Déclaration de M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, sur le travail des acteurs de la sécurité civile en Martinique, notamment en matière de lutte contre la délinquance, le trafic de drogue et l'immigration clandestine, Fort de France le 21 septembre 2007.

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Circonstance : Déplacement à la Martinique le 21 septembre 2007

Texte intégral

Monsieur le préfet,
Monsieur le commandant supérieur des forces armées en Martinique,
Monsieur le directeur départemental de la sécurité publique,
Monsieur le commandant de la gendarmerie de Martinique,
Monsieur le directeur régional des douanes,
Monsieur le directeur de la police aux frontières,
Monsieur le directeur des renseignements généraux,
Monsieur le directeur de l'antenne Caraïbe de l'OCTRIS
Monsieur le directeur du CIFAD
Monsieur le commandant de l'escadron de gendarmerie mobile de NIORT,
Mesdames et messieurs,
Vous le savez, le passage du cyclone DEAN m'a conduit a effectuer récemment deux déplacements consécutifs en Martinique dont l'un avec le Premier ministre. A l'occasion de ces deux voyages très rapprochés dans le temps, j'ai pu constater par moi-même votre mobilisation et votre engagement dans les opérations de protection et de secours aux populations.
Je sais que votre action a très probablement permis que le bilan humain, comparé à l'ampleur de la catastrophe, soit finalement mesuré. Je sais aussi que beaucoup d'entre vous, au plus fort du cataclysme, ont pris des risques physiques pour que la sécurité des habitants de ce département soit assurée et, pendant la phase des secours, pour que l'ordre public soit maintenu.
Au nom du gouvernement et au nom des Martiniquais, je vous exprime mes félicitations et mes remerciements. Sans formalisme particulier, je vous demande de transmettre ce message à tous les personnels militaires, policiers, fonctionnaires des douanes et gendarmes placés sous votre autorité, qui ont pris part à ces opérations et qui méritent notre reconnaissance.
Aujourd'hui, alors que j'effectue une visite - cette fois-ci programmée - de la Martinique, j'ai souhaité venir rencontrer et saluer les différents acteurs de la sécurité intérieure que vous êtes. Cette rencontre s'imposait, tant sont importantes pour la population et pour ce territoire les questions de sécurité. Mais pour moi, l'occasion de ce contact direct avec chacune et chacun d'entre vous est avant tout un plaisir.
C'est un plaisir car, dans mes fonctions d'élu local, dans mon activité de parlementaire puis dans mes responsabilités successives au sein du gouvernement de la France, les questions de sécurité ont toujours été au coeur de mes préoccupations. Alors, vous rencontrer ici, en Martinique, où les enjeux de protection des personnes et des biens sont si étroitement liés aux questions de développement économique et social et où les attentes - légitimes - de la population sont si fortes, était tout simplement pour moi une évidence.
En premier lieu, je veux vous dire que le gouvernement reconnaît - et apprécie à sa juste valeur - votre engagement dans la lutte contre la délinquance et l'immigration irrégulière et votre action en faveur de la sécurité routière, alors même que les actions qui sont portées contre vous sont parfois violentes, ainsi qu'on a pu malheureusement le constater une nouvelle fois le 10 septembre dernier avec l'agression inacceptable, dont l'adjudant Alain BRAULT de l'escadron de NIORT a été la cible sur la commune du ROBERT. Je lui renouvelle devant vous mon soutien et mes voeux de rétablissement rapide et complet.
Je veux ensuite vous féliciter pour les résultats que vous avez obtenus, d'abord sous l'autorité du préfet Yves DASSONVILLE, devenu depuis mon directeur de cabinet et aujourd'hui sous celle du préfet Ange MANCINI. Grâce aux opérations de redéploiements et aux renforts d'effectifs, grâce à votre action, le nombre d'infractions pour 1000 habitants est passé entre 2002 et 2006 de 62 à 52, ce qui est inférieur de 9 points au taux métropolitain. Depuis le 1er janvier 2007, le recul de la délinquance se poursuit dans le département : La délinquance générale accuse une nouvelle baisse de 3, 78 % et la délinquance de voie publique de 16, 28 %. Sur la même période, le taux d'élucidation global est passé de 37 à 40 % et celui de la délinquance de voie publique s'établit désormais à plus de 14 %.
Ces bons chiffres ne sont pas contestables et, encore une fois, je les mets à votre crédit. Mais, sur ces questions de sécurité, il faut rester à la fois modeste et lucide. Modeste et lucide parce ce que les attentes de la population - je le disais en ouverture de mon propos - sont encore très fortes sur le sujet. Modeste et lucide aussi, parce que les phénomènes de violences, associés ou non au trafic et à l'usage de produits stupéfiants, sont toujours très présents en Martinique : Déjà plus de 1500 faits de violences non crapuleuses commis dans le cercle familial et scolaire ou sur la voie publique ont été enregistrés depuis le début de l'année. Ce constat ne peut pas nous laisser indifférents.
En matière de lutte contre l'immigration, vous avez reconduit sur les huit premiers mois de 2007, 261 étrangers en situation irrégulière. Ce résultat est un peu inférieur à 2006 - 324 pour la même période - mais il est en rapport avec la moindre pression migratoire aujourd'hui subie par la Martinique. En effet, les diverses mesures prises par le gouvernement - je pense en particulier à l'accord signé avec Sainte-Lucie sur les réadmissions et à celui conclu avec la Dominique qui a permis d'imposer des visas aux citoyens haïtiens et dominicains - commencent à porter leurs fruits. La loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, actuellement devant le Parlement et qui sera de plein droit applicable ici, viendra bientôt consolider le dispositif.
