Texte intégral
C. Barbier.- Vous avez déclaré, lundi, dans La Croix, ne pas croire en un "Plan banlieue", F. Amara a répliqué mercredi, dans Le Monde, qu'il fallait plus une nouvelle dynamique qu'un "Plan banlieue". Alors, qui faut-il croire ?
R.- C'est la même chose. Ce que je demande, c'est une vision globale sur la ville et une dynamique nouvelle pour la politique de la ville. Il faut réconcilier la ville, la réunifier. Nous avons fait une politique fantastique depuis des années, mais nous voyons bien que nous sommes arrivés au pied du mur, pour les quartiers périphériques, mais nous avons oublié les centres anciens. Il faut réunifier la ville sous tous ses aspects.
Q.- Les centres-ville, ça marche tout seul, le marché de l'immobilier...
R.- Mais pas du tout ! Savez-vous que dans les centres-ville, c'est là où il y a le plus d'habitats indignes. Actuellement, nous démolissons dans les quartiers périphériques, et je ne dis pas qu'il faille arrêter, mais nous démolissons des logements qui sont plus confortables que ceux qui existent en centres-ville. C'est là où se trouvent tous les marchands de sommeil dans les centres-ville. Et les élus ont besoin d'une aide importante pour restructurer leurs centres-ville et l'habitat ancien.
Q.- L'incident est-il clos entre F. Amara et vous ?
R.- Il n'y a jamais eu de problèmes pour moi.
Q.- N. Sarkozy vous a-t-il réunies, avez-vous parlé à trois pour recaler un peu le discours ?
R.- Non, non, pas du tout ! Ce n'était pas nécessaire de le recaler, je n'avais de problème.
Q.- "Le Plan banlieue", puisqu'il s'appelle quand même encore comme cela, est-il écrit à quatre mains, elle et vous ? A-t-elle travaillé seule et vous êtes passée derrière pour contrôler ? Comment cela se passe-t-il ?
R.- Non. En fait, F. Amara a une personnalité forte, comme moi. Ceci dit, son directeur de cabinet est le directeur adjoint de mon cabinet, il participe à toutes les réunions de travail, et le pôle Ville du ministère du Logement et de la Ville que j'anime, participe aux réunions de travail du cabinet de madame Amara. Donc il y a une vraie concertation.
Q.- Souhaitez-vous un changement lors d'un remaniement, qu'on vous affecte quelqu'un d'autre, craignez-vous un remaniement ?
R.- Pas du tout, non ! Je ne crains rien du tout. Je crois à un certain nombre de choses que je défends.
Q.- A Vaulx-en-Velin, mardi, serez-vous présente, on apprendra des choses ?
R.- Oui, je serai présente à Vaulx-en-Velin. Je pense que j'ouvrirai les journées, la matinée. Je ne sais pas si d'autres personnes viendront.
Q.- Entre F. Amara et vous à Vaulx-en-Velin, que restera-t-il au Président à annoncer le 8 février ?
R.- Il a beaucoup de choses à dire le Président ! Et de toute façon, que pense que, compte tenu de la situation de la ville, qui autrefois était un facteur d'intégration sociale, et qui est aujourd'hui une addition de ghettos - ghetto populaire, ghetto bourgeois, etc. -, il faut que le président de la République donne une dimension. Et moi, je crois profondément que la ville s'inscrit dans une politique et une réflexion sur la civilisation du XXIème siècle.
Q.- Le Plan a-t-il pris quelques semaines de retard parce qu'il n'était pas assez musclé administrativement et Matignon et l'Elysée ont voulu le reprendre, ou est-ce parce qu'il n'y a pas d'argent, et que donc, vous cherchez un peu partout les millions ?
R.- Non. Je ne sais pas pour quelles raisons exactement les choses ont été retardées. Mais ce qui est certain c'est qu'il y a des idées, et le Président va les présenter quand il le faudra.
Q.- Y aura-t-il de l'argent ; "les caisses sont vides", a dit le Président...
