Déclaration de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur le contenu et les modalités de l'ouverture du marché des paris sportifs et hippiques et des jeux d'argent en ligne, Paris le 6 juin 2008.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de presse, à Paris le 6 juin 2008

Texte intégral

J'étais mercredi à Bruxelles où j'ai rencontré le Commissaire européen Charlie Mac Creevy pour lui présenter les grandes lignes de l'ouverture du marché des paris sportifs et hippiques et des jeux d'argent en ligne.
Je ferai mercredi prochain, le 11 juin, une communication en Conseil des ministres pour présenter ce plan en détail.
Mais je n'ai pas voulu laisser passer le tournoi de Roland Garros sans venir à votre rencontre, avec Bernard Laporte, pour vous présenter les principes qui vont guider l'action du Gouvernement en la matière, mais aussi manifester l'attention toute particulière que nous portons aux préoccupations des organisateurs d'événements sportifs et du monde du sport en général, attentifs que nous sommes à écouter leurs préoccupations et à prendre en compte leurs aspirations.
Je vais vous dire quelques mots :
- du rendez-vous avec le Commissaire Mac Creevy
- du contenu et des modalités de l'ouverture du marché des jeux en ligne
- de son calendrier prévisionnel de mise en oeuvre
I Où en est le Contentieux communautaire ?
Comme vous le savez tous, la France était sous le coup d'une procédure pour infraction depuis juin 2007, la Commission européenne lui reprochant, pour faire court, son système de monopole au profit du PMU pour les courses hippiques et de la Française des Jeux pour les paris sportifs en ligne.
Fallait-il s'arc-bouter et défendre un système qui fonctionnait de manière très satisfaisante à nos yeux, mais qui était de plus en plus attaqué par une concurrence en ligne grandissante et de plus en plus difficile à réprimer?
Juste un rappel de quelques chiffres :
- le marché illégal des jeux en ligne en France : plusieurs milliards d'euros en France
- le tournoi de Bercy 2007 : estimation FFT 230 millions de paris illégaux sur un seul site illégal
- Roland Garros 2008 : 400 millions de paris illégaux à ce jour sur ce même site.
C'est au nom du principe de réalisme que le Gouvernement a décidé de s'engager dans un processus d'ouverture maîtrisée du secteur des jeux en ligne afin d'organiser et de contrôler un secteur en développement rapide hors de toute régulation.
Et bien je suis heureux de vous le dire aujourd'hui : cette politique de dialogue que j'ai conduite avec la Commission en liaison étroite avec Jean-Pierre Jouyet, le Secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, nous a permis de sortir d'un conflit inutile .
Le Commissaire Mac Creevy a salué le travail accompli et considéré comme positives les orientations générales d'un dispositif que nous envisageons de mettre en oeuvre le plus rapidement possible.
Nous présenterons à la Commission le texte du projet de loi nécessaire à la mise en oeuvre de l'ouverture dans le courant du mois de septembre prochain, juste avant qu'il soit soumis au vote du Parlement.
II - Le contenu de l'ouverture
1- Le Champ
Le principe c'est l'ouverture à l'exception des loteries et des machines à sous.
Cette évolution ne concernera pas la distribution des jeux et paris dans le réseau physique.
Pour les courses hippiques, seuls les paris mutuels seront autorisés, mais il sera mis fin au monopole du PMU.
Pour les autres formes de paris sportifs, nous écouterons les ligues et les fédérations, mais le principe de réalisme conduit à constater que le pari à cote fixe domine le marché.
Le poker et certains jeux de casino seront également autorisés (a priori black jack et roulette sous réserve des discussions en cours avec les opérateurs).
2- La régulation
Une autorité de régulation sera créée qui aura pour mission :
- de définir le cahier des charges et les règles techniques de fonctionnement du marché ouvert à la concurrence,
- de délivrer les agréments et d'assurer le respect de ces dispositions de manière objective, transparente et non discriminatoire.
- de veiller au respect des dispositions d'ordre public et d'ordre social, en particulier dans le domaine de la lutte contre les sites illégaux, de la santé publique et de la régularité des épreuves sportives.
Il va de soi que les organisateurs d'événements sportifs seront consultés et associés à la rédaction de ces « règles du jeu ».
