Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports, à Canal Plus le 14 février 2008, sur les mesures de sécurité routière, les chantiers TGV et les lignes de fret ferroviaire.

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Média : Canal Plus

Texte intégral

C. Roux, B. Toussaint et L. Mercadet B. Toussaint : Vous étiez aux côtés de F. Fillon, à l'occasion du Comité interministériel sur la Sécurité routière, hier. Le Gouvernement durcit les sanctions. Dans la ligne de mire, l'alcool au volant et la vitesse. L'autre dossier chaud du ministre : les contrôleurs aériens. Cette nuit, un pas a été fait vers une sortie de crise. Merci d'être avec nous ce matin. La nuit a été courte ?
 
R.- La nuit a été un peu courte mais ça vaut la peine...
 
B. Toussaint : Ça ne se voit pas, bravo.
 
R.-... puisque nous avons, je pense, mis fin à ce conflit qui commençait à gêner beaucoup la vie des Françaises et des Français.
 
B. Toussaint : C'est fini ?
 
R.- C'est fini sous réserve, comme toujours, que les assemblées générales en décident, mais je crois qu'aujourd'hui les choses iront mieux, et si tout va bien, demain les Français pourront voyager normalement en avion.
 
C. Roux : Sur le fond, l'accord, comment ça s'est passé, c'est l'Etat qui a fait pression sur la DGAC pour qu'elle lâche ?
 
R.- Ce qu'il faut expliquer, c'est qu'on veut regrouper tout le contrôle aérien qui est actuellement distingué entre Orly, Roissy, Athis-Mons, en une seule plateforme pour des raisons de sécurité, pour des raisons de capacité, de fluidité, et surtout pour des raisons environnementales, pour qu'il y ait des avions plus haut et qu'il y ait moins de bruit. Donc pour faire tout ça, il faut faire travailler les gens ensemble. Donc on avait une méthode qui avait été mise au point par la DGAC, cette méthode était contestée par la CGT, chacun fait un pas vers l'autre et on aboutit à l'accord qui a été signé cette nuit.
 
C. Roux : Vous avez la garantie que cet accord sera adopté, accepté par l'ensemble des salariés ?
 
R.- Je le souhaite profondément. Je crois que cette grève n'était pas comprise par les Français. Honnêtement, c'était une grève pour quelque chose de dans trois ans, pour reprendre une expression célèbre, "le job de dans trois ans".
 
C. Roux : Mais c'est toujours le cas...
 
R.- Oui, sauf qu'on a trouvé les modalités pour que tout le monde puisse travailler où il voudra. Les gens qui seront un peu bougés seront dédommagés, enfin je ne vais pas rentrer dans les détails, donc voilà.
 
C. Roux : Enfin, vous avez dû intervenir pour mettre fin...
 
R.- Oui, mais c'est mon boulot.
 
C. Roux : Bon, d'accord. Alors, votre boulot, justement, parlons-en, avec le Comité interministériel sur la Sécurité routière, hier. Si on a bien compris, il faudra souffler pour démarrer, c'est ça ?
 
R.- Alors, c'est plus compliqué que ça, il y a trois choses. L'automobiliste normal, tous ceux qui nous regardent en ce moment, ce ne sont pas des professionnels, on a demandé aux constructeurs de mettre dans les véhicules un éthylotest qui permette, comme on allumait sa cigarette avec un allume-cigare, de se tester.
 
L. Mercadet : Espérons que ça marchera mieux que l'allume-cigare qui tombe souvent en panne...
 
R.- Oui, mais ce sera meilleur pour la santé. Deuxièmement, si vous êtes conducteur professionnel de bus scolaire, pour tous les enfants qui utilisent les bus scolaires, à partir du 1er septembre 2009, le temps qu'on équipe, il y aura un éthylomètre anti-démarrage.
 
C. Roux : Pourquoi bus scolaires uniquement, pourquoi pas tous les cars ?
 
R.- Parce que, si vous voulez, on commence par les bus scolaires pour des raisons évidentes de protection de nos enfants. Mais F. Fillon nous a demandé, hier, de regarder comment on pourrait équiper tous les autocars et tous les bus. Donc, ce sera l'étape suivante, naturellement, et également très rapidement.
 
L. Mercadet : Les véhicules de police aussi ?
 
R.- Les véhicules de police, les véhicules de pompiers, et les véhicules conduits par les journalistes, par tout le monde, et les hommes politiques.
 
