des préretraites maison, oui, c'était taxé à 24 %, ça sera taxé à 50 %. Et les entreprises qui mettent à la retraite d'office les salariés âgés, par exemple à 65 ans - la fameuse affaire G. Roux, fameuse affaire G. Roux c'était tout simplement que passer 65 ans, il a eu toutes les peines du monde, à entraîner Lens ; ce n'est pas parce qu'il a arrêté d'entraîner Lens, qu'il n'y a pas des milliers de G. Roux aujourd'hui en France. Donc les entreprises qui les mettront d'office à la retraite, seront également pénalisées, parce que j'estime que quand on a 65 ans, qu'on veut travailler et qu'on peut travailler, pourquoi vous empêcher de le faire ? Donc vous voyez, il faut aussi bien comprendre qu'on rentre dans une logique très concrète, en cherchant des mesures pour changer les comportements. J.-J. Bourdin, aujourd'hui, un Français de plus de 55 ans sur trois seulement est en activité. En Suède, 70 % des plus de 55 ans sont en activité. On est loin du compte.
Q.- Il va falloir quand même mobiliser les entreprises pour embaucher les plus de 55 ans, X. Bertrand...
R.- Oui sauf que là...
Q.- Parce que moi, j'entends déjà les auditeurs de plus de 55 ans qui cherchent du boulot, qui n'en trouvent pas parce qu'on préfère embaucher un jeune qui est moins cher évidemment ?
R.- Oui, sauf que ça ne marche pas comme ça, l'idée du partage...
Q.- Ah ! X. Bertrand !
R.- Non, non, attendez, l'idée du partage du travail où on pensait à une époque qu'en faisant sortir de l'entreprise un salarié âgé, on pourrait en faire entrer un jeune, on sait que ça ne marche pas comme ça.
Q.- Vous dites que ça ne marche pas, mais dans l'esprit des chefs d'entreprise, ce n'est peut-être pas encore entré profondément ?
R.- Je ne me contente pas de le dire, ce que nous faisons avec cette mesure qui était attendue depuis longtemps, en disant est-ce qu'ils auront un jour le courage de taxer ces préretraites ? La réponse est « oui », sauf que pour le rendez-vous des retraites de 2008, je cherche aussi d'autres moyens avec C. Lagarde pour favoriser l'emploi des seniors et j'ai quelques idées en tête, que j'ai pu observer à l'étranger.
Q.- Par exemple ?
R.- De favoriser par contre les entreprises qui jouent le jeu des salariés âgés. C'est-à-dire qu'aujourd'hui on est dans un système de taxation, que j'assume c'est vrai, parce qu'il faut changer les habitudes...
Q.- C'est-à-dire qu'on aura un bonus, un bonus fiscal par exemple aux entreprises ?
R.- Fiscal, social, c'est à regarder. Je regarde de très près ce qui se passe dans certains pays européens, parce que je pense qu'il faut effectivement pénaliser celles qui ne jouent pas le jeu...
Q.- Oui, on aiderait les entreprises qui embaucheront ?
R.- Favoriser celles qui joueraient le jeu. Parce que je pense qu'un système équilibré, c'est pénaliser celles qui ne jouent pas le jeu et c'est favoriser celles qui jouent le jeu, c'est quand même mieux le bonus-malus ?
Q.- Bien ! Merci X. Bertrand, enfin merci, restez avec nous, dans deux minutes on vous retrouve sur BFM TV et sur RMC. [...]
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 25 septembre 2007
Q.- On va parler Sécurité sociale, on va parler régimes spéciaux des retraites, contrat de travail. On a du pain sur la planche ce matin, X. Bertrand. Entrons tout de suite dans le vif du sujet avec la Sécurité sociale. Les complémentaires santé, mutuelles ou autres ne risquent-elles pas d'augmenter leurs tarifs ?
R.- Pourquoi elles augmenteraient leurs tarifs ?
Q.- A cause de la franchise ?
R.- Non, parce que justement ce qui a été précisé hier par R. Bachelot, c'est que justement, pour les contrats responsables, il n'y aurait pas de prise en charge de cette franchise. Parce que la volonté c'est à la fois de responsabiliser et puis surtout de trouver des recettes supplémentaires, pour financer le nouveau plan Alzheimer, les soins palliatifs et la recherche contre le cancer, la prise en charge du cancer. Autrement, qu'est-ce qu'on ferait ? Des grands discours comme d'habitude, alors que là on veut concrètement trouver des moyens supplémentaires. Donc les franchises ne vont pas servir à combler le trou de la Sécurité sociale, mais à financer des dépenses nouvelles, c'est un engagement du Président.