R.- Oui, mais on peut très bien arriver... Je suis convaincue que beaucoup d'argent a été débloqué depuis des années, il faut une meilleure répartition, il faut faire confiance aux élus. J'ai un certain nombre de propositions à faire, nous avons une réunion à Matignon, aujourd'hui, avec les différents ministres. Et je pense que je vais plaider, non pas pour augmenter les moyens, mais pour faire confiance aux élus, pour une nouvelle répartition, mais avec une vision globale de la ville. Vous verrez ce que je vous dira mardi prochain.
Q.- C'est-à-dire vous voulez que les élus reçoivent les enveloppes budgétaires et les gèrent sur le terrain ?
R.- Absolument. Avec un contrat d'objectifs avec l'Etat, de façon à ce que... Vous savez, le maire sait davantage que n'importe qui s'il faut recruter un travailleur de rue, un travailleur social ou une ATSEM - Agence territoriale spécialisée dans les écoles maternelles - plutôt que telle ou telle action. Donc, je veux faire confiance, je veux simplifier, je veux que... Il faut augmenter la DSU - la dotation sociale urbaine - pour leur donner des moyens supplémentaires ; il faut que le droit commun soit appliqué dans les communes pour tout le monde, pour toutes les communes sur la République, et que l'on rajoute, pour les communes qui ont des fragilités, une dotation supplémentaire.
Q.- "50 quartiers, 1 milliard d'euros", c'est un ordre d'idée réel de l'argent que vous pouvez débloquer ?
R.- Moi, je ne veux pas rentrer dans les milliards. Si on me donne 3 milliards, je prends 3 milliards, si on me donne 1 milliard, je fais avec 1 milliard. Le problème n'est pas là, Le problème est d'avoir un nouveau regard sur la ville et une vision globale sur la ville. Nous avons opposé les quartiers les uns par rapport aux autres, avec les meilleures intentions du monde, nous avons créé des frontières entre les uns et les autres, il faut faire de la mixité, de la mobilité entre les quartiers, il faut faire beaucoup de choses sur l'éducatif, en ce qui concerne l'emploi également. Les chefs d'entreprise, du reste, l'ont parfaitement compris. Dans les quartiers fragiles, les jeunes de ces quartiers sont une richesse pour la France et les chefs d'entreprise sont en train d'y aller.
Q.- Pour les amener vers l'emploi ces jeunes, il faut mettre des bureaux de placement dans les cités ou au contraire les amener au centre-ville ou dans les zones d'activité ?
R.- Il faut sans doute les deux. Et ce qu'il faut surtout, c'est mettre partout des services publics dans la ville. Or, les services publics ont parfois déserté un certain nombre de quartiers, en particulier des quartiers populaires, et ceci est difficile. Il faut faire de la mobilité à l'intérieur de la ville. Il faut que la culture rentre aussi, soit accessible à tous. Il ne faut pas de discrimination entre les différentes populations des quartiers.
Q.- Le retour de la police de proximité, annoncé par M. Alliot-Marie en début de semaine, c'est une bonne chose ?
R.- Je pense qu'il est indispensable de rétablir la confiance, rassurer l'ensemble des populations, donc il faut qu'il y ait une sécurité et que tous ceux qui font des trafics doivent être poursuivis. Mais il faut aussi que la police s'apprivoise avec la jeunesse et que la jeunesse apprivoise la police. La police n'est pas obligatoirement un adversaire des jeunes, et les jeunes doivent comprendre que la police a sa nécessité. C'est la crise de l'autorité, vous savez. Le problème, c'est un problème d'autorité. Il faut restaurer l'autorité dans la ville.
Q.- Et il faut cibler les quelques bandes de jeunes qui, dans chaque cité, posent problèmes ?
R.- Bien sûr, bien sûr.
Q.- Vous gardez l'Agence nationale de rénovation urbaine, ça marche ?
