Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les relations franco-marocaines et sur les grandes lignes de la politique de réforme de la France, Rabat le 18 avril 2008.

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Circonstance : 9ème séminaire intergouvernemental franco-marocain à Rabat (Maroc), les 17 et 18 avril 2008-intervention devant la Communauté française le 18

Texte intégral

Mes chers compatriotes,
Je ne voulais pas que s'achève cette rencontre ministérielle franco-marocaine consacrée à se féliciter de la qualité des relations entre nos deux pays, sans qu'il me soit permis de vous rencontrer, c'est-à-dire de rencontre justement ce qui sont les principaux acteurs du succès de cette relation franco-marocaine. Je voudrais remercier monsieur l'ambassadeur et son épouse qui me donnent l'occasion de m'adresser à vous. D'autant que je crois qu'ils ont passé une journée difficile à attendre, à scruter le ciel, mais les choses, finalement, sont bien faites, nous avons apporté la pluie que souhaitaient les Marocains et nous avons ce soir, le ciel clément qui nous permettra de passer ensemble une belle soirée.
Je voudrais vous remercier du fond du coeur pour ce que vous faites pour le rayonnement de notre pays et je voudrais vous dire que ces remerciements sont sincères. Ils sont certainement mérités car le Premier ministre marocain que je quitte à l'instant, m'a dit : "vous allez voir la communauté française, je vous demande de les remercier au nom du Gouvernement marocain pour ce qu'ils font pour notre pays", et il a ajouté : insistez particulièrement pour remercier notamment tous les enseignants, tous ceux qui oeuvrent dans le champ de l'éducation". Je vous transmets ses félicitations.
Nous avons eu avec le gouvernement marocain et avec sa Majesté le roi, des rencontres extrêmement fructueuses. Je ne vous apprendrais rien en vous disant que les relations franco-marocaines sont bonnes. Elles sont bonnes parce que nous avons, sur la plupart des sujets, une grande identité de vue, parce que le Gouvernement français soutient les réformes qui sont conduites au Maroc, parce que le Gouvernement français est admiratif du travail qui est fait par le gouvernement marocain pour moderniser le pays et pour en faire, au fond, un modèle de stabilité et de développement dans la région.
Nous avons voulu avec le président de la République accélérer, au fond, la qualité des relations franco-marocaines, et nous avons voulu le faire en essayant d'être le plus concrets possible. Et j'ai voulu aujourd'hui, après la visite de Nicolas Sarkozy en octobre, vérifier que toutes les décisions qui avaient été prises, et dieu sait certaines d'entre elles étaient spectaculaires, étaient bien suivies d'effet.
Et c'est ainsi que nous avons signé des accords qui permettent l'engagement Des travaux de la première ligne TGV qui sera réalisée hors de notre pays. C'est ainsi que nous avons signé des accords permettant le financement et la construction par des entreprises françaises du tramway de Rabat. C'est ainsi que nous avons signé l'accord d'acquisition par le Maroc d'une frégate multi-missions du même type que celles qui équipent la marine nationale française. Ainsi que beaucoup d'accords, 17 au total, concernant tous les champs de la coopération et en particulier ceux de la formation et de l'Education.
Le développement du Maroc est réel, le Maroc bouge, mais je voudrais vous dire que la France aussi bouge. Et peut-être que, ici, à Rabat, il vous arrive de jeter un oeil sur ce qui se passe dans votre pays.
Je veux vous dire, entouré des membres du gouvernement qui m'accompagnent, ainsi que de plusieurs parlementaires, que nous avons entrepris avec le président de la République un très grand effort de transformation en profondeur de la société française. Et déjà on sent les résultats de cet effort dans la nature des débats qu'il y a dans notre pays.
Il y a quelques années, en France, on débattait de la réduction du temps de travail. Aujourd'hui, on a un débat autour des heures supplémentaires. Il y a quelques années dans notre pays, on débattait du blocage de nos universités. Aujourd'hui, nos universités sont en route vers l'autonomie. Il y a quelques années dans notre pays, on débattait des régimes spéciaux de retraites. Aujourd'hui on débat de l'équité des régimes de retraites. Il y a quelques années dans notre pays on évoquait la fatalité de l'insécurité, aujourd'hui, chaque jour qui passe, nous progressons pour faire respecter les lois de la République.
