Texte intégral
Messieurs les ministres,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais vous remercier pour ce dialogue sur l'avenir du système conventionnel et sur les instruments de régulation car il a montré qu'il y a un certain nombre de points de rencontre.
Vous avez tout d'abord confirmé l'importance des problèmes structurels. L'ensemble de vos interventions ont souligné que ces questions étaient au cur des préoccupations concrètes au quotidien des professionnels. Je retiendrai, plusieurs exemples :
- La question des compétences, mise en avant notamment par le Président GLORION, me semble fondamentale. Il faut travailler sur l'évaluation des pratiques, des bilans de compétences et surtout l'entretien des compétences au travers de la formation continue. Comme vous le savez, celle-ci est en cours de réforme à la suite de l'échec du dispositif prévu par les ordonnances de 1996. Un autre aspect évoqué concerne la nécessité de compétences spécifiques liées à des actes difficiles ou à risque. Il est absolument essentiel de réfléchir à la question de l'acquisition progressive des compétences au cours de la carrière des professionnels.
- Des remarques extrêmement convergentes ont été faites sur la nécessité de la prise en charge des urgences. Il importe de mettre en uvre, en collaboration avec les professionnels, les moyens de développer le partenariat entre médecins et établissements de santé. Il convient, comme l'a suggéré M. COSTES, de réfléchir à la réorganisation du système de gardes libérales, en analysant aussi les conditions de rémunération de ces gardes. Des groupes de travail sont en cours sur cette question et je souhaite qu'ils puissent me faire des propositions opérationnelles.
- Comme l'a souligné entre autres M. BENOIT, la médecine libérale doit être mieux articulée avec la médecine hospitalière. Il s'agit de deux modes d'exercice dont il faut renforcer la complémentarité par la structuration de réseaux de soins au-delà des réseaux expérimentaux. La bonne coordination est essentielle pour les urgences, ainsi que je viens de le dire, mais aussi pour une meilleure prise en charge des personnes âgées malades ou l'amélioration du suivi des pathologies comme le SIDA ou l'hépatite C. Elle doit également être abordée de manière spécifique pour les territoires ruraux et j'ai trouvé particulièrement intéressante les suggestions de Mme GROS en la matière. Je souhaite que des propositions opérationnelles me soient faites rapidement avec cet objectif de mieux structurer ces réseaux.
Vous êtes nombreux à avoir évoqué le sujet de la démographie. C'est une préoccupation forte qui dépasse bien évidemment le secteur libéral. Nous allons agir là-dessus, dans la continuité des mesures déjà prises depuis 1998 :
- s'agissant des médecins : relèvement du numerus clausus, augmentation du nombre de spécialistes formés dans 3 spécialités sensibles que vous avez cité (anesthésie-réanimation, gynécologie-obstétrique et pédiatrie). J'attends par ailleurs d'ici la fin du mois de mars les propositions d'un groupe de travail, associant la CNAM, pour assurer une régulation plus fine des flux de formation ;
- en ce qui concerne les infirmières, nous avons à faire face à un phénomène de pénurie quantitative, malgré le fait que le gouvernement a augmenté depuis 3 ans le nombre de places dans les écoles et notamment de 40 % en 2000, soit 8 000 places supplémentaires. Nous devrons regarder ce que nous pouvons faire et poursuivre l'effort indispensable tant dans le privé que le public, compte tenu de la durée de formation de 3 ans, ce qui impliquera encore une situation tendue.
Plusieurs d'entre vous en particulier M. REIGNAULT et M. COULOMB, ont insisté sur l'ampleur des tâches autres que celles de soin. J'ai bien vu que l'évolution des métiers des professionnels vous préoccupe. Elle renvoie aux missions de santé publique (suivi de population à risque, tenue de registre), de sécurité sanitaire (sécurisation des actes, traçabilité des dispositifs médicaux) ou de liaison avec l'assurance maladie. Je suis prête à étudier avec vous les propositions permettant de tenir compte de cette évolution des missions.
