Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission des lois,
Monsieur le Président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées,
Monsieur le Président de la délégation pour l'Union européenne,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Comme vient de vous l'indiquer Madame le Garde des Sceaux, le Conseil constitutionnel, dans une décision en date du 20 décembre 2007, a estimé qu'une révision de la Constitution était nécessaire avant la ratification du Traité de Lisbonne. Il a également précisé que le Traité de Lisbonne était différent du traité constitutionnel, ce qui justifie une nouvelle analyse de ses dispositions.
Les travaux de la commission des lois, dont je remercie le président et le rapporteur, M. Patrice Gélard, ont également parfaitement exposé les enjeux de notre débat.
Le Traité de Lisbonne est le fruit d'une volonté politique collective pour apporter une solution à un problème inédit : deux Etats membres fondateurs de l'Europe ont, par la voie d'un référendum, rejeté le traité établissant une constitution pour l'Europe.
Le blocage n'a pas été immédiat. En effet, dix-huit Etats membres, représentant 56 % de la population européenne, avaient approuvé le traité constitutionnel. Deux autres l'ont encore approuvé après ces deux "non". Six mois plus tard, le 26 janvier 2007, vingt Etats se sont réunis à Madrid pour demander la poursuite de la ratification du traité constitutionnel. Pour la première fois dans l'histoire de la Communauté européenne et de son Union, l'Europe se réunissait sans la France, et, qui plus est, pour débattre de son avenir.
A cette époque, certains ont cru à une impasse du projet européen, qui se serait enlisé dans une alternative impossible entre élargissement et approfondissement. Toutefois, quelle que soit sa sensibilité, chacun sentait bien qu'une Union forte de vingt-sept Etats ne pouvait en rester aux traités existants et à leur seule vocation économique.
Avec le Traité de Nice, l'Union européenne ne peut pas affronter les défis internationaux ou globaux, tout simplement parce qu'elle n'a pas révisé ses règles de fonctionnement. Or notre première attente, la première attente de nos enfants, de ceux qui, en 2005, ont dit "oui" ou "non", c'est que l'Europe prenne enfin sa place dans le monde, à la hauteur de sa puissance économique.
Il faut qu'elle puisse mieux incarner ce qu'elle est, ce qu'elle a toujours été, ce qu'elle devient à vingt-sept : une véritable civilisation reposant sur des valeurs communes et partagées.
Comme l'avait justement anticipé l'un de mes prédécesseurs ici présent dès 1976.
Comment faire vivre ce projet alors que la présidence du Conseil tourne toutes les vingt-six semaines et que, dans nombre de domaines, un seul Etat peut bloquer les décisions ? L'addition des volontés ne fonctionne pas, parce que la règle de l'unanimité entrave la prise de décision.
Comment faire partager un tel projet lorsque, au-delà de ces blocages, le fonctionnement de l'Union n'est pas assez démocratique : les citoyens ne sont pas associés, le Parlement européen n'a que des pouvoirs limités, les Parlements nationaux ne jouent qu'un rôle trop modeste et la démographie est mal prise en compte ?
Il est donc urgent de changer ce cadre si nous voulons une Europe vivante, active, influente et, surtout, capable de remplir les missions qui lui sont confiées.
La première des missions de l'Union, la promotion de la paix, ne peut être réalisée sans que les Etats se donnent clairement pour objectif la prévention des conflits et sans qu'ils s'engagent ensemble à développer leurs capacités de défense.
L'autre mission essentielle de l'Union européenne est de relever les défis globaux du XXIe siècle pour mieux défendre ses citoyens et leurs intérêts.
Ces intérêts et ces défis, quels sont-ils dans un proche avenir ?
Ce sont la gestion des migrations, le changement climatique, la nouvelle donne énergétique, la solidarité face aux grandes catastrophes et, bien sûr, la lutte contre le terrorisme.
Dans ces domaines, ce que les Européens ne feront pas ensemble, personne ne le fera pour eux et dans leur intérêt. Et il est urgent d'agir, urgent pour l'Europe de donner l'exemple. Il est donc impératif de disposer de moyens juridiques nouveaux.