B. Toussaint : Mais on n'a rien fait nous ! L. Mercadet : Un verre d'eau, Bruce ? B. Toussaint : Une question qui revient beaucoup ce matin sur notre messagerie puisque nous avons annoncé votre présence et ça a d'ailleurs suscité un nombre très important de questions. Pourquoi ne pas généraliser, ça vous venez de le dire, à tous les professionnels du transport, mais pourquoi pas aux routiers ?
 
R.- Mais c'est une étape qui pourrait certainement un jour être franchie. Alors, concernant les routiers...
 
B. Toussaint : C'est une piste ?
 
R.-...Concernant les routiers, hier, nous avons pris une mesure importante. Vous savez qu'on avait constaté, il y a quelque temps, que certains routiers, mais c'était vraiment une toute petite exception, regardaient la télé, peut-être vous en ce moment, ou la vidéo tout en conduisant. Donc, là, on a décidé de relever très fortement le niveau de sanction et de faire des contrôles. Donc, c'est un Comité interministériel, hier, qui a un seul objectif - ce n'est pas d'embêter les Français ; on était il y a quelques années à 8.000 morts, on est passés à 4.500, en cinq ans on a diminué de deux le nombre de morts -, et là, l'objectif c'est moins de 3.000 morts dans cinq ans.
 
C. Roux : Juste une question, pourquoi ne pas passer directement, puisqu'on voit que depuis quelques années le Gouvernement tourne autour, à la tolérance zéro pour l'alcool ?
 
B. Toussaint : A 0 % d'alcoolémie ?
 
C. Roux : Oui...
 
R.- La règle que nous nous sommes fixée autour de F. Fillon, elle avait été avalisée fin décembre par le président de la République, c'est de faire en sorte que les règles qui existent soient respectées. Moi, je n'aime pas et je trouve tout à fait inefficace d'accumuler sans arrêt des règles nouvelles. Faisons déjà respecter la vitesse à 90, la vitesse à 50, la vitesse à 130, le taux d'alcoolémie tel qu'il est. Peut-être qu'un jour on ira plus loin, mais faisons le déjà respecter tel qu'il est. Regardez, on a diminué ce faisant par deux le nombre de morts et on va encore le diminuer de 1.500 dans les cinq ans à venir et il faut penser aux jeunes qui sont les plus grandes victimes. Et je dis un mot des deux-roues parce qu'il y a beaucoup de deux-roues qui nous regardent...
 
C. Roux : On va parler des deux-roues précisément...
 
R.-...1 % du trafic, 27 % des morts. Donc il faudra qu'on soit très actif dans ce domaine.
 
C. Roux : Restons d'abord sur l'alcool. Vous avez prévu d'interdire la vente d'alcool dans les stations-service.
 
R.- Oui.
 
C. Roux : Est-ce que ce n'est pas un peu, pardon, mais caricatural ? On ne peut pas acheter de l'alcool dans un restoroute, on ne peut pas acheter de l'alcool dans une grande surface qui vend aussi de l'essence ? Pourquoi se contenter des stations-service ?
 
R.- Alors, d'abord, si vous voulez, nous en avons longuement discuté hier autour de F. Fillon, on fera certainement une distinction entre la station-service qui est située dans une grande ville, où il y a d'autres possibilités, où là, en effet, c'est empêcher qu'on vienne à la station de service pour prendre une bouteille et boire à la limite dans sa voiture et repartir, et puis la station-service en milieu rural qui joue un rôle de magasin de proximité et qui a remplacé la boulangerie, le marchand de journaux. Donc on va faire en sorte que cette règle soit appliquée intelligemment.
 
C. Roux : Vous dites, "on va", c'est prévu ? Il y a un autre rendez-vous qui est fixé ?
 
R.- Si vous voulez, les mesures ont été annoncées, il faut ensuite un certain temps pour que, soit des lois soient votées, soit des décrets soient appliqués. Il y a déjà des mesures qui ont des dates précises, et quand on dit, "on va", c'est que cela nécessite quelques consultations. Donc toute une série de mesures entrent en application dès aujourd'hui, d'autres nécessitent des lois, des règlements et un débat, et y compris l'avis du Conseil d'Etat.
 
B. Toussaint : Sur les deux-roues, vous l'avez évoqué à l'instant : aujourd'hui, un jeune de 16 ans peut rouler sur un deux-roues à moins de 50 cm3.
 
R.- Sans permis.
 
