Texte intégral
G. Cahour.- Notre invité ce matin, jusqu'à 9 h, M. Barnier, bonjour.
R.- Bonjour.
Q.- Ministre de l'Agriculture et de la Pêche, évidemment, nous allons parler de l'actualité avec notamment les OGM dont le texte est toujours débattu à l'Assemblée nationale, mais d'abord cette question sur les économies. Aujourd'hui, N. Sarkozy va annoncer un certain nombre de mesures d'économie, entre 5 et 7 milliards d'euros, dit-on. Est-ce que votre ministère va devoir se serrer la ceinture ?
R.- Ce n'est pas tellement des économies, c'est un plan pour la bonne gestion de l'Etat, pour gérer sérieusement l'Etat. Le gérer en faisant peut-être moins de choses mais en le faisant mieux. Quand nous parlons de l'Etat, nous parlons des impôts, nous parlons de l'argent que ceux qui nous écoutent, ceux qui nous voient, paient pour le fonctionnement de la France. Et donc, comme dans des entreprises, comme dans sa propre famille, il faut continuellement, de manière tenace, de manière déterminée, chercher comment mieux...
Q.- Normalement, il n'y a pas besoin d'une crise financière, d'une crise économique, pour le faire, ça devrait être fait tout le temps.
R.- Mais, je me permets de vous dire que c'était un engagement du président de la République pendant sa campagne que de bien gérer l'Etat, de le gérer sérieusement, comme l'a dit le Premier ministre, et c'est ce que nous faisons chacun dans nos ministères respectifs.
Q.- Mais toutefois, il y a quand même des mesures qui concernent directement les Français. Par exemple, pour le logement : baisser le plafond de ressources pour accéder au HLM. Est-ce que vous, dans votre ministère, il y aura des modifications qui toucheront les personnes qui sont concernées, aussi bien les consommateurs que le agriculteurs ou les pêcheurs ?
R.- Le budget du Ministère de l'Agriculture est largement un budget européen, comme vous le savez. Dans la proportion de 1 à 10, ce qui est apporté pour l'économie agricole directement pour aider au soutien de l'agriculture, notamment dans les zones fragiles, pour aider la diversité de l'alimentation, enfin tout ce qui représente le modèle agricole européen, ça vient d'un budget lié à une politique européenne. Je suis d'ailleurs le seul ministre - c'est un peu pour ça que mon cas est particulier - le seul ministre dont la politique est quasiment en totalité mutualisée au niveau européen. Mais pour le reste, dans l'administration du ministère, qui est une grande administration, nous avons créé un mouvement de réforme, de restructuration, de rationalisation. Je le fais avec les agents de mon ministère, il y en a 40 000, à la fois pour l'éducation agricole qui est un grand secteur, et pour le fonctionnement du ministère.
Q.- M. Barnier, est-ce que cette gestion sérieuse et rigoureuse est compatible avec une augmentation des retraites, des petites retraites pour les agriculteurs ?
R.- Oui, l'engagement sera tenu. Le président de la République, avant-hier, à Nantes, au Congrès de la FNSEA, où moi-même je suis allé dialoguer avec les dirigeants syndicaux agricoles, hier, le Président a rappelé l'engagement qui était pris. Il y a des retraites qui sont indignes pour les veuves, pour les conjoints, pour les plus petites retraites. Donc l'effort sera porté avec des priorités, sur les plus petites retraites, sur les veuves, et sur les conjoints.
Q.- M. Barnier, pour parler de ce projet de loi qui déchaînent les passions à l'Assemblée sur les OGM, beaucoup disent que ce projet de loi trahit en quelque sorte ce qui a été décidé au moment du Grenelle de l'environnement, et que l'on a fait la part belle aux semenciers et notamment à Monsanto. Un amendement séduit l'opposition - il a été adopté avant-hier - qui permet de protéger les zones AOC, d'appellation d'origine contrôlée, et les zones où on fait du bio pour éviter la contamination. Est-ce que vous êtes favorable à cet amendement ?
