Déclaration de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports, sur le projet de réforme des ports autonomes, la modernisation de l'enseignement supérieur maritime, le Registre international français (RIF) et le développement d'"autoroutes maritimes", Paris le 1er avril 2008.

Prononcé le 1er avril 2008

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Circonstance : Dîner de clôture de l'assemblée générale des Armateurs de France, à Paris le 1er avril 2008

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux d'être parmi vous ce soir, en présence de responsables qui incarnent un métier essentiel pour l'économie française et le dynamisme de notre pays.
C'est l'occasion pour moi de vous remercier, Monsieur le Président, pour votre action à la tête d'Armateurs de France. La période de votre présidence est particulièrement riche en dossiers déterminants pour l'avenir de la marine marchande et de l'armement français, dossiers qui nous donnent l'occasion de contacts fréquents et fructueux.
Je voudrais ce soir vous confirmer une fois encore toute l'importance que le Gouvernement attache au développement du transport maritime. La politique que nous entendons mettre en oeuvre est vaste et ambitieuse, j'en exposerai brièvement les points principaux.
1. Le développement de la marine marchande passe d'abord par une meilleure organisation de nos ports. Le Premier ministre a annoncé le 14 janvier dernier le lancement d'un plan de relance, visant à améliorer la productivité de nos ports.
Alors que le trafic maritime ne cesse de croître dans le monde, nos ports perdent des parts de marché. Nous devons relancer leur compétitivité et leur attractivité afin de développer l'emploi dans le secteur maritime et dans les industries et les services dépendant de l'activité portuaire.
L'objectif du Gouvernement est de déposer un projet de loi au cours du printemps.
Soucieux de privilégier la concertation, je me suis déplacé ces derniers mois dans les ports pour discuter directement avec les différents acteurs et expliquer les raisons de ce plan de relance. Je suis heureux de constater que ces dialogues avec les élus, les entreprises, les cadres et les organisations syndicales ont fait avancer le dossier.
Au niveau national les échanges que nous avons eus avec les organisations syndicales et professionnelles - dont bien évidemment Armateurs de France - nous ont permis de mieux comprendre les attentes de chacun.
Je suis d'ailleurs décidé à poursuivre les discussions. Comme je l'ai fait le 21 février, je réunirai prochainement, le 8 avril, une nouvelle table ronde rassemblant tous les acteurs portuaires, afin de tirer les conclusions de cette première phase de concertation et de présenter les dispositions que le gouvernement inclura dans son projet de loi.
A ce stade, je suis plus que jamais convaincu que nous devrons faire du « cousu main » pour que cette réforme atteigne son but.
L'absence d'unité de commandement sur les terminaux est l'une des principales causes du manque de productivité et de fiabilité de nos ports. Une réforme de la gestion de l'outillage est donc incontournable. Afin de simplifier et d'optimiser l'organisation de la manutention, il convient de mettre en place sur les terminaux des opérateurs disposant d'une autorité réelle et permanente sur l'ensemble du personnel et des outils de manutention.
La gouvernance des ports doit donc être repensée, pour permettre un pilotage plus efficace et pour faciliter la concertation entre les différents acteurs de la place portuaire : professionnels, usagers du port, représentants des personnels, collectivités locales.
De plus, notre objectif est de recentrer les missions des ports autonomes sur leur stratégie de développement, leur rôle de régulation et leurs missions régaliennes. Ils seront en outre chargés de l'entretien des infrastructures et des ouvrages d'accès, ainsi que de l'aménagement du domaine portuaire.
Les ports seront à ce titre des acteurs importants de la politique de transport combiné définie par le Gouvernement, à l'issue du Grenelle de l'environnement. A cette fin, ils devront assurer les interfaces avec les autres modes de transports, notamment le transport fluvial et ferroviaire.
Tout ceci implique une politique volontariste d'investissement de la part de l'Etat, des investissements à la hauteur de nos ambitions pour les ports français. Nous devons leur donner les moyens d'affronter la concurrence européenne à armes égales. L'Etat interviendra notamment pour financer les infrastructures portuaires lourdes, en veillant à la qualité des liaisons avec l'hinterland.
Cette réforme des ports autonomes permettra d'adapter les ports français à un transport maritime en pleine mutation, en développant le trafic et les performances du service portuaire.