R.- Mais bien sûr ! Et on continue, et on va poursuivre l'action et tous les engagements qui avaient été pris par mon prédécesseur seront tenus. Mais à côté de cette rénovation urbaine indispensable, qui concerne plutôt les quartiers périphériques, je veux que nous lancions un grand plan, un peu sur la même image que ce qui a été fait pour la périphérie, pour les centres anciens et la réhabilitation des habitats indignes.
Q.- Apprendre le chinois ou le grec dans les cités, c'est très gentil, mais ne faut-il pas d'abord améliorer le niveau du français pour qu'ils trouvent un emploi, une base ?
R.- Naturellement, c'est évident. Mais vous voyez bien que quand on donne cet exemple-là, on veut montrer qu'il faut une mixité. Il y a certaines communes qui l'ont fait ; les premières années, quand on mettait le chinois dans les quartiers populaires, les bourgeois n'allaient pas pour autant dans le quartier populaire. Comme il n'y avait pas d'autres possibilités pour aller apprendre le chinois, au bout de deux-trois ans, cela s'est fait, et il y a eu des échanges et la mobilité se fait. La mobilité a été comprise par les maires des grandes villes, par les Trams, tout le monde a fait... Et ça, c'est un lien physique. Le Tramway... Mais il faut, en plus, un lien culturel. Je pense qu'il faut installer, par exemple, des résidences d'artistes dans les quartiers. Il faut, il faut vraiment faire la mixité. La République est unitaire, elle rassemble, elle ne divise pas.
Q.- Il y a la culture et il y a le sport aussi. B. Laporte veut un "Plan banlieue" pour le sport. Pourquoi ne pas l'intégrer à votre "Plan banlieue" ? Mais c'est ce qu'il va faire. 38 millions d'euros, des mesures...
R.- Oui, il a parfaitement raison. Je pense que se pose aussi la gouvernance de la politique de la Ville, et en ce qui concerne la gouvernance de la politique de la Ville, je pense que chaque ministère doit être très concerné et je souhaite, pour ma part, qu'il y ait un fonctionnaire, un haut fonctionnaire désigné dans tous les ministères, dans chaque ministère, qui soit chargé du regard à porter sur la ville du ministère concerné.
Q.- Les propriétaires de voitures incendiées, s'ils ont des revenus modestes, seront indemnisés automatiquement jusqu'à 4.000 euros. N'est-ce pas un aveu d'impuissance ? On paye parce qu'on ne peut pas empêcher les incendies de voitures ?
R.- Je pense qu'on peut se poser la question. Mais cela dit, humainement, je comprends que l'on ait proposé cela et que cela ait été voté. Mais ce que j'espère, c'est qu'on ne brûlera plus de voitures dans quelque temps, parce que nous aurons une politique de la Ville, globale, de réunification et de pacification.
Q.- J.-P. Bolufer, votre ex-directeur de cabinet, est sommé de quitter son appartement de la ville de Paris. Est-ce de l'acharnement ?
R.- Ne me parlez pas de cette affaire qui est pour moi très douloureuse.
Q.- Mais vous trouvez qu'on en fait trop maintenant ? On lui envoie les huissiers pour l'expulser.
R.- Je trouve que... Je ne dirais rien, je suis...
Q.- Cela vous bouleverse ?
R.- Oui.
Q.- Vous souhaitez que les 48.000 logements privés concernés de la ville de Paris soient transformés en logements sociaux et on n'en parle plus ?
R.- Non. Je pense qu'il faut effectivement regarder de près, dans toute la ville de Paris, et pas simplement sur un seul, ce qui se passe dans les logements libres qui appartiennent à la ville de Paris, oui.
Q.- Et on donne les noms de tous les occupants, comme ça tout...
R.- Mais on ne va pas faire une chasse à la sorcière ! Ce n'est pas du tout mon style, ce n'est pas du tout cela ! Mais ce qui est certain, c'est que ce qui s'est passé avec mon directeur de cabinet, est l'expression de la gravité de la situation du logement en France, et en particulier en région parisienne. Il n'y aurait pas eu un tel bouleversement, un tel effet médiatique, s'il n'y avait pas une crise du logement grave en France. Donc, moi, comme ministre du Logement, je veux que l'on construise, que l'on construise, et que l'on construise encore ! Il est inadmissible qu'en France, cinquième puissance mondiale, nous n'arrivions pas à loger toutes les personnes qui sont sur notre territoire !
