Texte intégral
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Député,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Nous en somme tous convaincus : l'avenir de la Culture passe par Internet. C'est pourquoi nous devons tout faire pour que le développement des réseaux numériques soit synonyme d'un véritable renouveau. Mais pour qu'Internet puisse devenir un lieu privilégié d'accès aux oeuvres, il ne doit, en aucun cas, constituer une zone de non-droit, où les créateurs et les entreprises du secteur culturel seraient doublement expropriés - à la fois privés de leur source de revenus et de leur droit moral au respect de l'intégrité de leurs oeuvres.
Les données du problème sont bien connues. Nous sommes dans une situation d'urgence, où l'économie du secteur culturel et le renouvellement de la création se trouvent menacés par le pillage des oeuvres.
La situation la plus grave est celle de l'industrie musicale, avec une chute de 50% en 5 ans de son chiffre d'affaires, une baisse de l'emploi dans les maisons de disques et - je tiens à le souligner - une diminution d'un tiers du nombre de nouveaux artistes « signés » chaque année. Le cinéma et la télévision commencent à leur tour à ressentir les effets de la crise.
Une réaction rapide et vigoureuse des pouvoirs publics est donc vitale pour nos créateurs et les industries qui les soutiennent.
Une telle réaction est d'autant plus justifiée qu'existe aujourd'hui une offre légale de plus en plus riche - avec plusieurs millions de titres musicaux et plus de 2500 films disponibles -, de plus en plus souple et bon marché. Notamment, grâce aux accords librement passés entre acteurs de la Culture et de l'Internet, les internautes peuvent accéder pour quelques euros par mois à des centaines de milliers d'oeuvres.
Cependant, cette offre légale ne pourra jamais se développer dans des conditions normales si on laisse subsister un piratage massif.
Dans notre pays où le piratage revêt une ampleur inégalée, le recours à l'offre légale de musique, de films ou d'oeuvres audiovisuelles en ligne est beaucoup plus faible - environ 7% du marché - que dans d'autres pays comparables - près de 25% aux Etats-Unis. La prévention et la lutte contre le piratage constituent donc une condition nécessaire de l'utilisation d'Internet comme un vecteur privilégié de distribution des contenus culturels.
Le Président de la République, notamment à travers la lettre de mission qu'il m'a adressée le 1er août dernier, s'est particulièrement engagé sur ce dossier.
C'est pourquoi, le 23 novembre dernier, l'ensemble des professionnels du Cinéma, de la Musique, de la Communication audiovisuelle et de l'Internet ont exprimé, de concert avec le Gouvernement, leur volonté commune de créer le cadre juridique indispensable au développement d'une offre abondante d'oeuvres sur Internet, qui soit à la fois respectueuse du droit des artistes et attractive pour le public.
Six mois plus tard, je suis heureuse de vous présenter le projet de loi destiné à transcrire le volet des « accords de l'Elysée » consacré à la lutte contre le piratage.
Avant d'entrer davantage dans les détails du projet de loi « Création et Internet », je voudrais dire un mot de l'autre volet des accords, celui qui est consacré à l'amélioration de l'offre légale, que je considère indissociable du premier.
Les acteurs de l'Internet et de la Culture ont entendu les internautes, qui souhaitaient pouvoir accéder plus rapidement aux films après leur sortie en salle.
Les délais seront donc raccourcis en deux temps. D'abord, dès la mise en place du dispositif anti-piratage, la fenêtre VoD sera ramenée de 7 mois et demi à 6 mois. Ensuite, la chronologie des médias dans son ensemble fera l'objet de négociations, destinées à aboutir dans un délai d'un an maximum à un raccourcissement significatif des fenêtres. Dans le cas de la fenêtre VoD par exemple, il conviendra de se rapprocher très sensiblement de la moyenne européenne, qui est d'environ 3 à 4 mois.
Ces échéances sont très importantes, et elles doivent donc être anticipées. Le Gouvernement, avec le dépôt du projet de loi « Création et Internet », vient d'accomplir un geste fort dans le domaine de la prévention du piratage. Le chantier de l'offre légale doit avancer au même rythme. J'ai donc demandé à Véronique Cayla, directeur général du Centre national de la cinématographie, d'entamer immédiatement, en liaison avec les acteurs du cinéma et de l'audiovisuel, les négociations indispensables pour que l'offre légale soit « au rendez-vous », au moment de la mise en place du mécanisme de prévention du piratage.
Les acteurs de la musique ont entendu, eux aussi, la demande légitime des internautes de pouvoir écouter une oeuvre acquise légalement sur tous les appareils, ordinateur, baladeur, auto-radio. Les accords de l'Elysée contiennent également un engagement très fort à ce sujet : la possibilité pour les internautes d'acheter toutes les productions françaises sans DRM « bloquants » un an après la mise en oeuvre du mécanisme de lutte contre le piratage.
Je compte sur tous les signataires pour que cette échéance soit tenue et qu'elle puisse être, pourquoi pas, anticipée. Certaines maisons de disques ont déjà pris des initiatives en ce sens, que je tiens à saluer.