- La question de l'information et de son partage entre les acteurs a été relevée, notamment par M. MAFFIOLI et M. BREZAC. Pour moi, c'est clair, les professionnels doivent avoir accès à travers leur représentant à des informations fiables et claires. Un lieu de concertation sur les statistiques de l'assurance maladie a été créé au travers de la Commission pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie, présidée par M. THELOT. Pour ce qui concerne le projet de transmission des données de l'assurance maladie aux URML, je pense que des progrès sont possibles rapidement en liaison avec la poursuite de l'informatisation des professionnels et de la télétransmission. Il faut arriver à ce que les nouvelles technologies de l'information ne soient par perçues comme une contrainte par les professionnels mais comme un outil essentiel pour améliorer le fonctionnement de notre système de soins et la qualité du service rendu aux usagers. En particulier l'Internet peut être un instrument d'une politique de qualité.
- M. BRUN a rappelé le travail important conduit par la CNAM sur la hiérarchisation de la liste des actes médicaux. Le Professeur ESCAT nous a également fait des propositions sur les suites à donner à ce travail. Ces documents seront prochainement rendus publics et un processus de concertation avec les professionnels va être engagé.
- Vous avez indiqué que la question de la croissance des prescriptions des médecins hospitaliers en ville devait être prise en compte. Dans ce domaine, il faut d'abord progresser sur les instruments d'information : depuis 1999, un travail a été engagé avec la CNAM sur ce sujet. Sur cette base, nous pourrons étudier les conséquences à tirer de cette évolution.
Je souhaite également apporter les premières réponses à des préoccupations plus spécifiques exprimées par certains d'entre vous.
- M. PARROT, je puis vous annoncer que les décrets portant réforme du dispositif d'évaluation et tarification des dispositifs médicaux (TIPS) qui sont attendus depuis plusieurs mois sont en cours de signature.
- Concernant le groupe de travail sur la réforme de la biologie, je sais qu'il a débouché, il y a un an sur des propositions. Il faut maintenant en tirer les conclusions. Je recevrai les syndicats de biologistes qui ont participé à ce travail pour discuter de la mise en uvre de ces propositions.
- Les syndicats représentant les masseurs kinésithérapeutes ont rappelé que la démographie constituait pour eux un sujet de préoccupation ; sur ce dossier, j'ai relancé les travaux du groupe de travail mis en place entre les professionnels, l'État et l'assurance maladie qui se réunira le 22 février.
- En ce qui concerne le décret de compétence des orthoptistes, nous venons de recevoir l'avis de l'Académie de médecine et ce texte va être transmis prochainement au Conseil d'État.
- Je puis vous indiquer, M. BETRANCOURT que j'ai donné mon accord à la prolongation du mandat de la commission de la nomenclature, afin que celle-ci puisse reprendre ses travaux.
- Je n'ai pas souhaité que notre rencontre porte sur la politique du médicament, évoquée par M. DAVANT. Je voudrais rappelé que le gouvernement a pris des mesures et notamment sur les génériques. J'ai comme vous constaté l'évolution des dépenses de médicament en 2000. Il faut regarder de plus près les raisons de cette croissance et en particulier celles qui tiennent aux progrès thérapeutiques. Les mesures prises par Martine AUBRY en matière de génériques ou d'évaluation du service médical rendu sont de bonnes mesures et je pense qu'elles porteront leurs fruits même s'il ne faut pas s'interdire d'aller au-delà.
Les caisses d'assurance maladie ont fait aujourd'hui des propositions intéressantes. Je souhaite qu'elles soient examinées en liaison avec l'Etat afin de progresser sur la voie d'une vision commune de la régulation.
Je partage l'avis qu'on ne peut pas échapper à une régulation à partir du moment où il s'agit de dépenses et recettes socialisés et qu'il faut bien rendre compte de leur usage.
Il faut, en impliquant l'ensemble des acteurs, garder à l'esprit qu'il faut rendre des comptes. Il nous faut trouver la méthode de régulation qui soit compatible avec la qualité pour rendre des comptes à la collectivité. Il faut pour cela mieux définir, clarifier les responsabilités de chacun. Et assumer les objectifs que l'on a acceptés.