Q.- Le droit opposable au logement est en vigueur, les demandes s'accumulent ?
R.- Non, elles ne s'accumulent pas, elles viennent petit à petit. J'étais une militante du droit au logement opposable, c'est moi qui ai déposé la proposition de loi quand j'étais députée, j'ai été rapporteur de ce texte, je ne savais pas que j'en serai ministre dès son application. Je suis ministre, je suis aussi déterminée, et je peux vous dire que le droit au logement opposable verra concrètement le jour. Au reste, il est en train de se dérouler normalement.
Q.- Rétablir le lundi de Pentecôte comme jour férié, est-ce que, en tant que femme politique qui a des convictions religieuses, cela vous satisfait ?
R.- Je trouve que c'est bien, naturellement...
Q.- Et en insistant sur l'importance des religions, à Rome et à Riyad, est-ce que le Président a outrepassé sa fonction ?
R.- Je ne pense pas. Je crois qu'il est intéressant que nous réfléchissions effectivement à ce qu'est la laïcité à la française. La laïcité à la française est parfaitement décrite dans l'article 1 de la Constitution : c'est "une République indépendante qui respecte toutes les religions et toutes les croyances". La laïcité, ce n'est pas l'interdiction des religions. Je trouve que le Président est courageux en disant tout cela, même à Riyad.
Q.- Quand il dit : "l'instituteur ne fera jamais aussi bien, pour distinguer le bien et le mal que le curé, le pasteur ou le rabbin", lui donnez-vous raison ou compare-t-il des choses pas comparables ?
R.- Je ne sais pas si l'un et l'autre feront mieux. C'est toujours difficile de dire où est le bien, où est le mal, c'est toujours quelque chose de très compliqué. Je pense que l'instituteur peut dire le bien et le mal et le religieux également.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 janvier 2008
R.- C'est la même chose. Ce que je demande, c'est une vision globale sur la ville et une dynamique nouvelle pour la politique de la ville. Il faut réconcilier la ville, la réunifier. Nous avons fait une politique fantastique depuis des années, mais nous voyons bien que nous sommes arrivés au pied du mur, pour les quartiers périphériques, mais nous avons oublié les centres anciens. Il faut réunifier la ville sous tous ses aspects.
Q.- Les centres-ville, ça marche tout seul, le marché de l'immobilier...
R.- Mais pas du tout ! Savez-vous que dans les centres-ville, c'est là où il y a le plus d'habitats indignes. Actuellement, nous démolissons dans les quartiers périphériques, et je ne dis pas qu'il faille arrêter, mais nous démolissons des logements qui sont plus confortables que ceux qui existent en centres-ville. C'est là où se trouvent tous les marchands de sommeil dans les centres-ville. Et les élus ont besoin d'une aide importante pour restructurer leurs centres-ville et l'habitat ancien.
Q.- L'incident est-il clos entre F. Amara et vous ?
R.- Il n'y a jamais eu de problèmes pour moi.
Q.- N. Sarkozy vous a-t-il réunies, avez-vous parlé à trois pour recaler un peu le discours ?
R.- Non, non, pas du tout ! Ce n'était pas nécessaire de le recaler, je n'avais de problème.
Q.- "Le Plan banlieue", puisqu'il s'appelle quand même encore comme cela, est-il écrit à quatre mains, elle et vous ? A-t-elle travaillé seule et vous êtes passée derrière pour contrôler ? Comment cela se passe-t-il ?
R.- Non. En fait, F. Amara a une personnalité forte, comme moi. Ceci dit, son directeur de cabinet est le directeur adjoint de mon cabinet, il participe à toutes les réunions de travail, et le pôle Ville du ministère du Logement et de la Ville que j'anime, participe aux réunions de travail du cabinet de madame Amara. Donc il y a une vraie concertation.
