Déclaration de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, sur l'action départementale en faveur des sans-abris durant la période hivernale, Paris le 19 octobre 2007.

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Circonstance : Présentation de la circulaire hivernale en faveur des sans-abris à Paris le 19 octobre 2007

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Il y a deux jours, j'étais sur le parvis des droits de l'Homme au Trocadéro à l'occasion de la vingtième Journée mondiale du refus de la misère. Me voilà aujourd'hui devant vous pour présenter l'action départementale destinée comme chaque année, à susciter dans tous les départements français une vigilance et une action accrue en faveur des sans-abri durant la période hivernale.
De toutes mes attributions, le dossier des sans-abri est celui auquel j'attache le plus d'importance. Et je m'honore, d'avoir été choisie pour être en quelque sorte... le ministre des pauvres de ce pays. Cette responsabilité vient consacrer 25 ans d'engagement politique au service des plus humbles de mes concitoyens. L'abbé Pierre disait joliment qu'il voulait être la « puce asticotteuse » qui empêcherait que les consciences ne s'endorment. C'est modestement le rôle que j'entends jouer au sein du gouvernement. Le président de la République connaît mon combat et je le remercie pour le soutien qu'il a bien voulu m'apporter avant hier au Conseil économique et social.
Vous le savez, notre mobilisation s'inscrit cette année dans un contexte particulier : celui de la réforme du dispositif d'hébergement engagée dans le cadre du Plan d'Action Renforcé en Direction des Personnes Sans-Abri, le PARSA, et plus précisément encore, dans le cadre du principe de « non remise à la rue » des personnes accueillies qui, à été consacré par la loi sur le droit au logement opposable. Toutes les personnes qui le souhaitent doivent pouvoir bénéficier d'un accueil et d'un hébergement quelle que soit leur situation administrative. Toute femme, tout homme accueilli dans une structure d'hébergement d'urgence doit désormais pouvoir y demeurer, hiver comme été, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée vers un hébergement stable. Nul ne sera plus reconduit vers la porte au matin.
Nous sortons donc une fois pour toute du dispositif « période estivale / période hivernale » qui se déployait pendant les grands froids pour se replier, à la manière d'une peau de chagrin, dès l'arrivée des beaux jours. Nous tournons définitivement le dos à la seule logique de l'urgence pour entrer dans l'ère de la pérennisation et de la stabilisation.
1) Comme les hivers précédents, les capacités d'accueil, d'hébergement et d'insertion doivent en tout état de cause pouvoir être immédiatement renforcées en cas de froid extrême ou d'intempéries particulières . C'est l'objet de cette circulaire qui vous a été remise dans votre dossier.
En partenariat avec les présidents de conseils généraux, les maires, les autorités militaires et les responsables des établissements de santé, nous allons identifier tous les sites susceptibles d'abriter les sans-abri autant que de besoin.. Je pense en particulier aux personnes qui ne fréquentent pas nos centres le reste de l'année. Le nombre d'écoutants du 115, la ligne téléphonique d'urgence pour les sans-abri seront ajustés en conséquence, tout comme les maraudes. Dans chaque département et chaque grande ville, un ou plusieurs lieux d'accueil de jour seront ouverts, y compris la nuit, afin que les personnes qui ne souhaitent pas d'hébergement puissent toutefois trouver se mettre au chaud et se reposer momentanément.
Le second changement notable cette année, c'est que je veux laisser à la libre appréciation des des Préfets et de leur « bras armé », les DDASS le déclenchement des mesures exceptionnelles. Grâce au partenariat que nous avons développé avec Météo France depuis 2002, chaque département dispose dorénavant d'éléments météorologiques à J et J+3 sur la température, la force du vent et ce que Météo France appelle la température ressentie, traduisant l'impression de froid résultant de l'action conjuguée des deux paramètres précédents. Mais il ne sera plus fait référence à des niveaux à caractère national déterminés en fonction des températures. C'est au niveau local que doit revenir pleinement la responsabilité d'ajuster les moyens nécessaires.