R.- D'abord, ce texte franchement il n'est pas pour ou contre les OGM, c'est un texte, ce n'est pas la question, nous n'avons jamais fermé la porte aux OGM dans le cadre du Grenelle de l'environnement, le Président de la République a appliqué le principe de précaution en reconnaissant qu'il y avait des interrogations sur des risques de contamination, de dissémination, liés à l'environnement, et je le dis bien l'environnement seulement à propos d'un seul maïs. Nous l'avons interdit à la culture pendant un an, le temps de mener le débat, d'aller au bout des évaluations, et le temps d'avoir une approche européenne. Le texte dont nous parlons à l'Assemblée, il n'est pas pour ou contre les OGM, il est clairement de savoir dans quelles conditions on pourra cultiver avec ou sans OGM. Le jour où, éventuellement, une nouvelle culture OGM sera autorisée dans des cadres très précis, avec beaucoup de précaution, ce jour-là, il faut savoir comment on peut sécuriser une culture traditionnelle, conventionnelle, par rapport à une culture OGM.
Q.- Mais justement, le texte est très flou aujourd'hui. On dit : il faut respecter notamment l'environnement et les cultures traditionnelles.
R.- Mais, le texte n'est pas flou, il y a des centaines d'amendements.
Q.- Comment on précise ce « protéger l'environnement et les cultures traditionnelles » ?
R.- On le précise par des distances qui seront fixées à la suite de ce projet de loi. On avait besoin de ce projet de loi, ça fait d'ailleurs assez longtemps qu'on aurait dû le voter en application d'une directive européenne pour sécuriser. Et ce texte apporte de vrais progrès. Pour la transparence, on saura précisément où se trouvent les parcelles cultivées éventuellement avec des OGM. Il fait un progrès en matière de responsabilité : ceux qui cultivent en OGM auront des responsabilités comme d'ailleurs, je le dis, ceux qui auraient la tentation d'aller attaquer le bien d'autrui. Il faut respecter la loi de tous les côtés. Donc, des progrès de transparence, des progrès de liberté de choix, des progrès de responsabilité. Ce texte est utile.
Q.- Comment offrir la garantie qu'un champ bio ne sera pas contaminé par des OGM ? Un agriculteur, lui, explique qu'à 25 km, il y avait des cultures OGM et que ses cultures bio ont été contaminées, elles sont détruites, il ne peut pas avoir le label. Comment garantir cela ?
R.- On le garantit d'abord en faisant attention à un éventuel OGM qu'on autorisera ou qu'on n'autorisera pas, ça sera l'avis du Haut conseil des biotechnologies que nous créons. Parce que moi je n'ai pas la science infuse, je ne sais pas si tous les députés socialistes qui font de la polémique ont la science infuse, moi je ne l'ai pas. On aura besoin de l'avis des scientifiques, ça sera le cas de ce Haut conseil des biotechnologies, avec d'ailleurs un avis socio-économique également qui sera utile. Et puis, il y aura des règles, il y aura des règles de distance, d'évaluation, de surveillance. Franchement, moi, je suis très frappé de voir la passion qui s'empare de ce débat et je veux dire comme ministre de l'Agriculture, c'est d'ailleurs pour ça que c'est J.-L. Borloo qui mène ce texte, que ça ne concerne pas seulement l'agriculture les OGM. La recherche sur les OGM elle peut être utile pour l'industrie. Actuellement, nous avons une recherche, par exemple, sur des peupliers avec des fibres spéciales, une recherche en plein champ pour que dans la fabrication du papier carton, on puisse utiliser moins de produits chimiques grâce à une recherche OGM. Je pourrais citer des cas de recherche OGM sur la nutrition ou sur la lutte contre certaines maladies comme la mucoviscidose. Donc, méfions-nous de cette fermeture, de ces peurs. Traitons ces questions sérieusement comme dans une démocratie responsable.
Q.- Mais, il est très difficile de se faire son propre avis sur les OGM. Depuis des années, justement, c'est un débat qui déchaîne les passions, bien avant que ça n'arrive avec ce projet de loi à l'Assemblée nationale. Lorsque l'on entend un pro-OGM, on se dit : « ah ben, oui, finalement, il a raison » ; lorsque l'on entend un anti-OGM on se dit : « ah ben, oui, il a raison, il a l'air vraiment passionné par son sujet ». Et justement, ça m'amène aux lobbies, parce que les lobbies sont extrêmement forts, extrêmement puissants, des deux côtés.
R.- Des deux côtés, oui.
Q.- Est-ce que l'UMP a réussi vraiment à se faire sa propre opinion sans être manipulée, notamment par Monsanto ? Ce n'est pas ce qui ressort dans les témoignages qu'on a pu recevoir.