Q.- Souhaitez-vous un changement lors d'un remaniement, qu'on vous affecte quelqu'un d'autre, craignez-vous un remaniement ?
R.- Pas du tout, non ! Je ne crains rien du tout. Je crois à un certain nombre de choses que je défends.
Q.- A Vaulx-en-Velin, mardi, serez-vous présente, on apprendra des choses ?
R.- Oui, je serai présente à Vaulx-en-Velin. Je pense que j'ouvrirai les journées, la matinée. Je ne sais pas si d'autres personnes viendront.
Q.- Entre F. Amara et vous à Vaulx-en-Velin, que restera-t-il au Président à annoncer le 8 février ?
R.- Il a beaucoup de choses à dire le Président ! Et de toute façon, que pense que, compte tenu de la situation de la ville, qui autrefois était un facteur d'intégration sociale, et qui est aujourd'hui une addition de ghettos - ghetto populaire, ghetto bourgeois, etc. -, il faut que le président de la République donne une dimension. Et moi, je crois profondément que la ville s'inscrit dans une politique et une réflexion sur la civilisation du XXIème siècle.
Q.- Le Plan a-t-il pris quelques semaines de retard parce qu'il n'était pas assez musclé administrativement et Matignon et l'Elysée ont voulu le reprendre, ou est-ce parce qu'il n'y a pas d'argent, et que donc, vous cherchez un peu partout les millions ?
R.- Non. Je ne sais pas pour quelles raisons exactement les choses ont été retardées. Mais ce qui est certain c'est qu'il y a des idées, et le Président va les présenter quand il le faudra.
Q.- Y aura-t-il de l'argent ; "les caisses sont vides", a dit le Président...
R.- Oui, mais on peut très bien arriver... Je suis convaincue que beaucoup d'argent a été débloqué depuis des années, il faut une meilleure répartition, il faut faire confiance aux élus. J'ai un certain nombre de propositions à faire, nous avons une réunion à Matignon, aujourd'hui, avec les différents ministres. Et je pense que je vais plaider, non pas pour augmenter les moyens, mais pour faire confiance aux élus, pour une nouvelle répartition, mais avec une vision globale de la ville. Vous verrez ce que je vous dira mardi prochain.
Q.- C'est-à-dire vous voulez que les élus reçoivent les enveloppes budgétaires et les gèrent sur le terrain ?
R.- Absolument. Avec un contrat d'objectifs avec l'Etat, de façon à ce que... Vous savez, le maire sait davantage que n'importe qui s'il faut recruter un travailleur de rue, un travailleur social ou une ATSEM - Agence territoriale spécialisée dans les écoles maternelles - plutôt que telle ou telle action. Donc, je veux faire confiance, je veux simplifier, je veux que... Il faut augmenter la DSU - la dotation sociale urbaine - pour leur donner des moyens supplémentaires ; il faut que le droit commun soit appliqué dans les communes pour tout le monde, pour toutes les communes sur la République, et que l'on rajoute, pour les communes qui ont des fragilités, une dotation supplémentaire.
Q.- "50 quartiers, 1 milliard d'euros", c'est un ordre d'idée réel de l'argent que vous pouvez débloquer ?
R.- Moi, je ne veux pas rentrer dans les milliards. Si on me donne 3 milliards, je prends 3 milliards, si on me donne 1 milliard, je fais avec 1 milliard. Le problème n'est pas là, Le problème est d'avoir un nouveau regard sur la ville et une vision globale sur la ville. Nous avons opposé les quartiers les uns par rapport aux autres, avec les meilleures intentions du monde, nous avons créé des frontières entre les uns et les autres, il faut faire de la mixité, de la mobilité entre les quartiers, il faut faire beaucoup de choses sur l'éducatif, en ce qui concerne l'emploi également. Les chefs d'entreprise, du reste, l'ont parfaitement compris. Dans les quartiers fragiles, les jeunes de ces quartiers sont une richesse pour la France et les chefs d'entreprise sont en train d'y aller.