2. Le deuxième grand chantier, au coeur de nos réformes, concerne la modernisation de l'enseignement supérieur maritime.
La formation maritime est en effet un enjeu crucial. Nous savons tous combien la marine souffre actuellement du manque de personnel naviguant. Cette situation est mondiale, puisque les besoins internationaux se chiffrent en dizaines de milliers. Mais elle atteint particulièrement la France. Alors que les emplois sont là, nous ne parvenons pas à attirer suffisamment de jeunes vers les carrières maritimes.
La pénurie d'officiers pénalise le développement, et même la bonne marche des armements maritimes. Il est donc indispensable d'ajuster notre dispositif d'enseignement supérieur maritime aux besoins du secteur.
Aussi, j'ai décidé d'engager une large consultation des armateurs, des acteurs de la formation maritime et des élus. Une table ronde s'est réunie le 31 janvier dernier sur le thème de l'enseignement maritime supérieur. Vous y avez largement participé et je vous en remercie. Je souhaite d'ailleurs associer de manière durable les acteurs du transport maritime à la définition des politiques publiques concernant l'enseignement maritime supérieur. Je sais que vous travaillez déjà en concertation avec le Directeur des affaires maritimes et les directeurs des écoles de la marine marchande : il s'agit d'aller plus avant dans cette voie de la concertation.
De cette table ronde, je retire un certain nombre d'idées-force qui conduiront notre action.
Une large campagne de communication est nécessaire pour faire connaître aux jeunes bacheliers les métiers de la marine marchande et pour promouvoir leur attractivité. Je salue d'ailleurs l'initiative d'Armateurs de France qui a élaboré un guide des métiers de la marine marchande, diffusé par le guide de l'Etudiant.
Ensuite, il convient de simplifier, de rendre plus lisible l'organisation des filières de formation.
Enfin, afin de rehausser le prestige de cette formation, les élèves de la filière académique se verront décerner, au terme de leurs études, le titre d'ingénieur.
Je précise que, d'ores et déjà, les conclusions de cette table ronde ont débouché sur une décision concrète visant à pallier la pénurie d'officiers. Dès la rentrée 2008, 64 nouvelles places d'élèves officiers seront offertes en 1ère année. Une classe expérimentale d'officier chef de quart passerelle sera ouverte à Marseille, tandis que l'école du Havre accueillera une classe supplémentaire en filière A.
De cette table ronde, j'ai également retenu les principes d'une « renationalisation » et d'un regroupement des écoles.
Depuis la loi du 13 août 2004, les quatre écoles de marine marchande sont devenues des établissements publics régionaux (EPR). Un décret du Conseil d'Etat devait fixer leurs modalités d'administration et de fonctionnement. Mais un certain nombre de difficultés juridiques, tenant en particulier à l'incompatibilité des statuts d'EPR et d'établissement d'enseignement supérieur, ont empêché ce décret de voir le jour. Le Gouvernement entend aller dans le sens d'une « renationalisation » des écoles.
En outre, la réduction à deux du nombre de sites a fait l'objet d'un large consensus lors de cette table ronde. Ce regroupement s'accompagnera d'un partenariat renforcé avec les armements et les établissements d'enseignement supérieur.
Parallèlement, nous avons aussi besoin d'outils pour observer le marché de l'emploi : j'ai donc demandé que soit constitué un observatoire de l'emploi maritime qui puisse apporter l'expertise nécessaire pour harmoniser la demande et l'offre de main d'oeuvre.
L'Etat est prêt à fournir un effort financier important pour financer la modernisation du dispositif d'enseignement, le recrutement et la rémunération du corps professoral - qui serait élargi à des universitaires -, la modernisation des infrastructures. Dès cette année, les subventions versées aux écoles seront augmentées de plus de 10% de leur dotation globale.
Ces mesures le montrent : nous sommes convaincus que la formation est l'une des conditions sine qua none de l'essor activité maritime.
J'ajoute que sur tous ces points le Gouvernement entend agir de concert avec Armateurs de France : votre coopération est indispensable à la mise en oeuvre rapide de la réforme de la formation maritime.