Ces engagements sont la preuve, à mes yeux, que les accords de l'Elysée constituent un compromis où toutes les parties sont gagnantes, y compris les internautes.
J'en viens maintenant au projet de loi que j'ai présenté ce matin au Conseil des ministres, destiné à mettre en oeuvre le volet de ces accords consacré à la prévention et à la lutte contre le piratage.
Beaucoup de choses ont été écrites sur ce sujet. Je me bornerai donc à souligner quelques points qui me semblent fondamentaux et je laisserai, pour le reste, place au dialogue.
Tout d'abord, quels sont les moyens prévus par le projet de loi pour répondre aux besoins de la défense du droit d'auteur ?
La lutte contre le piratage va changer complètement de logique. Aujourd'hui, l'internaute qui pirate s'expose à une poursuite pénale au premier téléchargement illégal, sans qu'il soit possible de l'informer des risques qu'il encourt. Il ne s'agit pas d'un risque théorique ! Un internaute vient d'être condamné par le tribunal de Nîmes à 10 000 euros d'amende pour avoir mis à disposition, sur les réseaux peer-to-peer, plusieurs milliers de morceaux de musique.
Désormais, la lutte sera essentiellement pédagogique, puisque deux avertissements précéderont toute sanction à l'encontre de l'internaute ; le second avertissement sera envoyé par lettre recommandée, de façon à s'assurer que l'abonné aura bien pris connaissance du manquement qui lui est reproché.
Le projet devrait être efficace dès cette phase préventive, ce qui est précisément l'objectif recherché. En effet, lorsqu'il a été mis en oeuvre à l'étranger (par exemple sur certains réseaux câblés aux Etats-Unis), un tel système a permis de mettre fin à 90% des téléchargements illicites chez les personnes «averties» à deux reprises (et 97% après trois avertissements).
Le sondage IPSOS réalisé en France et diffusé le 26 mai, ainsi qu'une étude du même type effectuée au Royaume-Uni en mars, aboutissent au même taux de 90% après deux avertissements.
Les sanctions encourues par les internautes prendront une forme qui est directement en rapport avec le manquement : il s'agira d'une suspension d'abonnement pour une durée de trois mois à douze mois.
Toutefois, pour renforcer encore la dimension pédagogique du dispositif, les internautes pourront, en acceptant une transaction par laquelle ils s'engagent à ne plus renouveler leur comportement, diminuer fortement la durée de la suspension de leur accès : elle ne sera plus alors que de un à trois mois.
Dans le cas des entreprises - pour lesquelles la suspension d'Internet aurait des effets excessifs - le projet de loi prévoit une mesure alternative. L'employeur sera invité par la Haute Autorité à installer des « pare-feux » empêchant le piratage par les salariés à partir des postes de l'entreprise.
Dans ce nouveau cadre, le recours au juge - qui restera possible - s'inscrira en complémentarité avec le dispositif administratif pour traiter le cas des pirates les plus « endurcis ».
Les créateurs y auront recours, par exemple, à l'encontre des fraudeurs massifs, ceux qui en font commerce, ou encore ceux qui développent des dispositifs techniques destinés à favoriser ou à permettre le piratage.
Les Français ont d'ailleurs bien compris l'esprit de ce mécanisme : le sondage IPSOS dont je parlais à l'instant montre que 74% d'entre eux approuvent la suspension d'accès à Internet précédée d'une série d'avertissements, comme alternative aux sanctions pénales.
J'en profite pour souligner la rupture manifeste qui existe, à ce sujet, entre la très grande majorité de nos concitoyens et une toute petite minorité d'acteurs qui ont fait état d'arguments qui me semblent particulièrement mal fondés.
Je trouve tout à fait normal et sain qu'un débat s'engage sur les modalités d'accès à la culture sur Internet, et même que ce débat soit assez vif : beaucoup de choses sont en jeu, il y a des revendications légitimes de part et d'autre et nous devons les entendre. Il y a plusieurs arguments, en revanche, que j'entends ici ou là et qui me semblent tout à fait inquiétants.
a/ Les industries culturelles seraient accrochées à un système obsolète :
Le premier argument, qui revient souvent, consiste à présenter la défense des droits d'auteur comme un combat d'arrière-garde, un anachronisme dans la nouvelle ère numérique, une spécificité française (encore une !) qui freine une nouvelle fois le changement, inéluctable.
Mais dans toutes les révolutions technologiques que le cinéma et la musique ont traversées, notre pays a toujours défendu le droit d'auteur, parce qu'il est le seul garant de l'indépendance, de la liberté et du renouvellement de la création. Sacrifier les droits d'auteur sur l'autel d'une liberté mal comprise, c'est ça, la véritable régression. Et elle serait dramatique pour la diversité culturelle.
Derrière cette critique d'une crispation passéiste des créateurs sur un système obsolète, se cache souvent une vision totalement caricaturale, qui consiste à faire croire que les artistes mais surtout leurs producteurs sont des nantis obsédés par les tubes, plus soucieux de faire des marges dans le domaine financier que de les explorer dans le domaine artistique.
