Texte intégral
C. Barbier.- Grève dans l'audiovisuel public aujourd'hui contre la suppression de la publicité prévue pour 2009. Etes-vous prête à la retarder pour bien mener la concertation, voire à y renoncer ?
R.- Je dirais d'abord, est-ce que c'est une grève contre la publicité, ou plutôt une grève pour savoir ce que nous faisons pour que cette réforme, très très importante, se passe dans de bonnes conditions ? Je crois que c'est surtout ça. Et ce que je veux dire en tout cas aux salariés de France Télévisions, et ce que je leur ai déjà dit à maintes reprises, c'est qu'il ne faut pas qu'ils soient inquiets, qu'on a la volonté vraiment de faire ensemble une télévision publique, vers tous les publics, de qualité, avec peut-être, la possibilité de voir des choses intéressantes, des émissions nouvelles, cinéma, variétés, sport, absolument tout, plus tôt dans la soirée, sans avoir ces programmes à minuit, 1 heure du matin, qui étaient inévitables quand on était plus dépendants de la publicité.
Q.- Alors de "bonnes conditions" pour cette mutation, c'est aussi un calendrier de concertation un peu long. 2009 c'est rapide, c'est demain ?
R.- On s'est mis au travail tout de suite pour, justement, réfléchir au mode de financement. Ce financement sera assuré, tout sera compensé, euro par euro...
Q.- 1,2 milliard il vous faut ?
R.- Nous allons apprécier tout cela de toute façon avec les dirigeants de France Télévisions. Ce que je peux dire, c'est que ça sera compensé, euro par euro. Cela, c'est très important. Par ailleurs...
Q.- La télé publique ne sera pas appauvrie ?
R.- Elle ne sera pas appauvrie.
Q.- L'emploi sera préservé, donc ?
R.- Oui, mais tout à fait. Et seront préservées les différentes chaînes. Les Français aiment leurs chaînes, la 2, la 3, la 4, la 5. Par contre, on pourra faire évoluer éventuellement les programmes à l'intérieur des chaînes. Pourquoi pas une chaîne pour l'enfance et la jeunesse, une chaîne de qualité, qui pourrait être France 4, par exemple.
Q.- Alors, pour trouver de l'argent, pourquoi ne pas augmenter la redevance, elle est plus chère en Grande-Bretagne, on a d'autres exemples ?
R.- Oui, en Grande-Bretagne et en Allemagne. Parce que, je crois qu'actuellement, il y a une... les gens sont soucieux de leur pouvoir d'achat, on le sait. Le Président a pris la décision de ne pas augmenter la redevance. Par contre, il faut trouver effectivement des ressources supplémentaires, il y a des possibilités considérables, on le sait ; il y a des pistes de taxation, qui sont plus d'ailleurs que des pistes. Et je crois qu'avec des petites contributions, nous aurons tout le financement nécessaire, il n'y a pas de doute là-dessus.
Q.- Privatiser une de ces chaînes, pas forcément les plus grosses, c'est aussi un moyen de faire de rentrer de l'argent. Pourquoi vous l'interdire ?
R.- Parce que c'est hors de question, parce que le but n'est pas de couper en rondelles actuellement l'audiovisuel public, on n'en a aucune envie. Cette réforme, je tiens à le dire, elle ne cache pas d'autres choses derrière qui arrivent masquées. C'est vraiment une réforme culturelle, structurante, que le Président veut porter pour avoir une télévision qui corresponde encore plus à ce qu'attendent les Français, du point de vue justement de la qualité, de la diversité, de la culture, enfin, de tout un ensemble d'ambitions qu'il a envie de porter.
Q.- S'il n'est plus nécessaire d'attirer la publicité, il n'est plus nécessaire de faire de bonnes audiences, on va avoir une télé ennuyeuse ?
R.- Justement, l'idée c'est de ne pas faire une chaîne qui serait trop élitiste, qui serait trop culturelle. Je crois que c'est important qu'il y ait du sport, qu'il y ait des variétés, qu'il y ait aussi des séries. Il n'y a pas d'interdiction. Ce qu'il n'y aura pas, nous le souhaitons, c'est la recherche de l'audience par certaines émissions qui n'avaient pas du tout leur place sur le service public. Ce qui ne veut pas dire en revanche qu'on ne recherchera pas l'audience. Et moi, je suis pour que tous les jours, on publie, dans l'avenir, les chiffres d'audience des différentes émissions, parce que c'est important de savoir si on plaît au public.
Q.- La somme d'1,2 milliard, vous ne la confirmez pas, cela vous semble une estimation un peu haute ?
R.- Je crois qu'on sait que la publicité c'est autour de 700, 800 millions. Après, il faut voir...
Q.- Il faut compenser...
R.- Voilà, on peut réfléchir. Il faut travailler, en effet, sur ce que représente réellement la compensation, en tenant compte de tous les éléments et aussi de l'état du marché de la publicité, bien sûr.
