Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les décisions du Conseil des ministres européen de l'agriculture et les différentes mesures d'aide aux éleveurs, Paris le 28 février 2001.

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Circonstance : Présentation du plan de soutien aux éleveurs, à Paris le 28 février 2001

Texte intégral

Le gouvernement tient ses engagements
" J'avais prévu de revoir les représentants professionnels des éleveurs bovins si les résultats du Conseil des ministres de l'agriculture ne se traduisaient pas par des aides communautaires...
La Commission et le Conseil ont fait un choix que je regrette. Je pense qu'il fallait faire la démonstration d'une solidarité communautaire face à la gravité de la crise. C'était le point de vue de l'Espagne, de la Belgique, du Luxembourg et de l'Irlande. Cela ne fait pas une majorité. Les représentants professionnels savent d'ailleurs eux-mêmes que leurs homologues sont loin d'être unanimes pour réclamer des aides directes.
Je retiens néanmoins de ce Conseil plusieurs points positifs :
Les idées tendant à remettre en cause l'OCM bovine négociée à Berlin, voire toute la PAC, à la faveur de la crise, se sont heurtées à l'opposition résolue de la Commission et d'un grand nombre de pays. J'ai dit pour ma part qu'on ne pouvait changer les règles du jeu tous les ans, que les accords de Berlin valaient pour 6 ans, mais qu'il pouvait être utile de réfléchir à généraliser certaines possibilités dans le cadre existant : la modulation pourrait devenir dégressivité et s'appliquer à tous, par exemple.
Le retrait/destruction et l'intervention publique sont maintenus et prorogés. Je rappelle que la France détruit 10 000 animaux par semaine, en stocke 10 000, et en teste 35 000. Nous avons retrouvé les niveaux d'avant la crise et commençons à résorber les stocks. Je n'insisterai jamais assez sur les mesures de régulation du marché. C'est elles qui permettent le retour à l'équilibre. Je vous en rappelle le coût : 1,2 Md de francs sur le budget national ; 1,4 Md de francs sur le budget communautaire. J'ai bon espoir que la Commission ouvre des possibilités pour les broutards et les jeunes bovins.
J'ai obtenu du Commissaire Fischler qu'il accepte le principe d'aides nationales au titre de l'article 87. Le Commissaire ne l'a pas fait aisément et plusieurs pays ont même fait connaître leur désapprobation en parlant de distorsions de concurrence. M. Fischler a indiqué qu'il examinerait nos aides avec bienveillance si elles répondaient à des fluctuations exceptionnelles des cours, si elles étaient limitées dans le temps et ne se traduisaient pas par des surcompensations. Je dois vous dire que j'ai le souci de rester dans le cadre le plus communautaire possible. Je ne suis pas autorisé par le Premier ministre à risquer d'énormes apurements ou à entrer en conflit avec la Commission. Je considère que j'ai un contrat de confiance avec le Commissaire Fischler et je n'entends pas rompre ce contrat. Les éleveurs bovins français ont besoin de la Commission européenne ; les décisions prises en comité de gestion dont on connaît l'importance pour la régulation du marché bovin dépendent de la Commission.
A cet égard, la proposition d'abondement de la prime à l'abattage était peut-être envisageable, mais la modification par un pays d'une prime communautaire est clairement et de manière spectaculaire anti-communautaire et représente une véritable provocation. Donc, le dispositif que je vous propose est celui qui est le plus acceptable possible par la Commission.
Les propositions du Gouvernement
Le nouveau plan que je présente aujourd'hui répond à une volonté de simplicité et de rapidité. Les éleveurs ne peuvent attendre. A cet égard, j'ai examiné les solutions qui reposeraient sur l'examen individuel des factures des éleveurs : il faudrait une année de travail aux directions départementales de l'agriculture pour traiter tous les dossiers. Ce n'était donc pas envisageable eu égard à l'impératif de rapidité.
Je propose un dispositif comparable à celui de 1996, approuvé à l'époque par tous. Il s'élève aujourd'hui à des montants plus élevés, le Gouvernement ayant pris la mesure de l'ampleur de la crise. J'ai tenu compte le plus que j'ai pu des propositions, après avoir reçu individuellement toutes les organisations syndicales représentatives D'ailleurs, celles-ci reconnaîtront plusieurs de leurs idées dans le dispositif. Je vais vous donner le cadre général de ces mesures qui donneront lieu à une circulaire d'application. Je suis prêt, évidemment, à ce que certaines modalités techniques soient précisées avec les professionnels dans les jours à venir :
Pour aider des éleveurs à faire face à leurs difficultés financières, le dispositif de prêts bonifiés à 500 MF déjà existant est complété par une nouvelle enveloppe de 500 MF. Cette dernière permettra de consolider à 1,5 % des prêts contractés à taux normaux, alors que la précédente enveloppe consolidait les prêts contractés à taux déjà bonifiés Autrement dit, un éleveur qui a emprunté à 7,5 % (taux moyen actuel) ne devra plus rembourser que sur la base d'un taux à 1,5 %. C'est une aide en trésorerie tout à fait sensible.
Pour tenir compte de la situation particulière des récents investisseurs, les 200 MF du FAC de l'année 2001 seront destinés à des prises en charge d'intérêts pour les éleveurs dans cette situation. Ce faisant, le gouvernement indique qu'il entend aider en priorité les exploitations fragiles et les jeunes . Je rappelle que l'enveloppe du FAC au titre de 2000, d'un montant de 200 MF, est déjà répartie dans les départements et concerne en très grande priorité les éleveurs bovins.
