Interview de M. Bruno Mégret, président du Mouvement national républicain, dans "Rivarol" le 10 octobre 2007, sur les difficultés financières et politiques rencontrées par la droite nationale, le traité simplifié de Constitution européenne ainsi que sur son opposition à l'Europe de Bruxelles.

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Média : Rivarol

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Rivarol : Quelles réflexions vous inspirent les derniers résultats électoraux et les difficultés politiques et financières des mouvements de droite nationale ces derniers mois ?
Bruno MEGRET : La droite nationale a connu un échec électoral de grande ampleur et la situation de nos mouvements, que ce soit le MNR ou le FN, n'est pas brillante tant sur le plan politique que financier. Pour autant, nos idées ont le vent en poupe. Nous ne sommes pas dans la situation du parti communiste qui connaît des difficultés majeures parce que ses idées sont en fin de course historique et qu'elles sont désavouées par la réalité. On peut même affirmer que nos idées n'ont jamais été aussi légitimes auprès des Français, puisque le président de la République a été élu en se servant d'elles. On peut donc, malgré les épreuves actuelles, considérer l'avenir avec un relatif optimisme.
Il ne faut pas se laisser impressionner par les succès électoraux factices et passagers de Sarkozy pas plus qu'il ne faut se laisser décourager par des défaites conjoncturelles de notre camp. Encore faut-il tenir bon dans notre combat et rester fidèle aux valeurs fondamentales qui sont les nôtres et qui nous guident depuis des années. Soyons sûrs que Sarkozy ne mettra pas en oeuvre les promesses qu'il a faites pour être élu. Sa démarche ne consiste pas à rompre avec le système mais à mettre en scène un simulacre de rupture pour sauver le système. Et si cette stratégie peut fonctionner le temps d'une élection voire même pendant un ou deux an après le scrutin, la réalité finira par l'emporter. Une nouvelle chance sera alors donnée à la droite nationale. A une seule condition : elle doit être capable le moment venu d'offrir une image positive, valorisante et séduisante. Il lui faut donc assurer sa rénovation voire sa refondation pour offrir enfin aux Français une alternative crédible.
Rivarol : Mais comment pourront se faire concrètement ce rassemblement et cette rénovation de la droite nationale alors même que le MPF s'inscrit désormais résolument dans la majorité sarkoziste et que le FN ne souhaite pas d'alliance d'appareil avec le MNR ?
B.M : S'agissant du MPF, sa nouvelle orientation est en effet très regrettable. On a vu Philippe de Villiers expliquer pendant toute sa campagne présidentielle qu'il avait enfin rompu avec le système, qu'il était prêt pour cela à renoncer à son implantation locale, à sa présidence du conseil général de Vendée. Il disait avoir compris qu'il n'y avait plus rien à attendre du système et voilà qu'il passe maintenant des alliances avec l'UMP. Cette attitude déçoit beaucoup, y compris à l'intérieur du MPF.
Pour autant cela ne me fais pas changer d'avis. Je suis depuis longtemps partisans d'un rassemblement de la droite nationale et d'une refondation de notre courant de pensée. C'est la raison pour laquelle j'ai accepté de jouer le jeu de l'Union patriotique pendant la présidentielle et que j'ai à cette fin retiré ma candidature pour soutenir celle de Jean-Marie Le Pen. Je regrette très sincèrement que ce projet n'ait pas pu se concrétiser à cause de Marine Le Pen qui l'a systématiquement sabordé. C'est lamentable car lorsqu'on ambitionne de diriger une formation politique, on doit avoir suffisamment de hauteur de vue pour dépasser des aigreurs et des rancunes anciennes afin de rassembler le plus largement possible. D'autant que ce rejet de l'Union patriotique a été doublement dommageable : non seulement c'est une opportunité qui a été gâchée mais c'est aussi un message très négatif qui a été envoyé à l'opinion publique pendant la campagne, à savoir que les soutiens à la candidature de Jean-Marie Le Pen n'étaient pas les bienvenus. La vérité, c'est que Marine Le Pen se place en héritière - aujourd'hui d'ailleurs elle ne s'en cache plus - et dans cette affaire elle redoutait de perdre la main. En clair elle a fait passer ses intérêts personnels d'appareil avant l'intérêt politique de notre combat.