J'ai demandé à ce que tous les comités de pilotage départementaux de la veille sociale soient réunis dès à présent. Ils devront suivre et ajuster localement le dispositif. Naturellement une cellule de veille nationale sera assurée par mon cabinet et mes services afin que nous puissions surveiller en permanence l'évolution de la situation et des difficultés qui pourraient survenir sur le terrain.
2) En ce qui concerne la poursuite de la mise en oeuvre du PARSA
D'ores et déjà, je signale à votre attention que j'ai installé depuis quelques jours un secrétariat permanent du comité de suivi du PARSA. Cette formation allégée se réunit tous les 15 jours pour évaluer en continu l'avancement du Plan et pour prendre des décisions opérationnelles qui s'imposent permettant la mise à l'abri des personnes dépourvues d'hébergement. Des associations comme les Enfants de Don Quichotte mais aussi la FNARS et l'UNIOPSS en font évidemment partie.
Voici ce que je puis vous dire pour l'hébergement généraliste, sous ma responsabilité directe, sachant qu'il y a par ailleurs, le dispositif d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile, géré par mon collègue Brice Hortefeux.
En ce qui concerne l'extension des horaires d'ouverture des centres , le PARSA avait fixé l'objectif d'une ouverture en continu sous réserve que les associations gestionnaires le demandent. Au 31 août 2007, 9000 places sur un total de 15 600 places d'hébergement d'urgence recensées fonctionnaient 24h/24.
En ce qui concerne l'amélioration qualitative du parc d'hébergement . Le PARSA prévoyait l'ouverture de 6000 places de stabilisation par création ou transformation de places d'urgence. Au 15 septembre on recensait déjà 5 700 places stabilisées. L'objectif des 6000 places sera atteint fin 2007 ;
Le Plan prévoyait le passage sous statut CHRS de 4000 places d'hébergement d'urgence . Au 15 septembre 2 600 places avaient opéré la transition. 1400 devraient suivre d'ici à la fin de l'année, soit un total de 4 000 places. Le compte y est donc largement puisque parallèlement 500 places nouvelles de CHRS ont été créées cette année ;
Naturellement, je veille à ce que nous conservions un « volant de sécurité » de places d' urgence généralistes au sens stricte, pour pouvoir mettre à l'abri les nouveaux arrivants potentiels, le temps de leur offrir une solution stabilisée. A mi septembre nous en avions ainsi plus de 11 000 places. C'est à dire bien plus que ce qui était préconisé par le PARSA.
Nous allons organiser une veille pour faire en sorte qu'il n'y ait aucune pénurie de disponibilités d'accueil et que l'on puisse vraiment proposer aux personnes accueillies une solution durable.
Au-delà de l'adaptation de notre dispositif d'accueil et d'hébergement, ma préoccupation est de tout faire pour offrir aux personnes que nous hébergeons des solutions définitives de logement.
Je rappelle qu'actuellement près d'une personne sur deux accueillie en CHRS est un travailleur pauvre et presque un sur cinq en hébergement d'urgence.
Nous avons engrangé des résultats très appréciables même si nos objectifs ne pourront être atteints entièrement en 2007.
J'ai signé par exemple, au mois de juillet, un accord avec les partenaires sociaux du 1% logement pour dégager 3000 réservations de logements HLM au profit des travailleurs pauvres actuellement en CHRS, soient 1000 en 2007, 1000 en 2008, 1000 en 2009. Je travaille actuellement pour accélérer la mise à disposition de ces logements.
J'ai obtenu des mêmes interlocuteurs et avec l'ANAH, un accord conduisant à la remise en 5 ans sur le marché de la location de 70 000 logements privés aujourd'hui vacants. 10 000 d'entre eux seront également réservés aux travailleurs pauvres sortant de CHRS, soient 2000 chaque année à partir de 2008.
Je confirme qu'il faudra du temps pour réaliser le programme indispensable de 9 000 places nouvelles en maisons-relais prévues au PARSA. Près de 2000 places ont été créées depuis le début de l'année. 1800 sont en voie de réalisation, ce qui nous fait avoisiner les 4 000 places. Ce qui représente déjà un travail considérable. L'ouverture des maisons-relais est lente par définition car ce sont des projets lourds, très lourd. Il faut construire, organiser tout l'accompagnement social, s'assurer du soutien des élus pour mener ces projets jusqu'au bout. Cela ne se fait pas d'un claquement de doigts. Mais nous faisons notre maximum.
