Déclaration de M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, sur le thème de l'innovation et de la fonction publique, Poitiers le 23 novembre 2007.

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Circonstance : Conférence sur les valeurs, missions et métiers de la fonction publique à l'Ecole supérieure de l'éducation nationale à Poitiers le 23 novembre 2007

Texte intégral

Mesdames et messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que j'ouvre cette deuxième grande étape régionale de la Conférence sur les valeurs, missions et métiers de la fonction publique.
Comme chacun le sait désormais, notre discussion s'inscrit dans le cadre du grand débat national sur les valeurs, missions et métiers de la fonction publique, qu'Eric Woerth et moi-même avons lancé le 1er octobre dernier, en présence du Premier ministre.
Cette conférence de cohésion nationale, qui se déroulera jusqu'en mars 2008, entend dégager un constat aussi partagé que possible sur l'état et l'avenir de nos services publics et de notre fonction publique.
Ces mois de discussions et de contributions aboutiront, je le rappelle là aussi, à un livre blanc dont la rédaction a été confiée à un rapporteur général, M. Jean-Ludovic SILICANI, conseiller d'Etat, et à une rapporteure scientifique, Mme Catherine FIESCHI, politologue.
Nous n'avons pas voulu conduire la réforme en laboratoire. Aussi nous avons souhaité un débat non partisan, sans tabou, associant toutes les personnes intéressées, fonctionnaires comme non-fonctionnaires, représentants syndicaux comme employeurs publics.
Un site Internet est spécifiquement dédié au recueil des contributions sur le « SERVICE PUBLIC 2012 ». Nous avons déjà recueillies plus de 2.500 contributions, que nous exploitons.
Chaque mois, Eric Woerth ou moi-même sommes en région. J'étais à Rennes le mois dernier pour parler d'égalité d'accès à la fonction publique.
Je suis donc ravi d'être à Poitiers aujourd'hui. Quel meilleur écrin, d'ailleurs, que le site du Futuroscope pour parler du thème de ce jour : « la fonction publique et l'innovation » ?
Conformément à la ligne que nous nous sommes fixés, cette étape se fait dans une école formant des futurs fonctionnaires, école appartenant au réseau des écoles de service public.
L'Ecole supérieur de l'Education nationale n'a pas été choisi au hasard : vous connaissez mieux que quiconque l'importance de l'éducation nationale au sein de la fonction publique dans son ensemble.
Je suis donc ravi d'être à l'ESEN parmi vous, même si notre débat du jour ne portera pas sur les sujets « éducation nationale » en tant que tels. Xavier Darcos conduit par ailleurs ce type de réflexions et ce débat ne saurait s'y substituer.
Alors, pourquoi ce thème de l'innovation et de la fonction publique ?
C'est d'abord et avant tout parce que ce thème permet de parler positivement du travail des fonctionnaires, en rétablissant une vérité : oui, la fonction publique est innovante ; oui, l'innovation doit faire partie, plus que jamais, des valeurs fondamentales du service public.
Il y a deux façons de définir l'innovation. C'est, d'un côté, un processus : celui de la création, de l'invention, de l'imagination. Mais c'est aussi le résultat de ce processus et l'on parle alors volontiers des « innovations », notamment technologiques.
Je ne m'attarderai pas sur le rôle que les organismes publics peuvent avoir pour encourager l'innovation, notamment industrielle.
Les personnes qui m'accompagnent sur cette tribune et que je remercie pour leur présence pourront certainement en parler mieux que moi, notamment du pôle de compétitivité qui a été labellisé sur le site de Poitiers.
Je voudrais pour ma part, en quelques mots brefs et à travers des exemples, démontrer que les innovations sont au coeur du fonctionnement de nos services publics et que l'innovation doit aussi devenir, petit à petit, un principe de base de la gestion des ressources humaines de l'Etat.
1) Les innovations sont indéniablement très présentes dans nos services publics, en particulier dans la relation qu'ils entretiennent avec les usagers. C'est encore trop méconnu par le grand public, qui a souvent tendance à considérer que l'innovation n'est pas la première qualité des services publics.