Q.- Pour les amener vers l'emploi ces jeunes, il faut mettre des bureaux de placement dans les cités ou au contraire les amener au centre-ville ou dans les zones d'activité ?
R.- Il faut sans doute les deux. Et ce qu'il faut surtout, c'est mettre partout des services publics dans la ville. Or, les services publics ont parfois déserté un certain nombre de quartiers, en particulier des quartiers populaires, et ceci est difficile. Il faut faire de la mobilité à l'intérieur de la ville. Il faut que la culture rentre aussi, soit accessible à tous. Il ne faut pas de discrimination entre les différentes populations des quartiers.
Q.- Le retour de la police de proximité, annoncé par M. Alliot-Marie en début de semaine, c'est une bonne chose ?
R.- Je pense qu'il est indispensable de rétablir la confiance, rassurer l'ensemble des populations, donc il faut qu'il y ait une sécurité et que tous ceux qui font des trafics doivent être poursuivis. Mais il faut aussi que la police s'apprivoise avec la jeunesse et que la jeunesse apprivoise la police. La police n'est pas obligatoirement un adversaire des jeunes, et les jeunes doivent comprendre que la police a sa nécessité. C'est la crise de l'autorité, vous savez. Le problème, c'est un problème d'autorité. Il faut restaurer l'autorité dans la ville.
Q.- Et il faut cibler les quelques bandes de jeunes qui, dans chaque cité, posent problèmes ?
R.- Bien sûr, bien sûr.
Q.- Vous gardez l'Agence nationale de rénovation urbaine, ça marche ?
R.- Mais bien sûr ! Et on continue, et on va poursuivre l'action et tous les engagements qui avaient été pris par mon prédécesseur seront tenus. Mais à côté de cette rénovation urbaine indispensable, qui concerne plutôt les quartiers périphériques, je veux que nous lancions un grand plan, un peu sur la même image que ce qui a été fait pour la périphérie, pour les centres anciens et la réhabilitation des habitats indignes.
Q.- Apprendre le chinois ou le grec dans les cités, c'est très gentil, mais ne faut-il pas d'abord améliorer le niveau du français pour qu'ils trouvent un emploi, une base ?
R.- Naturellement, c'est évident. Mais vous voyez bien que quand on donne cet exemple-là, on veut montrer qu'il faut une mixité. Il y a certaines communes qui l'ont fait ; les premières années, quand on mettait le chinois dans les quartiers populaires, les bourgeois n'allaient pas pour autant dans le quartier populaire. Comme il n'y avait pas d'autres possibilités pour aller apprendre le chinois, au bout de deux-trois ans, cela s'est fait, et il y a eu des échanges et la mobilité se fait. La mobilité a été comprise par les maires des grandes villes, par les Trams, tout le monde a fait... Et ça, c'est un lien physique. Le Tramway... Mais il faut, en plus, un lien culturel. Je pense qu'il faut installer, par exemple, des résidences d'artistes dans les quartiers. Il faut, il faut vraiment faire la mixité. La République est unitaire, elle rassemble, elle ne divise pas.
Q.- Il y a la culture et il y a le sport aussi. B. Laporte veut un "Plan banlieue" pour le sport. Pourquoi ne pas l'intégrer à votre "Plan banlieue" ? Mais c'est ce qu'il va faire. 38 millions d'euros, des mesures...
R.- Oui, il a parfaitement raison. Je pense que se pose aussi la gouvernance de la politique de la Ville, et en ce qui concerne la gouvernance de la politique de la Ville, je pense que chaque ministère doit être très concerné et je souhaite, pour ma part, qu'il y ait un fonctionnaire, un haut fonctionnaire désigné dans tous les ministères, dans chaque ministère, qui soit chargé du regard à porter sur la ville du ministère concerné.