Q.- Alors, pagaille à Neuilly entre les listes de droite. Est-ce que l'UMP est en train de perdre le contrôle, partout en France, des municipales ?
R.- Pas du tout. Je crois qu'il y a un lieu... Bon, il y a toute cette histoire à Neuilly, qui est quand même... Je crois que la France est un peu ahurie, et se dit : "mon Dieu, on ne parle plus que de Neuilly !". Je crois que ce n'est quand même pas... Il s'est passé un problème, ça peut arriver. Quelquefois, il y a un problème d'alchimie entre des candidats que l'on désigne, et puis, finalement, une population, cela ça arrive. C'est quand même, je crois un micro sujet. Je rappelle que les municipales, ce n'est pas ce week-end, ce n'est pas dimanche prochain, mais c'est quand même dans près de trois semaines. Il y a beaucoup de choses qui ont le temps de se passer. Je crois qu'il y a aussi une adhésion quand même, beaucoup plus grande qu'on ne pense, au mouvement qui a été lancé en mai dernier par N. Sarkozy. Il y a des choses très positives, on a déjà des résultats, que ce soit sur les heures supplémentaires, la sécurité, les chiffres du chômage. Il y a énormément de sujets ...
Q.- Vous attendez un sursaut de l'électorat de droite ?
R.- Oui, je crois qu'à un moment donné, l'électorat de droite peut avoir envie, sur des points précis, de montrer une espèce d'impatience. Son agacement, par exemple, dans ce qui se passe à Neuilly, je le comprends très bien. Dire pour autant que ça va être tout à coup, je ne sais quoi, une catastrophe annoncée, je ne le pense pas.
Q.- Guerre entre les ministres, ambiance de pré-remaniement, c'est cela l'atmosphère au Gouvernement, en ce moment ?
R.- Non, enfin, moi ce n'est pas du tout ce que je sens, personnellement. Je travaille, je l'ai dit, et je travaille telle que je suis, avec mon style, j'essaye de... Je fais avancer les dossiers, beaucoup arrivent maintenant à maturité. Voilà. Avant hier, par exemple, je tenais...j'avais "Les entretiens de Valois"...
Q.- On va en parler. Mais que va changer le Président dans sa gouvernance pour rebondir dans les sondages après ces neuf premiers mois ?
R.- Cela, je crois que c'est à lui de tirer toutes les conclusions de l'expérience... Vous savez, N. Sarkozy c'est un homme politique d'exception. Il le rappelle sans arrêt : il a cinq ans, il a un quinquennat. Pour l'instant, même pas une année s'est écoulée. Je crois qu'on peut lui faire toute confiance pour rebondir, pour... voilà... pour repartir avec encore plus d'énergie, j'en suis sûre.
Q.- Alors, dans cette énergie, il y aura de la communication ; le Parti socialiste veut que le temps de parole du Président soit compté avec celui du Gouvernement dans les quotas alloués. Le PS déposera un amendement après les municipales. Le soutiendrez-vous ?
R.- C'est une affaire dont le Conseil d'Etat s'est déjà saisi, a déjà tranché, il y a une jurisprudence qui continue à affirmer qu'en effet le temps de parole du président de la République n'est pas, ne doit pas être comptabilisé avec celui des partis à cause de son rôle. Donc, il faudrait...
Q.- On ne changera pas ?
R.-...Donc, il faudrait qu'il y ait une évolution de la Constitution sur ce point. Mais cela a déjà été tranché par le Conseil d'Etat.
Q.- Alors, le Président, lui, change les habitudes. Il attaque Le Nouvel Observateur pour un site, son site, qui a publié un SMS. N'y a-t-il pas atteinte à la liberté de la presse ou au respect des sources dans cette action judiciaire ?
R.- Je crois que, aussi, on est allés un petit peu loin. Je pense que le Président a voulu tout à coup, par une action, en effet, un peu lourde, un peu symbolique, dont on sait qu'elle va prendre aussi du temps, manifester que, quand même, parfois, il y avait des barrières, des limites qui n'avaient pas à être franchies. Et quand... Il y avait des éléments, c'est vrai, un SMS, vraiment, on touche vraiment à des choses extrêmement privées, c'est un peu... Enfin, on change un peu... on change de monde, on change d'époque, on n'est plus en France, là.
Q.- "Il y a des journalistes charognards", comme l'a dit R. Yade, qui sont accrochés au dos du Président ?
R.- Ce n'est pas la France. La France a toujours eu une tradition d'un certain... de respect, justement, un petit peu de la vie personnelle, et puis de choses... Il y a l'idée que tout ne doit pas être écrit, tout ne doit pas être inventé, tout ne doit pas être allégué. Cela, c'est une grande tradition française.
Q.- Alors, "Les entretiens de Valois", vous le disiez, sont ouverts, c'est sur le spectacle vivant. Il s'agit de gérer la baisse budgétaire ?