R.- Moi, franchement, je trouve assez insultante cette attaque contre les parlementaires. J'ai été moi-même parlementaire. On doit dans ce pays aussi mettre un peu plus de raison que de passion et d'attaques personnelles. Les députés sont des gens sérieux. Il y a actuellement un rapporteur qui fait un travail formidable, Monsieur Antoine Herth, sur ce texte, Monsieur Ollier. Ce sont des gens qui examinent tous les points de vue. Ils ont raison de vouloir débattre sérieusement de cette question. Derrière ces recherches OGM - parce qu'il y a des gens qui sont de toute façon contre les OGM, on en a connu, parfois les mêmes qui étaient contre le choix électronucléaire de notre pays, en agitant les mêmes peurs - derrière ce choix, il y a quand même quelque part l'indépendance de l'Europe et de la France. Vous parliez d'une entreprise américaine, Monsanto. Moi, je n'ai pas envie que cette entreprise soit la seule dans le monde, dans les trente ans qui viennent, à produire des semences OGM et à diriger les cultures du monde. Donc, je dis, un...
Q.- Aujourd'hui, la France est n°2 sur la recherche OGM, on ne peut pas dire qu'on soit à la traîne non plus.
R.- Oui, mais ne décourageons pas les laboratoires privés et publics de continuer à cette recherche. Moi, je n'ai pas d'idéologie pour ou contre les OGM, je dis simplement : veillons à ne pas dépendre d'une seule entreprise américaine et préservons l'indépendance européenne, la capacité européenne et française de la recherche sur ce sujet.
Q.- Encore un mot des OGM, avant de parler des autres sujets d'actualité après la pause. 0,9 % d'OGM dans les aliments, c'est disons, la zone de tolérance. Est-ce qu'on peut vraiment accepter cette marge de tolérance, c'est-à-dire qu'on est susceptible de manger 0,9 % d'OGM sans le savoir ?
R.- Mais, ne parlez pas de ça comme s'il y avait un risque pour la santé publique.
Q.- Ben, il y a un principe de précaution !
R.- Mais ne parlez pas de ça comme s'il y avait un risque pour la santé publique.
Q.- Il y a zéro risque, on en est certain ?
R.- Le risque zéro n'existe pas, mais tous les scientifiques et toutes les évaluations qui ont été faites ont toujours mis en valeur, y compris la Haute autorité provisoire, qu'il n'y avait pas de risque pour la santé publique. Il y a simplement un risque...
Q.-... oui, mais si moi je ne veux pas manger d'OGM, j'ai le droit d'avoir l'assurance qu'il y a 0 % et pas 0,9 !
R.- Le seuil qui a été fixé d'un comme un accord au niveau européen c'est ce seuil de 0,9, qui est très, très limité. Naturellement, on peut aller plus loin vers l'information du consommateur pour lui donner l'assurance qu'il n'y a pas d'OGM. Vous savez que l'alimentation animale, actuellement, est quasiment en très grande quantité approvisionnée par des produits de soja, par exemple, OGM que nous importons. Donc, ne soyons pas hypocrites dans cette affaire. Il n'y a pas de risque pour la santé publique et nous devons vérifier que la cohabitation éventuelle de cultures OGM ou non OGM est possible. Donc, examinons cette affaire avec sérieux, avec rigueur, c'est l'objet de ce texte qui est travaillé, qui est étudié avec beaucoup de soin et, je veux le dire, beaucoup de sérieux par les parlementaires.
Q.- Est-ce qu'il est compatible de défendre les OGM et le bio dans les cantines ?
R.- Mais, on ne défend pas ou n'attaque pas les OGM. Pour l'instant nous avons la volonté de développer le bio, j'ai même présenté moi-même un plan comme jamais il n'y en avait eu, y compris du temps où les écologistes étaient au Gouvernement, pour tripler la surface de bio dans notre pays. Il y a plein d'endroits en France où on peut faire plus de bio. Il faut aider cette filière.
Q.- Donc, c'est compatible.
R.- Mais bien sûr, c'est compatible avec une éventuelle culture OGM. D'ailleurs, permettez-moi de vous dire qu'il y a eu 22 000 ha de maïs OGM cultivés dans les années passées - cette année il n'y en aura pas - et que ça n'a pas empêché ou les problèmes ou le développement du bio. La question n'est pas là. [...]
