Texte intégral
Cher Président de la commission de surveillance, Mesdames et Messieurs les membres de la commission de surveillance, Monsieur le Directeur général, Mesdames et Messieurs, chers amis, bonjour.
Je voudrais d'abord vous remercier de m'accueillir et attirer votre attention sur le caractère privilégié de ce séminaire pour vous. Trouver le moyen, à Deauville, dans cette magnifique station balnéaire - Monsieur le maire, je vous salue également - trouver le moyen, entre soi, en invitant quelques « pièces rapportées », de réfléchir sur l'avenir de l'institution, sur la mission qui est la vôtre, sur la manière dont vous allez mettre en oeuvre les moyens de remplir cette mission : c'est un privilège extraordinaire. Et cela me donne parfois le regret d'avoir abandonné ce monde de l'entreprise auquel vous faisiez référence pour me consacrer à un engagement politique, dont je regrette qu'il m'ait retenue loin de vous hier soir, mais dont je me réjouis qu'il m'emmène vers un chemin plus engagé encore et plus près du terrain pour servir l'intérêt général.
Le bonheur, avec le Président de la commission de surveillance, car il se trouve qu'il est aussi président de la commission des lois à l'Assemblée nationale, c'est que l'on peut travailler dans toutes les langues : en français, en anglais, en latin, puis en chiffres et puis en droit. Dans tous les cas, nous sommes toujours sur la même ligne. Avec vous, Monsieur le Directeur général, je ne ferai pas référence à une époque antérieure à votre prise récente de fonction, à ma prise récente de fonction. Lorsque nous nous sommes rencontrés dans nos positions respectives nouvelles, vous m'avez fait une présentation aussi limpide et synthétique que brillante de ce qu'était la Caisse des Dépôts et Consignations. Et cette présentation est restée gravée dans ma mémoire, en particulier cette expression que vous aimez et qui cherche à capturer en quelques mots ce qu'est et ce que fait la Caisse des Dépôts et Consignations. Vous m'aviez dit alors une « entreprise apporteuse de solutions ». Et de solutions d'intérêt général. Et je trouve que cette expression est belle et qu'elle définit bien ce à quoi vous avez voué votre activité professionnelle. Elle est belle, elle est pleine de dynamisme, elle est pleine d'ambition collective, elle est pleine d'ambiguïtés aussi. C'est pourquoi je suis fière et heureuse ce matin de me trouver avec vous pour ce début de deuxième journée de votre réflexion stratégique collective. Vous tous, qui êtes les responsables de cette maison, à la fois si particulière, si attachante qu'est la Caisse des Dépôts et Consignations. Je souhaite très sincèrement remercier les membres de la commission de surveillance, le Président de cette commission - Michel Bouvard - ainsi que le Directeur général - cher Augustin - de m'avoir invitée ce matin pour être parmi vous.
Je suis d'autant plus heureuse d'être physiquement parmi vous - ce fut un sacré effort, je dois vous l'avouer compte tenu du brouillard ambiant dans lequel règne cette belle Normandie chère aussi à mon coeur - je suis particulièrement contente d'être physiquement là parce que les relations avec l'Etat, et plus particulièrement cette espèce de nébuleuse que l'on appelle Bercy, et la Caisse des Dépôts et Consignations ont eu une fâcheuse tendance, au cours des dernières heures et des derniers jours, à alimenter la plume des échotiers à la recherche d'informations qui font vendre. Et pour reprendre la citation reprise par Augustin tout à l'heure, je crois qu'il vaut mieux se fier à ce que les gens font plutôt qu'à ce qu'ils disent et à écouter de la « bouche du cheval » plutôt que d'un certain nombre de ce que Jean-Marie Cavada appelait hier les « scarabées ».
Mais je veux être parfaitement claire ici devant vous. Il n'y a pas l'ombre d'une tension entre Bercy et la Caisse des Dépôts. Il n'y a pas de tension entre l'Etat et la Caisse. Ma présence ici alors que, je ne vous le cache pas, mon emploi du temps qui m'a emmené d'Argentine au Havre, en passant par Paris et Angers et qui m'emmènera à Strasbourg cet après-midi, n'est pas exactement propice à une simple promenade de santé sur les planches de Deauville. Ma présence ici est véritablement le témoignage de cet état de la situation.
Ma présence est le témoignage du soutien du gouvernement à votre démarche, à vos objectifs au service, comme vous rappeliez tout à l'heure, de l'intérêt général, dans le cadre d'une fides bien comprise, au sens de la confiance et au sens de la fidélité.
Je crois que cette rencontre est un peu unique car, d'après ce que les équipes m'ont dit, c'est la première fois depuis 25 ans que vous organisez un tel séminaire. Dans le monde antérieur, on appelait cela une « retraite ». Séminaire qui est l'aboutissement de plusieurs mois de concertation. Dans ma vie professionnelle antérieure, on appelait cela un bottom up process par opposition à un top down process. Une concertation interne autour d'un projet stratégique. Alors, j'ai entendu, ici ou là certains dire : au bout de tant de temps, enfin accoucher d'un plan stratégique, c'était finalement tout à fait laborieux. Moi, j'ai l'opinion précisément inverse. Je crois que, pour être intéressant parce qu'il sera efficace, un plan stratégique de la nature de celui auquel vous vous êtes livrés, nécessite bien évidemment - et je ne l'ai pas cité uniquement pour l'amour de la langue anglaise - nécessite impérativement ce travail qui consiste à faire sortir des propositions, à les travailler ensemble, à les élaborer, à les faire passer par tout un processus de consultation et de réflexion collective pour que ce plan stratégique ne soit pas simplement le plan d'une équipe du haut ou d'un groupe de consultants mais bien l'appropriation par toute l'équipe que vous constituez.
Mon expérience professionnelle démontre - et j'ai fait cet exercice à peu près deux fois en cinq ans en qualité de dirigeante du groupe dont j'avais la responsabilité aux Etats-Unis - que vous avez raison, Augustin de Romanet : le temps ici n'est pas seulement galant homme, il est le gage d'un plan qui sera véritablement mis en oeuvre.