Sur la politique de régulation des dépenses, certains d'entre vous ont préconisé d'utiliser des méthodes alternatives. Je me méfie des oppositions entre " maîtrise comptable " ou " maîtrise médicalisée ". Ce que je constate aujourd'hui c'est que les outils d'une démarche qualité existent. Leur liste est impressionnante : références médicales opposables et recommandations de bonne pratique ; évaluation des pratiques professionnelles, protocole inter-régimes de soins, fiches d'information thérapeutiques, avis et fiches de la transparence, entretiens confraternels, accords de bon usage des soins, contrat de bonne pratique, etc.
La boîte à outils est claire. Il faut déterminer comment les utiliser. Je sais que certains partenaires critiquent certains de ces outils ou certains aspects de ceux-ci, et bien soit mettez-vous autour de la table et faites moi des propositions d'amélioration ou de mise en oeuvre. L'important est que cette volonté de régulation soit partagée = c'est la condition de la pérénisation de notre système mixte.
Par exemple, alors que la loi date de plus d'un an, aucun accord de bon usage des soins n'a pu être signé ni même préparé au niveau national ou régional entre les caisses et les médecins. Or il aurait été utile, alors qu'est admise fin 2000 au remboursement une nouvelle classe de médicaments qui coûtera rapidement plusieurs milliards de francs, que les caisses et les médecins se mettent d'accord dès le départ sur un certain nombre de dispositifs d'information, de formation, de suivi au niveau local avec des objectifs définis en commun et pouvant ouvrir à une rémunération complémentaire du médecin.
Cette démarche qualité n'ira pas non plus sans une accélération de la réforme du contrôle médical dans le sens d'un approfondissement du travail d'analyse, d'évaluation et de conseil au profit des professionnels de santé libéraux. Le programme des entretiens confraternels menés sur le diabète et l'hypertension artérielle montre la voie. Il faut aller beaucoup plus loin et associer davantage les professionnels à la démarche. Je souhaite qu'une charte de qualité des relations entre les professionnels et les caisses soit mise en oeuvre.
Je veux aussi attirer votre attention sur l'impératif de mise en oeuvre concrète des projets. Beaucoup d'outils existent déjà, mais ils ne fonctionnent pas car les acteurs ne s'en sont pas saisis. Plutôt que d'ajouter à la loi au risque de compromettre la stabilité des outils et de l'environnement réglementaire, je préfère de beaucoup que l'on mette en oeuvre, ce qui vaut pour les professionnels et surtout pour l'assurance maladie.
La loi a également ouvert aux conventions des possibilités très importantes d'expérimentation, notamment dans le domaine de l'organisation, de la coordination des soins et des modes de rémunération. Des moyens financiers ont été dégagés à travers la création du fonds d'aide à la qualité des soins de ville. Il faut saisir cette chance car l'innovation est nécessaire. Très peu de chose a été fait à ce titre.
Cette situation s'explique sans doute par des problèmes de méthode, une insuffisance des études d'impact préalables, de l'évaluation a posteriori. Je voudrais que se manifeste une volonté des partenaires de les mettre en oeuvre. Il faut que tout le monde se mette autour de la table et travaille ensemble, au niveau national et au niveau local, pour se saisir de toutes ces possibilités qui existent déjà.
M. CABRERA a souligné la nécessaire responsabilité des professionnels. Celle-ci repose sur la relation avec l'usager qui doit être au coeur de nos réflexions comme l'a rappelé M. MAFFIOLI. Il faut répondre aux demandes des usagers notamment en matière d'information et de respect des droits des malades. Il faut également que les usagers soient des acteurs de la modernisation et de la régulation du système de soin. Le projet de loi sur le droit des malades et la modernisation du système de santé nous aidera en ce sens.
J'ai noté que les professionnels se rejoignent pour reconnaître l'utilité de la convention. Cet instrument est considéré comme le support des relations entre les professionnels et les caisses mais aussi et c'est à mes yeux un instrument porteur d'avenir comme un moyen d'améliorer les pratiques professionnelles et le service rendu aux patients.
Ce consensus a déjà débouché sur des réalisations, comme dans le secteur dentaire, et beaucoup de professionnels, notamment les biologistes, les pharmaciens, les infirmiers ont fait des propositions nouvelles en matière de prévention. L'Etat pour sa part apportera son concours à toutes ces initiatives.