R.- Pas du tout. Justement, il s'agit de bien autre chose. Il s'agissait, et tout le monde était là, de réunir les représentants des organisations professionnelles, évidemment de tous les salariés, des artistes, techniciens, des collectivités territoriales, puisqu'on sait bien que, maintenant, tout est en partenariat, et de définir des axes de travail. On va mettre en place des groupes, un comité de pilotage, sur des sujets très très importants, comme, par exemple, la production, la diffusion, le partenariat entre l'Etat et les collectivités locales, l'observation - aujourd'hui, comment avoir des données fiables sur le spectacle vivant ? Enfin, on a toute une série de thèmes très importants. Et je crois que cela s'est passé dans une atmosphère très constructive, avec, de tous côtés, un peu un constat partagé, c'est-à-dire, qu'on était 50 ans après la création du ministère, 50 ans finalement, après un système qui avait d'ailleurs donné un résultat formidable, c'est-à-dire, une offre culturelle extrêmement riche, et qu'il fallait réfléchir pour savoir comment le soutien qu'apportait l'Etat peut être plus pertinent, avec des demandes plus précises pour qu'on ait vraiment du service public du spectacle vivant.
Q.- Rouvrirez-vous le dossier des intermittents ? La Cour des comptes vient de rappeler que le système est toujours aussi lent, toujours aussi inéquitable.
R.- Vous savez, l'Etat, je le rappelle, s'est beaucoup engagé pour les intermittents, artistes et techniciens. 300 millions d'euros en trois ans ! C'est quand même considérable. On a prolongé d'ailleurs le fonds transitoire qui avait été mis en place. Vous savez que l'année prochaine, il y a de nouveau des négociations collectives de l'assurance chômage. On est très attentif vraiment à leur sort, à leur vie quotidienne, et d'ailleurs, tout ce qui est professionnalisation du secteur, accompagnement, pour en faire vraiment de vrais parcours professionnels, cela marche très bien. Il y a là un fonds avec tous les syndicats, qui, maintenant, se réunit depuis longtemps, et en progrès de façon très positive.
Q.- Les musées qui expérimentent la gratuité ont une fréquentation en forte hausse. Allez-vous généraliser cette gratuité à tous les musées, et comment compenserez-vous les pertes de recettes ?
R.- Nous allons arriver, nous allons attendre justement la fin de l'expérience pour avoir toutes les données.
Q.- Et quand ?
R.- Ça va être juin, juillet. C'est très intéressant. Cela montre bien qu'il y a un appétit ; les gens ont envie effectivement de visiter. On va voir ce que l'on doit généraliser, quoi faire. Est-ce qu'il faut, par exemple, faire l'expérience qui est faite sur les soirées ? Actuellement, on dit aux jeunes : venez entre 18 heures et 21 heures dans les grands établissements parisiens, un par soir. Est-ce qu'il faut le généraliser ? On va en tirer toutes les conclusions.
Q.- S'il y a des pertes de recettes parce qu'il y a des pertes de billetteries, pourquoi ne pas vendre les oeuvres des musées, celles qui dorment dans les réserves ? Mettez-les sur le marché.
R.- Parce que je crois que, vraiment, alors le moins que je puisse dire, c'est que ce n'est pas du tout la solution. Je pense qu'on a... Ça c'est aussi une très grande tradition française. C'est depuis pratiquement François 1er. Nos oeuvres d'art doivent rester dans nos musées.
Q.- Dans les caves des musées.
R.- Pas dans les caves du tout. Elles doivent rester dans les musées. Ne croyez pas que les réserves soient des espèces de cavernes d'Ali Baba où dormiraient les trésors ignorés. Nos chefs d'oeuvre nous les montrons. Je crois que là n'est pas solution. En revanche, prévoir en effet, avoir une commission qui, dans certains cas exceptionnels - bien sûr une commission où les scientifiques continueront à être dominants - pourra éventuellement déclasser des oeuvres pour tel... On peut répondre à des demandes pour déclasser parfois une oeuvre, mais le principe c'est l'impossibilité de vendre les oeuvres. Voilà.
Q.- C. Bruni-Sarkozy s'est confiée à l'Express. On en est ravi. Elle va sortir un troisième disque. Est-ce compatible pour une Première dame de France d'être chanteuse ?
R.- Vous savez, je crois que nous sommes... l'époque évolue terriblement, et c'est aussi important d'avoir peut-être une Première dame qui a un vrai métier, qui effectivement a un talent considérable. Il y a quelques mois, on m'a interrogée sur mes chanteurs préférés. J'avais répondu "Carla Bruni"...
Q.- Bonne intuition !
R.- Ah ! Ecoutez, vraiment, parce que je l'écoutais vraiment en voiture, et je trouve que ça serait dommage qu'elle mette ce talent en sourdine, parce qu'elle a changé d'état.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 13 février 2008