Pour donner un signal de solidarité aux éleveurs du bassin allaitant, souvent fortement spécialisés, le complément national de PMTVA dont le gouvernement avait prévu la montée en charge sur trois ans sera versé intégralement dès l'année 2001. Cela représente un effort de l'Etat de 100 MF.
Pour soutenir la filière des veaux de boucherie durement touchée par la crise bovine et par l'augmentation de différents coûts, une aide directe de 100 MF sera mobilisée.
Enfin, j'ai proposé au Premier ministre qui l'a accepté une enveloppe d'un milliard de francs de solidarité à l'égard des éleveurs les plus touchés par la crise. Je veux insister sur l'approche générale qui nous guide : la solidarité nationale doit s'adresser à ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire aux petites exploitations, aux éleveurs très spécialisés et/ou qui élèvent des animaux pour l'exportation. Le Gouvernement se refuse à pratiquer un soupoudrage ou à mettre en place un dispositif qui favoriserait, en donnant une aide par animal à tous les animaux d'une exploitation, quelle qu'en soit la taille, les exploitations les plus importantes numériquement. Je veux sauver des exploitations et donc pouvoir donner assez aux plus faibles qui, on le sait, sont les plus vulnérables à la crise. La justice est une condition de l'efficacité.
J'ai donc choisi d'aider des exploitations dont le taux de spécialisation est supérieur à 30 % (part du chiffre d'affaires de l'exploitation provenant de la viande bovine). Le ciblage et la modulation de l'aide dépendent de la sensibilité croissante des exploitations à la crise :
en fonction des catégories d'animaux (broutards - jeunes bovins - vaches laitières) ;
en fonction de la spécialisation. Trois catégories sont prévues : CA entre 30 % et 50 % - CA entre 50 % et 80 % - CA au-delà de 80 %. C'est évidemment cette dernière catégorie qui bénéficiera de l'aide la plus élevée.
Au total, près de 100 000 éleveurs pourront bénéficier d'une aide, soit un éleveur sur trois. L'aide sera plafonnée à 30 000 F par exploitation sauf cas particulier comme celui des engraisseurs qui pourront obtenir jusqu'à 100 000 F. Les éleveurs bénéficieront d'aides assises sur le nombre d'animaux présents dans leur exploitation en début de la crise, soit le 1er novembre 2000.
Le montant global de 1 milliard de francs sera divisé en enveloppes départementales. A partir de critères nationaux, le directeur départemental de l'agriculture aura un pouvoir d'appréciation et de dérogation éventuelle pour ne pas exclure des cas particuliers difficiles. Les CDOA seront systématiquement consultées. Les professionnels pourront ainsi, dans un cadre pluraliste, faire valoir leur point de vue.
Je voudrais conclure en insistant sur trois points
Aucun dispositif n'est parfait. Celui-ci me paraît, à ce stade, le meilleur (ou le moins mauvais) parce qu'il est juste (il cible les éleveurs en difficulté et non les éleveurs qui ont le plus grand nombre d'animaux), et parce qu'il me paraît acceptable par l'opinion publique précisément parce qu'il est juste. J'ajoute que c'est un dispositif dont on peut penser qu'il sera le mieux reçu par la Commission.
Cet effort nouveau qui au total représente un montant de 1,4 milliard de francs d'aides directes nationales (à comparer aux 600 MF d'aides nationales de 1996, ce qui montre bien que le Gouvernement prend en compte l'ampleur supérieure de la crise) n'est pas exclusif des autres interventions de l'Etat. J'ai dit à plusieurs reprises que certaines mesures nouvelles venaient en complément de dispositifs déjà mis en place. Au total, l'aide à la filière bovine qui s'élevait à 1,6 milliard de francs jusqu'à ce jour (1,2 milliard de francs de financement national pour le retrait/destruction, 400 MF d'aides nationales diverses dont les mesures d'allègement de charges financières et des mesures de retrait du marché de plusieurs dizaines de milliers de broutards), auquel s'ajoutait 1,4 milliard de francs qui correspond à la contribution française au programme communautaire de retrait/destruction. Le montant global était donc de 3 milliards de francs. Il s'élève désormais à 4,4 milliards de francs. En outre, le coût des mesures sanitaires destinées à renforcer la confiance du consommateur (destruction des farines animales ; tests systématiques sur les animaux de plus de trente mois) approche les 7 milliards de francs.
J'ajoute qu'il nous faut donner des signes pour l'avenir. J'ai proposé en vain au Conseil des ministres de l'agriculture de l'Union européenne la réorientation des aides de marché, sur le modèle de ce que fait déjà la France avec la modulation. On pourrait, dans le cadre existant, passer à la dégressivité des aides si tous les pays de l'Union acceptaient volontairement de la mettre en uvre. Je regrette de n'avoir pas été entendu cette fois-ci, mais je suis convaincu qu'une nouvelle fois, tôt ou tard, on en viendra à la proposition de la France.
En outre, il faut donner un autre signal, sur le plan national, signal attendu par l'opinion publique et par les agriculteurs, en faveur d'une agriculture plus extensive et plus respectueuses de l'environnement et des paysages. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de réserver une enveloppe de 400 MF dans le fonds de financement des CTE et dans les aides communautaires à un CTE herbager qui ira dans ce sens. Il ne s'agit pas bien sûr d'une mesure de gestion de crise, mais il est de la responsabilité du Gouvernement de donner des orientations pour l'après crise. Les éleveurs qui s'engageront dans cette démarche bénéficieront donc d'un complément d'aides. "
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 2 mars 2001 )