Q.- Les propriétaires de voitures incendiées, s'ils ont des revenus modestes, seront indemnisés automatiquement jusqu'à 4.000 euros. N'est-ce pas un aveu d'impuissance ? On paye parce qu'on ne peut pas empêcher les incendies de voitures ?
R.- Je pense qu'on peut se poser la question. Mais cela dit, humainement, je comprends que l'on ait proposé cela et que cela ait été voté. Mais ce que j'espère, c'est qu'on ne brûlera plus de voitures dans quelque temps, parce que nous aurons une politique de la Ville, globale, de réunification et de pacification.
Q.- J.-P. Bolufer, votre ex-directeur de cabinet, est sommé de quitter son appartement de la ville de Paris. Est-ce de l'acharnement ?
R.- Ne me parlez pas de cette affaire qui est pour moi très douloureuse.
Q.- Mais vous trouvez qu'on en fait trop maintenant ? On lui envoie les huissiers pour l'expulser.
R.- Je trouve que... Je ne dirais rien, je suis...
Q.- Cela vous bouleverse ?
R.- Oui.
Q.- Vous souhaitez que les 48.000 logements privés concernés de la ville de Paris soient transformés en logements sociaux et on n'en parle plus ?
R.- Non. Je pense qu'il faut effectivement regarder de près, dans toute la ville de Paris, et pas simplement sur un seul, ce qui se passe dans les logements libres qui appartiennent à la ville de Paris, oui.
Q.- Et on donne les noms de tous les occupants, comme ça tout...
R.- Mais on ne va pas faire une chasse à la sorcière ! Ce n'est pas du tout mon style, ce n'est pas du tout cela ! Mais ce qui est certain, c'est que ce qui s'est passé avec mon directeur de cabinet, est l'expression de la gravité de la situation du logement en France, et en particulier en région parisienne. Il n'y aurait pas eu un tel bouleversement, un tel effet médiatique, s'il n'y avait pas une crise du logement grave en France. Donc, moi, comme ministre du Logement, je veux que l'on construise, que l'on construise, et que l'on construise encore ! Il est inadmissible qu'en France, cinquième puissance mondiale, nous n'arrivions pas à loger toutes les personnes qui sont sur notre territoire !
Q.- Le droit opposable au logement est en vigueur, les demandes s'accumulent ?
R.- Non, elles ne s'accumulent pas, elles viennent petit à petit. J'étais une militante du droit au logement opposable, c'est moi qui ai déposé la proposition de loi quand j'étais députée, j'ai été rapporteur de ce texte, je ne savais pas que j'en serai ministre dès son application. Je suis ministre, je suis aussi déterminée, et je peux vous dire que le droit au logement opposable verra concrètement le jour. Au reste, il est en train de se dérouler normalement.
Q.- Rétablir le lundi de Pentecôte comme jour férié, est-ce que, en tant que femme politique qui a des convictions religieuses, cela vous satisfait ?
R.- Je trouve que c'est bien, naturellement...
Q.- Et en insistant sur l'importance des religions, à Rome et à Riyad, est-ce que le Président a outrepassé sa fonction ?
R.- Je ne pense pas. Je crois qu'il est intéressant que nous réfléchissions effectivement à ce qu'est la laïcité à la française. La laïcité à la française est parfaitement décrite dans l'article 1 de la Constitution : c'est "une République indépendante qui respecte toutes les religions et toutes les croyances". La laïcité, ce n'est pas l'interdiction des religions. Je trouve que le Président est courageux en disant tout cela, même à Riyad.
Q.- Quand il dit : "l'instituteur ne fera jamais aussi bien, pour distinguer le bien et le mal que le curé, le pasteur ou le rabbin", lui donnez-vous raison ou compare-t-il des choses pas comparables ?
R.- Je ne sais pas si l'un et l'autre feront mieux. C'est toujours difficile de dire où est le bien, où est le mal, c'est toujours quelque chose de très compliqué. Je pense que l'instituteur peut dire le bien et le mal et le religieux également.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 janvier 2008