Cela dénote, à mon avis, une profonde méconnaissance ou parfois même une cécité volontaire sur ce qu'est le métier d'artiste, ce qu'est l'acte de création. Une méconnaissance également de la diversité du paysage des labels, ou des petits producteurs, qui fait depuis toujours la force et le dynamisme de notre scène musicale et de notre cinéma.
b/ Un projet de loi « liberticide » ?
J'entends aussi très souvent - trop souvent - que ce projet de loi serait un texte « liberticide », qu'il mettrait en cause les « libertés fondamentales » de nos concitoyens, ces libertés qui forment le socle de notre démocratie.
Mais de quelle liberté parle-t-on ?
L'épreuve de philosophie du bac est terminée, je ne vous ferai donc pas l'offense de citer Platon, qui distinguait déjà la liberté de la licence et faisait de la seconde le poison mortel de la démocratie. Je ne rappellerai pas non plus l'héritage des Lumières, sur lequel sont fondées les valeurs de notre société, les textes de Rousseau, de Kant, pour lesquels il n'y a pas de vraie liberté sans loi.
Ni, enfin, l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, qui dispose que : « l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits ».
Si l'on ne veut pas qu'Internet devienne le royaume de la licence - sans mauvais jeu de mots - nous devons tout simplement y transposer les règles qui sont au fondement de notre société. Et le droit de tout faire n'en a jamais fait partie.
Le projet de loi que je vais défendre vise justement à rétablir l'équilibre, aujourd'hui rompu, entre deux séries de droits fondamentaux : d'une part, le droit de propriété et le droit moral des créateurs, qui sont bafoués, et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée des internautes qui est aujourd'hui, en pratique, absolu.
Restauration de l'équilibre entre les droits de chacun, donc, et non pas instauration d'un nouveau déséquilibre en sens contraire : c'est pourquoi l'utilisation des données personnelles relatives aux abonnés sera entourée de multiples garanties afin de protéger le secret de la vie privée.
Dans certains pays, l'envoi de messages d'avertissement aux internautes se passe entièrement de l'intervention publique. Ainsi, aux Etats-Unis, cette politique est purement contractuelle et résulte d'accords entre les fournisseurs d'accès Internet et les ayants droit. En Autriche, les ayants droit peuvent obtenir directement, auprès des fournisseurs d'accès Internet, l'identité et les coordonnées des pirates dont ils ont récolté les « adresses IP ».
La particularité de « l'approche française », c'est d'interposer entre les parties en présence - ayants droits, fournisseurs d'accès Internet, internaute - une autorité indépendante, qui assure la prévention du piratage tout en protégeant le secret de la vie privée des internautes.
En effet la Haute Autorité sera seule à pouvoir se procurer sur l'abonné, auprès des fournisseurs d'accès Internet, les données personnelles - nom et coordonnées - strictement nécessaires à l'envoi des messages d'avertissement.
Au sein de cette Haute Autorité, c'est une commission qui présente toutes les garanties d'impartialité et d'indépendance qui traitera les dossiers : elle sera exclusivement composée de magistrats et disposera d'agents publics dont l'absence de liens avec les intérêts économiques en cause aura été vérifiée par des enquêtes préalables à leur recrutement.
La Haute Autorité n'exercera aucune surveillance généralisée des réseaux et des internautes, pas plus d'ailleurs que les fournisseurs d'accès Internet : comme c'est déjà le cas aujourd'hui, toutes les procédures partiront de la constatation, ponctuelle, morceau de musique par morceau de musique et film par film, d'un téléchargement illicite.
Le projet de loi ne porte donc aucune atteinte nouvelle à la protection de la vie privée. En effet, les données nécessaires pour mettre en oeuvre le mécanisme de prévention géré par l'autorité indépendante sont celles qui sont d'ores et déjà collectées par les créateurs et les entreprises culturelles pour mener leurs actions judiciaires.
Simplement, le juge ne sera plus le seul destinataire possible des constats dressés par les titulaires de droits d'auteur et de « droits voisins » : la Haute Autorité sera également compétente pour les utiliser, afin de mettre en oeuvre le mécanisme de prévention créé par la loi.
La circonstance que le mécanisme soit confié à une autorité administrative indépendante et non à un juge ne rencontre - contrairement à ce qui est affirmé hâtivement - aucun obstacle juridique.
Le Conseil constitutionnel a en effet confirmé à de multiples reprises la possibilité, pour une autorité non judiciaire, de traiter des données personnelles, dès lors que la procédure suivie est bien encadrée par le législateur et qu'elle vise à assurer le respect d'autres exigences constitutionnelles.
C'est par exemple le cas pour la constitution du dossier médical personnel, qui contient des éléments autrement plus importants que le nom et l'adresse de l'internaute, reliés au constat d'un téléchargement illicite !
c/ La « criminalisation des internautes » :
J'entends également parler d'une « criminalisation des internautes » - pour reprendre la très surprenante expression de l'auteur d'un récent rapport du Parlement européen.