Q.- Donc le trou, donc 800 millions à peu près...
R.- Oui 800, 850...
Q.- Autour de 800 millions d'euros...
R.- Je ne suis plus ministre de la Santé, mais c'est ça.
Q.- Ça ne servira pas, ça ne servira pas à combler le trou de la Sécurité sociale ?
R.- Autrement, dans ces cas-là, il y aurait eu des franchises avec un niveau exceptionnellement élevé, de façon à complètement faire disparaître le trou de la Sécu. Ce qui montre bien que ce n'est pas cette logique-là.
Q.- Pour combler le trou de la Sécurité sociale, ne faut-il pas par exemple restreindre la liberté d'installation des médecins ? Le candidat Sarkozy l'avait évoqué ?
R.- C'est la question qui a été posée. Là, vous lancez un peu un quiz pour l'ancien ministre de la Santé ce matin ?
Q.- Oui ! Un petit peu, ce n'est pas un quiz. Ce n'est pas un quiz, ce sont des questions précises, X. Bertrand.
R.- Oui, je sais, mais c'est plus des questions pour R. Bachelot, on est bien d'accord ?
Q.- Oui, mais vous êtes aussi ministre des Relations sociales et de la Solidarité.
C'est pour ça que je vais vous répondre.
Q.- Alors !
R.- La question de l'installation des médecins, il y a aujourd'hui la possibilité de s'installer partout - c'est la liberté d'installation, la liberté de prescrire. Mais aujourd'hui on s'aperçoit qu'il y a beaucoup plus de médecins, par exemple au Sud et pas beaucoup au Nord. Moi, je suis par exemple, élu en Picardie, c'est l'endroit en France où il y a le moins de médecins généralistes par habitant. Alors on avait lancé quelque chose, c'est-à-dire l'incitation de payer plus les médecins quand ils s'installent justement dans les zones sous-médicalisées. Entre le moment où on a pris la décision et le moment où l'Assurance maladie et les syndicats de médecins se sont mis d'accord, vous savez, combien de temps, il a fallu ? Plus d'un an et demi, plus d'un an et demi, c'est-à-dire que ces mesures-là, elles ont à peine commencé à se mettre en place, ce qui montre bien aussi qu'il faut aller beaucoup plus vite dans l'application des mesures. C'est aussi pour que le traitement que nous avions mis en place pour la Sécurité sociale, il a besoin d'être suivi par tout le monde, et d'être suivi vraiment avec la plus grande vigilance.
Q.- Mais là, je vais vous fâcher, X. Bertrand, c'est votre faillite, puisque le Premier ministre parle de "faillite" ; c'est votre faillite, vous avez été ministre, notamment ministre de la Santé...
R.- Et Secrétaire d'Etat à l'Assurance maladie.
Q.- Et Secrétaire d'Etat à l'Assurance maladie, c'est votre faillite ou pas, c'est la faillite de ce plan, je me souviens de ce plan de 2004, que vous avez accompagné.
R.- Vous savez de combien serait le déficit de l'Assurance maladie aujourd'hui sans la réforme de 2004 ?
Q.- Non.
R.- Il serait de 20 milliards d'euros.
Q.- On nous avait promis un retour à l'équilibre quand même, X. Bertrand ?
R.- Attendez, J.-J. Bourdin, sans la réforme de l'Assurance maladie de 2004, sans les efforts des Français, le déficit ne serait pas de 6 milliards d'euros comme cette année, il serait de 20 milliards d'euros, ce n'est pas moi qui l'indique, les chiffres sont clairs et tout le monde peut justement vérifier ces chiffres. Il s'est quand même passé quelque chose, il s'est passé quelque chose. Pourquoi ? Parce que les Français ont joué le jeu du médecin traitant, il y a eu davantage de contrôles sur les arrêts de travail et puis on a pris par exemple des génériques.
Q.- Mais alors pourquoi est-ce qu'on n'est pas à l'équilibre ?