C'est donc non seulement un effort de réformes, un effort de transformation de notre organisation que nous conduisons, mais c'est aussi un effort de transformation en profondeur de la société française.
Nous avons dit clairement aux Français au moment des élections présidentielles ce que nous voulions. Nous voulons que la France dans les cinq ans qui viennent soit dans les trois premiers pays européens pour la croissance. C'est un objectif qui peut paraître ambitieux compte tenu de nos performances de ces 20 dernières années, mais en même temps, qui peut nier que la France ne serait pas capable, avec la deuxième population de l'Union européenne, avec sa richesse, avec ses traditions, avec la qualité de ses services, qui pourrait penser que la France n'est pas capable d'atteindre cet objectif de figurer parmi les trois premiers pays européens pour la croissance ?
Nous voulons atteindre le plein emploi. Là encore, on peut se dire que le chemin va être difficile compte tenu de notre passé. Et pourtant, plus de dix pays européens ont atteint le plein emploi, dont certains ont beaucoup moins d'atouts et beaucoup moins de richesse que nous. Pourquoi ne serions-nous pas capables d'atteindre cet objectif ?
Nous voulons placer dans les cinq prochaines années, dix universités françaises dans les cent premières universités mondiales. Compte tenu de l'histoire de notre pays, compte tenu de la qualité de notre système d'enseignement supérieur, on peut penser que c'est un objectif modeste, dix universités parmi les cent premières mondiales. Il se trouve qu'aujourd'hui nous n'en avons que deux qui figurent parmi les cent premières mondiales.
Enfin, nous voulons mettre en oeuvre les engagements qui ont été pris dans ce qui a été appelé "le Grenelle de l'environnement", c'est-à-dire, engager la France dans un effort considérable pour lutter contre le réchauffement climatique, avec en particulier cet objectif très, très ambitieux de réduire d'ici 2020 de 20 % les émissions de gaz carbonique.
Alors pour arriver à réaliser ces objectifs, nous avons une politique économique au fond assez simple - peut-être les économistes les plus sophistiqués la trouvent-ils trop simpliste ? Je dis parfois que c'est une politique que les Sarthois peuvent comprendre, c'est-à-dire, il s'agit de travailler plus, d'investir plus, et de dépenser moins. Et il me semble que, quelle que soit par ailleurs la situation de l'économie mondiale, quelles que soient les difficultés de la crise financière, cette politique économique ne peut que réussir. Travailler plus, investir plus, dépenser moins.
Travailler plus, on a commencé à amorcer ce mouvement avec la libéralisation des heures supplémentaires. On a poursuivi avec la mise en oeuvre de ce qu'on appelle "la flex-sécurité", et en particulier l'accompagnement des demandeurs d'emploi, grâce notamment à la réforme qu'a conduite Christine Lagarde de fusion de l'ANPE et de l'Unedic, qui va permettre de mieux accompagner les chômeurs, qui va permettre de leur proposer des solutions plus adaptées à leurs difficultés, notamment en matière de formation. Réforme de l'ANPE et de l'Unedic que nous allons poursuivre par une réforme de l'assurance-chômage qui vise, à la fois, à mieux indemniser les demandeurs d'emploi mais en même temps, à sanctionner ceux qui refusent les offres d'emploi "valables" qui leur sont proposées.
Mais nous n'allons pas nous arrêter là puisque nous voulons aussi avant la fin de cette année faire en sorte qu'on puisse dans les entreprises négocier avec les salariés tous les sujets liés à l'organisation du travail et en particulier la question du temps de travail à travers les heures supplémentaires. Nous ne voulons plus vivre dans un pays où on décrète une fois pour toute que c'est 35 heures pour tout le monde ! Quel que soit le secteur d'activité, quelles que soient les contraintes qui sont celles qui pèsent sur tel ou tel secteur économique. Nous voulons que le chef d'entreprise puisse négocier avec les salariés de son entreprise, la possibilité d'utiliser les heures supplémentaires, la possibilité de les rémunérer comme il entend les rémunérer. Et cela passe par une amélioration du dialogue social dans notre pays.