Je crois dans les rapports entre la Caisse et l'Etat comme dans les rapports entre les membres d'une équipe, aux vertus d'un dialogue nourri, ouvert, compris et, sur tous ces dossiers, vous me trouverez disposée aussi à vous apporter, à l'occasion, mes propositions.
Je suis pleinement consciente que ma venue parmi vous intervient à une période charnière pour nous tous. J'appartiens à un nouveau gouvernement qui engage sur tous les fronts dans tous les domaines des réformes à un rythme accéléré, rarement vu en France depuis 1958, exception faite peut-être de cette dernière période. La commission de surveillance a pour sa part été largement renouvelée suite aux élections législatives tandis que l'arrivée du Directeur général est elle aussi très proche. Et les périodes de changement - vous le savez tous - sont des périodes qui sont évidemment difficiles, qui sont en général facteur d'anxiété, alimentée bien souvent par des réflexions collectives qui ont pour effet de faire bouger les lignes. Je souhaite que l'exercice stratégique que vous avez voulu, et dont je vous félicite, marque pour nous tous un nouveau départ - et oserais-je le dire - un nouvel élan sur des bases renouvelées et solides.
La Caisse des Dépôts - je l'ai dit tout à l'heure - est un partenaire privilégié, essentiel pour l'Etat. J'ai la conviction qu'en jouant collectif, dans le respect des rôles de chacun, nous accomplirons ensemble de grandes choses. En vous écoutant, l'un puis l'autre, citer les différents domaines d'intervention dans lesquels vous pensez que la Caisse a un rôle stratégique à jouer, j'ai peur que nous jouions ainsi une partie collective qui s'apparente plus au trio qu'à la confrontation que d'aucuns pourrait espérer, histoire simplement de faire vendre quelques exemplaires supplémentaires.
J'aimerais profiter ce matin de l'occasion qui m'est donnée de vous rencontrer pour vous dire ce que moi, et à travers moi c'est le gouvernement qui s'exprime, j'attends de la Caisse des Dépôts.
Je souhaiterais vous donner deux messages.
D'abord vous dire que, de mon point de vue, la Caisse des Dépôts et Consignations est un levier formidable pour accompagner les politiques du gouvernement. J'en citerai simplement deux. La Caisse des Dépôts et Consignations est évidemment le premier investisseur public au service de notre économie. Levier formidable pour accompagner les politiques du gouvernement. J'en citerai deux. Vous en avez évoqués quelques autres. Je crois qu'il est bon de concentrer son action, son activité, son énergie sur peu de sujets pour être sûr de réaliser ses ambitions. Et je parlerai dans quelques instants du logement social d'abord, des universités ensuite.
Crise du logement. Je crois que c'est un constat partagé par tous. Crise à laquelle malheureusement, pendant trop longtemps, nous nous sommes habitués ou à laquelle nous nous sommes résignés. Elle a engendré une très forte attente de la part des Français et nous savons tous que plus de 2 millions de concitoyens sont tout simplement mal logés. L'ambition du gouvernement, c'est d'offrir à chacun un logement décent adapté à sa situation. Nous nous sommes fixés un objectif ambition. Le Président de la République l'a rappelé dans son récent discours de Nancy. Nous avons pour ambition de construire environ 500 000 logements neufs chaque année. 500 000 logements neufs chaque année : c'est du jamais vu depuis, malheureusement, beaucoup trop longtemps. La Caisse des Dépôts et Consignations est, pour moi, un appui central, essentiel dans la conduite de cette politique. Le logement est évidemment l'une des missions historiques de la Caisse. Et votre implication dans ce domaine prend, de mon point de vue, plusieurs formes. Je pense tout d'abord évidemment aux mandats qui vous sont confiés comme la gestion des fonds d'épargne. Et je tiens à vous dire que je suis parfaitement consciente de votre inquiétude concernant la réforme du Livret A. Et je ne souhaite pas vous quitter, ce matin, sans avoir répondu à ces inquiétudes légitimes. Vous le savez mieux que moi, le financement du logement social par les fonds d'épargne repose sur une équation bien singulière. On est un peu loin des lois du marché. Le coût de financement du logement social dépend non pas d'un prix de marché ni d'un quelconque indicateur économique mais tout simplement de la somme d'un taux d'intérêt payé aux épargnants du Livret A, augmenté des commissions payées aux réseaux bancaires qui distribuent lesdits Livrets. Elargir la distribution du Livret A offre l'opportunité unique - me semble-t-il - de réduire les commissions payées aux réseaux distributeurs au bénéfice du logement social tout cela devant se faire, non pas dans la précipitation, mais dans la sérénité, pour faire en sorte que les modèles économiques et les acteurs qui ont fonctionné sur la base de ce mode de collecte puissent évidemment, en se transformant, assurer leur pérennité et leur équilibre économique.
Le gouvernement est attaché au rôle central que joue la Caisse dans le financement du logement social. Le rôle central joué par la Caisse est un élément clé de l'équilibre de circuits de financement et il n'est pas question de le remettre en cause. Cette certitude, cependant, ne doit pas évidemment nous empêcher de travailler ensemble pour saisir l'opportunité d'améliorer ces circuits de financement. C'est notre responsabilité collective. Cela a d'ailleurs été rappelé par le Président de la République lors de son discours de Nancy. Et bien loin de vouloir éloigner la Caisse des Dépôts du rôle de gestionnaire des fonds d'épargne, mon ambition est d'améliorer les outils à sa disposition pour offrir au monde du logement social des outils de financement plus modernes, plus dynamiques. Le chemin que je vous propose sur le Livret A, c'est de m'accompagner dans un nouvel environnement que nous bâtirons avec un unique objectif, améliorer les circuits du financement du logement social. Nous le savons tous, nous ne le disons pas tous nécessairement haut et fort, ces financements, leurs circuits, leurs mécanismes, leurs traditions doivent être améliorés au bénéfice du plus grand nombre et en particulier au service, tout simplement, de l'intérêt général.
