Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de la consommation et du tourisme, sur "Radio classique" le 26 septembre 2007, sur l'augmentation des litiges concernant le téléphone mobile ou internet, la gratuité des temps d'attente des hotlines, la consommation des fruits et légumes ainsi que sur la réforme de la "loi Galland" et l'augmentation du pouvoir d'achat.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

Q- O. Nahum : Une petite anecdote rapportée par Libération, qui va peut-être vous amuser, D. Jeambar. C'était dimanche soir, les agences de presse AFP et Reuters, qui sont sérieuses, reçoivent un premier mail qui dit : "Disparition du Premier ministre". Un deuxième mail qui dit : "Disparition du Premier ministre". Et enfin un troisième mail qui rectifiait le tir : "Il s'agissait du Premier ministre qui parlait de la disparition du mime Marceau". Comme quoi, les agences sont quand même sérieuses de ne pas prendre en compte les premiers mails qui arrivent. Alors, L. Chatel, évidemment, le secrétariat d'Etat à la Consommation n'a pas disparu du Gouvernement...
R- Il n'a pas disparu.
Q-O. Nahum : Heureusement, vous en êtes...
Q-D. Jeambar : Il est là sous nos yeux.
Q-O. Nahum : Voilà. On peut le prouver, c'est du direct live.
R- Et la Consommation des ménages n'a pas disparu.
Q- O. Nahum : Alors, c'est vrai, vous avez été aidé par de bons chiffres, par de bonnes performances des Français, qui nous écoutent donc. Et, ce matin, quand on lit le résultat de cette table ronde que vous organisez avec les opérateurs téléphoniques, les dépêches - puisque ça nourrit quand même l'esprit du journaliste - mettent en avant la réaction d'UFC-Que Choisir, qui dit : "finalement, le ministre a été voir les opérateurs et il nous a promis certaines choses. Mais il y a une espèce de frilosité, parce que sur certains points, il n'ose pas aller plus loin. Il nous parle notamment de la gratuité du temps d'attente, si j'ai tout bien compris, et d'autres éléments". Est-ce que vous êtes frileux vis-à-vis de ces opérateurs téléphoniques ?
R- J'ai cru comprendre que vous veniez d'attirer notre attention sur le recul qu'il fallait prendre avec certaines dépêches.
Q- O. Nahum : Non.
R- Plus sérieusement, j'ai souhaité réunir l'ensemble des acteurs de la profession des mobiles et de l'Internet. Pour quelle raison ? Parce que c'est un sujet très important pour la vie quotidienne des Français. Les télécoms c'est aujourd'hui près de 4 % du budget des ménages, c'est environ 550 euros par an, et c'est un budget en constante augmentation. Mais c'est surtout le sujet qui concerne le plus les litiges qu'ont les consommateurs vis-à-vis de leurs opérateurs. J'ai publié hier des chiffres de la Direction de la concurrence et de la répression des fraudes, qui indiquent qu'au premier semestre de cette année, les litiges vis-à-vis des opérateurs de téléphonie et des fournisseurs d'Internet ont augmenté de 19 %. Donc, il y a de réels problèmes. Alors, je les ai réunis hier pour que d'abord on regarde la réalité en face. Les uns et les autres avaient pris 21 engagements il y a deux ans pour améliorer l'information et la protection des consommateurs. Il était normal, deux ans après, de regarder où on en était. Or les résultats sont très décevants, puisque sur les 21 engagements...
O. Nahum : Les opérateurs n'ont pas joué le jeu ?
R- Si vous voulez, ils ont joué le jeu pour 7 engagements, mais pour 14 engagements, c'est soit en cours de réalisation, soit ce n'est pas fait.
Q- O. Nahum : Alors, vous leur avez fait la leçon hier ?
R- Non, il ne s'agit pas de faire la leçon. Moi je veux qu'on arrête dans ce pays d'opposer liberté d'entreprendre et protection des consommateurs...
Q- O. Nahum : Pas toujours évident.