R.- Tout simplement parce qu'on n'est pas allé assez loin notamment dans la lutte contre les fraudes. Quand j'ai enfourché à l'époque ce cheval de bataille, certains m'en ont même fait le reproche. J'assume que dans un système de solidarité, il faut de la responsabilité et qu'il faut lutter contre les abus, les gaspillages et les fraudes. Mais je ne suis pas certain que tout le monde ait vraiment compris que c'était une priorité. Vous avez aujourd'hui 6 à 8 milliards d'euros de dépenses inutiles par an, un examen médical sur six, qui est fait en double et qui ne sert à rien. Tout cet argent-là, je préfèrerais qu'il ne soit pas gaspillé et qu'il nous serve non seulement à réduire les déficits, mais aussi à les supprimer.
Q.- J'ai encore deux questions sur la Sécurité sociale.
R.- Décidément !
Q.- Mise en place d'une cotisation sur les stocks-options, vous êtes d'accord ou pas ?
R.- J'ai vu que le débat...
Q.- Vous êtes favorable ou pas ?
R.- Ecoutez ! Attendez ! Si déjà un membre du Gouvernement, ce matin, a ça comme point de vue, alors que ce n'est pas dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, il y aurait une incohérence. Maintenant, la vraie question : est-ce que c'est un débat intéressant ? On va l'avoir au Parlement parce que j'ai vu qu'il y a au moins deux parlementaires qui nous disent qu'ils vont le mettre.
Q.- Qui préparent des amendements ?
R.- Moi, je trouve intéressant justement de regarder s'il n'y a pas en dehors du seul salaire, d'autres pistes de financements.
Q.- 3 milliards d'euros, ça rapporterait.
R.- Non, non, non.
Q.- Non ?
R.- Ça c'est en théorie, sur l'ensemble des stocks-options. Il faut aussi se méfier des recettes miracles. Ce n'est pas les stocks-options, par exemple, qui règleraient tout le problème de financement de la Sécurité sociale. Méfions-nous aussi des recettes trop simples. Mais je pense que ce débat, c'est pour savoir qu'est-ce qui doit financer la protection sociale ? Moi, je trouve intéressant de le porter.
Q.- De l'ouvrir.
R.- Surtout pour le ministre de la Solidarité.
Q.- Evidemment, évidemment. Alors dernières question : combien rapportent les taxes sur le tabac et l'alcool ? Et où va l'argent ?
R.- Alors là franchement, il faudrait que je fasse appel à tous mes souvenirs...
Q.- Mais où va l'argent ?
R.- Le montant total, maintenant, parce qu'E. Woerth l'a annoncé hier, tout l'argent sans exception ira bel et bien à la Sécu. Ira bel et bien à la Sécu. Mais il faut bien voir aussi...
Q.- Ca c'est nouveau, parce que jusqu'à maintenant l'argent n'allait pas à la Sécu ?
R.- Non, non, avec la réforme de 2004, on avait réussi à faire revenir au budget de la Sécurité sociale, la quasi-totalité de ces droits tabac. Et E. Woerth l'a indiqué pour qu'il y ait une opération transparence, tous les droits iront maintenant à la Sécurité sociale. Mais J.-J. Bourdin, ce n'est pas ça qui fait la différence, c'est plutôt au nom de l'opération transparence, mais ce n'est pas ça qui change effectivement le niveau des déficits. Le niveau des déficits c'est : est-ce que l'on sait mieux organiser notre système de santé ? Est-ce qu'entre la médecine de ville et l'hôpital ça marche mieux ? Est-ce que les gens se parlent ? Est-ce que c'est mieux organisé ? C'est la question notamment de l'installation des professionnels de santé. Et est-ce que surtout on sait lutter contre les abus, les gaspillages et les fraudes ? Si on sait vraiment faire ça, jusqu'au bout, sans relâcher les efforts...
Q.- Vous garantissez un équilibre des comptes ?
R.- Je pense même que le déficit peut disparaître. Je le pense.
Q.- Que le déficit peut disparaître ?
R.- Oui.
Q.- X. Bertrand, en combien de temps ?
R.- Ecoutez, ça dépend aussi....
Q.- Mais si nous sommes vertueux tous, en combien de temps ? Tous, tous, tous ?
R.- Tous, c'est-à-dire ? Attendez ! S'il n'y avait aucune fraude dans le système ?