Michel Camdessus remettra son rapport au Premier Ministre la semaine prochaine, en début de semaine. Et sur la base de ses propositions - certaines sont excellentes, certaines sont bonnes, certaines ne me semblent pas nécessairement devoir être retenues - je conduirai évidemment de larges concertations. Je vous y associerai étroitement, par le biais de votre commission de surveillance et du Directeur général de la Caisse. Mais j'attends de vous en cette matière, non pas de la frilosité, non pas l'habitude de la routine, mais de l'audace. L'audace de se projeter dans un environnement nouveau dont vous serez toujours l'acteur central.
L'activité de la Caisse dans le domaine du logement passe aussi par ses filiales. Augustin de Romanet m'a présenté la Caisse des Dépôts comme une entreprise d'intérêt général. Je crois que ces trois mots accolés « entreprise d'intérêt général » suffisent évidemment à exprimer toute l'attention entre la performance que l'on attend de l'entreprise et la défense de l'intérêt général qu'il vous est demandé, chaque jour, vous les hommes et les femmes de la Caisse des Dépôts et Consignations, de résoudre. C'est une lourde responsabilité - je le sais - et j'espère que cela fait aussi le sel de votre mission.
Là encore, je souhaite vous demander de l'audace. Le gouvernement attend de vous un comportement de conquête pour investir les champs du logement social et très social où l'utilité et la spécificité de la Caisse des Dépôts seront maximales.
Vous ayant parlé du logement social, je voudrais aborder maintenant la question des universités. Vous le savez, qu'il s'agisse du budget de l'Etat avec des projections sur l'ensemble du quinquennat ou qu'il s'agisse de l'utilisation de la cession de 2,33 % du capital d'EDF, l'ensemble de notre effort financier en termes d'investissement va être consacré à l'enseignement supérieur, à la recherche, et en particulier aux universités. Le gouvernement aura besoin de votre appui pour accompagner la réforme des universités. Nous avons annoncé cet effort sans précédent de financement. Il est nécessaire tout simplement parce que la France d'aujourd'hui doit investir dans la croissance de demain. Elle doit investir dans l'intelligence qui, demain, sera notre plus-value dans un monde qui change et qui change en laissant la place à des pays émergents qui eux aussi aspirent à leur part de valeur ajoutée.
Je souhaite que la Caisse fasse de l'accompagnement de cette politique une priorité. Comment le ferez-vous ? C'est vous qui trouverez les outils. C'est vous qui trouverez les réponses. En revanche, je sais que vous devez sans cesse chercher à maximiser la valeur ajoutée et l'utilité particulière, l'avantage comparatif de la Caisse. La Caisse ne doit pas constituer un simple supplétif des dépenses budgétaires, ni une marchandise équivalente à ce qui se trouve de toute façon sur le marché, le respect des règles de concurrence étant à cet égard primordial. L'action de la Caisse est légitime et justifiée dès lors qu'elle permet de dégager un surplus pour la collectivité. Ce surplus - le fides peut-être - qui ne pourrait pas être dégagé autrement qu'en exploitant les actifs immatériels de la Caisse, que sont votre expertise, vos talents et vos caractéristiques propres.
L'amélioration de nos infrastructures dans l'enseignement supérieur, dans la recherche - nous le savons - est un défi colossal. Le gouvernement place devant vous une page blanche. Nous n'avons pas seulement une page blanche, nous avons un certain nombre de ratures et de bavures sur lesquelles il faudra revenir et sur lesquelles il faudra en particulier dans le domaine de l'immobilier faire preuve d'imagination à la fois sur le plan architectural et sur le plan financier. Je pense en particulier que dans le domaine des partenariats public/privé, dont le gouvernement souhaite améliorer le dispositif à la fois sur le plan juridique et sur le plan fiscal, et sur le plan de la formation des acteurs de ces partenariats, dans ce domaine-là, je crois que nous aurons besoin de votre expertise, nous aurons besoin de votre imagination, nous aurons besoin de votre audace pour parvenir, par des effets de levier intelligents, à combiner à la fois nos efforts respectifs et les efforts du secteur privé.
Je souhaiterais maintenant aborder votre rôle d'investisseur de premier plan. Vous avez parlé tout à l'heure du financement des PME. Et très clairement, de mon point de vue, c'est l'axe stratégique déterminant et fondamental que je souhaiterais que vous puissiez honorer.
Parmi les mandats que le législateur vous a confiés, certains sont au coeur de votre modèle d'activité. Je pense en particulier aux dépôts réglementés. Cette activité, essentielle à la sécurité de nombreuses transactions économiques pour notre territoire, donne à la Caisse certaines caractéristiques qui structurent son identité, comme en particulier sa capacité à investir à très long terme. C'est donc notamment les dépôts réglementés confiés par la collectivité qui forgent l'identité de la Caisse comme investisseur de premier plan. Pour qu'elle profite en retour à la collectivité, cette capacité d'investissement doit être utilisée à bon escient.
La Caisse est également le principal investisseur du dispositif France Investissements en faveur des PME, en partenariat avec des fonds privés. France Investissement bénéficie, à peine un an après sa création, d'une montée en charge significative dont j'espère qu'elle se développera encore. A ce jour, 700 millions d'euros ont d'ores et déjà été engagés dans ce dispositif, dont 460 investis par CDC Entreprises. C'est bien, mais je crois qu'il faut faire encore mieux car nous avons impérativement besoin de petites et moyennes entreprises en France. Je pense que vous avez déjà entendu ce discours-là. Je crois que nous n'aurons de cesse de le répéter. Mais surtout il faut n'avoir de cesse de mettre en place les outils qui permettent à ces petites et moyennes entreprises et aux entrepreneurs de France de cesser d'être ceux que l'on désigne - par opposition aux Allemands - comme ceux qui ne pourraient pas exporter, qui ne pourraient pas embaucher, qui ne pourraient pas investir en recherche et développement. Nous devons impérativement mettre en place des circuits de financement appropriés à ces démarches indispensables.