R- Oui, mais moi j'ai la conviction que c'est l'intérêt des professionnels, des entreprises, d'avoir des consommateurs en confiance, précisément, parce que plus ils se sentiront en confiance, plus ils auront envie de s'abonner à des services Internet, et je dis aux professionnels : plus vous rendez le consommateur libre, moins il est captif, plus il aura envie de faire jouer la concurrence, d'adhérer à des services, et au total, c'est l'économie du modèle qui sera profitable.
Q- E. Le Boucher : Ce n'est pas vraiment un message qui passe chez eux. Ils ont plus l'impression que plus ils gardent captifs leurs abonnés, meilleur c'est pour eux.
R- Alors, c'est la raison pour laquelle nous avons décidé de légiférer. Et c'est la nouveauté de la rencontre d'hier.
Q- O. Nahum : Dans combien de temps ?
R- Il y avait eu deux rencontres précédentes, qui avaient débouché sur des engagements, et qui ont donné lieu à des concertations. Eh bien, constatant les difficultés qui ne s'améliorent pas, eh bien j'ai décidé, l'ensemble du Gouvernement a décidé, de légiférer sur quatre points importants qui concernent nos concitoyens. Premièrement, c'est les délais de résiliation des abonnements de mobiles, qu'on va plafonner à dix jours. Deuxièmement, c'est les délais de restitution des cautions - vous savez, quand vous avez un décodeur et qu'il faut le ramener, vous changez d'opérateur, souvent, vous attendez deux ou trois mois qu'on vous rembourse. Pareil, on va les plafonner à dix jours. Troisième sujet qui est très important : c'est le problème des hotlines, qui est source de nombreux litiges. Nous allons inscrire dans la loi la gratuité du temps d'attente des hotlines. Il n'est pas acceptable qu'on continue des heures au téléphone, et qu'on nous facture...
Q- O. Nahum : Donc, ce sera gratuit ? Free sera obligé de faire sa hotline gratuite ?
R- Absolument. L'ensemble des opérateurs sera obligé, pour le temps d'attente. Et puis on réfléchit à une disposition sur la sur-facturation. Parce que le temps d'attente c'est une chose, mais ensuite, il y a beaucoup de services qu'on vous sur facture. Tout ça... Moi, il ne s'agit pas d'empêcher les entreprises de faire leur boulot. Il s'agit de faire en sorte que ce soit transparent. Qu'on vous facture un service c'est normal, rien n'est gratuit dans la vie. Mais en même temps, ce qui est très préoccupant, c'est un certain nombre de litiges, parce que ce n'est pas transparent. Moi ce que je souhaite, c'est améliorer les choses en les rendant plus transparentes. Et puis, dernier élément, c'est les fameuses "durées minimales d'engagement". Aujourd'hui, si vous regardez le marché du mobile en France - il y a 52 millions d'abonnés - les trois quarts ou les deux tiers du marché sont des marchés de forfaits. Vous avez un forfait... Eh bien, sur ce marché des forfaits, 75 % des consommateurs sont liés par des durées minimales d'engagement. Cela veut dire qu'on vous a offert le mobile, mais en contrepartie, vous avez un contrat de 24 mois. Ce qui fait que la concurrence qu'E. Le Boucher évoquait, en fait elle joue une fois tous les 24 mois. C'est-à-dire que quand vous êtes par un engagement, vous avez un concurrent qui vous fait une offre plus attractive, vous ne pouvez pas changer, parce que vous avez un engagement.
Q- E. Le Boucher : Justement, quel est le diagnostic que vous faites au fond ? Est-ce que la concurrence joue au moment de l'abonnement, c'est-à-dire qu'au fond les abonnements ne sont pas chers, et que du coup, les opérateurs se rattrapent sur tous les annexes, un petit peu comme les garagistes se rattrapent quand ils vous changent un pneu ? Est-ce que c'est cela qui se passe ? Dans ce cas-là, c'est le système même qui est mal fichu.