Pourtant, le développement de l'administration électronique est l'illustration la plus spectaculaire de cette modernité croissante. Sait-on par exemple que la France est aujourd'hui à la 5ème place des eadministrations européennes, d'après l'OCDE ou qu'elle occupe les premières places en Europe pour le développement des services en ligne ?
Le développement des services innovants aux particuliers, aux entreprises, aux collectivités locales a été très rapide sur les dernières années. Chacun dispose désormais d'un formidable ensemble de services en ligne, qui vont du changement d'adresse ou de la demande d'actes civils en ligne à la consultation des marchés publics ou des montants de TVA en ligne pour les entreprises.
Les exemples sont très nombreux et vont bien au-delà de la déclaration des revenus en ligne, dont Eric Woerth peut attester du succès. 7,4 millions de personnes y ont eu recours en 2007, ce qui représente près de 25 % des déclarants, soit une forte augmentation par rapport à l'exercice antérieur.
Grâce à ces innovations, qui sont sources d'économies, le service public simplifie le service qu'il rend à l'usager, au citoyen, au contribuable, ce qui est, par essence, sa première mission.
Notre intention est bien évidemment de soutenir ce développement, en simplifiant les procédures. Je citerai, pour seul exemple, la délivrance des actes de naissance. C'est l'un des télé-services les plus utilisés au niveau national : 8.500 connexions par jour en moyenne, avec des pics à 12.000 connexions. Son succès est le fruit d'un travail qui associe étroitement l'Etat et les communes pour simplifier la vie des particuliers.
Notre souhait est désormais de développer ce service innovant en l'étendant aux demandes d'actes de mariage et de décès et en multipliant les communes partenaires.
Evidemment, l'innovation ne se limite pas aux seules innovations électroniques. Celles-ci peuvent parfois être sources d'exclusion pour ceux qui ne maîtrisent pas les nouvelles technologies. Il ne faut toutefois pas être trop alarmiste : d'après les sondages, plus d'un Français sur deux a déjà utilisé Internet pour effectuer une démarche administrative.
L'innovation doit également être recherchée dans la rationalisation et la simplification des démarches à faire pour les usagers. C'est tout le sens par exemple du développement des « Relais services publics » que le Gouvernement porte. Ce sont des points d'accueil des usagers, polyvalents et de premier niveau, qui s'appuient sur une collaboration entre plusieurs administrations. L'enjeu est de promouvoir la proximité et la qualité des services rendus, en coordonnant, en un même lieu, plusieurs services de base. L'ambition est de diffuser dans les régions et départements ces relais services publics.
L'innovation, enfin, s'exprime dans les démarches qualité qui sont conduites dans les différents domaines de l'action publique.
Prenez le cas de l'école qui sera cher aux élèves de l'Ecole supérieur de l'éducation nationale ici présents.
L'école peut et doit être innovante. Bien des expériences montrent que les démarches imaginatives existent pour accompagner au mieux les élèves. Sait-on par exemple que la France compte aujourd'hui 4 fois plus de tableaux blancs interactifs et de classes mobiles qu'en 2005 ? C'est tout l'enjeu aussi de l'espace numérique des savoirs, permettant de capitaliser les acquis des élèves et la mémoire des travaux d'une classe.
Tous ces exemples d'innovations montrent que les choses sont en train de bouger et que tout cela est positif pour l'usager, qu'il soit citoyen, contribuable, entrepreneur ou élève.
Il existe évidemment bien d'autres enjeux - plateformes téléphoniques, exemplarité des services publics pour la diversité sociale ou l'accès des personnes handicapées... - qui pourraient être ici évoqués. Mais je ne voudrais pas allonger exagérément le propos.
2) Mon souci, c'est également que l'innovation soit au coeur de la gestion des ressources humaines de l'Etat.
Les enseignements très riches des groupes de travail qui ont préparé nos débats de ce jour montrent que ce souci est aussi le vôtre. Je remercie, au passage, chacune et chacun d'entre vous de vous être si brillamment prêté à l'exercice. Vos propositions seront précieuses pour les débats en cours et le livre blanc.
