Déclaration de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur l'activité de la Commission nationale du débat public, Paris le 23 février 1999.

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Circonstance : Réunion de la Commission nationale du débat public le 23 février 1999 à Paris

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs
Le 4 septembre 1997, javais tenu à procéder moi-même à linstallation de votre commission, pour marquer limportance que jattachais à son rôle.
À cette occasion , tout en me réjouissant daccueillir votre commission dans les locaux du ministère, je métais engagée à veiller scrupuleusement au respect de votre indépendance et je vous avais assuré du soutien sans faille de mes services.
À lheure dun premier bilan de votre action, je peux me féliciter du fait que votre indépendance est clairement établie, et quelle na jamais été mise en question. Au contraire, jai même encouru le reproche de ne pas assez mengager et de ne pas assez peser sur votre décision dans les avis que je vous adresse.
Pour ma part je noublie pas que, au terme du décret du 10 mai 1996, votre commission ne sollicite mon avis que " sur le caractère dintérêt national du projet, son enjeu socio-économique et son impact sur lenvironnement ", et non sur lopportunité de lorganisation dun débat, qui relève de lappréciation souveraine de la commission.
Je laisse aussi à lappréciation de la commission, et plus particulièrement de son président, le fait de savoir sil y a lieu de se féliciter des conditions matérielles et du soutien que lui procure mon ministère.
2) Depuis son installation la commission a mené deux débats : le premier sur le projet Port 2000, qui concerne lextension du port du Havre ; le second sur le projet de ligne à très haute tension entre Boutre et Carros, dans la région du Verdon.
Un troisième débat, relatif au projet dautoroute A 32, doit commencer au début du mois prochain.
Les deux premiers débats ont confirmé, sil en était besoin, lutilité de débats publics approfondis sur les objectifs et sur les caractéristiques principales des grandes opérations. Ils ont également confirmé lutilité de votre commission, garante du bon déroulement de ces débats.
À loccasion du débat sur le projet de ligne à très haute tension Boutre-Carros, votre commission a mis en uvre la disposition figurant à larticle 6 du décret du 10 mai 1996, lautorisant à ordonner une expertise complémentaire. Cette expertise a mis en évidence lexistence et lintérêt dun projet alternatif à la proposition de ligne à très haute tension, plus respectueuse de lenvironnement, de lopinion de la population et de ses élus, et contribuant au développement économique de la région.
En matière de grands projets, jai la conviction profonde que la disponibilité dune pluralité dexpertises constitue une condition essentielle de la qualité des débats et de lacceptabilité des processus de concertation.
Jai aussi eu loccasion de mettre en pratique cette idée au cours de lannée passée, à propos dun projet concernant laéroport de Lyon Satolas, dont votre commission est saisie. Lexpertise à laquelle jai fait procéder a fourni un référent commun à toutes les parties. Ce référent structure les débats de manière plus concrète et plus constructive, ainsi que la prouvé la table ronde récemment réunie sur le sujet par mon collègue Jean-Claude Gayssot.
La pluralité de lexpertise mobilisée pour éclairer les débats peut être une des conditions de leur pleine réussite. Nhésitez pas à utiliser à bon escient vos prérogatives en la matière.
3) Le second enseignement que je tire de ces 18 premiers mois dactivité de votre commission, cest lexistence dun temps de gestation qui peut être assez long. La décision dorganiser un débat sur le projet dautoroute A 32 et la désignation de la commission particulière remontent à lautomne 1997. Et le débat ne démarre quau début du mois prochain.
De même, votre commission a décidé récemment quun débat public aurait lieu sur la branche sud du projet de TGV Rhin-Rhône. Celui-ci interviendra, au mieux, à la fin de lannée. Et je ne parle pas des projets que votre commission suit, mais dont elle juge quils ne sont pas encore arrivés au stade auquel lorganisation dun débat public doit être décidée.
Reconnaissons que le débat public est une chose sérieuse, et quil faut prendre le temps nécessaire pour disposer dun bon dossier. Il est du devoir de votre commission de veiller à la qualité du dossier mis au débat. Sachez vous montrer exigeants.
4) Le travail que vous accomplissez est un vrai travail. Il est extrêmement prenant pour le Président Blanc, mais aussi pour les membres de la commission nationale qui acceptent de participer aux commissions particulières, plus encore pour ceux qui les président. Je tiens tout particulièrement à les remercier de leur implication, sans laquelle il ne saurait y avoir de débats publics.
Vous vous inquiétez à juste titre des limites à votre action que pourrait imposer la disponibilité des membres de la CNDP à assurer la présidence de commissions particulières. Votre action ne saurait être entravée par cette règle. Jai donc relayé votre préoccupation au gouvernement, qui a décidé de demander au Conseil constitutionnel de procéder au déclassement de cette disposition.
5) Comme vous le savez, le Premier ministre avait souligné, dans son discours de politique générale du 19 juin 1997, que " la démocratie ne [pouvait] souffrir la confiscation du pouvoir de décider ". Il avait ajouté : " La décision doit être préparée avec les personnes quelle concerne. " Lionel Jospin sest donc engagé à procéder à une révision de la procédure de déclaration dutilité publique.
Sur ma proposition, le Premier ministre a confié au Conseil dEtat, au mois de novembre dernier, létude dun " dispositif démocratique et simple, qui sappliquerait à tous les grands projets, quels quen soient lobjet et le maître douvrage, et qui devrait notamment permettre à chaque étape, des premiers documents de planification jusquà la réalisation de léquipement, la tenue de débats publics et contradictoires, éclairés par une pluralité dexpertises ".
Un groupe auquel participe le Président Blanc travaille activement à cette question, sous la présidence de Mme Nicole Questiaux. Lexpérience des débats publics menés ou préparés par votre commission et vos réflexions nourrissent utilement ce travail en cours. Jai la conviction que la pratique du débat public que vous instaurez est appelée à de nombreux et riches développements.
Je vous remercie pour le travail accompli, et je compte sur vous pour celui qui est à venir.
(Source http://www.environnement.gouv.fr le 25 février 1999)