Surprenante expression en effet, car le projet de loi « Création et internet », propose bien au contraire une approche fondamentalement préventive et pédagogique pour sortir de l'ornière dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.
Comme vous le savez, en piratant une oeuvre sur Internet, on risque aujourd'hui, sur le fondement du délit de contrefaçon, jusqu'à 300 000 euros d'amende et jusqu'à trois ans de prison.
Ces sanctions apparaissent totalement disproportionnées, de même que la procédure judiciaire, au cas du pirate dit ordinaire, qui peut ainsi se trouver traduit devant le tribunal correctionnel !
Si cette voie n'est utilisée qu'avec circonspection par les créateurs, il ne faut pas dissimuler les « désagréments » qu'elle comporte pour les internautes : saisies de disques durs, visites domiciliaires, toutes intrusions dans la vie privée que le projet de loi vise à prévenir.
La base juridique sur laquelle le Gouvernement fonde son projet existe déjà dans notre droit : il s'agit de l'obligation de surveillance de son accès Internet. Elle est d'ores et déjà mise à la charge de l'abonné par le code de la propriété intellectuelle.
Le projet de loi ne vise en fait qu'à préciser cette obligation, et à mettre en place un mécanisme de réponse en cas de manquement de la part de l'abonné.
Quant à la suspension de l'accès Internet, elle est d'ores et déjà prononcée, régulièrement, par le juge. Je ne pense pas que celui-ci soit alors qualifié de « liberticide » !
Je note d'ailleurs que la majorité très courte et hétéroclite qui avait permis l'adoption par le Parlement européen, au mois d'avril, d'une déclaration dépourvue de portée juridique condamnant « l'approche française » - et sur quelle base d'information, d'ailleurs ? notre projet n'était pas même finalisé ! - semble s'être évanouie.
Ainsi, la commission Culture du Parlement européen, qui a examiné le 2 juin dernier deux amendements au « Paquet Télécom », dont la teneur était identique à celle de la motion du mois d'avril, les a rejetés à une très large majorité.
Et puisque nous nous trouvons sur le terrain européen, je tiens à signaler le très vif soutien manifesté à notre méthode, aussi bien par la Commission européenne, qui envisage d'adopter une recommandation en ce sens, que par le Conseil de l'Union européenne, dans l'enceinte duquel s'est tenu un premier débat le 21 mai dernier.
d) Le « filtrage généralisé des réseaux » :
J'entends enfin parler de « filtrage généralisé des réseaux ». Il est évident que le projet du Gouvernement ne prévoit rien de tel ! La diffusion des techniques de filtrage doit faire l'objet, aux termes des accords de l'Élysée, d'une expérimentation de bonne foi, sur une période de deux ans, entre les acteurs de la Culture et ceux de l'Internet. Il n'y a donc pas lieu, pour les pouvoirs publics, d'interférer sur ce point, dès lors que les parties respectent spontanément cet engagement.
Seules sont abordées, dans le projet de loi « Création et Internet », les mesures que peut actuellement décider le juge, de façon ponctuelle, au cas par cas, pour faire cesser ou prévenir le renouvellement d'un dommage causé aux droits de propriété littéraire et artistique par un service de communication en ligne.
Ces mesures, vous le savez, peuvent prendre la forme d'un retrait ou d'une suspension de l'oeuvre protégée, ou d'un filtrage de l'accès à ce service. La lettre des accords de l'Élysée prévoyait le principe du transfert, à la Haute Autorité, de la compétence pour prendre ces mesures.
A la réflexion, toutefois, il est apparu que l'objectif poursuivi - à savoir, permettre que les mesures nécessaires soient prises de façon rapide et efficace - pouvait être atteint en améliorant la procédure suivie devant le juge.
C'est ce que fait le projet de loi. Ses dispositions, sur ce point, seront complétées par les très prochains décrets réformant la carte judiciaire, préparés par la Chancellerie. Ces décrets permettront de concentrer ce type de contentieux entre les mains d'un nombre limité de tribunaux, spécialisés en matière de propriété littéraire et artistique.
Il ne s'agit donc bien évidemment ni de « fliquer », ni de « criminaliser », ni de supprimer des libertés fondamentales - à moins que l'on considère le vol comme une liberté fondamentale.
Ce dont il s'agit, c'est de stopper une hémorragie des oeuvres qui a déjà causé suffisamment de dégâts. Au-delà, ce qui est en jeu, c'est tout simplement d'appliquer à Internet les règles qui fondent notre vie commune. Ce réseau formidable, qui pourrait constituer pour les artistes une « nouvelle frontière » à conquérir, ressemble plutôt, pour l'instant, à un horizon bouché. A nous de faire en sorte que les artistes et les entreprises qui les soutiennent puissent tirer parti de tous les aspects positifs que peut receler Internet, dès lors qu'il est « civilisé », pour répandre et encourager la Création.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 19 juin 2008
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Député,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Nous en somme tous convaincus : l'avenir de la Culture passe par Internet. C'est pourquoi nous devons tout faire pour que le développement des réseaux numériques soit synonyme d'un véritable renouveau. Mais pour qu'Internet puisse devenir un lieu privilégié d'accès aux oeuvres, il ne doit, en aucun cas, constituer une zone de non-droit, où les créateurs et les entreprises du secteur culturel seraient doublement expropriés - à la fois privés de leur source de revenus et de leur droit moral au respect de l'intégrité de leurs oeuvres.