R- En France, la profession a développé un modèle économique basé sur le financement du terminal, du portable. C'est-à-dire qu'on vous offre le portable pour vous inciter à acheter des minutes de communication. C'est vrai que pour le consommateur, cela a été un modèle qui a été dans un premier temps bénéfique, puisque la pénétration du mobile été très élevée. Et aujourd'hui, comme je vous le disais, on est à 52 millions d'utilisateurs de mobile. Mais en même temps, moi je considère que la concurrence elle doit exister à tous les moments de la vie de la relation entre le fournisseur et son client. C'est notre devoir de veiller à ce qu'il n'y ait pas des verrous à la concurrence. Moi je signale que l'Autorité de régulation nous avait indiqué il y a deux ans qu'il y avait deux principaux verrous à la concurrence, et Dieu sait si les opérateurs ont été critiqués et même condamnés par les autorités compétentes sur le manque de concurrence. Ils nous avaient alerté sur ce qu'on appelle la "portabilité", c'est-à-dire le délai qu'il faut pour changer d'opérateur tout en conservant le même numéro. Nous avons réglé ce problème, on avait fait voter un amendement à l'Assemblée nationale qui ramenait le délai à dix jours, là où il fallait trois mois auparavant pour changer d'opérateur. Et ils ont attiré notre attention sur un deuxième sujet, qui est précisément celui des durées minimales d'engagement. Il faut qu'on règle ce problème.
Q- O. Nahum : On va parler de tous ces problèmes qui restent à régler.
Le temps d'une pause pour s'informer des nouvelles du monde...
[8h33 : 2ème partie]
Q- O. Nahum : À propos de consommation, il y a eu ce sondage qui a été publié hier par le Credoc, qui nous dit que nos concitoyens n'achètent plus de fruits et légumes, si j'ose dire, en tout cas, une partie d'entre eux, parce qu'ils trouvent que c'est trop cher. Et c'est pareil pour le poisson, ils ont le sentiment que cela a augmenté, que c'est difficile pour eux d'en acheter. Vous, qui êtes le secrétaire d'Etat à la Consommation, donc qui devez encourager les Français à consommer, cela ne vous inquiète-t-il pas, pouvez-vous faire quelque chose ?
R- Cela m'inquiète, et j'ai regardé avec beaucoup d'attention cette étude, et j'étais d'ailleurs hier aux "Entretiens de Rungis", qui étaient organisés sur le sujet du prix des fruits et légumes. Cela m'inspire deux remarques. La première c'est que, vous avez raison, sur le court terme, depuis deux ou trois ans, le prix des fruits et légumes, du poisson a augmenté. Mais dans l'étude du Credoc, il y a un chiffre très intéressant, qui montre que sur une longue période, ils ont regardé depuis 1979 l'évolution du prix en euro constant des fruits, des légumes et du poisson, eh bien sur une longue période, depuis 1979, le prix relatif a diminué, et il a diminué assez fortement, puisque pour un indice 100 en 1979, on est aux alentours d'un indice 88 aujourd'hui. Cela m'inspire quoi ? Cela m'inspire une deuxième réflexion qui est qu'en fait, on a assisté depuis 15-20 ans à une véritable mutation dans ce qu'est le budget d'un ménage. Il y a 20 ans, l'alimentaire, cela restait le poste essentiel de la vie des ménages, on était à 20-25 % du budget des ménages...
Q- D. Jeambar : Après le logement, oui.
R- ...On est aujourd'hui à 14 %. Et c'est le budget qu'on comprime pour, précisément, essayer d'accéder à...
Q- O. Nahum : A d'autres loisirs, d'autres services...
R- J'évoquais tout à l'heure la téléphonie, c'est 4 % du budget d'un ménage aujourd'hui, il a bien fallu le prendre sur quelque chose, alors que c'était 1 % il y a encore dix ans. Donc cela veut dire que le consommateur est encore plus exigeant sur les prix alimentaires, et il l'est d'autant plus qu'un certain nombre de prix sont symboliques. L'éternel sujet de la baguette, c'est-à-dire que la baguette ne coûte que 80 centimes d'euro, ou 78 plus exactement.