B. Toussaint : Sans permis, c'est ce que je voulais dire. Est-ce que c'est une règle qui peut évoluer ?
 
R.- Nous allons faire en sorte que les deux-roues soient une priorité. Par exemple, hier, sur les deux-roues nous avons, enfin nous avons demandé pour les cyclistes, par exemple, le port d'un vêtement réfléchissant obligatoire la nuit hors agglomération. On va inciter les parents également, pour les enfants, à mettre le casque, y compris en vélo, le casque de protection des enfants. Et pour les deux-roues, il y aura toute une série de mesures. Il y a une mesure que nous n'avons pas prise, je vous le dis clairement, nous y avions pensé, c'était le contrôle technique pour les deux-roues. Nous pensons que les propriétaires de deux-roues sont en général des gens qui entretiennent bien leur véhicule.
 
B. Toussaint : Contrôle technique, qu'est-ce que vous voulez, qu'ils vérifient la pression des pneus, le dérailleur ?
 
R.- Non, comme le contrôle technique... Attendez, quand je parle des deuxroues je parle d'une moto !
 
B. Toussaint : Oui, bien sûr.
 
R.- Moi, je vous signale - je ne sais pas comment vous êtes -, mais moi, je fais regarder mon vélo tous les ans, pour voir si les freins fonctionnent bien, etc., voilà.
 
B. Toussaint : Sur les quoi, sur les scooters, sur les motos, tout ça ?
 
R.- On n'a pas pris cette mesure, non pas par un souci de démagogie, mais parce qu'on trouve que les propriétaires de deux-roues, en général, entretiennent bien leur matériel, et puis on ne veut pas en rajouter. Je le redis vraiment, l'objectif ce n'est pas d'embêter les Français, l'objectif c'est moins de morts, moins de tués, moins de jeunes paraplégiques, etc.
 
C. Roux : Justement - je m'adresse à vous une nouvelle fois sur ce sujet-là -, est-ce que vous trouvez normal qu'un gamin de 16 ans monte sur un deux-roues, un 50 cm3, sans avoir l'obligation de passer un permis ? Est-ce que vous, en tant que ministre des Transports, vous dites, "il faut lutter contre la mentalité des jeunes sur les deux-roues", est-ce que ce n'est pas commencer par ça ?
 
R.- A l'époque où j'écoutais H. Salvador, comme vous - enfin vous êtes plus jeune, C. Roux -, j'étais sur ma mobylette, bon, voilà, et c'était moins de 50 cm, et cela faisait de peine à personne.
 
C. Roux : Oui, sauf qu'à l'époque on pouvait boire et monter, prendre sa voiture, etc. Les choses ont changé. Est-ce que ça, ce n'est peut-être pas la suite...
 
R.- Si vous voulez, de toute façon, nous allons revoir complètement tout le système du permis de conduire. Je le répète, F. Fillon l'a dit, hier, nous avons commande, J.-L. Borloo et moi, d'une réforme complète du permis de conduire dans deux aspects : un, les épreuves et tout ce qu'on fait autour de l'épreuve ; et deux, le prix. Parce qu'il y a une énorme injustice, passer le permis aujourd'hui, surtout si vous ne l'avez pas du premier coup, ça coûte une fortune. Imaginez une famille qui ait plusieurs enfants, il y a des jeunes qui roulent sans permis parce qu'ils en ont besoin pour bosser parce qu'ils n'ont pas pu passer le permis, et ça c'est inacceptable.
 
B. Toussaint : Oui, mais dans le même temps, vous annoncez 2.500 radars de plus d'ici à 2012, donc il y a déjà deux millions... On dit qu'il y a deux millions de Français qui roulent sans papiers...
 
R.- Mais ça n'a rien à voir !
 
B. Toussaint : Ben si, ça a un peu à voir.
 
R.- D'abord, moi je préfère des radars à des morts et je crois que toutes les familles françaises qui nous écoutent pensent la même chose ; premièrement. Et deuxièmement, nous avons besoin de plus de sévérité et les gens qui roulent sans permis ce n'est pas simplement parce qu'ils se sont faits prendre leurs points, c'est aussi parce que certains ne l'ont jamais passé. Imaginez une famille qui ait des enfants de 18, 19 ans, ça coûte plusieurs milliers d'euros pour un enfant et le deuxième enfant, ils pourront pas. Donc il y a des jeunes qui ont besoin, pour rentrer dans la vie, du permis et qui ne le passent pas. Donc, avec les maires de France, avec la Caisse des Dépôts, avec une idée qu'a lancée également M. Hirsch, nous allons faire en sorte que le permis soit moins cher, avec la collaboration des auto-écoles qui sont à nos côtés dans cette affaire.
 
B. Toussaint : Une question très concrète : vous allez supprimer les panneaux juste avant les radars ou pas ?
 
R.- Non.
 