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 avril 2008
R.- Bonjour.
Q.- Ministre de l'Agriculture et de la Pêche, évidemment, nous allons parler de l'actualité avec notamment les OGM dont le texte est toujours débattu à l'Assemblée nationale, mais d'abord cette question sur les économies. Aujourd'hui, N. Sarkozy va annoncer un certain nombre de mesures d'économie, entre 5 et 7 milliards d'euros, dit-on. Est-ce que votre ministère va devoir se serrer la ceinture ?
R.- Ce n'est pas tellement des économies, c'est un plan pour la bonne gestion de l'Etat, pour gérer sérieusement l'Etat. Le gérer en faisant peut-être moins de choses mais en le faisant mieux. Quand nous parlons de l'Etat, nous parlons des impôts, nous parlons de l'argent que ceux qui nous écoutent, ceux qui nous voient, paient pour le fonctionnement de la France. Et donc, comme dans des entreprises, comme dans sa propre famille, il faut continuellement, de manière tenace, de manière déterminée, chercher comment mieux...
Q.- Normalement, il n'y a pas besoin d'une crise financière, d'une crise économique, pour le faire, ça devrait être fait tout le temps.
R.- Mais, je me permets de vous dire que c'était un engagement du président de la République pendant sa campagne que de bien gérer l'Etat, de le gérer sérieusement, comme l'a dit le Premier ministre, et c'est ce que nous faisons chacun dans nos ministères respectifs.
Q.- Mais toutefois, il y a quand même des mesures qui concernent directement les Français. Par exemple, pour le logement : baisser le plafond de ressources pour accéder au HLM. Est-ce que vous, dans votre ministère, il y aura des modifications qui toucheront les personnes qui sont concernées, aussi bien les consommateurs que le agriculteurs ou les pêcheurs ?
R.- Le budget du Ministère de l'Agriculture est largement un budget européen, comme vous le savez. Dans la proportion de 1 à 10, ce qui est apporté pour l'économie agricole directement pour aider au soutien de l'agriculture, notamment dans les zones fragiles, pour aider la diversité de l'alimentation, enfin tout ce qui représente le modèle agricole européen, ça vient d'un budget lié à une politique européenne. Je suis d'ailleurs le seul ministre - c'est un peu pour ça que mon cas est particulier - le seul ministre dont la politique est quasiment en totalité mutualisée au niveau européen. Mais pour le reste, dans l'administration du ministère, qui est une grande administration, nous avons créé un mouvement de réforme, de restructuration, de rationalisation. Je le fais avec les agents de mon ministère, il y en a 40 000, à la fois pour l'éducation agricole qui est un grand secteur, et pour le fonctionnement du ministère.
Q.- M. Barnier, est-ce que cette gestion sérieuse et rigoureuse est compatible avec une augmentation des retraites, des petites retraites pour les agriculteurs ?
R.- Oui, l'engagement sera tenu. Le président de la République, avant-hier, à Nantes, au Congrès de la FNSEA, où moi-même je suis allé dialoguer avec les dirigeants syndicaux agricoles, hier, le Président a rappelé l'engagement qui était pris. Il y a des retraites qui sont indignes pour les veuves, pour les conjoints, pour les plus petites retraites. Donc l'effort sera porté avec des priorités, sur les plus petites retraites, sur les veuves, et sur les conjoints.
Q.- M. Barnier, pour parler de ce projet de loi qui déchaînent les passions à l'Assemblée sur les OGM, beaucoup disent que ce projet de loi trahit en quelque sorte ce qui a été décidé au moment du Grenelle de l'environnement, et que l'on a fait la part belle aux semenciers et notamment à Monsanto. Un amendement séduit l'opposition - il a été adopté avant-hier - qui permet de protéger les zones AOC, d'appellation d'origine contrôlée, et les zones où on fait du bio pour éviter la contamination. Est-ce que vous êtes favorable à cet amendement ?