Pour ce faire, je crois qu'il faut centrer l'action sur le soutien aux fonds d'amorçage, aux fonds de capital risque et de capital-développement et je me félicite que le conseil d'orientation de France Investissements ait décidé le mois dernier de prévoir un ratio de 10 % minimum pour le financement de l'amorçage en particulier. Pour accompagner la mesure votée cet été au mois d'août en faveur de l'investissement des personnes physiques dans les petites et moyennes entreprises, le dispositif France Investissements intégrera également dès le début de l'année prochaine plusieurs actions de soutien au réseau français de business angels. La Caisse a en particulier accepté de prendre des participations dans des sociétés de business angels dans les mois à venir pour accompagner leur développement et je l'en remercie. Je crois que là aussi la France doit faire preuve d'imagination. On peut se contenter de copier ce qui se fait ailleurs, mais je crois que nous pouvons faire mieux. Et la participation de la Caisse à cet égard me paraît exemplaire. Les sources de financement de la Caisse en font un investisseur tout à fait spécifique lui permettant de soutenir la création d'entreprises, le financement des petites et moyennes entreprises et leur accompagnement lorsque, de petites, elles deviennent moyennes et lorsque, de moyennes, elles deviennent grandes. Je suis pleinement consciente de l'immense savoir-faire dont vous disposez dans ce domaine et je vous encourage à le déployer et à l'exploiter.
Le rôle maintenant de la caisse comme investisseur financier. Vous le savez, je recevais hier le Président du STIC. Le STIC, c'est un fonds d'investissement, dit souverain, de la République Populaire de Chine. Je lui demandais quelle était sa stratégie d'investissement. Il me disait : une gestion prudente, de père de famille - il n'avait pas le latin dans la poche mais presque - jamais plus de 10 %, du long terme, des investissements stables, un taux de rentabilité d'au moins 5 %. Et puis il m'a dit enfin 10 % sauf dans des circonstances exceptionnelles. J'ai trouvé que c'était assez intéressant. Je crois qu'une gestion saine et prudente des actifs de la Caisse nécessite l'investissement d'une partie de ces actifs dans ce que je qualifierais de simples placements financiers. Dans une optique de gestion des risques, il me semble important que la Caisse définisse dans ce domaine un horizon de placement et un objectif de rendement. En clair, une stratégie d'investissement. Et je pense que l'investissement dans des participations susceptibles de procurer une influence notable dans l'administration de l'entreprise si, occasionnellement, elle peut être rendue nécessaire, efficace et même parfois rentable, n'a pas vocation à être la norme.
Quelques mots concernant la gouvernance puisque vous avez beaucoup travaillé sur ces questions. Vos réflexions sont les bienvenues. Il se trouve qu'elles vont pouvoir aussi alimenter un autre des travaux d'Hercule qui m'a été confié par le Premier Ministre sous l'autorité du Président de la République, c'est-à-dire faire, là aussi, un certain nombre de propositions.
La gouvernance de la Caisse - vous le savez - est quasiment inchangée depuis sa création. Ce constat peut surprendre quand on connaît les évolutions en matière de gouvernement d'entreprise depuis une dizaine d'année, à l'occasion, bien souvent d'ailleurs, de chocs, de difficultés rencontrées par les entreprises, risques qui les ont amenées à examiner les freins, les taquets, les manières dont il convenait de prévenir les difficultés.
Le Premier Ministre m'a demandé de faire des propositions dès le début de l'année 2008 et je souhaite travailler sur ce dossier sur la base de vos propositions, avec un certain nombre d'idées que nous avons aussi, et en très étroite collaboration avec ce qui est pour moi l'organisme suprême en matière de représentation, le Parlement, les membres de la commission de surveillance et son Président.
Mon ambition - pas par timidité, pas parce que je n'aurais pas les épaules assez larges - mais tout simplement parce que je crois que c'est la seule façon pour que ça marche, c'est que chacun s'approprie le projet et que chacun se sente à l'aise dans la structure. Mon ambition, c'est de trouver les propositions qui seront consensuelles, qui seront respectueuses de la spécificité de la Caisse et des prérogatives du Parlement et qui seront respectueuses de l'intérêt général. Je pense que cette modernisation pourrait porter sur au moins trois points. Il s'agit de propositions. Vous avez les vôtres. Nous allons les travailler en concertation.
* Premièrement, renforcement des prérogatives de la commission de surveillance sur les décisions stratégiques de l'établissement et mise en place d'un comité des investissements ;
* deuxièmement, évolution de la composition de la commission de surveillance, en particulier pour y faire entrer des personnalités qualifiées issues de ce que, dans certains milieux, on appelle la société civile ;
* enfin, examen de l'opportunité pour la commission de surveillance et sous l'autorité du Parlement de saisir dans un certain nombre de circonstances un organe tiers qui puisse examiner l'activité de la Caisse et s'assurer, avec l'expertise et la compétence que tout tiers peut fournir à l'égard d'un organisme qui, aussi compétent fut-il, a toujours tendance à s'autoréguler, à s'autojuger, ferait preuve nécessairement - c'est le fruit du temps - d'une certaine complaisance, et bien je crois que l'intervention d'un tiers à la demande de la commission de surveillance et sous l'autorité du Parlement peut être une excellente chose.
Vous voyez il n'est pas question de mettre la Caisse sous la commission bancaire. J'aime mieux que l'on se dise les choses franchement. Ce n'est pas la peine de tourner autour du pot. Et puis cela évitera à certains d'avoir des ambiguïtés, de se dire, est-ce qu'elle a vraiment voulu dire ceci ou est-ce qu'elle a voulu dire cela ? Et puis, est-ce qu'elle sait vraiment ce qu'elle veut cette ministre ? Pour moi, ce qui est important, c'est la spécificité de l'intérêt général.
Alors en conclusion, que vous souhaiter ? De l'audace, de l'audace, encore et toujours de l'audace ? Certainement. La collectivité vous a beaucoup donné. Je crois aussi que vous lui avez bien rendu.