Q- O. Nahum : Voire plutôt 1 euro maintenant !
R- Cela dépend des baguettes, cela dépend des endroits, mais le prix moyen c'est 78,5 centimes, eh bien le prix de la baguette c'est faible, mais par contre, symboliquement, cela a un impact très fort auprès des consommateurs.
Q- O. Nahum : Au niveau du consommateur qui, donc, se trouve confronté à ce sentiment, puisqu'on sait que le ressenti, parfois, a plus de part que la réalité, pouvez-vous nous dire, ce matin, "écoutez, on va se pencher sur le [sujet] - vous êtes pour la concertation, on l'a bien compris -, on va un peu faire un effort, on va se pencher à nouveau sur tout cela de plus près ?
R- Nous, on a décidé d'agir. C'est-à-dire que je vais présenter avant la fin du mois d'octobre un projet de loi qui prévoit tout un volet, qui est la deuxième étape de la réforme de ce qu'on appelle "la loi Galland". Vous savez qu'en France, il y a une loi qui avait été votée au milieu des années 1990, qui avait pour objectif d'améliorer les pratiques entre distributeurs et industriels. Elle a eu un effet pervers, c'est qu'elle a entraîné des pratiques inflationnistes trop élevées et elle nous a amenés à constater en 2004 que, en gros, dans les hypermarchés, les produits avaient considérablement augmenté, et qu'en moyenne, on était 10 ou 15 % plus chers que les autres pays d'Europe. Là, nous avons engagé, suite aux tables rondes qu'avait initiées N. Sarkozy en 2004, une première étape de cette réforme en 2005. Elle a permis en deux ans, sur les produits vendus dans les hypermarchés, sur les produits de grandes marques, une baisse de 3,2 % depuis deux ans. Nous allons aller plus loin, c'est-à-dire que nous allons donner, à partir du 1er janvier, la possibilité aux distributeurs de réintégrer totalement les avantages qu'ils ont obtenus de leurs fournisseurs. Cela veut dire qu'on va remettre de la concurrence dans le système entre distributeurs. Il n'y a pas de secret. Il n'y avait plus de concurrence à l'échelle d'un bassin de vie, à l'échelle d'une zone de chalandise, entre distributeurs.
Q- D. Jeambar : Mais est-ce que cela suffit, précisément, de rétablir les marges arrière ?
R- Pas rétablir, les supprimer !
Q- D. Jeambar : Les supprimer, pardon ! Ne faut-il pas rétablir - c'est là où je voulais en venir - une vraie concurrence locale ? C'est-à-dire que dans les petites villes moyennes, il y a souvent deux supermarchés qui s'entendent en réalité ; ne faut-il pas en établir un troisième ?
R- Absolument, vous avez raison, c'est la raison pour laquelle nous travaillons également avec H. Novelli, qui est secrétaire d'Etat aux Entreprises, sur la réforme de la loi qu'on appelle "l'équipement commercial", c'est-à-dire l'ouverture des magasins et des grandes surfaces. Parce que là encore, nous avons une loi qui était censée être très protectrice et on s'aperçoit sur le long terme qu'elle n'a pas obtenu les résultats escomptés. Il y a eu l'année dernière près de 5 millions de mètres carrés nouveaux de grandes surfaces en France. Cela veut dire qu'en fait, la loi sur l'équipement commercial, c'est un peu une machine à dire oui lentement. Donc c'est un peu absurde parce qu'on empêche l'activité économique de se développer, on la ralentit considérablement et cela n'a pas l'impact initialement prévu, qui était de protéger le petit commerce contre les grandes surfaces. Donc, on travaille sur cette réforme et elle devrait être présentée dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie au printemps.