Tous les projets que nous portons participent de cette ambition. Je pense notamment à la mise en place de filières métiers dans la fonction publique, qui seront beaucoup plus lisibles pour la carrière des agents eux-mêmes, pour leur mobilité, pour leur reconnaissance, que ne l'est actuellement le maquis des corps, des statuts et des procédures. Je pense aussi à la rénovation des modes de travail ou de la gestion du temps dans l'administration, pour lesquels il nous faut progresser. Vous l'avez vous-mêmes bien relevé dans les groupes de travail et nous travaillons sur tous ces sujets avec les partenaires sociaux.
La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) a également ouvert des perspectives nouvelles en responsabilisant tous les acteurs sur leurs objectifs et leurs résultats. Il faut en tirer les conséquences en matière de gestion des ressources humaines.
C'est pourquoi nous souhaitons rénover en profondeur toutes les missions de base du gestionnaire des ressources humaines, à savoir : anticiper, recruter, rémunérer, former et affecter.
Anticiper d'abord. Nous incitons actuellement tous les ministères à professionnaliser leur gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences. La LOLF, de même que les départs à la retraite, rendent l'exercice indispensable.
Deuxième mission : recruter. Nous avons lancé, dès cet été, une mission exploratoire sur la rénovation des modes d'accès à la fonction publique, dont les conclusions interviendront à la fin de l'année. Sans rien entamer du principe d'égalité qui préside aux concours, nous souhaitons en effet un système plus souple, plus réactif et plus tourné vers les compétences et aptitudes professionnelles des candidats. Notre intérêt porte en particulier sur les modalités de sélection fondées sur les mises en situation, ou sur les méthodes de détection des hauts potentiels.
Troisième mission : rémunérer. Le Président de la République l'a rappelé : il faut ouvrir le chantier des rémunérations pour qu'il soit davantage tenu compte du mérite, de l'implication, de l'expérience, des résultats des agents.
Comment pourrait-on encourager l'innovation ou la performance dans la gestion des ressources humaines sans récompenser un agent plus créatif, travaillant mieux ou plus ?
On le voit, c'est le principe d'équité entre les agents qui impose d'étendre la logique de la rémunération au mérite et en fonction des résultats.
Quatrième mission : former. Là aussi, je ferai valoir les avancées récentes que nous avons obtenues. Un décret du 16 octobre 2007 rénove en profondeur les outils de développement de la formation professionnelle des fonctionnaires, en créant notamment le droit individuel à la formation (DIF) pour les agents publics.
Ces nouveaux outils permettront une formation professionnelle tout au long de la vie, mieux ciblée sur les besoins. Comme vous l'avez souligné dans les groupes de travail, c'est une nécessité pour permettre aux agents d'être innovants dans leurs métiers.
Cinquième et dernière mission : affecter. C'est tout l'enjeu du développement de la mobilité au sein du secteur public.
Actuellement, la mobilité concerne moins de 5 % des agents. Le Président de la République a donc fait du droit effectif à la mobilité un chantier prioritaire. Un travail important est en cours pour développer des outils incitatifs et pour lever les freins existants. Nous en discutons avec les partenaires sociaux.
Là aussi, il faut être innovant et s'appuyer sur toutes les bonnes pratiques : bourses de l'emploi public, cellules de suivi des carrières...
L'innovation est donc en marche dans le secteur public et la fonction publique. Vis-à-vis des usagers mais aussi concernant les modes de gestion de l'administration.
Avec Eric Woerth, nous nous employons, par tous les moyens, à encourager cette dynamique.
Ma conviction, c'est en tous cas que votre engagement en tant que fonctionnaires ou futurs fonctionnaires sera le meilleur garant de cette administration moderne et performante, que nous appelons de nos voeux.
Mais je n'ai que trop parlé.
La parole désormais est à vous.
Je vous remercie.
Source http://www.ensemblefonctionpublique.org, le 29 novembre 2007