R.- D'abord, ce texte franchement il n'est pas pour ou contre les OGM, c'est un texte, ce n'est pas la question, nous n'avons jamais fermé la porte aux OGM dans le cadre du Grenelle de l'environnement, le Président de la République a appliqué le principe de précaution en reconnaissant qu'il y avait des interrogations sur des risques de contamination, de dissémination, liés à l'environnement, et je le dis bien l'environnement seulement à propos d'un seul maïs. Nous l'avons interdit à la culture pendant un an, le temps de mener le débat, d'aller au bout des évaluations, et le temps d'avoir une approche européenne. Le texte dont nous parlons à l'Assemblée, il n'est pas pour ou contre les OGM, il est clairement de savoir dans quelles conditions on pourra cultiver avec ou sans OGM. Le jour où, éventuellement, une nouvelle culture OGM sera autorisée dans des cadres très précis, avec beaucoup de précaution, ce jour-là, il faut savoir comment on peut sécuriser une culture traditionnelle, conventionnelle, par rapport à une culture OGM.
Q.- Mais justement, le texte est très flou aujourd'hui. On dit : il faut respecter notamment l'environnement et les cultures traditionnelles.
R.- Mais, le texte n'est pas flou, il y a des centaines d'amendements.
Q.- Comment on précise ce « protéger l'environnement et les cultures traditionnelles » ?
R.- On le précise par des distances qui seront fixées à la suite de ce projet de loi. On avait besoin de ce projet de loi, ça fait d'ailleurs assez longtemps qu'on aurait dû le voter en application d'une directive européenne pour sécuriser. Et ce texte apporte de vrais progrès. Pour la transparence, on saura précisément où se trouvent les parcelles cultivées éventuellement avec des OGM. Il fait un progrès en matière de responsabilité : ceux qui cultivent en OGM auront des responsabilités comme d'ailleurs, je le dis, ceux qui auraient la tentation d'aller attaquer le bien d'autrui. Il faut respecter la loi de tous les côtés. Donc, des progrès de transparence, des progrès de liberté de choix, des progrès de responsabilité. Ce texte est utile.
Q.- Comment offrir la garantie qu'un champ bio ne sera pas contaminé par des OGM ? Un agriculteur, lui, explique qu'à 25 km, il y avait des cultures OGM et que ses cultures bio ont été contaminées, elles sont détruites, il ne peut pas avoir le label. Comment garantir cela ?
R.- On le garantit d'abord en faisant attention à un éventuel OGM qu'on autorisera ou qu'on n'autorisera pas, ça sera l'avis du Haut conseil des biotechnologies que nous créons. Parce que moi je n'ai pas la science infuse, je ne sais pas si tous les députés socialistes qui font de la polémique ont la science infuse, moi je ne l'ai pas. On aura besoin de l'avis des scientifiques, ça sera le cas de ce Haut conseil des biotechnologies, avec d'ailleurs un avis socio-économique également qui sera utile. Et puis, il y aura des règles, il y aura des règles de distance, d'évaluation, de surveillance. Franchement, moi, je suis très frappé de voir la passion qui s'empare de ce débat et je veux dire comme ministre de l'Agriculture, c'est d'ailleurs pour ça que c'est J.-L. Borloo qui mène ce texte, que ça ne concerne pas seulement l'agriculture les OGM. La recherche sur les OGM elle peut être utile pour l'industrie. Actuellement, nous avons une recherche, par exemple, sur des peupliers avec des fibres spéciales, une recherche en plein champ pour que dans la fabrication du papier carton, on puisse utiliser moins de produits chimiques grâce à une recherche OGM. Je pourrais citer des cas de recherche OGM sur la nutrition ou sur la lutte contre certaines maladies comme la mucoviscidose. Donc, méfions-nous de cette fermeture, de ces peurs. Traitons ces questions sérieusement comme dans une démocratie responsable.
Q.- Mais, il est très difficile de se faire son propre avis sur les OGM. Depuis des années, justement, c'est un débat qui déchaîne les passions, bien avant que ça n'arrive avec ce projet de loi à l'Assemblée nationale. Lorsque l'on entend un pro-OGM, on se dit : « ah ben, oui, finalement, il a raison » ; lorsque l'on entend un anti-OGM on se dit : « ah ben, oui, il a raison, il a l'air vraiment passionné par son sujet ». Et justement, ça m'amène aux lobbies, parce que les lobbies sont extrêmement forts, extrêmement puissants, des deux côtés.
R.- Des deux côtés, oui.
Q.- Est-ce que l'UMP a réussi vraiment à se faire sa propre opinion sans être manipulée, notamment par Monsanto ? Ce n'est pas ce qui ressort dans les témoignages qu'on a pu recevoir.
