Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur l'engagement du gouvernement pour rétablir la confiance en France en augmentant la croissance, réduisant le chômage et l'endettement, les mesures prises pour y parvenir et sur la présence de la France sur la scène internationale, Buenos Aires le 9 décembre 2007.

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Circonstance : Voyage en Argentine du 8 au 10 décembre 2007-réception de la communauté française de Buenos Aires le 9

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, je voudrais vous dire le très grand plaisir que j'ai avec Christine Lagarde, avec Martin Hirsch, avec Roland Du Luart qui préside le groupe d'amitié France - Amérique latine et qui est en plus mon voisin dans le département de la Sarthe, d'être présents aujourd'hui à Buenos Aires. Ça fait dix ans qu'il n'y a pas eu une visite d'un chef du gouvernement français ici en Argentine. Eh bien, dix ans, c'est trop long. C'est trop long et je me réjouis qu'il y ait eu cette occasion de l'investiture de Madame Cristina Fernandes de Kirchner pour que nous puissions tourner une nouvelle page des relations entre la France et l'Argentine. Je dis tourner une nouvelle page parce que je pense que nos deux pays sont en train d'écrire une nouvelle histoire. Lorsque la France se lance à la reconquête de son dynamisme économique, elle rencontre une Argentine qui depuis cinq ans a une croissance exceptionnelle. Monsieur l'ambassadeur qu'on cherchait, on avait lancé un appel, voilà.
La France retrouve les premiers rôles en Europe, elle rencontre une Argentine qui cherche à renforcer le sien à travers le Mercosur ou à travers l'organisation des Nations Unies. Lorsque la France parle des droits de l'homme, qu'elle parle de l'éducation, qu'elle parle de l'identité culturelle, l'Argentine lui répond et les deux pays se comprennent. Ainsi hier soir, avec Martin Hirsch et mon épouse, nous avons eu la grande émotion de participer à l'église de Santa Cruz à une cérémonie pour le 30ème anniversaire de l'assassinat de deux religieuses françaises Léonie Duquet et Alice Domon et à travers elles, de toutes les victimes de la dictature argentine et je suis heureux d'avoir pu emmener avec moi, à l'occasion de ce voyage, des membres de la famille de ces deux religieuses dont certains n'étaient jamais venus en Argentine. C'était l'occasion pour moi, au nom du Gouvernement français, de dire notre solidarité avec toutes les souffrances des années de plomb, la France a le devoir de protéger ses ressortissants, où qu'ils se trouvent et de défendre leurs droits. La France a le devoir d'obtenir justice pour eux quand ils sont menacés ou quand ils sont maltraités, c'est l'ardente obligation du gouvernement et je veux vous dire que c'est mon engagement personnel. Et c'est d'ailleurs au nom de cette obligation élargie, d'une certaine manière aux ressortissants de l'Union européenne, que le président de la République française, Nicolas Sarkozy a obtenu la libération des infirmières bulgares. C'est au nom de cette obligation que tous les membres du gouvernement français sont mobilisés derrière le Président de la République pour obtenir la libération d'Ingrid Bétancourt. Et je suis heureux de saluer sa maman qui est présente avec nous et qui a tellement fait pour que sa fille ne soit pas oubliée.
Voilà. Alors que les donneurs de leçons tournent sept fois leur langue dans leur bouche. Laisser les infirmières bulgares croupirent dans les geôles libyennes, ça aurait été un crime. Laisser Ingrid Bétancourt dans la forêt colombienne, laisser l'oubli s'installer, ce serait un crime et la France ne veut pas participer à ce crime. La France veut faire entendre sa voix, même au fond de la forêt colombienne parce que sa voix c'est tout simplement la voix de la fraternité. En menant ce combat, en menant ces combats, je veux dire que la France ne rompt pas avec son passé, au contraire, elle renoue avec son histoire, elle cherche à se redonner des raisons de croire en elle même. Au fond ce que nous faisons dans le monde aujourd'hui, sous l'autorité du Président de la République, c'est aussi une façon de retrouver la confiance en nous-mêmes sans laquelle nous ne pouvons pas être un grand pays avec un grand avenir devant lui.
La confiance c'est justement le mot clé qui caractérise la politique que nous menons avec le Président de la République depuis sept mois. Nous essayons de rétablir la confiance parce que les difficultés de notre pays qui est un grand pays, qui est un pays riche, qui est un pays avec une vieille culture, qui est un pays où les gens sont formés, qui est un pays qui a des richesses et qui ne réussit pas comme il devrait et il ne réussit pas comme il devrait parce que c'est un pays qui depuis plusieurs années manque de confiance en lui même et en particulier manque de confiance dans ses institutions politiques. Les Français n'avaient plus confiance dans leurs représentants. Et c'est pour cela qu'ils ne mobilisaient pas toute leur énergie au service de leurs développements.