Le Traité de Lisbonne dote l'Union de ces moyens, par l'extension de la majorité qualifiée, la création d'une présidence stable du Conseil, la mise en place d'un Haut représentant et d'un service européen d'action extérieure, l'établissement d'une coopération structurée en matière de défense et la reconnaissance de nouvelles bases juridiques pour l'énergie et la lutte contre le changement climatique. C'est une véritable clarification institutionnelle, comme l'a rappelé Monsieur le Premier ministre.
Mais il apporte également une réponse aux préoccupations soulevées par nos concitoyens. Il promeut des valeurs nouvelles, plus solidaires. L'Europe a pour objectif de protéger les citoyens dans la mondialisation. En revanche, la "concurrence libre et non faussée" ne figure plus parmi les finalités de l'action européenne.
La France pourra garantir l'accès aux services publics sur tout notre territoire à un prix abordable sans se heurter aux règles de concurrence ou du marché intérieur.
La représentation nationale pourra se prononcer sur les projets européens et veiller au respect des compétences entre les Etats et l'Union européenne à travers le contrôle de la subsidiarité.
Pour la première fois, les Parlements nationaux contribueront à la prise de décision européenne et seront les gardiens de la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres. Ce traité est donc plus démocratique, comme l'a souligné M. le Premier ministre.
Ce traité est donc le premier à avoir été signé par les vingt-sept Etats membres, le premier à avoir fait l'objet d'un accord en dépassant les clivages anciens, entre Etats plus ou moins peuplés, entre nouveaux et anciens Etats membres, entre pays ayant dit "oui" et pays ayant dit "non", et ce grâce à l'initiative du président de la République et au travail remarquable des Présidences allemande et portugaise.
Par ailleurs, compte tenu de l'abandon de la démarche constitutionnelle, ce traité sera ratifié par la voie parlementaire dans vingt-six Etats membres, et notamment les Pays-Bas. La seule exception est l'Irlande, dont la constitution ne permet pas d'emprunter cette voie pour approuver un traité européen.
L'engagement de la France dans une procédure de ratification parlementaire était fondamental pour nos partenaires, car il a donné enfin de la crédibilité à la perspective d'un autre traité pour l'Europe et a permis d'en définir le contenu en tenant compte des propositions françaises.
Le traité ne résume bien entendu pas le projet européen. C'est clair. Mais il crée une dynamique nouvelle, et c'est sa principale vertu.
Déjà, la Hongrie a ratifié le traité, et près d'une vingtaine d'Etats membres s'apprêtent à le faire dès le premier semestre de l'année 2008. Il est symbolique que les premières ratifications soient venues d'anciens pays du bloc de l'Est et de ceux qui ont cru que leur liberté se trouvait au sein de l'Union européenne.
Déjà, le Danemark manifeste son souhait d'entrer de plain-pied dans la construction européenne et d'abandonner ses protocoles, qui le placent à la marge de certaines politiques de l'Union.
Pour notre part, nous aborderons notre présidence le 1er juillet prochain avec une dynamique nouvelle, avec un bon traité, qui pose les jalons sur la voie d'une Union européenne plus démocratique, plus forte et tournée vers l'avenir.
Enfin, comme Monsieur le Premier ministre l'a souligné, ce traité nous permet aussi de clore un débat institutionnel qui n'avait pas été résolu depuis les années quatre-vingt-dix et de nous consacrer à l'essentiel...
C'est-à-dire aux projets politiques que nous voulons porter.
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, le traité permet de développer de vraies politiques de la défense, du développement durable, de l'énergie, de croissance plus solide grâce à un nouvel espace de recherche et de formation, et de gestion des mouvements migratoires.
Mais le traité n'en définit pas le contenu. C'est aux dirigeants européens, au Parlement et aux citoyens, qui disposeront d'un pouvoir d'initiative, qu'il appartient d'en décider.
