Interview de M. Bernard Laporte, secrétaire d'Etat aux sports, à RMC le 10 janvier 2008, sur l'organisation de la prochaine compétition du Paris-Dakar, le financement des clubs de football professionnels, les équipements sportifs et la création d'un statut du bénévole.

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Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Je souviens de ce que vous aviez dit : "si ça ne me plaît pas, je m'en vais". Ça vous plaît ?
 
R.- Oui, ça me plait beaucoup. Je n'ai jamais dit...
 
Q.- Ce n'est pas tout à fait ça ?
 
R.- Non, c'est une phrase qui a été un petit peu sortie du contexte. J'avais simplement dit que j'avais le privilège d'avoir toujours "choisi", entre guillemets, ma destinée, et de faire ce que j'avais envie de faire. Ce qui est très important, et ce qui est pour moi un privilège. Je n'ai jamais dit, dans ce métier, "je partirais si ça ne me plaît pas". Parce que d'abord je me suis engagé auprès de deux hommes, le président de la République et le Premier ministre, et j'irai au bout de ma mission, et en plus elle me plaît, donc il n'y a pas de souci.
 
Q.- Vous craignez un éventuel remaniement ministériel, ça ne vous gêne pas ?
 
R.- Encore une fois, ça ne me gêne pas du tout, parce que je suis là, vraiment, avec beaucoup d'enthousiasme et avec beaucoup de plaisir. Je ne suis pas là en me disant : "je suis aujourd'hui à ce poste-là, demain, je veux être à ce poste-là". Non, encore une fois, "je vends du sport", comme je dis souvent et c'est quelque chose qui me plaît. Aider les jeunes, enfin nous allons en discuter amplement.
 
Q.- Un mot quand même sur l'actualité : en ce moment, patronat et syndicats sont en train de discuter contrat de travail. Je vous pose une question directe, comme je sais que vous êtes chef d'entreprise : est-ce que licencier plus facilement faciliterait, permettrait d'embaucher plus ?
 
R.- Oui. Si la réponse est directe, je dirais oui.
 
Q.- Licencier plus facilement permettrait d'embaucher plus ? C'est le chef d'entreprise qui répond ?
 
R.- Bien sûr, c'est contraignant, parfois quand on n'est pas content et qu'on ne peut pas licencier... Oui, bien sûr.
 
Q.- Y aura-t-il un prochain Dakar ?
 
R.- Nous le souhaitons tous sincèrement qu'il y ait un prochain Dakar. Je ne suis pas dans l'action quelqu'un qui pratique les rallyes, je suis quelqu'un qui aime le sport, et c'est le plus beau rallye du monde. Qui plus est, il fait partie intégrale du patrimoine sportif français et africain, ne l'oublions pas. Donc, vraiment, je souhaite qu'il y ait une nouvelle épreuve en 2009. C'est pour cette raison que nous nous réunissons demain après-midi, avec les dirigeants d'A.S.O, justement pour en discuter, pour trouver des solutions qui fassent que ce rallye soit pérenne.
 
Q.- Un prochain Dakar sur le continent africain, on est bien d'accord ?
 
R.- Bien sûr, sur le continent africain, sans quoi ce n'est pas un "Dakar".
 
Q.- Parce qu'on a beaucoup parlé de partir en l'Amérique du Sud, en Asie, à l'Est ou ailleurs, je ne sais trop où...
 
R.- Ce n'est plus la même compétition.
 
Q.- Donc il y aura un rallye, si je vous comprends bien, vous allez trouver des solutions avec A.S.O, il y aura un rallye sur le continent africain, un Dakar sur le continent africain en 2009 ?
 
R.- Nous allons tout faire pour qu'il ait lieu. C'est pour cela que nous nous réunissons, parce que cela fait mal au coeur, encore une fois, de voir une compétition...C'est comme si demain on supprimait Roland Garros ou demain on supprimait le match du Tournoi des Six nations de rugby, pour telle ou telle cause, et qu'on se dise : eh bien non, il n'y aura plus jamais de match de rugby. Non, je crois que, encore une fois, il faut défendre toutes les compétitions, qui plus est une compétition mondiale, parce que le Dakar c'est 50 nationalités, c'est 150 millions de téléspectateurs, c'est un grand événement sportif.
 