Les données du problème sont bien connues. Nous sommes dans une situation d'urgence, où l'économie du secteur culturel et le renouvellement de la création se trouvent menacés par le pillage des oeuvres.
La situation la plus grave est celle de l'industrie musicale, avec une chute de 50% en 5 ans de son chiffre d'affaires, une baisse de l'emploi dans les maisons de disques et - je tiens à le souligner - une diminution d'un tiers du nombre de nouveaux artistes « signés » chaque année. Le cinéma et la télévision commencent à leur tour à ressentir les effets de la crise.
Une réaction rapide et vigoureuse des pouvoirs publics est donc vitale pour nos créateurs et les industries qui les soutiennent.
Une telle réaction est d'autant plus justifiée qu'existe aujourd'hui une offre légale de plus en plus riche - avec plusieurs millions de titres musicaux et plus de 2500 films disponibles -, de plus en plus souple et bon marché. Notamment, grâce aux accords librement passés entre acteurs de la Culture et de l'Internet, les internautes peuvent accéder pour quelques euros par mois à des centaines de milliers d'oeuvres.
Cependant, cette offre légale ne pourra jamais se développer dans des conditions normales si on laisse subsister un piratage massif.
Dans notre pays où le piratage revêt une ampleur inégalée, le recours à l'offre légale de musique, de films ou d'oeuvres audiovisuelles en ligne est beaucoup plus faible - environ 7% du marché - que dans d'autres pays comparables - près de 25% aux Etats-Unis. La prévention et la lutte contre le piratage constituent donc une condition nécessaire de l'utilisation d'Internet comme un vecteur privilégié de distribution des contenus culturels.
Le Président de la République, notamment à travers la lettre de mission qu'il m'a adressée le 1er août dernier, s'est particulièrement engagé sur ce dossier.
C'est pourquoi, le 23 novembre dernier, l'ensemble des professionnels du Cinéma, de la Musique, de la Communication audiovisuelle et de l'Internet ont exprimé, de concert avec le Gouvernement, leur volonté commune de créer le cadre juridique indispensable au développement d'une offre abondante d'oeuvres sur Internet, qui soit à la fois respectueuse du droit des artistes et attractive pour le public.
Six mois plus tard, je suis heureuse de vous présenter le projet de loi destiné à transcrire le volet des « accords de l'Elysée » consacré à la lutte contre le piratage.
Avant d'entrer davantage dans les détails du projet de loi « Création et Internet », je voudrais dire un mot de l'autre volet des accords, celui qui est consacré à l'amélioration de l'offre légale, que je considère indissociable du premier.
Les acteurs de l'Internet et de la Culture ont entendu les internautes, qui souhaitaient pouvoir accéder plus rapidement aux films après leur sortie en salle.
Les délais seront donc raccourcis en deux temps. D'abord, dès la mise en place du dispositif anti-piratage, la fenêtre VoD sera ramenée de 7 mois et demi à 6 mois. Ensuite, la chronologie des médias dans son ensemble fera l'objet de négociations, destinées à aboutir dans un délai d'un an maximum à un raccourcissement significatif des fenêtres. Dans le cas de la fenêtre VoD par exemple, il conviendra de se rapprocher très sensiblement de la moyenne européenne, qui est d'environ 3 à 4 mois.
Ces échéances sont très importantes, et elles doivent donc être anticipées. Le Gouvernement, avec le dépôt du projet de loi « Création et Internet », vient d'accomplir un geste fort dans le domaine de la prévention du piratage. Le chantier de l'offre légale doit avancer au même rythme. J'ai donc demandé à Véronique Cayla, directeur général du Centre national de la cinématographie, d'entamer immédiatement, en liaison avec les acteurs du cinéma et de l'audiovisuel, les négociations indispensables pour que l'offre légale soit « au rendez-vous », au moment de la mise en place du mécanisme de prévention du piratage.
Les acteurs de la musique ont entendu, eux aussi, la demande légitime des internautes de pouvoir écouter une oeuvre acquise légalement sur tous les appareils, ordinateur, baladeur, auto-radio. Les accords de l'Elysée contiennent également un engagement très fort à ce sujet : la possibilité pour les internautes d'acheter toutes les productions françaises sans DRM « bloquants » un an après la mise en oeuvre du mécanisme de lutte contre le piratage.
Je compte sur tous les signataires pour que cette échéance soit tenue et qu'elle puisse être, pourquoi pas, anticipée. Certaines maisons de disques ont déjà pris des initiatives en ce sens, que je tiens à saluer.