B. Toussaint : Parce que c'était envisagé à un moment donné...
 
R.- Ma réponse est non.
 
B. Toussaint : Ils seront toujours là. La question de Léon... L. Mercadet : On va parler du train parce que c'est le seul moyen de transport qu'on n'ait pas encore... ...
 
R.- Oui, et puis c'est important parce qu'aujourd'hui, on lance le TGV entre Tours et Bordeaux, on lance les appels d'offre.
 
L. Mercadet : Voilà. Alors on dit que le train est le moyen de transport le plus écologique, plus écologique que la voiture, plus écologique que l'avion, et pourtant on voit des écologistes protester à très haute voix contre les énormes chantiers de TGV. Je pense à la voie Lyon-Turin, avec cet énorme chantier qui va durer quinze ans, qui va multiplier les camions - ce sera 500 camions par jour pour faire ce tunnel de 50 km - ; c'est comme un paradoxe, quoi. Donc, qu'est-ce que vous dites aux écologistes lyonnais et nos amis italiens de la vallée du Suze ? Qu'est-ce que vous leur dites pour leur vendre le TGV Lyon-Turin ?
 
R.- Vous savez, ça tombe très bien, j'étais avant-hier dans l'Ain, donc à l'est de Lyon, là où va passer cette ligne contournement ferroviaire de Lyon, et les gens sont furieux par l'arrivée de cette ligne. Et c'est le paradoxe, moi j'habite dans une région, en Charente-Maritime, sur l'axe entre l'Espagne et la France, il y a des murs de camions qui remontent d'Espagne et du Portugal et qui vont vers la France. Donc, les gens sont furieux et demande qu'on les passe sur le train. Et quand on va les passer sur le train, par exemple quand la ligne actuelle entre Tours et Bordeaux sera utilisable par l'autoroute ferroviaire, parce qu'on aura la ligne nouvelle que l'on va construire, les mêmes commencent à se dire, "mais on aura plus de trains". Donc, la réponse c'est que il faut qu'on fasse un progrès dans la technologie des trains de fret. Un train de fret, ça fait du bruit, il y a des problèmes de freinage, il y a des problèmes d'attelage, alors qu'on a réussi avec le TGV, ou l'AGV ou nos TER, à avoir des trains propres et de moins en moins bruyants. Donc il faut qu'on améliore la technologie de ces trains de fret qui n'a pas bougé depuis cinquante ans, alors que celle des trains de voyageurs a énormément changé. Et puis, peut-être que ces lignes qui seront destinées au fret ferroviaire, on améliore les protections phoniques pour les habitants qui sont autour.
 
B. Toussaint : Alors, il nous reste quelques secondes pour un j'aime/j'aime pas. Allons-y, Caroline... C. Roux : J'aime/j'aime pas, l'avis de tempête entre Matignon et l'Elysée ?
 
R.- Il n'y a pas.
 
C. Roux : Tout va bien ?
 
R.- Ca va.
 
C. Roux : C'est vrai ?
 
R.- Ca va.
 
C. Roux : La phrase de C. Guéant sur F. Fillon, vous trouvez ça bien aussi ?
 
R.- Le président de la République est l'inspirateur et le Premier ministre est chef d'état-major.
 
C. Roux : L'assistant ? L. Mercadet : Un assistant ?
 
R.- Non, non. Mais ça, c'est la deuxième partie de la phrase, C. Roux, que vous avez relevée avec malice, mais je vous en félicite, vous avez regardé dans les détails.
 
C. Roux : Merci.
 
R.- Mais, c'est chef d'état-major et ça c'est la tradition de la Vème République.
 
B. Toussaint : J'aime/j'aime pas : les trains Air France ?
 
R.- J'adore parce que ça veut dire qu'en 2010, il y aura la liberté et que chacun pourra faire circuler des trains, il y aura plus de trains, ça fera plaisir à Léon, et peut-être que, par exemple, pour aller chercher les passagers d'Air France dans une ville à 200 km de Paris, Air France aura un TGV, ce qui évitera des avions supplémentaires et du bruit supplémentaires dans les aéroports.
 
B. Toussaint : Il y aura des avions SNCF un jour ou pas ?
 
R.- Non mais, je le disais à Léon tout à l'heure, il y a des bateaux SNCF, sur le lien entre la France et l'Angleterre, qui est un des premiers armateurs.
 
B. Toussaint : Un petit dernier, Caroline. C. Roux : J'aime/j'aime pas : la Saint Valentin ?
 
R.- J'aime la Saint Valentin et j'aime ma femme, si elle m'écoute !
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 14 février 2008