C'est dans ce cadre que seront fixées un certain nombre d'obligations et de règles :
- l'interdiction du jeu aux mineurs,
- l'obligation de ne proposer des paris que sur des épreuves sportives réelles,
- l'encadrement du nombre et de la nature des paris et des jeux proposés,
- des mécanismes de modération de la consommation de jeux,
- l'encadrement de la nature et du volume du sponsoring et de la publicité,
- la prévention des conflits d'intérêt ainsi que la transparence et le contrôle des transactions financières.
Sur tous ces sujets, le principe de réalisme doit prévaloir, sans négliger pour autant la lutte contre la délinquance et le blanchiment et la prévention de l'addiction.
3- La délivrance des agréments
Les agréments aux nouveaux opérateurs seront délivrés pour chaque segment de jeux (paris sportifs, paris hippiques et jeux de casino) sur la base du cahier des charges, pour une période de 5 ans, renouvelable.
Les opérateurs déjà agréés dans les autres Etats européens pourront solliciter un agrément en France. Il sera tenu compte dans l'appréciation de leur candidature des agréments obtenus dans d'autres Etats membres, sans pour autant que l'autorité compétente en la matière se trouve liée dans sa décision.
4- La fiscalité
La fiscalité des jeux et paris en ligne sera fixée par secteur.
Son niveau tiendra compte de l'environnement économique et budgétaire et contribuera :
- à réguler le niveau de la consommation de jeux,
- à réduire l'intérêt des opérations de blanchiment.
Ses modalités pratiques et son niveau n'ont pas été arrêtés à ce jour, car nous souhaitons prendre le temps de la concertation et mettre en place quelque chose qui marche.
Se pose notamment la question d'un retour financier vers le sport.
Le principe est qu'il y aura un retour financier vers le sport.
On peut dire qu'à minima un prélèvement spécifique en faveur du développement du sport sera appliqué à l'ensemble des paris sportifs.
Avec Bernard Laporte, nous sommes à l'écoute des préoccupations des ligues professionnelles, des fédérations, des clubs, des organisateurs d'événements sportifs au sens large du terme.
Des décisions de justice sont intervenues sur la propriété des organisateurs sur les événements sportifs -la dernière il y a tout juste une semaine- mais qui ne vont pas toute dans le même sens.
Faut-il légiférer sur ce sujet et modifier le code des sports pour préciser le droit de propriété des organisateurs sur leurs événements sportifs, tout en sachant que nous risquons de ne pas avoir d'harmonie au plan européen sur le sujet ?
Faut-il laisser se développer la concertation et encourager des accords de nature commerciale avec les opérateurs de jeu en ligne ?
C'est une vraie question à laquelle nous souhaitons répondre dans les prochaines semaines en étroite concertation avec le monde du sport, mais nous ferons ce qu'il faut pour affirmer les droits des organisateurs sur leurs événements sportifs et assurer un retour financier légitime vers le sport.
5- La répression des sites illégaux
Qui dit ouverture dit répression renforcé des sites non autorisés.
L'ouverture du marché des paris en ligne s'accompagnera de la mise en place des outils techniques permettant le contrôle étroit des données informatiques, des transactions financières et du recouvrement des prélèvements publics.
De ce point de vue, nous avons demandé à la Commission de débloquer les deux décrets d'application de la loi sur la prévention de la délinquance qui ont fait l'objet d'avis circonstanciés, à savoir le décret sur les fournisseurs d'accès internet et le décret relatif aux transactions bancaires. Nous en discuterons le projet de loi en main dès septembre à Bruxelles.
III - La méthode et le calendrier de mise en oeuvre :
Le projet de loi ouvrant le secteur à la concurrence sera présenté au Parlement lors de la prochaine session parlementaire dans le courant de l'automne 2008.
La mise en place de l'autorité de régulation interviendra au premier semestre 2009. La délivrance des agréments aux opérateurs sera effective dans le courant du second semestre 2009.
Pendant la période qui nous sépare de l'ouverture du marché des jeux et des paris en ligne, il sera demandé aux futurs opérateurs potentiels de respecter le droit positif actuel.
En clair, les jeux en ligne restent pour l'instant interdits et toute publicité s'y rapportant également.
Le comportement des opérateurs pendant cette période ne manquera pas d'être pris en compte par l'autorité de contrôle lors de la délivrance des agréments.
Afin d'évaluer les conséquences de l'ouverture du marché des jeux, un bilan sera présenté par le Gouvernement au Parlement au terme des deux premières années de mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions.
Source http://www.comptes-publics.gouv.fr, le 10 juin 2008