Sur ce sujet, il ne faut pas se tromper. L'objectif du gouvernement n'est pas de vous amener à battre des records en termes d'éloignements ; l'objectif est de parvenir à une bonne maîtrise des flux migratoires. Je me réjouis donc qu'aujourd'hui un nombre moins élevé d'étrangers cherche à pénétrer illégalement en Martinique. Dans le même temps, je dis clairement que dans ce domaine, comme sur les autres aspects de la sécurité intérieure, l'Etat ne baissera pas la garde.
Pour l'avenir, conformément à la mission que Michèle ALLIOT-MARIE et moi-même avons reçue du Président de la République, le renforcement de la sécurité dans les départements et collectivités d'outre-mer et par conséquent ici en Martinique, sera notre priorité. Concrètement, les orientations que je porte pour le département sont de trois ordres :
Je vous demande de maintenir votre action pour conforter le recul de la délinquance avec un effort particulier dans le domaine des atteintes aux personnes, qui se situent encore à un niveau difficilement acceptable et dans celui du trafic local de stupéfiants, qui nourrit le phénomène d'insécurité, notamment dans ses aspects les plus violents ;
J'entends que l'action contre l'immigration irrégulière soit poursuivie et que des efforts réels soient accomplis en matière de travail illégal, car ces deux catégories d'infractions se nourrissent l'une de l'autre ;
Enfin, je souhaite une action plus résolue dans le domaine de la sécurité routière car trop de vies sont encore perdues ou gâchées sur les routes de Martinique.
Bien entendu, toutes les nouvelles dispositions législatives prises au niveau national et destinées à franchir une nouvelle étape dans la lutte contre la délinquance - je pense par exemple aux peines planchers et à la suppression de l'excuse de minorité pour les mineurs multirécidivistes - s'appliqueront ici en totalité, comme elles s'appliqueront d'ailleurs dans tous les autres départements de l'outre-mer.
Ces nouvelles mesures auront certainement un effet positif sur la délinquance et vous aideront dans votre tâche, mais là encore, il ne faut pas être naïf : tout ne viendra pas de la Loi seule. La délinquance est évolutive et multiforme. Nous devons être réactifs et nous devons aussi savoir évoluer dans nos méthodes de travail.
En matière de prévention, le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance est un bon outil pour mobiliser l'ensemble des acteurs concernés. Les analyses qui sont faites et les solutions qui sont arrêtées en commun par les élus, les magistrats, les responsables des services de police et de gendarmerie, comme avec les associations, sont à la fois pragmatiques et bien adaptées aux spécificités locales. Sur la base de cet exemple, il faut, partout où cela n'est pas encore le cas, développer les contacts avec les maires, qui sont devenus, de par la Loi, des acteurs essentiels dans le domaine de la prévention de la délinquance.
S'agissant de la répression, je souhaite que ce département se dote rapidement d'un groupe d'intervention régional avec une structure de commandement permanente. Ce type d'unité a fait ses preuves ailleurs contre l'économie souterraine et la délinquance organisée. La Martinique doit elle aussi pouvoir en bénéficier.
Le département accueille aussi sur son sol l'antenne Caraïbe de l'Office Central Pour la Répression du Trafic de Stupéfiants (OCTRIS) que je viens de visiter. Cette structure interministérielle voulue par Nicolas SARKOZY en 2003, et opérationnelle depuis septembre 2004, a vocation à lutter contre les narcotrafiquants dans l'ensemble de la zone Antilles - Guyane. Elle regroupe des policiers, des gendarmes, des marins, des douaniers et des officiers de liaison étrangers. Elle constitue, en quelque sorte, l'élément avancé du dispositif français destiné à contrer le trafic international de cocaïne entre l'Amérique du Sud et l'Europe. Je salue le bilan tout à fait éloquent que l'antenne est déjà en mesure de présenter, de même que je souligne l'engagement de la marine nationale dans ce combat.
Ici en Martinique, mais aussi en Guyane ou encore à Mayotte - pour ne citer que ces territoires - les armées ont un rôle à jouer en matière de sécurité. Elles entretiennent des compétences et elles disposent de matériels qui, intelligemment combinés aux moyens des forces de l'ordre, rendent l'Etat plus efficace lorsqu'il s'agit de contrer certaines menaces. A chaque fois que cela sera utile à la sécurité des territoires ultramarins, je veillerai donc à ce que l'intervention des armées dans ce type de missions soit facilitée.
Enfin, je ne peux pas venir ici en Martinique et parler de sécurité sans faire référence au centre interministériel anti-drogues de Fort de France. Le CIFAD, créé en 1992, est sans doute l'un des premiers organismes a avoir associé dans une même structure de formation des policiers, des gendarmes, des douaniers et des magistrats. Depuis longtemps ouvert sur l'international, cet outil spécifique à la région Antilles - Guyane contribue, tout comme l'antenne de l'OCTRIS, à servir la position et l'image de la France dans la région. Je félicite donc les cadres qui le font aujourd'hui fonctionner en ajoutant que je ne suis pas inquiet sur son avenir.
Vous le constatez, si je salue vos résultats et votre engagement dans la lutte contre la délinquance, je suis aussi résolument ambitieux pour l'avenir de la sécurité de la Martinique et des Martiniquais.
En effet, rien dans le domaine du développement économique et social, rien en matière de tourisme et de protection de l'environnement ou rien encore en termes d'éducation ou d'épanouissement des individus ne pourra se faire ici de sérieux et de durable, si la sécurité sous toutes ses formes n'est pas fermement maintenue.
Sur ce sujet essentiel, vous pouvez être assurés de mon soutien. Pour ma part, je suis convaincu de pouvoir compter sur votre détermination.Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 4 octobre 2007