Notre présidence du Conseil de l'Union européenne en sera l'occasion. Bien entendu, notre présidence ne pourra pas tout faire. Mais elle ouvrira la voie pour qu'une nouvelle page soit écrite après le cinquantième anniversaire de l'Europe. Après s'être construite elle-même, l'Europe doit aujourd'hui trouver sa place dans le monde. Grâce à cette révision et à ce traité, elle en a aujourd'hui la possibilité.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er février 2008
Monsieur le Président de la commission des lois,
Monsieur le Président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées,
Monsieur le Président de la délégation pour l'Union européenne,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Comme vient de vous l'indiquer Madame le Garde des Sceaux, le Conseil constitutionnel, dans une décision en date du 20 décembre 2007, a estimé qu'une révision de la Constitution était nécessaire avant la ratification du Traité de Lisbonne. Il a également précisé que le Traité de Lisbonne était différent du traité constitutionnel, ce qui justifie une nouvelle analyse de ses dispositions.
Les travaux de la commission des lois, dont je remercie le président et le rapporteur, M. Patrice Gélard, ont également parfaitement exposé les enjeux de notre débat.
Le Traité de Lisbonne est le fruit d'une volonté politique collective pour apporter une solution à un problème inédit : deux Etats membres fondateurs de l'Europe ont, par la voie d'un référendum, rejeté le traité établissant une constitution pour l'Europe.
Le blocage n'a pas été immédiat. En effet, dix-huit Etats membres, représentant 56 % de la population européenne, avaient approuvé le traité constitutionnel. Deux autres l'ont encore approuvé après ces deux "non". Six mois plus tard, le 26 janvier 2007, vingt Etats se sont réunis à Madrid pour demander la poursuite de la ratification du traité constitutionnel. Pour la première fois dans l'histoire de la Communauté européenne et de son Union, l'Europe se réunissait sans la France, et, qui plus est, pour débattre de son avenir.
A cette époque, certains ont cru à une impasse du projet européen, qui se serait enlisé dans une alternative impossible entre élargissement et approfondissement. Toutefois, quelle que soit sa sensibilité, chacun sentait bien qu'une Union forte de vingt-sept Etats ne pouvait en rester aux traités existants et à leur seule vocation économique.
Avec le Traité de Nice, l'Union européenne ne peut pas affronter les défis internationaux ou globaux, tout simplement parce qu'elle n'a pas révisé ses règles de fonctionnement. Or notre première attente, la première attente de nos enfants, de ceux qui, en 2005, ont dit "oui" ou "non", c'est que l'Europe prenne enfin sa place dans le monde, à la hauteur de sa puissance économique.
Il faut qu'elle puisse mieux incarner ce qu'elle est, ce qu'elle a toujours été, ce qu'elle devient à vingt-sept : une véritable civilisation reposant sur des valeurs communes et partagées.
Comme l'avait justement anticipé l'un de mes prédécesseurs ici présent dès 1976.
Comment faire vivre ce projet alors que la présidence du Conseil tourne toutes les vingt-six semaines et que, dans nombre de domaines, un seul Etat peut bloquer les décisions ? L'addition des volontés ne fonctionne pas, parce que la règle de l'unanimité entrave la prise de décision.
Comment faire partager un tel projet lorsque, au-delà de ces blocages, le fonctionnement de l'Union n'est pas assez démocratique : les citoyens ne sont pas associés, le Parlement européen n'a que des pouvoirs limités, les Parlements nationaux ne jouent qu'un rôle trop modeste et la démographie est mal prise en compte ?
Il est donc urgent de changer ce cadre si nous voulons une Europe vivante, active, influente et, surtout, capable de remplir les missions qui lui sont confiées.
La première des missions de l'Union, la promotion de la paix, ne peut être réalisée sans que les Etats se donnent clairement pour objectif la prévention des conflits et sans qu'ils s'engagent ensemble à développer leurs capacités de défense.
L'autre mission essentielle de l'Union européenne est de relever les défis globaux du XXIe siècle pour mieux défendre ses citoyens et leurs intérêts.
Ces intérêts et ces défis, quels sont-ils dans un proche avenir ?
Ce sont la gestion des migrations, le changement climatique, la nouvelle donne énergétique, la solidarité face aux grandes catastrophes et, bien sûr, la lutte contre le terrorisme.
Dans ces domaines, ce que les Européens ne feront pas ensemble, personne ne le fera pour eux et dans leur intérêt. Et il est urgent d'agir, urgent pour l'Europe de donner l'exemple. Il est donc impératif de disposer de moyens juridiques nouveaux.
