Tribune de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, dans "La Tribune" du 25 octobre 2007, sur la politique économique et sociale de l'Union européenne en faveur de la croissance, intitulée "L'heure de la relance européenne a enfin sonné".

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : La Tribune

Texte intégral

L'Union européenne est de nouveau en ordre de marche. L'accord de Lisbonne sur le nouveau traité conclu le 19 octobre clôt une longue période de doute institutionnel et donne enfin à l'Union les moyens d'action correspondant à ses ambitions. En soi, cela justifie tous les risques pris au nom de l'ouverture. Cette relance n'est ni de droite ni de gauche. Elle permet de nouvelles politiques.
Pour y arriver, il faut un environnement économique favorable, notamment au plan monétaire. La solidité de l'euro contribuera à la stabilité des prix ; le renchérissement du coût du crédit après les turbulences financières de l'été - en dépit de ses inconvénients pour chacun d'entre nous - a pour conséquence de contenir les tensions inflationnistes, ce qui est important dans la conduite de notre politique monétaire. On peut regretter que la coordination internationale reste aujourd'hui insuffisante pour permettre une évolution plus ordonnée des changes et le renforcement de la stabilité et de la transparence financières. A cet égard, l'adoption d'une déclaration commune le 19 octobre par N. Sarkozy, A. Merkel et G. Brown montre que les Européens entendent jeter les bases d'une coordination plus efficace au niveau international.
Renforcer la politique industrielle. Au-delà du maintien de conditions économiques généralistes favorables, l'Union européenne doit prendre l 'initiative de politiques actives de soutien aux entreprises. C'est pour cela que la France fait deux propositions : premièrement, renforcer la politique industrielle européenne en développant des partenariats public-privé ; deuxièmement, aider les PME par un Small Business Act européen qui leur réserve une part de la commande publique, notamment aux plus innovantes, celles parmi lesquelles se trouvent les champions mondiaux de demain.
Pour créer plus d'emplois, l'Europe doit également se mettre au niveau des économies les plus compétitives. Elle doit aussi prendre en compte les effets du changement climatique, ceux du vieillissement démographique sur nos finances publiques et anticiper l'émergence d'une économie de la connaissance. Elle ne pourra pas y parvenir sans rénover ses politiques et ses moyens. Le débat sur l'avenir des politiques communautaires et leur financement lui donnera une occasion unique de s'y préparer. Cette refondation ne pourra se faire sans renforcer la dimension sociale du projet européen.
Loin de s'opposer à la compétitivité, le modèle social européen est un des éléments de la croissance durable et équilibrée. Il faut se féliciter des premiers signes tangibles d'une relance du dialogue social européen dont j'ai pris la mesure lors du sommet social de Lisbonne, le 18 octobre. Quelles sont aujourd'hui les nouvelles réalités sociales auxquelles les Européens sont confrontés ? La mobilité des travailleurs et des jeunes, l'égalité hommes-femmes, la sécurité au travail, la sécurisation des parcours professionnels, la cohésion sociale. Sur tous ces sujets, la France entend donner une impulsion forte durant sa présidence de l'Union en 2008 et faire des propositions innovantes. Deux exemples : porter le projet de "revenu de solidarité active" de Martin Hirsch et élargir au-delà du monde universitaire le programme Erasmus à un plus grand nombre de jeunes, sans distinction de qualification.
Dans le même temps, nous devons être plus présents sur la scène économique internationale. Il ne s'agit pas de protectionnisme, mais d'une réponse lucide et décomplexée à la mondialisation et à l'affirmation des pays émergents. Déjà la réciprocité n'est plus un tabou dans les discussions européennes. Le début d'un dialogue politique avec la Chine sur les changes montre que les Européens comptent parler d'une voix plus forte des questions monétaires. Le renforcement de la protection du capital des entreprises stratégiques en Europe face aux possibles visées extra-économiques de certains fonds souverains devient une évidence. Ces inflexions montrent la pertinence d'une action collective des Européens.
Mieux utiliser notre marché intérieur. Il faut aller plus loin, défendre les règles de la propriété intellectuelle, promouvoir une concurrence loyale. Nous devons ainsi créer un véritable Gafi de la contrefaçon, comme l'a recommandé la Commission sur l'économie de l'immatériel. Il s'agit aussi de mieux utiliser notre marché intérieur pour faire des normes européennes les prochains standards mondiaux. Enfin, ne négligeons pas le potentiel de croissance considérable de notre voisinage européen, à l'est comme au sud. C'est tout le sens de nos nouveaux liens avec les pays d'Europe centrale et orientale. C'est une dimension importante de l'Union méditerranéenne qui, fondée sur des projets concrets (environnement, énergie, PME...), doit promouvoir des solidarités pour plus de stabilité. C'est ainsi que l'Europe montrera qu'elle porte des valeurs et du sens. Modèle de droit et d'efficacité économique sans équivalent au monde, elle demeure attractive. La soif de la rejoindre de nombre de ses voisins en témoigne. Elle doit plus que jamais savoir être offensive et ouverte, défendre ses intérêts tout en assurant à tous la sécurité dans le changement. Servir cette grande ambition, tel est l'objet du nouveau traité.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 octobre 2007