3) Un mot pour finir sur la veille sociale
La sinistre affaire du Malodore, a montré qu'il fallait être très attentifs aux problèmes d'occupation de l'espace public soulevés par certains maires et beaucoup de riverains.
J'ai décidé de mettre tout le monde autour de la table : des élus, des associations de lutte contre les exclusions, des représentants de riverains et enfin - car c'était primordial à mes yeux - des personnes accueillies dans les centres d'hébergement.
Nous allons regarder ce que l'on peut faire ? Ce qui a marché ici ou ailleurs. Comment on peut éviter que des situations locales ne s'enveniment.
Il n'y a pas de mystère, les arrêtés anti-mendicité sont pris la plupart du temps à l'encontre des sans-abri les plus « cassés », ceux qui victimes d'une désocialisation profonde. Le travail d'accompagnement qu'ils requièrent relève de la prise en charge lourde. Leurs perspectives d'insertion sont extrêmement ténues. Mais personnellement, je ne peux pas me faire à l'idée qu'on laisse sur nos trottoirs ou aux abords des centres commerciaux des êtres humains dans des situations aussi désespérantes.
J'ai demandé en tout état de cause à ce que soient renforcés les services de premier contact : les maraudes, l'accueil de jour, les services d'accueil et d'orientation et les services du 115. Le partenariat entre tous les professionnels doit être consolidé pour repérer les hommes et les femmes en très grandes difficulté et leur assurer un accompagnement au quotidien.
Les 64 millions d' euros qui viennent d'être délégués dans les départements doivent permettre de mettre en oeuvre ces orientations.
4) Un dernier point enfin sur la situation francilienne qui constitue à elle seule une bonne partie du problème :
Avec le Maire de Paris, nous avons conduit un travail fructueux, à notre grande satisfaction commune. Il m'a remerciée des efforts de l'Etat et la nouvelle relation de confiance qui s'est établie avec mes équipes.
Grâce au cofinancement de l'Etat et de la ville, 300 places d'hébergement d'urgence supplémentairement seront créées d'ici 2009. Paris disposera de 600 places supplémentaires au lieu de 300 initialement prévues sur la période 2005-2010.
J'ai apporté le soutien de l'Etat pour que soient créées 110 places d'hébergement et de stabilisation au Château Bellefontaine qui est une propriété de la ville de Paris en Seine et Marne. C'est un projet qui n'aboutissait pas depuis des années. Je souhaitais dénouer cette affaire. C'est en très bonne voie.
Nous sommes enfin convenus avec le Maire de Paris de financer ensemble un volant permanent de 150 nouvelles places provisoires d'hébergement à Paris
Il faut absolument traiter la question des sans abri au niveau de l'ensemble de la région Île de France. A ma demande, Pierre Mutz, préfet de région, va organiser une conférence régionale de l'hébergement. J'installerai cette conférence le 8 novembre prochain. Tous les grands élus d'Ile-de-France seront associés à ce travail et ensemble, nous allons décider des solutions les plus appropriées pour éviter coûte que coûte une crise analogue à celle que nous avons connue l'an dernier sur le Canal Saint Martin.
Mesdames, Messieurs,
La France présente depuis plusieurs années ce paradoxe scandaleux d'un pays qui voit croître l'exclusion en dépit de ses nombreux atouts. Le président de la République a clairement réaffirmé devant le Conseil économique et social qu'on ne pouvait plus simplement viser la réduction de la pauvreté, mais qu'il fallait avoir l'ambition de l'éradiquer. Ministre , ma vocation, j'en suis bien consciente, n'est pas d'adoucir ponctuellement les conséquences de l'exclusion mais bien d'extirper patiemment et inlassablement les racines qui l'établissent et l'entretiennent. C'est pourquoi je compte travailler sur tous les fronts : sur le plan du logement, sur le plan de l'aide alimentaire mais aussi de l'accès au soin et de l'éducation. Il n'est plus supportable que tant de gens soient mis à l'écart. Et je ferai tout pour leur redonner de l'espoir.
Source http://www.logement.gouv.fr, le 26 octobre 2007