Il y a parmi vous des gens de gauche et des gens de droite, alors je vais prendre un exemple d'une trahison de la gauche et un exemple d'une trahison de la droite. En 1997, la gauche est élue sur un programme de gauche et pourtant, elle va sans doute plus privatiser que tous les gouvernements de droite de la Ve République. Ça n'était pas écrit dans le programme de la gauche et sans doute certains de ses électeurs ont-ils eu le sentiment d'être trompés. Mais en 2002, le gouvernement auquel j'appartenais a été élu sur une idée simple : réhabiliter le travail et la vérité m'oblige à dire que nous avons fait assez peu pour réhabiliter le travail. Et donc cette crise de confiance s'est installée, elle a débouché sur le deuxième tour de l'élection présidentielle en 2002, quand l'extrême droite était au deuxième tour, à la stupéfaction générale, on peut peut-être dire, pour reprendre une image d'un de mes prédécesseurs Alain Juppé, que la France a fait une dépression nerveuse. Et pour sortir de cette dépression nerveuse, le plus important, c'est la confiance et pour rétablir la confiance, la première chose que nous voulons faire avec le président de la République, c'est respecter tous nos engagements.
Nous avons pris des engagements durant la campagne électorale, nous avons pris des engagements devant les Français, en toute transparence, nous voulons les respecter. Parce que c'est la condition sine qua none du rétablissement de la confiance et puis ensuite, nous pensons que le rétablissement de la confiance, passe aussi par l'ouverture du gouvernement, de l'Etat, à l'ensemble de la société française. On ne peut pas, dans une société qui a autant changée que la société française, dans une société aussi bouleversée que la nôtre, continuer à gouverner comme si rien ne s'était passé depuis 40 ans. C'est pour cela que nous avons voulu ouvrir le gouvernement à des hommes et des femmes qui ne venaient pas tout à fait du même camp politique que nous et je suis heureux d'avoir avec moi Martin Hirsch dont je me réjouis tous les jours de le compter parmi les membres du gouvernement.
Martin Hirsch a été le président d'Emmaus. D'ailleurs on est allés ensemble, en descendant de l'avion hier matin, visiter le centre Emmaus de Buenos Aires où l'abbé Pierre lui-même était venu. Mais nous avons voulu aussi ouvrir le gouvernement et ouvrir l'administration de l'Etat à des représentants de minorités qui sont nombreuses dans notre pays, qui sont fortes dans notre pays et qui pourtant, n'avaient jamais la voix au chapitre. Et puis rétablir la confiance, c'est dérouler le programme électoral qui était celui du président de la République. Je le disais, tenir nos engagements, c'est d'autant plus simple que ces engagements sont des engagements de bon sens et que ce sont des engagements qui peuvent être compris par tous. Je vais résumer les choses en disant : la France veut augmenter sa croissance, elle veut réduire son chômage et elle veut réduire son endettement. Voilà, ce ne sont pas des objectifs très compliqués à comprendre, ce sont des objectifs que chacun d'entre vous peut avoir pour ses propres affaires ou pour la gestion de sa propre famille.
Pourquoi est-ce que la France depuis vingt ans a un taux de croissance plus faible que tous les autres pays européens développés ? Il n'y a pas de raison génétique à cela. Pourquoi est-ce que la France a un taux de chômage qui est toujours plus élevé que la moyenne des autres pays européens ? Il n'y a aucune raison à cela, si ce n'est le fait que nous nous sommes endormis sur nos lauriers, que nous avons cessé de nous battre, que nous avons cru que notre modèle était un modèle parfait, qui s'adapterait quel que soit les changements de l'environnement international.
Alors nous voulons retrouver une croissance élevée et pour le faire, nous voulons encourager le travail et l'investissement, parce que la croissance ce n'est rien d'autre que la somme du travail des Français et la somme de leurs investissements. Nous voulons réduire nos déficits, nous voulons reprendre l'initiative en Europe, parce que l'Europe est notre avenir, et puis nous voulons faire entendre dans le monde une voix française qui soit une voix française à la fois originale mais aussi réaliste.
Alors un mot sur la croissance, le travail, en juillet on a libéré les heures supplémentaires, c'était le travail de Christine Lagarde. Au mois de janvier on va permettre aux Français de racheter ce qu'on appelle la RTT. Vous savez, ce truc spécifiquement français qui n'existe nulle part ailleurs dans le monde et qui s'appelle la réduction du temps de travail. Et au mois de juin, nous voulons que le temps de travail puisse faire l'objet d'un accord, d'une négociation dans l'entreprise avec les partenaires sociaux.
