Texte intégral
1. Des travaux originaux
Je suis heureux d'ouvrir ce colloque consacré à la PAC 2013 pour 4 raisons :
1ère raison : il vient à point nommé, à une période charnière pour l'avenir de notre agriculture : bilan de santé de la PAC mais surtout présidence française au cours du second semestre 2008.
2ème raison : il restitue des travaux originaux qui dépassent la prospective classique. Ce ne sont pas seulement des chiffres issus de modèles et de jeux d'hypothèses. A cet égard, la méthode que vous avez retenue avec des comités d'experts pluridisciplinaires qui ont élaboré les scénarii, et des panels de spécialistes qui ont approfondi des domaines moins quantifiables donnent une très grande crédibilité à vos résultats
3ème raison : il fournit des éléments pour le débat public. Vous connaissez l'importance que j'accorde au débat public. J'ai été à l'initiative de la loi qui a instauré La Commission Nationale du débat public et j'aime à rappeler la phrase de Harlem BRUTLAND « comprendre pour agir. » Je me félicite de la diversité des participants ici réunis : des organisations professionnelles agricoles, des universitaires, des associations, des journalistes, des parlementaires, des chercheurs. C'est en remettant l'agriculture au coeur du débat que l'on construira son avenir et non pas en l'isolant,
4ème raison : il donne aux politiques des éléments d'aide à la décision. Il permet de quantifier, de mesurer, de construire des scénarios. En ce domaine la recherche remplit totalement son rôle. Par ailleurs, je trouve le partenariat GROUPAMA / CREDITAGRICOLE, exemplaire d'une volonté d'anticipation partagée par les acteurs économiques et pas seulement une initiative de la puissance publique. Votre démarche traduit une nouvelle forme de responsabilité et je m'en félicite.
2. Ces travaux rejoignent mon ambition
Mon ambition est de relever la ligne d'horizon, de sortir d'une position défensive et donc d'accepter d'explorer les possibles sans complexe et sans tabou. Pendant trop longtemps on a cru que l'on pourrait tout bloquer et au dernier moment imposer notre point de vue. C'est une stratégie dépassée et c'est une stratégie du passé. On ne décrète pas seul ce que sera la PAC à 26 partenaires, si l'on n'a pas débattu et co-construit une vision partagée.
Cette ambition, elle est portée par les plus hautes autorités de l'Etat : le Président de la République l'a clairement affirmé à Rennes. La présidence française au second semestre 2008 sera l'occasion d'ouvrir un débat sur les orientations de la PAC à horizon 2013.
C'est le bon moment : avant les perspectives financières qui commenceront à se débattre après les élections européennes de 2009 et avec une Commission renouvelée.
C'est le bon moment parce qu'il faut du temps : mon expérience de Commissaire européen sur la politique régionale me l'a enseignée. En 3 ans, alors que plus personne n'y croyait, nous avons pu convaincre et préserver cette politique essentielle à la cohésion territoriale et donc politique et sociale de l'Union.
Votre échéance est donc la bonne : 2013 et non pas le bilan de santé de la PAC de 2008. La question, ce n'est pas de savoir si l'on découple plus, si l'on plafonne les aides, ou encore si l'on augmente la modulation. La question est à la fois plus simple et plus complexe : quels objectifs aujourd'hui assigner à une politique agricole ?
Chacun sent confusément que la donne a changé : un grand quotidien du soir ne titrait-il pas : le grand retour de l'agriculture ? Quand on parle d'indépendance et de sécurité alimentaires, de défi énergétique, d'enjeux écologiques, de cohésion territoriale, c'est d'agriculture dont on parle.
L'enjeu de notre agriculture demain sera de produire plus et mieux :
- produire plus pour répondre à une demande alimentaire qui va s'accroître. vous-même, vous l'avez estimée à un doublement d'ici 2050,
- produire autrement et mieux pour léguer aux générations futures une planète en bon état, pour ménager nos territoires.
Ce double enjeu simultané est une nouveauté pour l'agriculture à qui on a demandé de produire à l'origine de la PAC, à qui on a demandé ensuite de produire moins au milieu des années 80 puis à qui on a demandé de préserver l'environnement en ne produisant plus. Aujourd'hui, c'est l'intensification écologique qu'il faut viser.