Source http://www.caissedesdepots.fr, le 29 février 2008
Je voudrais d'abord vous remercier de m'accueillir et attirer votre attention sur le caractère privilégié de ce séminaire pour vous. Trouver le moyen, à Deauville, dans cette magnifique station balnéaire - Monsieur le maire, je vous salue également - trouver le moyen, entre soi, en invitant quelques « pièces rapportées », de réfléchir sur l'avenir de l'institution, sur la mission qui est la vôtre, sur la manière dont vous allez mettre en oeuvre les moyens de remplir cette mission : c'est un privilège extraordinaire. Et cela me donne parfois le regret d'avoir abandonné ce monde de l'entreprise auquel vous faisiez référence pour me consacrer à un engagement politique, dont je regrette qu'il m'ait retenue loin de vous hier soir, mais dont je me réjouis qu'il m'emmène vers un chemin plus engagé encore et plus près du terrain pour servir l'intérêt général.
Le bonheur, avec le Président de la commission de surveillance, car il se trouve qu'il est aussi président de la commission des lois à l'Assemblée nationale, c'est que l'on peut travailler dans toutes les langues : en français, en anglais, en latin, puis en chiffres et puis en droit. Dans tous les cas, nous sommes toujours sur la même ligne. Avec vous, Monsieur le Directeur général, je ne ferai pas référence à une époque antérieure à votre prise récente de fonction, à ma prise récente de fonction. Lorsque nous nous sommes rencontrés dans nos positions respectives nouvelles, vous m'avez fait une présentation aussi limpide et synthétique que brillante de ce qu'était la Caisse des Dépôts et Consignations. Et cette présentation est restée gravée dans ma mémoire, en particulier cette expression que vous aimez et qui cherche à capturer en quelques mots ce qu'est et ce que fait la Caisse des Dépôts et Consignations. Vous m'aviez dit alors une « entreprise apporteuse de solutions ». Et de solutions d'intérêt général. Et je trouve que cette expression est belle et qu'elle définit bien ce à quoi vous avez voué votre activité professionnelle. Elle est belle, elle est pleine de dynamisme, elle est pleine d'ambition collective, elle est pleine d'ambiguïtés aussi. C'est pourquoi je suis fière et heureuse ce matin de me trouver avec vous pour ce début de deuxième journée de votre réflexion stratégique collective. Vous tous, qui êtes les responsables de cette maison, à la fois si particulière, si attachante qu'est la Caisse des Dépôts et Consignations. Je souhaite très sincèrement remercier les membres de la commission de surveillance, le Président de cette commission - Michel Bouvard - ainsi que le Directeur général - cher Augustin - de m'avoir invitée ce matin pour être parmi vous.
Je suis d'autant plus heureuse d'être physiquement parmi vous - ce fut un sacré effort, je dois vous l'avouer compte tenu du brouillard ambiant dans lequel règne cette belle Normandie chère aussi à mon coeur - je suis particulièrement contente d'être physiquement là parce que les relations avec l'Etat, et plus particulièrement cette espèce de nébuleuse que l'on appelle Bercy, et la Caisse des Dépôts et Consignations ont eu une fâcheuse tendance, au cours des dernières heures et des derniers jours, à alimenter la plume des échotiers à la recherche d'informations qui font vendre. Et pour reprendre la citation reprise par Augustin tout à l'heure, je crois qu'il vaut mieux se fier à ce que les gens font plutôt qu'à ce qu'ils disent et à écouter de la « bouche du cheval » plutôt que d'un certain nombre de ce que Jean-Marie Cavada appelait hier les « scarabées ».
Mais je veux être parfaitement claire ici devant vous. Il n'y a pas l'ombre d'une tension entre Bercy et la Caisse des Dépôts. Il n'y a pas de tension entre l'Etat et la Caisse. Ma présence ici alors que, je ne vous le cache pas, mon emploi du temps qui m'a emmené d'Argentine au Havre, en passant par Paris et Angers et qui m'emmènera à Strasbourg cet après-midi, n'est pas exactement propice à une simple promenade de santé sur les planches de Deauville. Ma présence ici est véritablement le témoignage de cet état de la situation.
Ma présence est le témoignage du soutien du gouvernement à votre démarche, à vos objectifs au service, comme vous rappeliez tout à l'heure, de l'intérêt général, dans le cadre d'une fides bien comprise, au sens de la confiance et au sens de la fidélité.
Je crois que cette rencontre est un peu unique car, d'après ce que les équipes m'ont dit, c'est la première fois depuis 25 ans que vous organisez un tel séminaire. Dans le monde antérieur, on appelait cela une « retraite ». Séminaire qui est l'aboutissement de plusieurs mois de concertation. Dans ma vie professionnelle antérieure, on appelait cela un bottom up process par opposition à un top down process. Une concertation interne autour d'un projet stratégique. Alors, j'ai entendu, ici ou là certains dire : au bout de tant de temps, enfin accoucher d'un plan stratégique, c'était finalement tout à fait laborieux. Moi, j'ai l'opinion précisément inverse. Je crois que, pour être intéressant parce qu'il sera efficace, un plan stratégique de la nature de celui auquel vous vous êtes livrés, nécessite bien évidemment - et je ne l'ai pas cité uniquement pour l'amour de la langue anglaise - nécessite impérativement ce travail qui consiste à faire sortir des propositions, à les travailler ensemble, à les élaborer, à les faire passer par tout un processus de consultation et de réflexion collective pour que ce plan stratégique ne soit pas simplement le plan d'une équipe du haut ou d'un groupe de consultants mais bien l'appropriation par toute l'équipe que vous constituez.
Mon expérience professionnelle démontre - et j'ai fait cet exercice à peu près deux fois en cinq ans en qualité de dirigeante du groupe dont j'avais la responsabilité aux Etats-Unis - que vous avez raison, Augustin de Romanet : le temps ici n'est pas seulement galant homme, il est le gage d'un plan qui sera véritablement mis en oeuvre.