Ces engagements sont la preuve, à mes yeux, que les accords de l'Elysée constituent un compromis où toutes les parties sont gagnantes, y compris les internautes.
J'en viens maintenant au projet de loi que j'ai présenté ce matin au Conseil des ministres, destiné à mettre en oeuvre le volet de ces accords consacré à la prévention et à la lutte contre le piratage.
Beaucoup de choses ont été écrites sur ce sujet. Je me bornerai donc à souligner quelques points qui me semblent fondamentaux et je laisserai, pour le reste, place au dialogue.
Tout d'abord, quels sont les moyens prévus par le projet de loi pour répondre aux besoins de la défense du droit d'auteur ?
La lutte contre le piratage va changer complètement de logique. Aujourd'hui, l'internaute qui pirate s'expose à une poursuite pénale au premier téléchargement illégal, sans qu'il soit possible de l'informer des risques qu'il encourt. Il ne s'agit pas d'un risque théorique ! Un internaute vient d'être condamné par le tribunal de Nîmes à 10 000 euros d'amende pour avoir mis à disposition, sur les réseaux peer-to-peer, plusieurs milliers de morceaux de musique.
Désormais, la lutte sera essentiellement pédagogique, puisque deux avertissements précéderont toute sanction à l'encontre de l'internaute ; le second avertissement sera envoyé par lettre recommandée, de façon à s'assurer que l'abonné aura bien pris connaissance du manquement qui lui est reproché.
Le projet devrait être efficace dès cette phase préventive, ce qui est précisément l'objectif recherché. En effet, lorsqu'il a été mis en oeuvre à l'étranger (par exemple sur certains réseaux câblés aux Etats-Unis), un tel système a permis de mettre fin à 90% des téléchargements illicites chez les personnes «averties» à deux reprises (et 97% après trois avertissements).
Le sondage IPSOS réalisé en France et diffusé le 26 mai, ainsi qu'une étude du même type effectuée au Royaume-Uni en mars, aboutissent au même taux de 90% après deux avertissements.
Les sanctions encourues par les internautes prendront une forme qui est directement en rapport avec le manquement : il s'agira d'une suspension d'abonnement pour une durée de trois mois à douze mois.
Toutefois, pour renforcer encore la dimension pédagogique du dispositif, les internautes pourront, en acceptant une transaction par laquelle ils s'engagent à ne plus renouveler leur comportement, diminuer fortement la durée de la suspension de leur accès : elle ne sera plus alors que de un à trois mois.
Dans le cas des entreprises - pour lesquelles la suspension d'Internet aurait des effets excessifs - le projet de loi prévoit une mesure alternative. L'employeur sera invité par la Haute Autorité à installer des « pare-feux » empêchant le piratage par les salariés à partir des postes de l'entreprise.
Dans ce nouveau cadre, le recours au juge - qui restera possible - s'inscrira en complémentarité avec le dispositif administratif pour traiter le cas des pirates les plus « endurcis ».
Les créateurs y auront recours, par exemple, à l'encontre des fraudeurs massifs, ceux qui en font commerce, ou encore ceux qui développent des dispositifs techniques destinés à favoriser ou à permettre le piratage.
Les Français ont d'ailleurs bien compris l'esprit de ce mécanisme : le sondage IPSOS dont je parlais à l'instant montre que 74% d'entre eux approuvent la suspension d'accès à Internet précédée d'une série d'avertissements, comme alternative aux sanctions pénales.
J'en profite pour souligner la rupture manifeste qui existe, à ce sujet, entre la très grande majorité de nos concitoyens et une toute petite minorité d'acteurs qui ont fait état d'arguments qui me semblent particulièrement mal fondés.
Je trouve tout à fait normal et sain qu'un débat s'engage sur les modalités d'accès à la culture sur Internet, et même que ce débat soit assez vif : beaucoup de choses sont en jeu, il y a des revendications légitimes de part et d'autre et nous devons les entendre. Il y a plusieurs arguments, en revanche, que j'entends ici ou là et qui me semblent tout à fait inquiétants.
a/ Les industries culturelles seraient accrochées à un système obsolète :
Le premier argument, qui revient souvent, consiste à présenter la défense des droits d'auteur comme un combat d'arrière-garde, un anachronisme dans la nouvelle ère numérique, une spécificité française (encore une !) qui freine une nouvelle fois le changement, inéluctable.
Mais dans toutes les révolutions technologiques que le cinéma et la musique ont traversées, notre pays a toujours défendu le droit d'auteur, parce qu'il est le seul garant de l'indépendance, de la liberté et du renouvellement de la création. Sacrifier les droits d'auteur sur l'autel d'une liberté mal comprise, c'est ça, la véritable régression. Et elle serait dramatique pour la diversité culturelle.
Derrière cette critique d'une crispation passéiste des créateurs sur un système obsolète, se cache souvent une vision totalement caricaturale, qui consiste à faire croire que les artistes mais surtout leurs producteurs sont des nantis obsédés par les tubes, plus soucieux de faire des marges dans le domaine financier que de les explorer dans le domaine artistique.