Ce comportement est pitoyable, mais il ne nous arrêtera pas car il faut construire ce rassemblement et nous entendons y travailler quelles que soient les oppositions. Nous savons d'ailleurs qu'une large majorité des militants et cadres du Front national est favorable à l'union. Laquelle pourra commencer à prendre forme aux municipales quelle que soient les aigreurs d'un petit clan. Certes ces élections seront difficiles car elles seront encore marquées par les revers que nous avons subis à la présidentielle et aux législatives, mais dans beaucoup de villes où il y a des responsables déterminés et enracinés nous pouvons obtenir de bons scores. Aux municipales, l'union devra donc se mettre en place à la base de manière concrète, pragmatique et décentralisée. Jean-Marie Le Pen a d'ailleurs dit qu'il était d'accord sur le principe. Nous sommes également ouverts à une alliance avec le FN aux cantonales.
Rivarol : Sur quel projet refonder la droite nationale ? Sur son blog, Jean-François Touzé demandait à la direction du FN de clarifier le positionnement politique, son programme et son mode de fonctionnement interne. Comment vous situez-vous dans tous ces débats ?
B.M. : Jean-François Touzé a eu tout à fait raison de poser ces questions concernant le Front national. Je crois en effet que Marine Le Pen a créé un grand trouble dans les rangs du FN sur la ligne et sur les idées qui étaient défendues. Il faut maintenant remettre de l'ordre dans les esprits. De ce point de vue, une idée-force doit prédominer : la défense de notre identité, nationale et européenne. Cela implique que l'immigration soit publiquement dénoncée comme la menace numéro un pour notre nation. Il faut également en souligner les conséquences désastreuses pour l'avenir de notre civilisation. C'est tout le problème de l'islamisation de notre pays et de notre continent que le MNR a d'ailleurs été le premier à dénoncer. Par ailleurs, le processus de mondialisation qui se développe sur les plans culturel, économique et social doit être vigoureusement combattu. Le combat contre l'immigration et la mondialisation doit structurer notre pensée politique.
Il ne faut pas nier par ailleurs le clivage fondamental qui existe entre la droite et la gauche. La droite, ce n'est pas ce qu'en dit la gauche. Il y a une philosophie et une vue du monde de droite qui consistent à voir l'homme tel qu'il est et non comme une matière brute à façonner, qui s'attachent à la réalité des communautés humaines, au fait que l'histoire n'est pas écrite et qu'il n'y a pas de déterminisme. Il est donc absurde de vouloir faire une espèce de synthèse de nos idées avec le marxisme, comme prétendent le faire certains proches de Marine Le Pen. Le moment est venu de réenraciner la droite nationale dans ses convictions tout en l'adaptant aux nouvelles données du monde d'aujourd'hui. Or, si ce début de XXIe siècle est marqué par le phénomène de la mondialisation, il voit aussi renaître des identités fortes et des civilisations qui s'affirment avec vigueur comme la Chine ou l'Inde. Le monde dans lequel nous entrons est multipolaire, il est caractérisé par le choc des civilisations. Dans ce contexte c'est notre pôle de civilisation européenne et chrétienne qu'il nous faut prioritairement défendre. Et c'est par rapport aux menaces nouvelles qui pèsent sur lui que nous devons actualiser notre pensée politique, renouveler nos propositions tout en restant fidèles aux valeurs et principes fondamentaux qui sont les nôtres.
Rivarol : En évoquant comme vous le faites la notion de choc des civilisations et en insistant sur le combat prioritaire contre l'islam, ne risque-t-on pas de faire siennes des positions occidentalistes qui consistent à s'aligner inconditionnellement sur la politique des Etats-Unis et d'Israël considérés comme des alliés contre le danger arabo-musulman?