Je crois dans les rapports entre la Caisse et l'Etat comme dans les rapports entre les membres d'une équipe, aux vertus d'un dialogue nourri, ouvert, compris et, sur tous ces dossiers, vous me trouverez disposée aussi à vous apporter, à l'occasion, mes propositions.
Je suis pleinement consciente que ma venue parmi vous intervient à une période charnière pour nous tous. J'appartiens à un nouveau gouvernement qui engage sur tous les fronts dans tous les domaines des réformes à un rythme accéléré, rarement vu en France depuis 1958, exception faite peut-être de cette dernière période. La commission de surveillance a pour sa part été largement renouvelée suite aux élections législatives tandis que l'arrivée du Directeur général est elle aussi très proche. Et les périodes de changement - vous le savez tous - sont des périodes qui sont évidemment difficiles, qui sont en général facteur d'anxiété, alimentée bien souvent par des réflexions collectives qui ont pour effet de faire bouger les lignes. Je souhaite que l'exercice stratégique que vous avez voulu, et dont je vous félicite, marque pour nous tous un nouveau départ - et oserais-je le dire - un nouvel élan sur des bases renouvelées et solides.
La Caisse des Dépôts - je l'ai dit tout à l'heure - est un partenaire privilégié, essentiel pour l'Etat. J'ai la conviction qu'en jouant collectif, dans le respect des rôles de chacun, nous accomplirons ensemble de grandes choses. En vous écoutant, l'un puis l'autre, citer les différents domaines d'intervention dans lesquels vous pensez que la Caisse a un rôle stratégique à jouer, j'ai peur que nous jouions ainsi une partie collective qui s'apparente plus au trio qu'à la confrontation que d'aucuns pourrait espérer, histoire simplement de faire vendre quelques exemplaires supplémentaires.
J'aimerais profiter ce matin de l'occasion qui m'est donnée de vous rencontrer pour vous dire ce que moi, et à travers moi c'est le gouvernement qui s'exprime, j'attends de la Caisse des Dépôts.
Je souhaiterais vous donner deux messages.
D'abord vous dire que, de mon point de vue, la Caisse des Dépôts et Consignations est un levier formidable pour accompagner les politiques du gouvernement. J'en citerai simplement deux. La Caisse des Dépôts et Consignations est évidemment le premier investisseur public au service de notre économie. Levier formidable pour accompagner les politiques du gouvernement. J'en citerai deux. Vous en avez évoqués quelques autres. Je crois qu'il est bon de concentrer son action, son activité, son énergie sur peu de sujets pour être sûr de réaliser ses ambitions. Et je parlerai dans quelques instants du logement social d'abord, des universités ensuite.
Crise du logement. Je crois que c'est un constat partagé par tous. Crise à laquelle malheureusement, pendant trop longtemps, nous nous sommes habitués ou à laquelle nous nous sommes résignés. Elle a engendré une très forte attente de la part des Français et nous savons tous que plus de 2 millions de concitoyens sont tout simplement mal logés. L'ambition du gouvernement, c'est d'offrir à chacun un logement décent adapté à sa situation. Nous nous sommes fixés un objectif ambition. Le Président de la République l'a rappelé dans son récent discours de Nancy. Nous avons pour ambition de construire environ 500 000 logements neufs chaque année. 500 000 logements neufs chaque année : c'est du jamais vu depuis, malheureusement, beaucoup trop longtemps. La Caisse des Dépôts et Consignations est, pour moi, un appui central, essentiel dans la conduite de cette politique. Le logement est évidemment l'une des missions historiques de la Caisse. Et votre implication dans ce domaine prend, de mon point de vue, plusieurs formes. Je pense tout d'abord évidemment aux mandats qui vous sont confiés comme la gestion des fonds d'épargne. Et je tiens à vous dire que je suis parfaitement consciente de votre inquiétude concernant la réforme du Livret A. Et je ne souhaite pas vous quitter, ce matin, sans avoir répondu à ces inquiétudes légitimes. Vous le savez mieux que moi, le financement du logement social par les fonds d'épargne repose sur une équation bien singulière. On est un peu loin des lois du marché. Le coût de financement du logement social dépend non pas d'un prix de marché ni d'un quelconque indicateur économique mais tout simplement de la somme d'un taux d'intérêt payé aux épargnants du Livret A, augmenté des commissions payées aux réseaux bancaires qui distribuent lesdits Livrets. Elargir la distribution du Livret A offre l'opportunité unique - me semble-t-il - de réduire les commissions payées aux réseaux distributeurs au bénéfice du logement social tout cela devant se faire, non pas dans la précipitation, mais dans la sérénité, pour faire en sorte que les modèles économiques et les acteurs qui ont fonctionné sur la base de ce mode de collecte puissent évidemment, en se transformant, assurer leur pérennité et leur équilibre économique.
Le gouvernement est attaché au rôle central que joue la Caisse dans le financement du logement social. Le rôle central joué par la Caisse est un élément clé de l'équilibre de circuits de financement et il n'est pas question de le remettre en cause. Cette certitude, cependant, ne doit pas évidemment nous empêcher de travailler ensemble pour saisir l'opportunité d'améliorer ces circuits de financement. C'est notre responsabilité collective. Cela a d'ailleurs été rappelé par le Président de la République lors de son discours de Nancy. Et bien loin de vouloir éloigner la Caisse des Dépôts du rôle de gestionnaire des fonds d'épargne, mon ambition est d'améliorer les outils à sa disposition pour offrir au monde du logement social des outils de financement plus modernes, plus dynamiques. Le chemin que je vous propose sur le Livret A, c'est de m'accompagner dans un nouvel environnement que nous bâtirons avec un unique objectif, améliorer les circuits du financement du logement social. Nous le savons tous, nous ne le disons pas tous nécessairement haut et fort, ces financements, leurs circuits, leurs mécanismes, leurs traditions doivent être améliorés au bénéfice du plus grand nombre et en particulier au service, tout simplement, de l'intérêt général.