Cela dénote, à mon avis, une profonde méconnaissance ou parfois même une cécité volontaire sur ce qu'est le métier d'artiste, ce qu'est l'acte de création. Une méconnaissance également de la diversité du paysage des labels, ou des petits producteurs, qui fait depuis toujours la force et le dynamisme de notre scène musicale et de notre cinéma.
b/ Un projet de loi « liberticide » ?
J'entends aussi très souvent - trop souvent - que ce projet de loi serait un texte « liberticide », qu'il mettrait en cause les « libertés fondamentales » de nos concitoyens, ces libertés qui forment le socle de notre démocratie.
Mais de quelle liberté parle-t-on ?
L'épreuve de philosophie du bac est terminée, je ne vous ferai donc pas l'offense de citer Platon, qui distinguait déjà la liberté de la licence et faisait de la seconde le poison mortel de la démocratie. Je ne rappellerai pas non plus l'héritage des Lumières, sur lequel sont fondées les valeurs de notre société, les textes de Rousseau, de Kant, pour lesquels il n'y a pas de vraie liberté sans loi.
Ni, enfin, l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, qui dispose que : « l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits ».
Si l'on ne veut pas qu'Internet devienne le royaume de la licence - sans mauvais jeu de mots - nous devons tout simplement y transposer les règles qui sont au fondement de notre société. Et le droit de tout faire n'en a jamais fait partie.
Le projet de loi que je vais défendre vise justement à rétablir l'équilibre, aujourd'hui rompu, entre deux séries de droits fondamentaux : d'une part, le droit de propriété et le droit moral des créateurs, qui sont bafoués, et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée des internautes qui est aujourd'hui, en pratique, absolu.
Restauration de l'équilibre entre les droits de chacun, donc, et non pas instauration d'un nouveau déséquilibre en sens contraire : c'est pourquoi l'utilisation des données personnelles relatives aux abonnés sera entourée de multiples garanties afin de protéger le secret de la vie privée.
Dans certains pays, l'envoi de messages d'avertissement aux internautes se passe entièrement de l'intervention publique. Ainsi, aux Etats-Unis, cette politique est purement contractuelle et résulte d'accords entre les fournisseurs d'accès Internet et les ayants droit. En Autriche, les ayants droit peuvent obtenir directement, auprès des fournisseurs d'accès Internet, l'identité et les coordonnées des pirates dont ils ont récolté les « adresses IP ».
La particularité de « l'approche française », c'est d'interposer entre les parties en présence - ayants droits, fournisseurs d'accès Internet, internaute - une autorité indépendante, qui assure la prévention du piratage tout en protégeant le secret de la vie privée des internautes.
En effet la Haute Autorité sera seule à pouvoir se procurer sur l'abonné, auprès des fournisseurs d'accès Internet, les données personnelles - nom et coordonnées - strictement nécessaires à l'envoi des messages d'avertissement.
Au sein de cette Haute Autorité, c'est une commission qui présente toutes les garanties d'impartialité et d'indépendance qui traitera les dossiers : elle sera exclusivement composée de magistrats et disposera d'agents publics dont l'absence de liens avec les intérêts économiques en cause aura été vérifiée par des enquêtes préalables à leur recrutement.
La Haute Autorité n'exercera aucune surveillance généralisée des réseaux et des internautes, pas plus d'ailleurs que les fournisseurs d'accès Internet : comme c'est déjà le cas aujourd'hui, toutes les procédures partiront de la constatation, ponctuelle, morceau de musique par morceau de musique et film par film, d'un téléchargement illicite.
Le projet de loi ne porte donc aucune atteinte nouvelle à la protection de la vie privée. En effet, les données nécessaires pour mettre en oeuvre le mécanisme de prévention géré par l'autorité indépendante sont celles qui sont d'ores et déjà collectées par les créateurs et les entreprises culturelles pour mener leurs actions judiciaires.
Simplement, le juge ne sera plus le seul destinataire possible des constats dressés par les titulaires de droits d'auteur et de « droits voisins » : la Haute Autorité sera également compétente pour les utiliser, afin de mettre en oeuvre le mécanisme de prévention créé par la loi.
La circonstance que le mécanisme soit confié à une autorité administrative indépendante et non à un juge ne rencontre - contrairement à ce qui est affirmé hâtivement - aucun obstacle juridique.
Le Conseil constitutionnel a en effet confirmé à de multiples reprises la possibilité, pour une autorité non judiciaire, de traiter des données personnelles, dès lors que la procédure suivie est bien encadrée par le législateur et qu'elle vise à assurer le respect d'autres exigences constitutionnelles.
C'est par exemple le cas pour la constitution du dossier médical personnel, qui contient des éléments autrement plus importants que le nom et l'adresse de l'internaute, reliés au constat d'un téléchargement illicite !
c/ La « criminalisation des internautes » :
J'entends également parler d'une « criminalisation des internautes » - pour reprendre la très surprenante expression de l'auteur d'un récent rapport du Parlement européen.