Sur la question du " gel " ou de la " suspension " des dispositions aujourd'hui en vigueur en matière de régulation des dépenses de soins. Je suis consciente de l'insatisfaction que ces dispositions suscitent auprès de vous parce qu'elles sont perçues comme une sanction sans lien avec la qualité de l'exercice professionnel. Mais je vous redis que je ne pourrai accepter l'absence de tout dispositif de régulation alors que nous engageons une concertation sur la mise en place d'une régulation qui réponde mieux à nos objectifs communs et qui soit acceptée par les professionnels. Je suis ouverte à toutes les propositions. Ma responsabilité de ministre de l'emploi et de la solidarité est de garantir la bonne utilisation des financements collectifs et d'en rendre compte au Parlement. Je suis en revanche ouverte, je le répète, à examiner sans a priori avec vous les conditions de mise en oeuvre effective d'une nouvelle régulation.
Je souhaite donc que la démarche que j'ai initiée aujourd'hui se poursuive. Pour cela, il faut approfondir la concertation entre les acteurs. Il faut créer les conditions d'un aboutissement des nombreuses pistes que nous avons lancées.
Je vais désigner dans quelques jours des personnalités que je chargerai d'une mission de concertation avec l'ensemble des professionnels concernés pour faire émerger des propositions sur les deux thèmes issus de nos travaux :
- la promotion de la qualité au sein du système de soins, en particulier : prise en charge des urgences, partage de l'information, formation et évaluation des pratiques ;
- la rénovation du contrat qui lie les professionnels de soins à l'usager, aux caisses et à la collectivité, en particulier responsabilité de chacun dans la régulation du système de soins, missions des professionnels, contenu de la convention médicale.
Cette mission de personnalités finalisera sous un mois en concertation avec les acteurs les axes de travail précis de chaque thème, la méthode et le calendrier de travail. Vous aurez ainsi la possibilité de détailler avec eux certains thèmes que vous avez abordés au cours de notre réunion.
J'ai également demandé aux deux présidents des Commissions des affaires sociales du Parlement de désigner un groupe de contact composé de parlementaires de la majorité et de l'opposition. La mission de personnalités travaillera en étroite relation avec ce groupe de contact. Il me semble souhaitable que la question de la régionalisation de la régulation du système de soins soit étudiée dans ce cadre.
Il me semble qu'il faut partir des problèmes concrets qui se posent aux professionnels qui au quotidien uvrent pour apporter aux patients des soins de qualité.
Ces personnalités procéderont à une concertation élargie avec l'ensemble des acteurs concernés par l'organisation de la médecine de ville, en particulier les représentants des usagers et des médecins salariés et hospitaliers. Cette mission devra nous faire des propositions d'évolution du système actuel en distinguant ce qui peut être fait dans l'immédiat et ce qui relève d'une démarche de moyen terme.
Je tiens à souligner ici que je continuerai à suivre personnellement ce dossier. A cette fin, je réunirai tous les mois la mission avec les directeurs de mon ministère pour veiller à la correcte application des propositions qui pourront être mises en uvre à court terme.
En outre, je vous propose que nous nous réunissions à nouveau au mois de juin. Notre rencontre de juin pourrait donc avoir lieu dans un format à déterminer mais qui permette un échange plus approfondi et plus précis.
Le projet de loi sur le droit des malades et la modernisation du système de santé apportera également des réponses. Par exemple, l'indemnisation de l'aléa thérapeutique apportera une partie de la réponse à la question de la démographie.
Je vous remercie pour votre participation à cette réunion qui a été très constructive. J'espère que vous pourrez tous adhérer à la démarche engagée. Je souhaite que des réponses effectives soient apportées aux préoccupations que vous avez exprimées et que les propositions d'action pertinentes aboutissent à des réalisations concrètes.
Nous sommes d'accord pour faire de l'amélioration de la qualité de notre système de soins un objectif partagé. Nous sommes d'accord sur l'analyse des dysfonctionnements actuels. J'espère que nous pourrons bâtir un accord sur les évolutions à entreprendre.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 31 janvier 2001)