Q- D. Jeambar : Derrière tout cela, il y a une question que le chef de l'Etat a mis au centre de son quinquennat, qui est celle du pouvoir d'achat des Français et l'augmentation du pouvoir d'achat. Or, si j'en crois un sondage qui a été publié hier par Libération, 59 % des Français interrogés s'attendent à une dégradation de leur pouvoir d'achat dans les mois qui viennent. Bref, "le choc de confiance", qui était annoncé n'est toujours pas là. Pensez-vous que ce type de mesure peut le provoquer ? Et est-ce qu'au fond, déjà, vous n'êtes pas en situation difficile sur ce terrain que le chef de l'Etat considère comme essentiel ?
R- D'abord, j'ai regardé depuis vingt-cinq ans, quelle était l'appréciation des Français sur le pouvoir d'achat. C'est très intéressant parce que vous vous rendez compte qu'ils ne sont jamais satisfaits de leur pouvoir d'achat. A juste titre, parce qu'on voudrait toujours que son pouvoir d'achat augmente davantage. C'est la première remarque, il ne faut pas s'en satisfaire...
Q- D. Jeambar : Oui, mais l'inquiétude est forte, quand même...
R- ... Et c'est le deuxième sujet de préoccupation des Français aujourd'hui. Alors, qu'a-t-on fait ? J'ai essayé depuis le début de cette émission de vous montrer qu'à mon niveau j'agissais sur la compression d'un certain nombre de charges. La loi Galland va remettre de la concurrence pour faire baisser les prix. Ce que l'on fait sur les services, sur les téléphones, on va le faire sur les banques, on va le faire dans d'autres secteurs. L'objectif, c'est plus de transparence, plus de concurrence pour faire baisser les prix. Et puis, pour augmenter le pouvoir d'achat, il y a un deuxième sujet, c'est l'augmentation des salaires. A partir de lundi, le sujet des heures supplémentaires, cela va permettre à un Français sur trois, qui fait des heures supplémentaires, s'il fait quatre heures de plus par semaine et qu'il gagne le Smic, il va avoir à la fin de l'année quasiment deux mois de salaire en plus, net de charges. Donc on voit bien que l'objectif du Gouvernement c'est d'agir à la fois, sur la relance par le travail, tout le thème de la campagne de N. Sarkozy c'est cela, c'est le fait qu'à chaque fois qu'on peut le faire, on incite, on encourage les Français à travailler. Et puis de l'autre côté, tenter de comprimer les dépenses, les charges qui peuvent exister. Donc voilà la politique du Gouvernement. Alors, vous évoquiez "le choc de confiance", moi j'ai quand même deux indicateurs. Le premier, vous évoquiez en début de cette émission les sujets de consommation : j'observe qu'aujourd'hui, la consommation des ménages continue à bien se porter dans notre pays, c'est quand même un indicateur de confiance et c'est aujourd'hui le moteur de la croissance.
Q- D. Jeambar : On dit que c'était grâce aux soldes...
R- Les soldes, cela peut avoir un impact, mais j'observe sur une longue durée, c'est-à-dire que sur un an, la consommation des ménages continue à augmenter.
Q- D. Jeambar : Donc ce n'est pas "le choc de confiance" ?
R- Non, mais ce que je veux dire... D. Jeambar évoquait le fait qu'aujourd'hui on serait en situation difficile ; je n'ai pas le sentiment qu'on ait aujourd'hui une relation de défiance vis-à-vis des Français.
Q- O. Nahum : Moi, je cite H. Guaino qui, depuis New York dit, "nous sommes dans l'attente du "choc de confiance"...
R- Oui, mais encore une fois, les mesures que nous avons votées cet été sur les heures supplémentaires, sur les intérêts d'emprunt, elles ne sont pas encore en oeuvre. Donc, il y a un temps pour voter les lois, c'était le temps du mois de juillet, et il y a un temps pour la mise en oeuvre et l'application.
Q- O. Nahum : Au fond, les premiers résultats, vous les espérez pour quand ?