Le Traité de Lisbonne dote l'Union de ces moyens, par l'extension de la majorité qualifiée, la création d'une présidence stable du Conseil, la mise en place d'un Haut représentant et d'un service européen d'action extérieure, l'établissement d'une coopération structurée en matière de défense et la reconnaissance de nouvelles bases juridiques pour l'énergie et la lutte contre le changement climatique. C'est une véritable clarification institutionnelle, comme l'a rappelé Monsieur le Premier ministre.
Mais il apporte également une réponse aux préoccupations soulevées par nos concitoyens. Il promeut des valeurs nouvelles, plus solidaires. L'Europe a pour objectif de protéger les citoyens dans la mondialisation. En revanche, la "concurrence libre et non faussée" ne figure plus parmi les finalités de l'action européenne.
La France pourra garantir l'accès aux services publics sur tout notre territoire à un prix abordable sans se heurter aux règles de concurrence ou du marché intérieur.
La représentation nationale pourra se prononcer sur les projets européens et veiller au respect des compétences entre les Etats et l'Union européenne à travers le contrôle de la subsidiarité.
Pour la première fois, les Parlements nationaux contribueront à la prise de décision européenne et seront les gardiens de la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres. Ce traité est donc plus démocratique, comme l'a souligné M. le Premier ministre.
Ce traité est donc le premier à avoir été signé par les vingt-sept Etats membres, le premier à avoir fait l'objet d'un accord en dépassant les clivages anciens, entre Etats plus ou moins peuplés, entre nouveaux et anciens Etats membres, entre pays ayant dit "oui" et pays ayant dit "non", et ce grâce à l'initiative du président de la République et au travail remarquable des Présidences allemande et portugaise.
Par ailleurs, compte tenu de l'abandon de la démarche constitutionnelle, ce traité sera ratifié par la voie parlementaire dans vingt-six Etats membres, et notamment les Pays-Bas. La seule exception est l'Irlande, dont la constitution ne permet pas d'emprunter cette voie pour approuver un traité européen.
L'engagement de la France dans une procédure de ratification parlementaire était fondamental pour nos partenaires, car il a donné enfin de la crédibilité à la perspective d'un autre traité pour l'Europe et a permis d'en définir le contenu en tenant compte des propositions françaises.
Le traité ne résume bien entendu pas le projet européen. C'est clair. Mais il crée une dynamique nouvelle, et c'est sa principale vertu.
Déjà, la Hongrie a ratifié le traité, et près d'une vingtaine d'Etats membres s'apprêtent à le faire dès le premier semestre de l'année 2008. Il est symbolique que les premières ratifications soient venues d'anciens pays du bloc de l'Est et de ceux qui ont cru que leur liberté se trouvait au sein de l'Union européenne.
Déjà, le Danemark manifeste son souhait d'entrer de plain-pied dans la construction européenne et d'abandonner ses protocoles, qui le placent à la marge de certaines politiques de l'Union.
Pour notre part, nous aborderons notre présidence le 1er juillet prochain avec une dynamique nouvelle, avec un bon traité, qui pose les jalons sur la voie d'une Union européenne plus démocratique, plus forte et tournée vers l'avenir.
Enfin, comme Monsieur le Premier ministre l'a souligné, ce traité nous permet aussi de clore un débat institutionnel qui n'avait pas été résolu depuis les années quatre-vingt-dix et de nous consacrer à l'essentiel...
C'est-à-dire aux projets politiques que nous voulons porter.
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, le traité permet de développer de vraies politiques de la défense, du développement durable, de l'énergie, de croissance plus solide grâce à un nouvel espace de recherche et de formation, et de gestion des mouvements migratoires.
Mais le traité n'en définit pas le contenu. C'est aux dirigeants européens, au Parlement et aux citoyens, qui disposeront d'un pouvoir d'initiative, qu'il appartient d'en décider.
Notre présidence du Conseil de l'Union européenne en sera l'occasion. Bien entendu, notre présidence ne pourra pas tout faire. Mais elle ouvrira la voie pour qu'une nouvelle page soit écrite après le cinquantième anniversaire de l'Europe. Après s'être construite elle-même, l'Europe doit aujourd'hui trouver sa place dans le monde. Grâce à cette révision et à ce traité, elle en a aujourd'hui la possibilité.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er février 2008