Q.- Avant de parler des jeunes et du sport, un mot sur le football : que faire pour mettre les clubs français au niveau des grands clubs européens ?
 
R.- Il faut inciter l'entreprise à investir dans les clubs professionnels. Ce ne sont pas des problèmes de charges sociales et autres qui font la différence, ce qui fait la différence...
 
Q.- La fiscalité ?
 
R.- Qu'est-ce qui fait la différence ? C'est le salaire proposé, ce n'est pas la fiscalité qui est gênante. Oui, elle est peut-être un peu plus importante dans notre pays, mais ce n'est pas cela qui fait la différence. Quand vous voyez les budgets d'Arsenal, les budgets de Manchester, les budgets de Barcelone, du Real Madrid, et nos budgets, hormis le budget de Lyon qui commence à être conséquent, vous vous dites...
 
Q.- Mais alors que faire ? Comment aider ces clubs ? Les pouvoirs publics peuvent-ils intervenir ? Vous allez proposer quelque chose ?
 
R.- Oui, il faut justement trouver une fiscalité ou inciter les entreprises à investir encore plus. Je crois que c'est culturel...
 
Q.- L'entreprise qui va investir dans un grand club professionnel aura des avantages fiscaux ?
 
R.- Je dis que c'est unes des solutions, il faut inciter les entreprises, ce n'est pas...
 
Q.- Vous aimeriez que cela existe ?
 
R.- Mais bien sûr que nous aimerions, parce que, encore une fois, cela créerait...
 
Q.- Donc, vous allez inciter ces entreprises fiscalement ?
 
R.- Oui, il faut en discuter avec C. Lagarde. (inaud.)
 
Q.- Vous allez proposer à C. Lagarde.
 
R.- On en discute, on a à l'intérieur du cabinet, une cellule qui est responsable du développement professionnel, qui est en charge d'amener quelques idées, et ensuite nous irons en discuter effectivement avec C. Lagarde. Parce que, nous voulons être compétitifs.
 
Q.- Des grandes entreprises ou des entreprises moins grandes, qui investissent dans le football professionnel, dans les clubs professionnels, pourraient être aidées fiscalement ?
 
R.- Ce serait une des solutions. C'est la seule solution si l'on veut avoir des budgets compétitifs avec les budgets de ces clubs européens, c'est une des solutions.
 
Q.- Un mot sur le foot encore : l'arbitrage vidéo, comme au rugby, vous y êtes favorable ou pas ?
 
R.- J'y suis favorable, mais simplement la vidéo sur la ligne de but. Parce qu'on parle de la vidéo sur la ligne de but ou de la surface de réparation, on ne peut pas dans la surface de réparation. Et puis, un arbitre est là pour prendre ses responsabilités. S'il siffle un penalty ou qu'il ne siffle pas penalty, cela fait partie intégrante de ses responsabilités, on ne peut pas le remettre en cause. Mais pour gommer le hasard, je dis souvent au rugby "c'était pour gommer le hasard", effectivement, au rugby quand il y a un amas de joueurs on ne voit pas (inaud.), c'est important (inaud.). Qu'on fasse appel à la vidéo me semble être quelque chose de raisonnable.
 
Q.- Parlons des jeunes et du sport, parce que vous me disiez avant de commencer l'émission : quand on est sportifs de très haut niveau, on se plaint parce que la couleur de la chaussure est blanche ou rose. Quand on essaye de faire du sport dans des quartiers défavorisés notamment, et pas que dans les quartiers défavorisés, parfois à la campagne, parfois dans des zones, ce qu'on appelle "périurbaines", on a des difficultés parce qu'on manque de terrain, parce qu'on n'est pas encadré. Quel est le grand chantier que vous engagez ?
 