B.M. : Il ne faut pas sombrer dans des schémas simplistes. Quand on prend en compte le choc des civilisations, il y a bien sûr la nécessité de défendre notre civilisation européenne et chrétienne face à l'islam, mais il ne faut pas voir tous les problèmes à travers ce prisme car le monde, je l'ai dit, est multipolaire, il n'est pas structuré par un antagonisme occident-islam. La réalité de la menace islamiste ne doit pas nous conduire à nous aligner sur les Etats-Unis. Ceux-ci constituent en effet un pôle de puissance autonome qui, contrairement à ce que l'on dit, n'est pas un ami de l'Europe car il cherche à la vassaliser. Nous devons donc défendre notre identité et notre indépendance nationale et européenne face au pôle islamique mais aussi face au pôle américain. Il faut donc adopter une position d'équilibre qui est bien dans la tradition française. Ce qui n'est pas le cas actuellement car, avec Sarkozy, la France ne s'oppose pas à l'islamisme sur son sol et à l'extérieur elle s'aligne de plus en plus sur les Etats-Unis.
A cet égard, je déplore les déclarations bellicistes et irresponsables de Bernard Kouchner à l'encontre de l'Iran. Sur la question délicate du nucléaire iranien, j'ai en effet une position nuancée. D'un côté les nations ont des droits égaux et l'Iran est une nation souveraine qui doit être respectée en tant que telle. Mais, d'un point de vue pragmatique, je considère que moins il y aura de nations à posséder la bombe atomique, mieux le monde se portera. Il faut donc pousser l'Iran à respecter les engagements qu'il a pris en signant le traité de non dissémination des armes nucléaires sans pour autant s'engager dans des démarches guerrières inconsidérées.
Rivarol : Que pensez-vous du traité simplifié de Nicolas Sarkozy et plus généralement quelle attitude doit adopter la droite nationale par rapport à l'Union européenne, sachant que vous vous étiez prononcé pour le maintien de l'euro ?
B.M. : Dans cette affaire, Nicolas Sarkozy se moque du monde et trompe les Français. Son traité simplifié, c'est la reprise pure et simple de la Constitution européenne à l'exception de quelques symboles comme l'hymne ou le drapeau qui sont d'ailleurs déjà utilisés comme tels. Il n'a de plus rien de simple puisqu'il comporte d'ores et déjà plus de 3000 pages. Or si le projet de constitution de Giscard d'Estaing devait se substituer à l'ensemble des traités précédents, ce texte viendra seulement s'ajouter à ceux qui existent pour les modifier et complexifier ainsi encore davantage l'écheveau inextricable des textes européens. Il faut donc s'y opposer, particulièrement parce qu'il ouvre la voie à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Sarkozy s'était pourtant engagé à refuser cette intégration pendant sa campagne présidentielle. Or, non seulement il nomme un ministre des Affaires étrangères et un secrétaire d'Etat chargé des questions européennes favorables à l'entrée d'Ankara dans l'UE, non seulement il donne son accord à la poursuite et au développement des négociations avec la Turquie mais il vient d'ouvrir la porte à un abandon du référendum pour les nouvelles adhésions à l'Union. Il envisage ainsi de faire sauter le seul verrou qui nous permettait le moment venu de bloquer cette adhésion. Sur cet enjeu majeur pour notre avenir il y a donc un reniement total de Sarkozy.
Par ailleurs, nous devons continuer à nous opposer à l'Europe de Bruxelles qui est destructrice de nos identités, hostile aux nations et soumise aux Américains. Mais nous ne pouvons nous contenter de vouloir sortir de cette Europe-là, il faut aussi proposer l'organisation de ce pôle de civilisation qu'est l'Europe et chercher, dans le monde multipolaire qui est maintenant le nôtre, à l'ériger en une grande puissance planétaire. Il faut donc modifier en profondeur l'organisation bruxelloise pour édifier un autre type d'organisation à l'échelle du Vieux Continent qui respecte les nations mais qui rende à l'Europe sa puissance pour défendre l'identité des pays européens, leur indépendance collective et les valeurs de leur civilisation commune.
Propos recueillis par Jérôme BOURBON
source http://www.m-n-r.net, le 16 octobre 2007