3. J'en viens maintenant aux mesures législatives, économiques et fiscales prises récemment.
A la veille de notre présidence de l'Union européenne, il devenait urgent de mettre la loi française en conformité avec la jurisprudence européenne. C'est chose faite avec le vote au Sénat, la semaine dernière, de la loi sur la nationalité des équipages de navire. Cette loi prévoit, vous le savez, d'ouvrir les fonctions de capitaine et de second aux ressortissants communautaires sur les navires battant le pavillon français. Elle sera publiée dans les jours qui viennent.
Je ne reviendrai pas ce soir sur toutes les mesures économiques et fiscales prises pour soutenir le transport maritime. Les allègements de charges sociales sont désormais pérennes et inscrits dans la loi. Il en va de même pour la taxe au tonnage et le dégrèvement de la part maritime de la taxe professionnelle.
J'insisterai en revanche sur le devenir du Registre International Français (RIF), cette pièce maîtresse de notre dispositif législatif.
Je rappelle que la création du RIF, par la loi du 3 mai 2005, visait à redonner confiance à nos armements, à renforcer la compétitivité du pavillon français, à favoriser le développement de la flotte de commerce et de l'emploi maritime.
Nous avons gagné notre pari : au 1er janvier 2008, la flotte de commerce sous pavillon français compte 211 navires de transports (hors flotte de travaux et services auxiliaires), parmi lesquels 95 navires sont inscrits au Registre International Français. J'ajoute que plus aucun navire de la flotte de commerce n'est immatriculé sous le registre des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF).
Quant au volume commercial de notre flotte, il atteint presque les 6 millions d'unité de jauge brute à la même date.
Cependant, le Registre International Français continue à pâtir de son appréciation par la Fédération Internationale des Transports (ITF) comme pavillon de « complaisance ».
J'ai confié à Bernard SCEMAMA, président du Conseil supérieur de la marine marchande, une mission de médiation auprès de l'intersyndicale des marins et officiers et des différentes parties. Il s'agissait de sortir de cette situation préjudiciable à notre pavillon.
J'ai également eu l'occasion de m'entretenir de cette question avec M. Eudes RIBLIER, au début du mois de mars.
Dans ce contexte de crispation, le Gouvernement attend des partenaires sociaux un réel effort, pour qu'un dialogue constructif permette de régler ce problème.
A l'heure où nous lançons un vaste plan de relance de nos ports, au moment où nous engageons une réforme ambitieuse de l'enseignement maritime supérieur, le RIF ne peut rester dans cette situation. J'attends, Monsieur le Président, une contribution décisive de votre organisation à la résolution de cette question qui entache le RIF, freine son développement et pénalise l'emploi de marins français.
La flotte française est l'une des plus jeunes du monde et le pavillon français l'un des plus vertueux : cela rend d'autant plus absurde l'appellation « pavillon de complaisance » que certains attribuent au RIF. Je sais d'ores et déjà qu'il devrait être aux toutes premières places -voire à la première place - de la liste blanche du Memorandum de Paris. Cet excellent résultat est à porter au crédit de nos armateurs, qui ont su consentir les efforts financiers et humains nécessaires, et à celui de nos inspecteurs, qui les ont aidés à repérer les déficiences de leurs navires.
4. Je l'ai évoqué tout à l'heure à propos de la modernisation des terminaux portuaires et du développement du transport multimodal, la marine marchande est investie d'un rôle primordial dans la politique de développement durable du Gouvernement. J'en dirai quelques mots encore.
Chacun le sait, la France, située entre les péninsules ibérique et italienne et le nord de l'Europe, est un lieu de transit international de poids lourds. Cette situation est de moins en moins supportable, d'un point de vue écologique comme économique.
L'un des grands pans de notre politique de développement du fret non-routier vise à créer ou à améliorer - quand elles existent - les liaisons maritimes, à les rendre suffisamment performantes pour permettre le transfert massif des poids lourds sur la voie maritime.
C'est pourquoi le Grenelle de l'environnement a préconisé « un programme de développement massif d'autoroutes maritimes » sur les façades atlantique et méditerranéenne.
Les services d'autoroutes de la mer, pour être compétitifs, doivent répondre à une logique d'offre de transport de bout en bout. Ils doivent donc être organisés par les armateurs, en collaboration avec les transporteurs routiers.