R.- Moi, franchement, je trouve assez insultante cette attaque contre les parlementaires. J'ai été moi-même parlementaire. On doit dans ce pays aussi mettre un peu plus de raison que de passion et d'attaques personnelles. Les députés sont des gens sérieux. Il y a actuellement un rapporteur qui fait un travail formidable, Monsieur Antoine Herth, sur ce texte, Monsieur Ollier. Ce sont des gens qui examinent tous les points de vue. Ils ont raison de vouloir débattre sérieusement de cette question. Derrière ces recherches OGM - parce qu'il y a des gens qui sont de toute façon contre les OGM, on en a connu, parfois les mêmes qui étaient contre le choix électronucléaire de notre pays, en agitant les mêmes peurs - derrière ce choix, il y a quand même quelque part l'indépendance de l'Europe et de la France. Vous parliez d'une entreprise américaine, Monsanto. Moi, je n'ai pas envie que cette entreprise soit la seule dans le monde, dans les trente ans qui viennent, à produire des semences OGM et à diriger les cultures du monde. Donc, je dis, un...
Q.- Aujourd'hui, la France est n°2 sur la recherche OGM, on ne peut pas dire qu'on soit à la traîne non plus.
R.- Oui, mais ne décourageons pas les laboratoires privés et publics de continuer à cette recherche. Moi, je n'ai pas d'idéologie pour ou contre les OGM, je dis simplement : veillons à ne pas dépendre d'une seule entreprise américaine et préservons l'indépendance européenne, la capacité européenne et française de la recherche sur ce sujet.
Q.- Encore un mot des OGM, avant de parler des autres sujets d'actualité après la pause. 0,9 % d'OGM dans les aliments, c'est disons, la zone de tolérance. Est-ce qu'on peut vraiment accepter cette marge de tolérance, c'est-à-dire qu'on est susceptible de manger 0,9 % d'OGM sans le savoir ?
R.- Mais, ne parlez pas de ça comme s'il y avait un risque pour la santé publique.
Q.- Ben, il y a un principe de précaution !
R.- Mais ne parlez pas de ça comme s'il y avait un risque pour la santé publique.
Q.- Il y a zéro risque, on en est certain ?
R.- Le risque zéro n'existe pas, mais tous les scientifiques et toutes les évaluations qui ont été faites ont toujours mis en valeur, y compris la Haute autorité provisoire, qu'il n'y avait pas de risque pour la santé publique. Il y a simplement un risque...
Q.-... oui, mais si moi je ne veux pas manger d'OGM, j'ai le droit d'avoir l'assurance qu'il y a 0 % et pas 0,9 !
R.- Le seuil qui a été fixé d'un comme un accord au niveau européen c'est ce seuil de 0,9, qui est très, très limité. Naturellement, on peut aller plus loin vers l'information du consommateur pour lui donner l'assurance qu'il n'y a pas d'OGM. Vous savez que l'alimentation animale, actuellement, est quasiment en très grande quantité approvisionnée par des produits de soja, par exemple, OGM que nous importons. Donc, ne soyons pas hypocrites dans cette affaire. Il n'y a pas de risque pour la santé publique et nous devons vérifier que la cohabitation éventuelle de cultures OGM ou non OGM est possible. Donc, examinons cette affaire avec sérieux, avec rigueur, c'est l'objet de ce texte qui est travaillé, qui est étudié avec beaucoup de soin et, je veux le dire, beaucoup de sérieux par les parlementaires.
Q.- Est-ce qu'il est compatible de défendre les OGM et le bio dans les cantines ?
R.- Mais, on ne défend pas ou n'attaque pas les OGM. Pour l'instant nous avons la volonté de développer le bio, j'ai même présenté moi-même un plan comme jamais il n'y en avait eu, y compris du temps où les écologistes étaient au Gouvernement, pour tripler la surface de bio dans notre pays. Il y a plein d'endroits en France où on peut faire plus de bio. Il faut aider cette filière.
Q.- Donc, c'est compatible.
R.- Mais bien sûr, c'est compatible avec une éventuelle culture OGM. D'ailleurs, permettez-moi de vous dire qu'il y a eu 22 000 ha de maïs OGM cultivés dans les années passées - cette année il n'y en aura pas - et que ça n'a pas empêché ou les problèmes ou le développement du bio. La question n'est pas là. [...]
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 avril 2008