Surprenante expression en effet, car le projet de loi « Création et internet », propose bien au contraire une approche fondamentalement préventive et pédagogique pour sortir de l'ornière dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.
Comme vous le savez, en piratant une oeuvre sur Internet, on risque aujourd'hui, sur le fondement du délit de contrefaçon, jusqu'à 300 000 euros d'amende et jusqu'à trois ans de prison.
Ces sanctions apparaissent totalement disproportionnées, de même que la procédure judiciaire, au cas du pirate dit ordinaire, qui peut ainsi se trouver traduit devant le tribunal correctionnel !
Si cette voie n'est utilisée qu'avec circonspection par les créateurs, il ne faut pas dissimuler les « désagréments » qu'elle comporte pour les internautes : saisies de disques durs, visites domiciliaires, toutes intrusions dans la vie privée que le projet de loi vise à prévenir.
La base juridique sur laquelle le Gouvernement fonde son projet existe déjà dans notre droit : il s'agit de l'obligation de surveillance de son accès Internet. Elle est d'ores et déjà mise à la charge de l'abonné par le code de la propriété intellectuelle.
Le projet de loi ne vise en fait qu'à préciser cette obligation, et à mettre en place un mécanisme de réponse en cas de manquement de la part de l'abonné.
Quant à la suspension de l'accès Internet, elle est d'ores et déjà prononcée, régulièrement, par le juge. Je ne pense pas que celui-ci soit alors qualifié de « liberticide » !
Je note d'ailleurs que la majorité très courte et hétéroclite qui avait permis l'adoption par le Parlement européen, au mois d'avril, d'une déclaration dépourvue de portée juridique condamnant « l'approche française » - et sur quelle base d'information, d'ailleurs ? notre projet n'était pas même finalisé ! - semble s'être évanouie.
Ainsi, la commission Culture du Parlement européen, qui a examiné le 2 juin dernier deux amendements au « Paquet Télécom », dont la teneur était identique à celle de la motion du mois d'avril, les a rejetés à une très large majorité.
Et puisque nous nous trouvons sur le terrain européen, je tiens à signaler le très vif soutien manifesté à notre méthode, aussi bien par la Commission européenne, qui envisage d'adopter une recommandation en ce sens, que par le Conseil de l'Union européenne, dans l'enceinte duquel s'est tenu un premier débat le 21 mai dernier.
d) Le « filtrage généralisé des réseaux » :
J'entends enfin parler de « filtrage généralisé des réseaux ». Il est évident que le projet du Gouvernement ne prévoit rien de tel ! La diffusion des techniques de filtrage doit faire l'objet, aux termes des accords de l'Élysée, d'une expérimentation de bonne foi, sur une période de deux ans, entre les acteurs de la Culture et ceux de l'Internet. Il n'y a donc pas lieu, pour les pouvoirs publics, d'interférer sur ce point, dès lors que les parties respectent spontanément cet engagement.
Seules sont abordées, dans le projet de loi « Création et Internet », les mesures que peut actuellement décider le juge, de façon ponctuelle, au cas par cas, pour faire cesser ou prévenir le renouvellement d'un dommage causé aux droits de propriété littéraire et artistique par un service de communication en ligne.
Ces mesures, vous le savez, peuvent prendre la forme d'un retrait ou d'une suspension de l'oeuvre protégée, ou d'un filtrage de l'accès à ce service. La lettre des accords de l'Élysée prévoyait le principe du transfert, à la Haute Autorité, de la compétence pour prendre ces mesures.
A la réflexion, toutefois, il est apparu que l'objectif poursuivi - à savoir, permettre que les mesures nécessaires soient prises de façon rapide et efficace - pouvait être atteint en améliorant la procédure suivie devant le juge.
C'est ce que fait le projet de loi. Ses dispositions, sur ce point, seront complétées par les très prochains décrets réformant la carte judiciaire, préparés par la Chancellerie. Ces décrets permettront de concentrer ce type de contentieux entre les mains d'un nombre limité de tribunaux, spécialisés en matière de propriété littéraire et artistique.
Il ne s'agit donc bien évidemment ni de « fliquer », ni de « criminaliser », ni de supprimer des libertés fondamentales - à moins que l'on considère le vol comme une liberté fondamentale.
Ce dont il s'agit, c'est de stopper une hémorragie des oeuvres qui a déjà causé suffisamment de dégâts. Au-delà, ce qui est en jeu, c'est tout simplement d'appliquer à Internet les règles qui fondent notre vie commune. Ce réseau formidable, qui pourrait constituer pour les artistes une « nouvelle frontière » à conquérir, ressemble plutôt, pour l'instant, à un horizon bouché. A nous de faire en sorte que les artistes et les entreprises qui les soutiennent puissent tirer parti de tous les aspects positifs que peut receler Internet, dès lors qu'il est « civilisé », pour répandre et encourager la Création.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 19 juin 2008