Et c'est la raison pour laquelle nous avons poussé les partenaires sociaux à proposer les axes d'une réforme considérable du dialogue social. Ce qu'ils viennent pour une part d'entre eux, et en particulier pour les plus grandes organisations syndicales d'accepter.
On a depuis si longtemps critiqué le monopole des cinq grandes organisations syndicales aux élections professionnelles. Eh bien ce monopole va disparaître avec l'accord des grandes organisations syndicales. On va pouvoir libéraliser notre système, donner aux organisations syndicales la représentativité dont elles ont besoin pour être des interlocuteurs crédibles des chefs d'entreprises et des pouvoirs publics, pour moderniser sans heurts, pour moderniser en continu, pour moderniser de façon décrispée l'économie française.
Et puis enfin, nous allons réformer le contrat de travail et la formation professionnelle.
Travailler plus, investir plus. Investir plus, c'est d'abord la révision des politiques fiscales que nous sommes en train de conduire. C'est le triplement du crédit impôt-recherche que nous avons mis en place pour que les entreprises françaises et en particulier les PME puissent investir plus facilement dans la recherche et l'innovation. C'est la loi de modernisation de l'économie qui sera débattue au Parlement dans quelques jours et qui va permettre notamment d'aider les PME à se développer, qui va simplifier leur régime, qui va réduire considérablement les délais de paiement, qui va supprimer les effets de seuils financiers, ou qui va accroître la concurrence pour permettre de peser sur les prix et de répondre de manière correcte à la grande interrogation et la grande demande qui est celle des Français à travers la question du pouvoir d'achat.
Et puis enfin, dépenser moins. Dépenser moins, nous avons décidé avec le président de la République que la France ne pouvait pas rester l'un des seuls grands pays modernes qui ne cherche pas à retrouver l'équilibre de ses finances publiques. Cela fait 33 ans que la France n'a pas connu un budget en équilibre. Cela veut dire que tous les Français de moins de 33 ans pensent que ça marche comme ça. Et tous les Français de plus de 33 ans se disent que si ça a duré 33 ans, ça durera bien encore quelques années. La vérité, c'est que nous sommes passés d'un endettement qui représentait, au début des années 80, 20 % de notre PIB à un endettement qui représente aujourd'hui 64 % de notre PIB. C'est une situation qui n'est plus supportable, c'est une situation qui pèse sur les capacités de développement de notre pays, sur ses capacités d'investissement, qui pèse sur la croissance de l'économie française.
Nous allons revenir à l'équilibre des finances publiques en 5 ans. Pour y arriver, nous avons décidé de geler les dépenses publiques pendant les 5 ans qui viennent. Nous avons décidé de réformer l'Etat, de restructurer notre organisation administrative pour qu'elle soit plus efficace et qu'elle soit moins coûteuse. Il ne s'agit pas de décréter de façon aveugle la réduction des capacités de l'Etat. Il s'agit simplement de tenir compte de quelques faits. Nous avons, depuis le début des années 90, recruté 300 000 fonctionnaires d'Etat supplémentaires, alors que dans le même temps, nous avons décentralisé une grande partie des responsabilités de l'Etat vers les collectivités locales et qu'il y a eu une révolution qui ne vous a pas échappé qui est celle des nouvelles technologies de l'information, de l'informatique qui, partout, a conduit à la réorganisation des structures administratives. Nous devons réorganiser l'Etat et c'est ce que nous avons engagé avec le Président de la République.