Surtout, ce plan de déploiement des autoroutes maritimes et, plus largement, cette politique de transports durables ne prennent toute leur envergure qu'à l'échelle européenne. Ainsi, sur la façade atlantique, nous avons ainsi lancé conjointement avec l'Espagne en avril 2007 un appel à projets d'autoroute de la mer. Trois groupements d'entreprises ont fait des propositions. Ils sont en train de finaliser leur offre. Nous entamerons ensuite un dialogue avec eux pour retenir les solutions les plus adéquates.
La situation est différente sur la façade méditerranéenne, où existent de nombreuses liaisons Espagne-Italie de transport maritime à courte distance, ainsi qu'une liaison entre la France et l'Italie. Les autorités italiennes ont d'ailleurs mis en place un mécanisme d'Ecobonus - un mécanisme d'aide aux transporteurs routiers passant par la mer.
Le dispositif d'intervention publique nous semble bon : il doit toutefois être discuté entre pays européens, pour harmoniser le développement et le financement de ces autoroutes de la mer.
La conférence ministérielle de Lisbonne (23 octobre 2007) a d'ailleurs été l'occasion de confirmer l'intérêt européen pour ce dossier avec la nomination d'un coordinateur, Luis Valente de Oliveira.
La France souhaite encourager la promotion des autoroutes maritimes. Elle s'apprête à oeuvrer, lors de la présidence de l'Union européenne, pour une meilleure articulation des dispositifs d'aides. La révision du règlement Marco Polo, annoncée par la Commission pour mi-2008, constitue une opportunité que nous comptons saisir.
Au niveau douanier, le travail de simplification des formalités maritimes intra-européennes est à poursuivre, notamment dans le cadre de l'espace européen de transport maritime sans barrières. En effet, le développement du cabotage maritime roulier et des autoroutes de la mer est pénalisé par la complexité des régimes juridiques.
La notion d'espace européen de transport maritime sans barrières, présentée dans le « Livre Bleu » de la Commission européenne en octobre 2007, doit déboucher à terme sur un régime juridique unique et simplifié.
A ce sujet, je ne peux qu'encourager les propositions de « document unique » et les réflexions menées au sein du bureau de promotion du short sea shipping (BP2S) depuis un an. Ce bureau permet le développement des modes de transports maritimes complémentaires de la route. Je réaffirme donc mon soutien au BP2S, qui assumera cette année la présidence du réseau européen des bureaux de promotion.
5. Dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, c'est également la réglementation sur la sécurité maritime que nous voulons faire progresser.
La Commission européenne a proposé en 2006 le paquet Erika 3, qui marquait des avancées sur sept thèmes : le suivi du trafic, les contrôles de l'Etat du port, les enquêtes après accidents, les sociétés de classification, les droits des passagers, les obligations de l'Etat du pavillon et la responsabilité civile des propriétaires des navires.
Le Conseil des ministres a approuvé les cinq premiers textes, qui doivent faire l'objet d'un accord en seconde lecture avec le Parlement européen.
Ce processus se déroulera pendant la présidence française et nous ferons tout qu'il aboutisse rapidement.
Restent encore deux textes portant sur les sujets plus délicats des obligations de l'Etat du pavillon et de la responsabilité des propriétaires des navires. La Slovénie tente de dégager un accord. Si elle n'y parvient pas, la France s'emploiera à obtenir un consensus sur un texte de qualité. Nous sommes résolus à mettre en place une réglementation robuste et réaliste, et à la voir appliquée.
Je terminerai sur ce point : La France entend favoriser, lors de sa présidence de l'Europe, une politique maritime intégrée. Cette politique est en effet la seule capable de répondre aux grands enjeux de développement durable, de sécurité maritime, de performance des économies européennes nationales. Cette politique européenne ne pourra qu'être profitable à la compétitivité des armateurs français.
Vous aurez mesuré, Mesdames, Messieurs, combien le Gouvernement entend soutenir et développer le transport maritime français. Je suis d'ailleurs convaincu qu'Armateurs de France saura nous prêter main forte dans les grandes réformes que nous entreprenons.
Je tiens à vous présenter, monsieur le Président, à vous et aux membres de votre organisation professionnelle, tous mes voeux de réussite pour vos initiatives en faveur des entrepreneurs de la mer dont notre pays a besoin.
Je vous remercie de votre attention.Source http://www.armateursdefrance.org, le 7 avril 2008