R.- C'est effectivement l'un des grands chantiers. Et c'est ce qui m'a un petit peu, je ne dirais pas surpris, mais comme nous le disions avant l'émission, quand on dans le monde professionnel, on est portés, on ne se rend pas compte parfois...
 
Q.- On est assisté ?
 
R.- On est assistés, complètement, on est un petit loin de la réalité. Effectivement, quand vous occupez le terrain, comme je l'occupe aujourd'hui, dans les quartiers dits "sensibles" ou dits "défavorisés", dans les zones rurales effectivement où ça manque d'infrastructure, ça manque de club, il y a des...
 
Q.- Ça manque de bénévoles...
 
R.- Ça manque de bénévoles. Dans des villages, celui veut jouer au handball, qui veut jouer... Je ne dirais pas au football, parce que le football est quand même le sport le plus implanté, il y a des sports où la pratique est trop...
 
Q.- Qu'allez-vous faire, que peut-on faire ?
 
R.- Justement, il faut aider, mettre des moyens, dans la construction de stade, dans le développement de formateurs. C'est rendre accessible le sport à tous.
 
Q.- Oui, mais combien d'argent ?
 
R.- Vous savez, quand vous avez cela, il faut faire des choix, et il faut mettre beaucoup dans ces quartiers-là.
 
Q.- C'est la priorité de votre fonction aujourd'hui ?
 
R.- Bien sûr que c'est la priorité. On dit : "le sport c'est une grande famille, le sport permet d'acquérir des valeurs, des vertus, de créer un lien social", mais il faut y avoir accès à ce sport !
 
Q.- Vous voulez dire que le sport de haut niveau n'aide pas suffisamment... ?
 
R.- Mais le sport de haut niveau, c'est un microcosme, on y est tous favorables, parce que c'est l'image le sport de haut niveau. Mais le plus important, c'est la base, c'est rendre justement le sport accessible à tous ces jeunes. Souvent, je vais dans des quartiers où l'on me dit : oui, mais les jeunes ne viennent pas parce que la licence est trop chère, parce que les parents ne peuvent pas payer un équipement. C'est là que nous voulons mettre des moyens en oeuvre pour aider justement les familles modestes, aider ces jeunes à aller vers associations, vers les clubs pour pratiquer un sport.
 
Q.- Le bénévolat, un statut ? Parce qu'il y a beaucoup de bénévoles qui en ont assez, qui sont lassés au bout d'un moment, qui n'en peuvent plus, parce que ça leur coûte de l'argent, parce que ça leur coûte du temps. Peut-on étendre, créer un statut du bénévolat qui... ?
 
R.- Cela a été une des propositions du président de la République dans sa campagne présidentielle.
 
Q.- Où en est-on, là ?
 
R.- Encore une fois, c'est bien d'en parler des bénévoles, parce que j'étais à Strasbourg à la Journée mondiale des bénévoles, il y a un mois de cela. N'oublions pas que les fondations du sport français, c'est 2 millions de bénévoles qui assistent nos jeunes, donc il ne faut pas que cela s'essouffle. Or, aujourd'hui je ne dirais pas que cela s'essouffle mais ça stagne.
 
Q.- Comment faire ?
 
R.- Il faut créer un livret du bénévole, qui fasse que le bénévole, au bout de dix années consacrées à un club, à une association, ait droit à certaines choses. On parlait de points de retraites, on parlait... Alors il faut l'établir...
 
Q.- Le point de retraite, ce serait une bonne idée !
 
R.- Ce serait une bonne idée, effectivement. Il y a plusieurs propositions. Mais il est clair que, aujourd'hui il faut créer un statut du bénévole, sans quoi, à terme...
 
Q.- Vous allez créer ce statut ?
 
R.- Oui, il faut créer un statut du bénévole, sans quoi à terme, effectivement, il va s'essouffler, et il y aura de moins en moins de gens parce que cela devient contraignant.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 janvier 2008