Alors évidemment, il faut du temps pour obtenir des résultats, tout cela est difficile. Personne ne peut penser que, après des années pendant lesquelles notre pays a cru qu'il était protégé des effets de la mondialisation, ce serait tellement simple de réformer les politiques publiques et de faire l'effort que nous avons conduit. Mais nous avons déjà des résultats encourageants. En particulier, nous avons les résultats de l'emploi. Nous avons, aujourd'hui, un taux de chômage en France qui est de 7,5 %, c'est assez élevé par rapport aux pays européens qui font les meilleurs résultats, mais c'est le meilleur résultat que la France ait connu depuis 1983. Ce résultat va continuer de s'améliorer dans les mois et dans les semaines qui viennent. De la même façon, nous enregistrons depuis 5 ans une baisse continue de la délinquance, qui montre que lorsqu'il y a une volonté politique et qu'on met en place les organisations qui conviennent, que l'on adapte la législation, on peut obtenir des résultats. Le volontarisme politique est justifié par les résultats que nos obtenons en matière de baisse de la délinquance. Mesdames et Messieurs, mes chers compatriotes, nous menons une politique de réformes déterminées et il est légitime que la communauté que vous représentez attende du Gouvernement de la République française un soutien efficace.
Je voudrais, après vous avoir parlé du travail que nous effectuons pour réformer notre pays, évoquer 3 sujets qui, je crois, vous tiennent à coeur. Le premier concerne la Caisse des Français de l'étranger. Une nouvelle convention bilatérale de Sécurité sociale a été signée lors de la visite du Président de la République, elle va faciliter à terme les transferts de cotisations des binationaux vers la Caisse des Français de l'étranger. Une deuxième remarque naît du nombre croissant de Français qui choisissent le Maroc comme lieu de retraite. Nos compatriotes âgés, vivant seuls, méritent toute notre attention et je veux vous dire qu'une réflexion a été engagée pour aider notre réseau consulaire à se doter les moyens de traiter ce sujet important. Enfin, un troisième et dernier point concerne la sécurité. Où que nos compatriotes vivent, ils sont sous la protection attentive des autorités françaises. Face aux risques naturels, face aux accidents, face, parfois hélas, aux risques terroristes qui n'épargnent aucun pays, notre mobilisation accrue par la densité, mon cher Bernard, de notre réseau consulaire est constante. Je veux rendre un hommage particulier à l'attitude du Maroc en ce domaine, à l'esprit de tolérance qui guide ses réformes récentes et qui inspire ses populations, mais aussi à la vigilance et à la rigueur dont ses autorités ont toujours fait preuve face à la violence extrémiste, et enfin à leur coopération sans faille dans les situations de crises. Dans ce domaine comme dans tous les autres, c'est ensemble, Français et Marocains, que nous devons relever les défis du monde.
Nous allons avoir, pendant les prochains mois, beaucoup de raisons de travailler ensemble, France et Maroc. Il y a la demande du Maroc d'accéder au statut de partenaire avancé de l'Union européenne, nous sommes engagés, avec Bernard Kouchner, sous l'autorité du Président de la République, à conduire cette candidature lorsque la France aura l'honneur, dans quelques semaines, de présider l'Union européenne. Et la mise en place de l'Union pour la Méditerranée, ce grand projet dont le Président de la République est à l'initiative, qui a été annoncé sur le sol marocain, et qui vise à donner plus de force à la coopération entre l'Union européenne et la Méditerranée, plus d'équilibre, aussi, entre les deux rives de la Méditerranée. Sa Majesté le Roi nous a indiqué, ce matin, le soutien total du Maroc à cette initiative qui sera lancée le 13 juillet à Paris, en présence de tous les chefs d'Etat de l'Union européenne et du bassin méditerranéen. Enfin, nous avons indiqué au gouvernement marocain que nous soutenions l'initiative prise par le Maroc pour tenter de régler ce si douloureux conflit du Sahara parce qu'il s'agit d'une proposition raisonnable et que la France se doit d'être aux côtés de ceux qui font preuve de modération, de ceux qui proposent des solutions, de ceux qui ne cherchent pas à exacerber les tensions dans cette région où elles sont déjà si nombreuses. Voilà, mes chers compatriotes, ce que je voulais vous dire à l'occasion de mon passage à Rabat. Je suis heureux, à nouveau, de vous remercier, de vous saluer, et de saluer avec vous l'amitié franco-marocaine.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 24 avril 2008