Michel Camdessus remettra son rapport au Premier Ministre la semaine prochaine, en début de semaine. Et sur la base de ses propositions - certaines sont excellentes, certaines sont bonnes, certaines ne me semblent pas nécessairement devoir être retenues - je conduirai évidemment de larges concertations. Je vous y associerai étroitement, par le biais de votre commission de surveillance et du Directeur général de la Caisse. Mais j'attends de vous en cette matière, non pas de la frilosité, non pas l'habitude de la routine, mais de l'audace. L'audace de se projeter dans un environnement nouveau dont vous serez toujours l'acteur central.
L'activité de la Caisse dans le domaine du logement passe aussi par ses filiales. Augustin de Romanet m'a présenté la Caisse des Dépôts comme une entreprise d'intérêt général. Je crois que ces trois mots accolés « entreprise d'intérêt général » suffisent évidemment à exprimer toute l'attention entre la performance que l'on attend de l'entreprise et la défense de l'intérêt général qu'il vous est demandé, chaque jour, vous les hommes et les femmes de la Caisse des Dépôts et Consignations, de résoudre. C'est une lourde responsabilité - je le sais - et j'espère que cela fait aussi le sel de votre mission.
Là encore, je souhaite vous demander de l'audace. Le gouvernement attend de vous un comportement de conquête pour investir les champs du logement social et très social où l'utilité et la spécificité de la Caisse des Dépôts seront maximales.
Vous ayant parlé du logement social, je voudrais aborder maintenant la question des universités. Vous le savez, qu'il s'agisse du budget de l'Etat avec des projections sur l'ensemble du quinquennat ou qu'il s'agisse de l'utilisation de la cession de 2,33 % du capital d'EDF, l'ensemble de notre effort financier en termes d'investissement va être consacré à l'enseignement supérieur, à la recherche, et en particulier aux universités. Le gouvernement aura besoin de votre appui pour accompagner la réforme des universités. Nous avons annoncé cet effort sans précédent de financement. Il est nécessaire tout simplement parce que la France d'aujourd'hui doit investir dans la croissance de demain. Elle doit investir dans l'intelligence qui, demain, sera notre plus-value dans un monde qui change et qui change en laissant la place à des pays émergents qui eux aussi aspirent à leur part de valeur ajoutée.
Je souhaite que la Caisse fasse de l'accompagnement de cette politique une priorité. Comment le ferez-vous ? C'est vous qui trouverez les outils. C'est vous qui trouverez les réponses. En revanche, je sais que vous devez sans cesse chercher à maximiser la valeur ajoutée et l'utilité particulière, l'avantage comparatif de la Caisse. La Caisse ne doit pas constituer un simple supplétif des dépenses budgétaires, ni une marchandise équivalente à ce qui se trouve de toute façon sur le marché, le respect des règles de concurrence étant à cet égard primordial. L'action de la Caisse est légitime et justifiée dès lors qu'elle permet de dégager un surplus pour la collectivité. Ce surplus - le fides peut-être - qui ne pourrait pas être dégagé autrement qu'en exploitant les actifs immatériels de la Caisse, que sont votre expertise, vos talents et vos caractéristiques propres.
L'amélioration de nos infrastructures dans l'enseignement supérieur, dans la recherche - nous le savons - est un défi colossal. Le gouvernement place devant vous une page blanche. Nous n'avons pas seulement une page blanche, nous avons un certain nombre de ratures et de bavures sur lesquelles il faudra revenir et sur lesquelles il faudra en particulier dans le domaine de l'immobilier faire preuve d'imagination à la fois sur le plan architectural et sur le plan financier. Je pense en particulier que dans le domaine des partenariats public/privé, dont le gouvernement souhaite améliorer le dispositif à la fois sur le plan juridique et sur le plan fiscal, et sur le plan de la formation des acteurs de ces partenariats, dans ce domaine-là, je crois que nous aurons besoin de votre expertise, nous aurons besoin de votre imagination, nous aurons besoin de votre audace pour parvenir, par des effets de levier intelligents, à combiner à la fois nos efforts respectifs et les efforts du secteur privé.
Je souhaiterais maintenant aborder votre rôle d'investisseur de premier plan. Vous avez parlé tout à l'heure du financement des PME. Et très clairement, de mon point de vue, c'est l'axe stratégique déterminant et fondamental que je souhaiterais que vous puissiez honorer.
Parmi les mandats que le législateur vous a confiés, certains sont au coeur de votre modèle d'activité. Je pense en particulier aux dépôts réglementés. Cette activité, essentielle à la sécurité de nombreuses transactions économiques pour notre territoire, donne à la Caisse certaines caractéristiques qui structurent son identité, comme en particulier sa capacité à investir à très long terme. C'est donc notamment les dépôts réglementés confiés par la collectivité qui forgent l'identité de la Caisse comme investisseur de premier plan. Pour qu'elle profite en retour à la collectivité, cette capacité d'investissement doit être utilisée à bon escient.
La Caisse est également le principal investisseur du dispositif France Investissements en faveur des PME, en partenariat avec des fonds privés. France Investissement bénéficie, à peine un an après sa création, d'une montée en charge significative dont j'espère qu'elle se développera encore. A ce jour, 700 millions d'euros ont d'ores et déjà été engagés dans ce dispositif, dont 460 investis par CDC Entreprises. C'est bien, mais je crois qu'il faut faire encore mieux car nous avons impérativement besoin de petites et moyennes entreprises en France. Je pense que vous avez déjà entendu ce discours-là. Je crois que nous n'aurons de cesse de le répéter. Mais surtout il faut n'avoir de cesse de mettre en place les outils qui permettent à ces petites et moyennes entreprises et aux entrepreneurs de France de cesser d'être ceux que l'on désigne - par opposition aux Allemands - comme ceux qui ne pourraient pas exporter, qui ne pourraient pas embaucher, qui ne pourraient pas investir en recherche et développement. Nous devons impérativement mettre en place des circuits de financement appropriés à ces démarches indispensables.
