Interview de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, à "France Info" le 21 février 2008, sur le projet de construction d'une "maison à 15 euros", les débats concernant les sectes et la laïcité.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

R. Duchemin.- La "Question du jour" porte sur la fameuse "maison à 15 euros". Vous aviez lancé l'idée ici même il y a quelques semaines de cela. Restait à trouver notamment les partenaires financiers. C'est fait, vous les avez ?

R.- Absolument et je suis très, très heureuse de cette convention que nous allons signer tout à l'heure au ministère avec dix sept partenaires : financiers, constructeurs, le 1 %, et puis aussi des élus qui sont impliqués.

Q.- Objectif : 5.000 maisons.

R.- Oui, une première tranche de 5.000 maisons. C'est la possibilité offerte pour tous de devenir propriétaire, puisque c'est ouvert aux familles composées au moins de trois personnes qui ont entre 1.500 et 2.000 euros par jour (sic) et qui pourront faire construire leur maison pour 15 euros par jour.

Q.- Quand on vous dit que la "maison à 15 euros", c'est un peu finalement la maison Borloo. Là, vous réagissez ? Vous dites : non, non, ce n'est pas du tout la même chose.

R.- Je coupe le cou du canard, là. Parce que ce n'est pas du tout la même chose. La maison Borloo n'a pas très bien marché...

Q.- Pour le coup, elle n'a pas très bien marché : 4 seulement sont propriétaires !

R.- Absolument, il y en a très peu. Mais justement, j'ai regardé ce qui a empêché de faire marcher cette maison. Et là, nous répondons par un produit complet avec naturellement un financement qui est dissocié entre le bâti et le foncier. Et surtout, il sera proposé aux primo accédants de cette maison à 15 euros le terrain en même temps. C'est-àdire la grande difficulté de la maison Borloo, c'est qu'il n'y avait pas le foncier. Vous savez très bien qu'aujourd'hui, pour construire, il faut avoir du terrain.

Q.- Justement, vous devancez ma question. Comment allez vous faire pour convaincre les communes de donner des terrains ou en tout cas de trouver des terrains ? Parce que, aujourd'hui, c'est le problème, il n'y a plus de place pour construire.

R.- Le nombre d'élus qui tapent à la porte aujourd'hui pour pouvoir bénéficier de cette nouvelle formule de cette "maison à 15 euros" me laisse à penser qu'il n'y aura pas de difficulté. C'est peut-être à Paris qu'on ne trouvera pas de terrain.

Q.- Des terrains d'au moins 250 mètres carrés, dites-vous ?

R.- Oui, oui, absolument. On en trouve, il y en a partout, même dans les zones tendues comme l'Ile-de-France. Aujourd'hui, la première tranche est de 5.000 maisons. Cela veut donc dire pour moi, non seulement il y a l'accession populaire à la propriété, mais qu'il y a deuxièmement aussi quelque chose de très important : c'est que vraisemblablement les personnes qui vont accéder à ces maisons sont actuellement en locatif, soit dans les HLM soit dans le privé. Ils vont devenir primo accédants. Ils vont donc libérer- ils sont trois - 5000 par trois cela fait 15.000 places. Cela va me permettre de pouvoir transférer les personnes qui sont actuellement en centre d'hébergement social pour aller vers le locatif. Cela va donner de la fluidité à l'ensemble de la chaîne du logement. Et c'est pour moi très important car il faut que nous arrivions à loger tous les hommes, les femmes et les enfants dans ce pays.

Q.- On est pourtant un des pays où il y a le plus de propriétaires aujourd'hui !

R.- Non, non, non pas du tout ! Nous avons que 56 % de moyenne nationale...

Q.- Quand même ce n'est pas mal !

R.- Oui mais le président de la République m'a donné comme objectif 70 %. Et il m'a demandé l'accession populaire à la propriété. Et cette maison à 15 euros répond parfaitement à cet objectif.

Q.- Ce soir, les associations de défense des sans-abri et des mal-logés vont se rassembler. Un mouvement solidaire, disent-ils, pour dénoncer une mobilisation insuffisante de l'Etat en la matière. Allez-vous les voir ?

R.- Je comprends la mobilisation. Ce sont des hommes et des femmes qui au quotidien donnent chaque jour pour les plus précaires d'entre nous. Et je tiens à saluer leur travail. Le Premier ministre lors de la rencontre, leur a proposé d'abonder de 250 millions et il a fait une ligne de crédit ouverte. Il leu a dit...

Q.- Mais aujourd'hui ils disent : "mobilisation insuffisante", quand même !