R- Prenons l'exemple des heures supplémentaires : la loi est applicable à partir de lundi, cela veut dire que d'ici la fin de l'année, sur deux mois d'activité, on pourra voir par exemple l'impact que cela aura eu sur certaines PME, et à la fin du premier semestre, on y verra sans doute un peu plus clair sur l'impact d'une telle loi.
Q- O. Nahum : Donc, à la fin du premier semestre. Avant de conclure notre entretien L. Chatel, il y a quand même tout ce qu'on évoque régulièrement ici, ce sentiment qui peut intéresser évidemment les Français - on en parlait dans le Parisien par exemple - sur comment cela se passe au sein du Gouvernement. Puisqu'il y a certes, la croissance etc., et puis il y a le Gouvernement qui dirige la France. On a eu le sentiment, à un moment, qu'il y avait quand même des bisbilles entre N. Sarkozy et F. Fillon. Denis a parlé ce matin d'H. Guaino qui recorrige F. Fillon. Alors vous qui passez pour un ministre très apprécié de N. Sarkozy - si j'en crois certains hebdomadaires -, comment cela se passe ? Il y a F. Fillon qui travaille en parfaite harmonie avec N. Sarkozy, il y a des divergences entre les deux hommes ?
R- Mais il se passe simplement, et je comprends que certains observateurs qui sont parfois un peu conservateurs soient surpris...
Q- O. Nahum : Vous ne dites pas cela pour Denis ?
R- Non, je ne dis pas cela pour Denis. Je dis cela pour une certaine presse qui voudrait voir des bisbilles partout. Il se passe simplement que nous avons changé d'époque, c'est vrai, on a changé d'époque. C'est-à-dire que la France, c'était un pays extraordinaire, c'est-à-dire que nous sommes le pays où le chef de l'exécutif, en l'occurrence le président de la République, a la plus grande légitimité. Dans toutes les grandes démocraties développées, c'est le chef du parti majoritaire qui a gagné les élections législatives, qui devient patron de l'exécutif, en général Premier ministre. Aux Etats-Unis, il y a un Président, mais il est élu au suffrage indirect. Nous, on a le chef de l'exécutif qui a la plus grande légitimité, qui passe un an à aller à la rencontre de la France, à s'engager personnellement sur un certain nombre d'orientations, et une fois qu'il était élu, ce Président nous expliquait qu'il allait confier la gestion de l'exécutif de manière déléguée à un Gouvernement, à un Premier ministre, et il se retirait à l'Elysée et on le voyait deux fois par an. Cela c'était avant. Eh bien, on a changé d'époque, c'est-à-dire que le président de la République, il s'est engagé lui-même.
Q- O. Nahum : Je crois qu'on a touts compris. Néanmoins, ce harcèlement quasiment hebdomadaire des collaborateurs du président de la République, il est assez surprenant. C'est-à-dire voir H. Guaino corriger les propos du Premier ministre depuis, en plus, New York - ce n'est pas dans la tradition française d'aller commenter la politique intérieure à l'étranger -, c'est tout de même assez surprenant !
R- Je n'ai pas le sentiment d'être harcelé, j'ai le sentiment d'un exécutif...
Q- O. Nahum : F. Fillon, en tout cas, lui, a l'air agacé. C'est lui qui l'a dit. Ce n'est pas du conservatisme, je ne fais que constater ce que disent les hommes politiques.
R- C'est la tradition pour la presse d'essayer d'enfoncer des coins là où il n'y en n'a pas. Moi, je ne vois pas du tout cela, je n'ai pas le sentiment d'être harcelé. On a un cap qui nous est fixé, on a un Président qui est très exigeant et c'est normal, nous avons été élus pour changer les choses, nous avons été élus pour que cela bouge. Et je rencontre dans ma circonscription des gens qui me disent, "mais allez y, tenez bon, allez au bout, parce qu'on vous a élus pour ça !". Donc il est logique qu'il nous mette la pression, si je puis dire, et il nous demande d'être très volontaristes.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 septembre 2007