Pour ce faire, je crois qu'il faut centrer l'action sur le soutien aux fonds d'amorçage, aux fonds de capital risque et de capital-développement et je me félicite que le conseil d'orientation de France Investissements ait décidé le mois dernier de prévoir un ratio de 10 % minimum pour le financement de l'amorçage en particulier. Pour accompagner la mesure votée cet été au mois d'août en faveur de l'investissement des personnes physiques dans les petites et moyennes entreprises, le dispositif France Investissements intégrera également dès le début de l'année prochaine plusieurs actions de soutien au réseau français de business angels. La Caisse a en particulier accepté de prendre des participations dans des sociétés de business angels dans les mois à venir pour accompagner leur développement et je l'en remercie. Je crois que là aussi la France doit faire preuve d'imagination. On peut se contenter de copier ce qui se fait ailleurs, mais je crois que nous pouvons faire mieux. Et la participation de la Caisse à cet égard me paraît exemplaire. Les sources de financement de la Caisse en font un investisseur tout à fait spécifique lui permettant de soutenir la création d'entreprises, le financement des petites et moyennes entreprises et leur accompagnement lorsque, de petites, elles deviennent moyennes et lorsque, de moyennes, elles deviennent grandes. Je suis pleinement consciente de l'immense savoir-faire dont vous disposez dans ce domaine et je vous encourage à le déployer et à l'exploiter.
Le rôle maintenant de la caisse comme investisseur financier. Vous le savez, je recevais hier le Président du STIC. Le STIC, c'est un fonds d'investissement, dit souverain, de la République Populaire de Chine. Je lui demandais quelle était sa stratégie d'investissement. Il me disait : une gestion prudente, de père de famille - il n'avait pas le latin dans la poche mais presque - jamais plus de 10 %, du long terme, des investissements stables, un taux de rentabilité d'au moins 5 %. Et puis il m'a dit enfin 10 % sauf dans des circonstances exceptionnelles. J'ai trouvé que c'était assez intéressant. Je crois qu'une gestion saine et prudente des actifs de la Caisse nécessite l'investissement d'une partie de ces actifs dans ce que je qualifierais de simples placements financiers. Dans une optique de gestion des risques, il me semble important que la Caisse définisse dans ce domaine un horizon de placement et un objectif de rendement. En clair, une stratégie d'investissement. Et je pense que l'investissement dans des participations susceptibles de procurer une influence notable dans l'administration de l'entreprise si, occasionnellement, elle peut être rendue nécessaire, efficace et même parfois rentable, n'a pas vocation à être la norme.
Quelques mots concernant la gouvernance puisque vous avez beaucoup travaillé sur ces questions. Vos réflexions sont les bienvenues. Il se trouve qu'elles vont pouvoir aussi alimenter un autre des travaux d'Hercule qui m'a été confié par le Premier Ministre sous l'autorité du Président de la République, c'est-à-dire faire, là aussi, un certain nombre de propositions.
La gouvernance de la Caisse - vous le savez - est quasiment inchangée depuis sa création. Ce constat peut surprendre quand on connaît les évolutions en matière de gouvernement d'entreprise depuis une dizaine d'année, à l'occasion, bien souvent d'ailleurs, de chocs, de difficultés rencontrées par les entreprises, risques qui les ont amenées à examiner les freins, les taquets, les manières dont il convenait de prévenir les difficultés.
Le Premier Ministre m'a demandé de faire des propositions dès le début de l'année 2008 et je souhaite travailler sur ce dossier sur la base de vos propositions, avec un certain nombre d'idées que nous avons aussi, et en très étroite collaboration avec ce qui est pour moi l'organisme suprême en matière de représentation, le Parlement, les membres de la commission de surveillance et son Président.
Mon ambition - pas par timidité, pas parce que je n'aurais pas les épaules assez larges - mais tout simplement parce que je crois que c'est la seule façon pour que ça marche, c'est que chacun s'approprie le projet et que chacun se sente à l'aise dans la structure. Mon ambition, c'est de trouver les propositions qui seront consensuelles, qui seront respectueuses de la spécificité de la Caisse et des prérogatives du Parlement et qui seront respectueuses de l'intérêt général. Je pense que cette modernisation pourrait porter sur au moins trois points. Il s'agit de propositions. Vous avez les vôtres. Nous allons les travailler en concertation.
* Premièrement, renforcement des prérogatives de la commission de surveillance sur les décisions stratégiques de l'établissement et mise en place d'un comité des investissements ;
* deuxièmement, évolution de la composition de la commission de surveillance, en particulier pour y faire entrer des personnalités qualifiées issues de ce que, dans certains milieux, on appelle la société civile ;
* enfin, examen de l'opportunité pour la commission de surveillance et sous l'autorité du Parlement de saisir dans un certain nombre de circonstances un organe tiers qui puisse examiner l'activité de la Caisse et s'assurer, avec l'expertise et la compétence que tout tiers peut fournir à l'égard d'un organisme qui, aussi compétent fut-il, a toujours tendance à s'autoréguler, à s'autojuger, ferait preuve nécessairement - c'est le fruit du temps - d'une certaine complaisance, et bien je crois que l'intervention d'un tiers à la demande de la commission de surveillance et sous l'autorité du Parlement peut être une excellente chose.
Vous voyez il n'est pas question de mettre la Caisse sous la commission bancaire. J'aime mieux que l'on se dise les choses franchement. Ce n'est pas la peine de tourner autour du pot. Et puis cela évitera à certains d'avoir des ambiguïtés, de se dire, est-ce qu'elle a vraiment voulu dire ceci ou est-ce qu'elle a voulu dire cela ? Et puis, est-ce qu'elle sait vraiment ce qu'elle veut cette ministre ? Pour moi, ce qui est important, c'est la spécificité de l'intérêt général.
Alors en conclusion, que vous souhaiter ? De l'audace, de l'audace, encore et toujours de l'audace ? Certainement. La collectivité vous a beaucoup donné. Je crois aussi que vous lui avez bien rendu.
Source http://www.caissedesdepots.fr, le 29 février 2008