Q.- Oui.
R.- Les fraudes c'est 6 à 8 milliards d'euros, ce n'est pas moi qui l'indique, c'est l'Assurance maladie, c'est la Cour des comptes. Chaque année, 6 à 8 milliards d'euros, gaspillage, abus et fraudes. Il est de combien le déficit ?
Q.- Il est de 12 milliards cette année.
R.- Non, non, non. Ne confondons pas ; la Sécu, il y a quatre branches : il y a la branche maladie...
Q.- Oui je sais.
R.- Non, non, c'est bien...
Q.- Globalement de 12 milliards d'euros.
R.- Un peu de pédagogie : l'Assurance maladie qui est en déficit, la vieillesse qui est en déficit, la branche famille qui ne l'est plus, avec des nouvelles mesures que j'ai annoncées hier pour permettre justement qu'on ait la majoration d'allocations familiales plus à 16 ans mais à partir de 14 ans. Et puis, il y a la branche accidents du travail, maladies professionnelles, aussi à l'équilibre.
Q.- Bien ! Les heures sup, le décret d'application sera publié quand ?
R.- Là dans les prochains jours, c'est un dossier qui est géré à Bercy.
Q.- C'est-à-dire ? Avant le 1er octobre ?
Bien sûr, bien sûr.
Q.- Dans les prochains jours, c'est-à-dire que nous sommes mardi avant la fin de la semaine ?
R.- Avant la fin de la semaine. Mais surtout, ce qui est important, c'est qu'entre le 30 septembre et le 1er octobre, il va se passer quelque chose d'important pour les salariés. Vous prenez par exemple celui qui aujourd'hui, fait des heures supplémentaires payées à la fin du mois. Du jour au lendemain, il va gagner plus, quelqu'un qui est par exemple au SMIC, aujourd'hui, qui fait 4 heures supplémentaires par semaine, à la fin du mois d'octobre, il aura 133 euros de plus.
Q.- Il va gagner plus...
R.- Le Smic, 4 heures de plus par semaine, à la fin du mois 133 euros. C'est-à-dire que tous les grands discours que l'on a entendus sur les mesures de l'été qui profiteraient à qui, on ne sait pas, ça va profiter notamment aux ouvriers et aux salariés dans ce pays. Cela veut dire que ça va donner du pouvoir d'achat.
Q.- Sauf que dans les PME/PMI, il existe des systèmes de primes. Et que ça ne va pas changer grand-chose pour beaucoup de salariés des petites entreprises...
R.- Qu'est-ce que vous êtes de dire là ?
Q.-...qui sont payés avec des primes.
R.- Donc pas avec des heures supplémentaires ?
Q.- Pas avec des heures supplémentaires, avec des primes, on va transformer ces primes en heures supplémentaires.
R.- C'est donc tout l'intérêt...
Q.- Est-ce que leur pouvoir d'achat, est-ce que le pouvoir d'achat de ces salariés de petites entreprises va vraiment augmenter ?
R.- Si les primes deviennent des heures supplémentaires, la réponse est claire, c'est oui. Pourquoi ? Parce qu'il n'y aura pas de charges sociales sur ces heures supplémentaires...
Q.- Et donc un manque à gagner pour la Sécurité sociale, au passage ?
R.- Oui, mais ça sera compensé, il faut savoir ce que l'on veut. Si l'on veut justement avoir un investissement dans l'économie, si on veut redonner du pouvoir d'achat aux Français, parce que l'argent qu'on va donner aux Français, ces 133 euros pour quelqu'un qui est au Smic, qu'est-ce qu'il va en faire ? Il va les dépenser. Il va les dépenser, pour lui, pour sa famille, c'est donc de l'argent qui va aller dans l'économie, ça fait du bien. C'est du carburant dans le moteur de la croissance, voilà aussi le choix qui a été fait par le Président, de vouloir, avec ce texte sur l'emploi et le pouvoir d'achat, de redonner du carburant pour l'économie française.
Q.- X. Bertrand, je voudrais revenir rapidement, ça vous concerne les préretraites, rapidement, la Sécurité sociale il s'agit aussi de renoncer à la facilité des préretraites. Le président de la République l'a dit. Seulement, quand on voit ce qui se passe chez Alcatel ou Airbus par exemple, est-ce qu'on va taxer ces préretraites-là ?