Nous avons entrepris de fusionner l'ANPE et l'Unedic, les deux organismes qui s'occupent d'accompagner les demandeurs d'emploi, ça sera fait en janvier. Mais nous allons au printemps mettre en place un nouveau contrat de travail et nous espérons avant la fin de l'année, moderniser notre système de formation professionnelle et l'indemnisation du chômage. Je me tourne à chaque fois vers Christine Lagarde parce que c'est elle qui a la responsabilité de tous ces chantiers ; et ainsi à la fin de l'année, nous aurons mis en place ce qu'on appele une flex-sécurité à la française, c'est un sujet dont on parle dans tous les colloques en France depuis 15 ans, nous sommes en train de le faire.
L'investissement. Nous avons, au mois de juillet, rendu possible la déduction de l'ISF des sommes qui sont investies dans les petites et les moyennes entreprises. Nous avons mis en place le bouclier fiscal, nous avons encouragé l'accession des Français à la propriété, nous avons réduit les droits de succession. Nous avons augmenté par trois ce qu'on appelle le crédit impôt recherche et en particulier celui qui va aux PME qui investissent dans la recherche et dans l'innovation. Nous avons fusionné les organismes qui s'occupent de recherches et d'innovations pour les PME. Nous avons annoncé, le Président de la République l'a annoncé il y a deux jours, la suppression d'un impôt particulièrement injuste, qui est l'impôt forfaitaire annuel. Nous avons engagé une revue générale des prélèvements obligatoires avec un objectif simple, c'est limiter et simplifier la fiscalité qui pèse sur les entreprises.
Nous avons fait voter une loi sur l'autonomie des universités qui était réclamée depuis 25 ans, mais qui depuis 25 ans avait toujours donné lieu à de grandes manifestations d'étudiants et d'enseignants qui s'étaient terminées immanquablement par le retrait de la loi. La loi est votée, elle s'applique, les universités françaises ont désormais le statut qui leur permettra d'être autonomes comme toutes les grandes universités dans le monde et parallèlement, dans un contexte budgétaire difficile, nous avons décidé de mettre 1,87 milliard dans le budget 2008, puis la même chose dans le budget 2009 et la même chose dans le budget 2010 et ainsi de suite jusqu'à la fin du quinquennat, sur l'université et sur la recherche.
On mène une politique de l'offre et une politique de la demande, parce qu'il y a toujours un débat chez les théoriciens extrêmement savants qui disent qu'il faut faire de l'offre quand on fait de la demande et de la demande quand on fait de l'offre, eh bien nous, on fait les deux en même temps, mais surtout, on mène une politique de développement durable car ce pays qui était si divisé sur les questions d'environnement, a réussi grâce à l'initiative du Président de la République un exploit : faire s'asseoir autour d'une même table les organismes non gouvernementaux qui agissent dans le domaine de l'environnement, les partenaires sociaux, les agriculteurs, les industriels et le gouvernement. Ca a été le Grenelle de l'environnement et un plan d'action que nous commençons à décliner, qui fera de la France, dans les cinq ans qui viennent, un des pays les plus exemplaires en Europe en matière de développement durable.
Et puis enfin, nous avons engagé la réduction des déficits avec un objectif simple : dans cinq ans, l'équilibre des comptes publics, ça ne va pas être facile à obtenir parce que ça fait 33 ans qu'on n'a pas voté de budget en équilibre en France. Tous les Français qui ont moins de 33 ans n'ont jamais connu un budget en équilibre. Comment est-ce qu'on va y arriver ? Je la regarde toujours, on va y arriver d'abord en gelant les dépenses publiques pendant cinq ans. Les ministres le savent, le budget de l'Etat et les concours de l'Etat aux collectivités locales sont gelés au niveau de l'inflation pendant cinq ans, il n'y aura pas d'augmentation comme c'était le cas dans le passé au-delà de l'inflation.
Deuxièmement nous avons engagé une revue générale de toutes les politiques publiques, avec une idée simple, rechercher des économies dans toutes les politiques publiques que nous conduisons. Il y a des politiques publiques qui ne sont pas nécessaires, il y en a qui font double emploi, il y en a qui sont mal conduites, il y en a qui pourraient être sous-traitées à des opérateurs privés, nous avons engagé cet effort. Vous le voyez, ce n'est pas un programme d'austérité, il ne s'agit pas de réduire drastiquement les moyens publics qui sont mis au service des administrations, des services publics, non il s'agit simplement de gérer en bon père de famille, de gérer sérieusement les moyens que les Français nous donnent parce que notre objectif c'est d'assainir les dépenses publiques pour avoir des capacités d'investissement et pour réduire les prélèvements obligatoires.
