Déclaration de Mme Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF, exposant les motifs de son refus de voter le projet de budget pour 2008 concernant la jeunesse et les sports, à Paris le 7 novembre 2007.

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Circonstance : Débat à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2008, budget sport, jeunesse et vie associative, Paris le 7 novembre 2007

Texte intégral

Monsieur le Président, Madame la Ministre, Monsieur le secrétaire d'état, Chers collègues,
Après ces moments forts que le Mondial de rugby nous a fait connaître, à quelques jours du Mondial de handball féminin que la France accueille, à quelques mois des Jeux Olympiques de Pékin, je veux ici souligner l'enjeu de la pratique sportive dans nos sociétés.
Soit elle est considérée comme un simple spectacle que l'on doit vendre au meilleur prix, au plus offrant, quitte à exiger toujours trop de ses acteurs et actrices,
Soit elle est considérée comme une activité essentielle au développement de chaque individu, comme aux rapports entre les individus et les peuples.
Si, et je veux l'espérer, vous partagez cette dernière option, cela appelle des actes :
* pour préserver le sport du tout-marchand en maintenant l'implication financière de l'Etat pour une pratique accessible à toutes et à tous quelque soit le niveau ;
* pour porter le sens du sport par l'existence d'une autorité sportive indépendante, le CNOSF, en charge de la vie du mouvement sportif, en charge des règles, des compétitions. Par un mouvement sportif unifiant, dans une démarche solidaire, sport de masse et sport de haut niveau, sport amateur et sport professionnel ;
* Pour conjuguer l'action de l'Etat et du mouvement sportif pour le développement et l'éthique du sport, pour maintenir la reconnaissance de la spécificité sportive au niveau de l'Union européenne ;
* Des actes pour favoriser l'accès de toutes et tous à la pratique sportive à tous les niveaux, cela veut dire moyens et visibilité au handisport et je veux vous féliciter pour l'alignement des primes. Cela veut dire redistribution de l'argent qui rentre dans le sport vers les clubs amateurs qui forment les enfants. Ne faut-il pas d'ailleurs augmenter le prélèvement prévu dans cet objectif sur les droits de retransmission ? Cela veut dire poursuivre l'action pour la pratique féminine de tous les sports et agir pour que toutes les délégations aux JO soient mixtes ;
* Pour aider enfin le mouvement sportif français à porter ce combat pour le sport à l'AMA comme au CIO.
Tous ces objectifs demandent une volonté politique, ils demandent des moyens ! Mais une nouvelle fois, le gouvernement n'est pas au rendez-vous !
Les crédits de la mission « sport, jeunesse et vie associative » sont en diminution et cette année encore, on veut cacher cette carence derrière les fonds du CNDS. Un CNDS dont les ressources risquent d'être fragilisées à court terme par la remise en cause du monopole de la Française des Jeux au nom du dogme de la libre concurrence prônée par l'Union Européenne !
Un CNDS qui voit ses compétences s'élargir pour pallier à la décision de votre gouvernement de diminuer de près de 50% les crédits pour la promotion du sport pour le plus grand nombre !
Un CNDS qui avait pourtant déjà du mal à accompagner les efforts remarquables des collectivités locales pour le financement des équipements sportifs !
Mais le haut niveau n'est pas mieux servi ! Puisqu'il se voit amputé de 32 millions d'euros au titre des compensations des allègements de charges liées au droit à l'image des sportifs professionnels.
C'est 21% des crédits consacrés au sport de haut niveau ! Une charge que les clubs professionnels, dont dépendent les mille bénéficiaires de cette mesure, devraient assumer.
32 millions, c'est peu de chose, en effet, au regard de certaines transactions, telle que les droits de retransmission de la LFP, environ 600 millions !
A moins de penser que la formation de leurs joueurs ne devrait rien aux clubs amateurs, à leurs bénévoles ?
Deux autres missions du MJS me semblent sous-estimées : la promotion des métiers du sport en diminution de 1,5% alors que c'est une question essentielle pour les clubs et leurs bénévoles, et le déploiement d'une politique de prévention contre les conduites dangereuses et de protection des sportifs, des sportives.
Sur ce dernier plan, permettez-moi d'exprimer une nouvelle inquiétude : les crédits stagnent par rapport à 2007 et il apparaît que la subvention accordée à l'Association française de lutte contre le dopage est inférieure au budget de fonctionnement prévisionnel.
Pourtant, tout justifie que le combat pour l'intégrité physique et morale des sportifs soit poursuivi et amplifié. Il faut développer les efforts de prévention, agir sans faiblesse dans la lutte contre le dopage, agir dans l'urgence afin que l'AMA garde une vraie ambition dans ses objectifs.
La France a marqué, par son engagement, cette lutte pour un sport propre, elle se doit aujourd'hui d'être à la hauteur des attentes qu'elle a soulevées.
Enfin, je veux souligner ici le rôle des personnels de Jeunesse et Sport, ils sont les points d'appui des clubs, des collectivités et des associations d'éducation populaires, les DDJS sont les acteurs clés des missions de l'Etat, nous devons leur attribuer les moyens humains dont elles ont besoin.
Chers collègues,
Notre pays compte 11 millions de licenciés, 25 millions de pratiquants, de très nombreux sportifs et sportives de haut niveau, une belle capacité à accueillir des événements internationaux, tout cela repose sur les bénévoles, les licenciés, les élus locaux mais aussi sur un engagement de l'Etat.
Un engagement porté par un Maurice Herzog comme par une Edwige Avice. Un engagement qui nous a réunis ici, sur la loi contre le dopage, sur des mesures pour les bénévoles ou sur une certaine conception du sport professionnel contre la loi de l'argent.
Alors agissons ensemble pour un budget qui donne acte à toutes ces exigences de la pratique sportive.
Faisons vivre le droit au sport !
Cela passe par plusieurs actions urgentes :
- il faut faire jouer le premier rôle à l'école, en assurant le développement des pratiques sportives avec des enseignants qualifiés, recrutés, formés, rémunérés par le ministère de l'Education nationale ;
- il s'agit d'affirmer la fonction de solidarité de l'Etat avec la restauration des coupons-sport, avec un statut et une couverture sociale assurée pour les sportifs de haut niveau, des subventions pérennes aux associations sportives, un statut du bénévole... ;
- il est nécessaire de combattre l'emprise de l'argent sur le sport en renforçant les règles financières et le contrôle des clubs, en revisitant le droit du travail dans ce secteur, en renforçant les solidarités entre sport amateur et sport professionnel ;
- il faut développer l'intervention des citoyennes et citoyens dans le sport, notamment en appliquant le principe simple « une licence, une voix »...
Madame la ministre, Monsieur le secrétaire d'état, le budget que nous examinons n'est pas un budget annexe, il est au coeur d'une nouvelle conception de l'émancipation humaine où l'être humain ne se définit pas que par son travail mais aussi dans son accès à toutes les voies de l'épanouissement individuel et collectif.
Le budget que nous examinons n'est pas annexe car il rencontre aussi les droits des enfants, des jeunes à pratiquer une activité éducative, à se connaître et à partager.
D'où notre exigence réaffirmée qu'il soit doté des moyens nécessaires !
Allez-vous répondre à ces attentes pour un nouveau déploiement de la pratique sportive, ou allez-vous suivre les logiques libérales qui veulent faire du sport une marchandise comme les autres ?
Je rêve d'une Assemblée Nationale capable de transformer la OLA des stades en actes politiques. C'est dans cette attente que nous voterons contre le budget qui nous est présenté.Source http://www.groupe-communiste.assemblee-nationale.fr, le 9 novembre 2007