R.- Evidemment ! Evidemment, je crois qu'il faut sortir des...
Q.- Parce que toutes les entreprises ont recours, vous le savez bien ! Malheureusement...
R.- Non, mais attendez, je veux sortir de la logique d'une politique qui est dans les grands discours : il faut, il n'y a qu'à, s'il vous plait, arrêtez les préretraites. Aujourd'hui, on va passer à autre chose, et autre chose, c'est-à-dire très concrètement, nous allons taxer beaucoup plus lourdement les préretraites, parce que les entreprises qui ne jouent pas le jeu des salariés âgés, qui utilisent les préretraites pour les faire sortir de l'entreprise...
Q.- Donc les plans Alcatel et Airbus seront taxés ?
R.- Si on parle bien des préretraites maison, oui, c'était taxé à 24 %, ça sera taxé à 50 %. Et les entreprises qui mettent à la retraite d'office les salariés âgés, par exemple à 65 ans - la fameuse affaire G. Roux, fameuse affaire G. Roux c'était tout simplement que passer 65 ans, il a eu toutes les peines du monde, à entraîner Lens ; ce n'est pas parce qu'il a arrêté d'entraîner Lens, qu'il n'y a pas des milliers de G. Roux aujourd'hui en France. Donc les entreprises qui les mettront d'office à la retraite, seront également pénalisées, parce que j'estime que quand on a 65 ans, qu'on veut travailler et qu'on peut travailler, pourquoi vous empêcher de le faire ? Donc vous voyez, il faut aussi bien comprendre qu'on rentre dans une logique très concrète, en cherchant des mesures pour changer les comportements. J.-J. Bourdin, aujourd'hui, un Français de plus de 55 ans sur trois seulement est en activité. En Suède, 70 % des plus de 55 ans sont en activité. On est loin du compte.
Q.- Il va falloir quand même mobiliser les entreprises pour embaucher les plus de 55 ans, X. Bertrand...
R.- Oui sauf que là...
Q.- Parce que moi, j'entends déjà les auditeurs de plus de 55 ans qui cherchent du boulot, qui n'en trouvent pas parce qu'on préfère embaucher un jeune qui est moins cher évidemment ?
R.- Oui, sauf que ça ne marche pas comme ça, l'idée du partage...
Q.- Ah ! X. Bertrand !
R.- Non, non, attendez, l'idée du partage du travail où on pensait à une époque qu'en faisant sortir de l'entreprise un salarié âgé, on pourrait en faire entrer un jeune, on sait que ça ne marche pas comme ça.
Q.- Vous dites que ça ne marche pas, mais dans l'esprit des chefs d'entreprise, ce n'est peut-être pas encore entré profondément ?
R.- Je ne me contente pas de le dire, ce que nous faisons avec cette mesure qui était attendue depuis longtemps, en disant est-ce qu'ils auront un jour le courage de taxer ces préretraites ? La réponse est « oui », sauf que pour le rendez-vous des retraites de 2008, je cherche aussi d'autres moyens avec C. Lagarde pour favoriser l'emploi des seniors et j'ai quelques idées en tête, que j'ai pu observer à l'étranger.
Q.- Par exemple ?
R.- De favoriser par contre les entreprises qui jouent le jeu des salariés âgés. C'est-à-dire qu'aujourd'hui on est dans un système de taxation, que j'assume c'est vrai, parce qu'il faut changer les habitudes...
Q.- C'est-à-dire qu'on aura un bonus, un bonus fiscal par exemple aux entreprises ?
R.- Fiscal, social, c'est à regarder. Je regarde de très près ce qui se passe dans certains pays européens, parce que je pense qu'il faut effectivement pénaliser celles qui ne jouent pas le jeu...
Q.- Oui, on aiderait les entreprises qui embaucheront ?
R.- Favoriser celles qui joueraient le jeu. Parce que je pense qu'un système équilibré, c'est pénaliser celles qui ne jouent pas le jeu et c'est favoriser celles qui jouent le jeu, c'est quand même mieux le bonus-malus ?
Q.- Bien ! Merci X. Bertrand, enfin merci, restez avec nous, dans deux minutes on vous retrouve sur BFM TV et sur RMC. [...]
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 25 septembre 2007