Je vous ai dit que nous voulions revenir en Europe, notre crédit s'était un peu usé, il s'était usé notamment après le "non" français au référendum sur la Constitution européenne ; "non" français qui peut s'expliquer par ailleurs mais qui du point de vue des autres pays européens était difficile à comprendre, venant du pays qui avait pour l'essentiel, rédigé le projet de traité constitutionnel. Nous avons pris une initiative avec le Président de la République, celle de proposer un traité simplifié dans une indifférence générale pour ne pas dire dans un scepticisme général pendant la campagne présidentielle. Jeudi prochain à Lisbonne nous allons signer le traité simplifié. C'est-à-dire sept mois après l'élection de Nicolas Sarkozy, cette question qui était un sujet de blocage des relations entre les pays membres de l'Union européenne est résolue et j'espère que la France sera le premier pays à ratifier dès le début de l'année 2008 ce nouveau traité.
Et puis enfin, nous voulons que la France soit plus présente sur la scène internationale. Nous voulons que la France parle avec tout le monde, parce que la France n'a pas de camp. En réalité la France n'a qu'un seul camp, c'est celui de la démocratie et de la liberté. La France milite pour une réforme profonde des grandes institutions internationales parce que la France veut que ses grandes institutions internationales prennent mieux en compte les évolutions du monde. La France milite par exemple pour l'élargissement du conseil de sécurit?? des Nations Unies, la France milite, je viens d'en parler avec Dominique Strauss-Kahn pour la réforme du fonds monétaire international. La France milite pour que les pays émergeants soient invités non pas seulement au café lors des réunions du G8, mais qu'ils aient tous leurs mots à dire dans les réflexions qui sont conduites par les grands pays développés sur l'avenir de l'économie mondiale. La France est pour le multilatéralisme, la France reconnaît la diversité des peuples, la diversité de leur culture, la diversité de leur territoire et veut que cette diversité s'exprime à travers un monde multi polaire.
Nicolas Sarkozy a redynamisé les relations internationales, il leur a donné un nouveau style, un style peut-être plus direct, plus franc, plus réaliste. Ainsi par exemple, est-il allé il y a quelques jours en Chine, il a ramené de Chine et tout le monde l'a noté, des contrats très importants pour les entreprises françaises, mais ça ne l'a pas empêché d'être un des tous premiers chefs d'Etat occidental à dire en direct au Président chinois, devant les caméras, qu'il fallait que la Chine s'engage dans un processus conduisant par exemple, à l'abolition de la peine de mort.
Je le dis parce que je vois tellement d'observateurs qui jugent de manière péremptoire le nouveau style donné aux relations internationales par le Président de la République, et je leur dis : la France parlera à tout le monde. La France parlera à tout le monde en restant fidèle à ses idéaux et à son message universel. La France reçoit le colonel Kadhafi parce que le colonel Kadhafi a libéré les infirmières bulgares et parce que le colonel Kadhafi s'est engagé dans un processus de réintégration dans la communauté internationale. Et parce que nous avons besoin que la Libye, dans le cadre des relations inter méditerranéennes, redevienne un pays avec lequel on puisse discuter et redevienne progressivement un pays où les droits de l'homme soient respectés. Mais la France dans le même temps, se déploie pour obtenir la libération d'Ingrid Bétancourt. La France dans le même temps se bat pour une élection libre au Liban. La France se bat et elle réunira dans quelques jours à Paris les pays donateurs pour que la Palestine ait les moyens de devenir un Etat viable. La France se bat pour la sécurité d'Israël. La France se bat aujourd'hui en première ligne pour durcir les sanctions à l'égard de l'Iran si l'Iran continuait à vouloir se doter d'armes nucléaires. Et la France était hier soir à l'église de la Santa Cruz pour dire sa solidarité avec le peuple argentin martyrisé par la dictature.
Voilà Mesdames et messieurs la politique internationale qu'avec le Président de la République nous voulons conduire. En fait on pourrait la résumer en une seule phrase et j'en terminerai par là. Ce que nous voulons c'est que vous Français qui vivez hors de France et qui jouez un rôle si important dans le rayonnement de notre pays, eh bien nous voulons tout simplement que vous soyez fiers de la France, que vous soyez fiers de son rôle au service du développement économique et au service des droits de l'homme.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 17 décembre 2007