R.- Je ne sais pas. Une ligne de crédit qui est ouverte, c'est plus que n'importe quoi. C'est-à-dire le Premier ministre leur a dit : "250 millions débloqués aujourd'hui, et s'il y a des projets concrets qui ne seraient pas financés par ces 250 millions, je m'engage à les financer". Cela veut dire ligne de crédit ouverte. C'est sans fin.

Q.- Sans limite !

R.- Sans limite, oui.

Q.- On attend aussi dans le même domaine la nomination d'un superpréfet des sans-abri. C'en est où ?

R.- Oui, absolument. Cela va être fait très prochainement. C'est le Premier ministre qui a cette décision dans sa besace.

Q.- Je sais que vous allez me dire qu'il y a eu un démenti partiel, mais quand même, le feu a été allumé hier et le contre feu n'a pas vraiment pris. Selon VSD, E. Mignon dit qu'en France les sectes ne sont pas un problème ou sont un non problème. Le magazine assure qu'elle a bien tenu ces propos. Elle dit que non. Si c'est vrai, c'est quand même un peu grave.

R.- Mais justement, si Madame Mignon a démenti, moi je lui donne acte.

Q.- Elle dément cette partie là, mais pas le reste sur la scientologie.

R.- Ce qui me semble le plus important, c'est de voir aujourd'hui qu'il y a des débats dans ce pays. Et je pense que c'est important qu'il y ait des débats. Parce que la France doit rentrer dans le XXI siècle. Toutes les questions qui font aujourd'hui polémique nous obligent chacun, soit parce que nous sommes d'accord, soit parce que nous sommes opposés aux différents débats posés par le président de la République et ses conseillers, nous obligent à nous remettre en cause. Et je trouve cela très bien pour rentre dans le XXI siècle.

Q.- Le PS a sauté dessus en disant qu'il fallait notamment le camp laïque, qu'il fallait défendre la séparation de l'église et de l'Etat. On connaît vos engagements, Madame Boutin. Qu'en pensez-vous ?

R.- Je vous dis merci de me poser la question. Je ne suis pas favorable à ce que l'on touche à la loi de 1905. L'article 1 de la Constitution est très clair. Nous devons être fiers en France de cette laïcité qui respecte toutes les croyances et toutes les religions. Basta ! Ça suffit ! On arrête là-dessus !

Q.- Les déclarations d'E. Mignon sont très claires concernant les sectes. Est-ce que vous, aujourd'hui, vous pensez que c'est un danger ?

R.- J'ai fait partie de la commission 1995 avec A. Gest. C'est un problème très compliqué, très difficile. Et tout ce qui touche à la liberté doit être regardé. Il y a effectivement des psychologies un peu fragiles qui parfois se laissent embarquer et nous ne pouvons pas rester inattentifs par rapport à cette réalité. Mais il y a aussi la loi qui règle tout cela. Donc, voilà.

Q.- A. Gest dit que ce sont des propos dangereux.

R.- Vous ne me ferez pas dire... Madame Mignon me dit qu'elle n'a pas dit cela. Eh bien, je crois ce que dit Madame Mignon.

Q.- Et de manière générale, les propos du chef de l'Etat sur la religion, vous y adhérez ?

R.- C'est formidable ! Monsieur Sarkozy, le président de la République, sur ce sujet là comme sur d'autres nous pose des questions à tous les Français. Et il demande à ce que chacun... Il suscite la réaction de chacun. Je trouve cela formidable ! Un pays de débats. Au moins, secouons nos cendres, bougeons un peu, remettons-nous en cause. Nous sommes dans le XXIème siècle, la France est une grande puissance. Il faut avancer. N'ayons pas peur des débats. Nous sommes un pays de démocratie, nous devons débattre.

Q.- Problème quand même ! Une fois de plus, ce sont les conseillers qui parlent. C'est vrai qu'on voit souvent N. Sarkozy prendre la parole à la place de ses ministres. Mais il laisse ses conseillers s'exprimer. C'est faux ?

R.- Nous sommes entrés, avec le quinquennat - je le dis depuis des années, moi j'ai voté contre le quinquennat - mais le quinquennat a induit un régime présidentiel. Nous rentrons dans un régime présidentiel. Il faut bien le savoir. Il faut l'accepter. Qu'est-ce que vous voulez ? Il ne fallait pas voter le quinquennat si on ne voulait pas un régime présidentiel. C'est en train de se mettre en place particulièrement, finement, dans ce pays. Eh bien, nous avons les conséquences de ce que nous avons voulu.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 février 2008