3.Vos travaux éclairent le débat.
Puisque j'ai eu l'occasion, Madame la Présidente, de prendre connaissance des résultats de vos travaux, je voulais simplement vous dire combien ils éclairent l'acuité des débats en cours. Je n'en citerai que quelques uns car ils font écho au projet que je souhaite construire et porter au niveau européen :
- la nature du soutien à l'agriculture est posée. Comment aujourd'hui et demain faire face à la volatilité des prix ? Nous n'avons plus d'outils de régulation des marchés et d'orientation des productions. Et la bonne tenue des prix ne peut tenir lieu de politique. Il y a là un piège qui peut se refermer sur nous, si nous n'anticipons pas : certains voudront profiter de la bonne conjoncture sur les marchés pour réduire le budget de la PAC. Les chiffres que vous allez donner sur la corrélation baisse des aides et niveau de prix vont le quantifier. L'intérêt de vos travaux, c'est qu'ils vont au-delà et permettent d'identifier les sensibilités de telle ou telle production à tel paramètre au premier rang desquels le prix. Et, l'interrogation qui en découle : soutien du revenu et/ou stabilisation des marchés? sera au coeur de nos débats,
- l'avenir de l'économie agricole de nos territoires. Vous avez bien mis en lumière les incertitudes pesant sur la pérennité des productions animales à l'herbe selon les hypothèses retenues. Je les partage. Là aussi, la question du maintien d'une activité d'élevage dans des zones sans autre alternative sera au coeur de nos débats,
- les conséquences d'un accord à l'OMC. Vous le démontrez très bien : tout accord est défavorable pour notre agriculture même sur la base de la proposition de la Commission d'octobre 2005. Et nous le paierons en termes d'emploi, de richesse, et de revenus avec des effets contrastés selon les secteurs de production.
4. La nécessité d'un débat sur les objectifs d'une politique agricole.
Vos travaux ne font que renforcer la nécessité, l'urgence même d'un débat sur les objectifs d'une politique agricole. C'est cette conviction qui m'a conduit à lancer les assises de l'agriculture le 5 septembre dernier et à inviter chacun à apporter sa contribution. Un espace dédié va être prochainement mis en ligne sur le site du Ministère.
Ma conviction, après plus de trois mois à la tête de ce Ministère, c'est que nous avons besoin d'une agriculture de production, compétitive, durable, contractualisée avec son aval et ancrée dans les territoires. Et les seules lois du marché ne nous permettront pas de les atteindre. Quoiqu'en pensent certains : les politiques agricoles restent indispensables : leur absence ferait peser trop de risques aux populations et à l'environnement. Mais, elles doivent être élargies et devenir des politiques alimentaires, agricoles et rurales. J'ai donc mis en débat 4 objectifs pour une politique agricole renouvelée, sur la base des orientations du Président de la République :
- assurer l'indépendance et la sécurité alimentaires de l'Union européenne,
- contribuer aux équilibres mondiaux,
- réserver les équilibres économiques et écologiques des territoires ruraux,
- participer à la lutte contre les changements climatiques et l'amélioration de l'environnement.
Ces objectifs, si nous les partageons, et nous en discuterons, exigeront de nous de les mettre en oeuvre et donc de définir les meilleurs moyens pour les atteindre. Nous ne pourrons pas être ambitieux sur les objectifs et nous satisfaire du statu quo sur les moyens. Ou cela signifie que nous ne les atteindrons pas. Nous devrons faire des choix : tous ne seront pas faciles. Mais ils seront d'autant mieux compris que les constats, nos marges de manoeuvre, leur impact auront été identifiés et appropriés par tous. C'est cette perspective : quelle politique agricole en 2013 qui nous permettra de mettre en ligne les différentes échéances :
- le bilan de santé : comment par nos décisions aujourd'hui préparer la PAC d'après 2013 ?
- les perspectives financières : comment traduire en moyens les objectifs de notre politique agricole renouvelée et partagée ?
Dans cet exercice, vos travaux sont essentiels. Je ne sais si je vais partir au trot ou au galop, mais ce dont je suis déjà certain, c'est que je ne choisirai pas le pas.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 5 octobre 2007