Interview de M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, dans "20 minutes" le 19 juin 2008, sur le "non" irlandais au référendum sur le Traité de Lisbonne.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Q - Faut-il poursuivre le processus de ratification ?
R - Oui, ainsi que le dialogue avec les Irlandais, afin de trouver avec eux une solution. Leur rejet du texte me préoccupe car il témoigne d'une distance entre les citoyens et l'Europe.
Q - Faut-il les forcer à revoter ?
R - Toute mesure de contrainte, toute critique me paraît déplacée. Mais lorsque tous les autres pays de l'Union auront ratifié le traité, les Irlandais pourront constater qu'il n'est pas question de supprimer telle ou telle liberté à laquelle ils sont attachés. Nous devons leur rappeler ce que l'Europe leur a apporté. A son entrée dans l'UE, l'Irlande avait un PIB par habitant deux fois moins élevé que la moyenne européenne. Il est maintenant une fois et demie plus élevé. Ensuite, j'espère qu'il se dégagera un climat permettant aux Irlandais de revenir sur leur décision.
Q - Et s'ils revotaient « non » ?
R - Soyons optimistes. Il peut toujours y avoir des incidents dans l'aventure européenne. C'est ce qui se passe aujourd'hui.
Q - Certains suggèrent d'aménager le traité pour que les Irlandais le ratifient. Ne risque-t-on pas d'avoir une Europe à deux vitesses ?
R - Soyons pragmatiques et franchissons d'abord l'étape de la ratification. Bien sûr, tout n'est pas parfait et il faudra sûrement aller plus loin, mais nous avons besoin de ce traité parce que l'Europe à 27 ne peut plus fonctionner avec la règle de l'unanimité. Elle est paralysée, à un moment où les autres pays (Chine, Inde, Brésil) connaissent des mutations qui vont peser sur notre avenir.
Q - Beaucoup d'Européens associent le texte à un « charabia incompréhensible »...
R - Je peux le comprendre. Faire ratifier un texte complexe de 300 pages par « oui » ou « non » par des gens ne l'ayant pas lu la plupart du temps, cela ne tient pas debout. Il faut expliquer et clarifier. Prenons le cas du mode d'élection des députés européens : il ne permet pas aux citoyens, notamment français, d'avoir un interlocuteur proche et identifié pour leur expliquer et pour relayer leurs interrogations auprès de l'UE. C'est en partie ce qui donne l'impression aux citoyens européens d'être à des années-lumière des institutions ! La façon dont les députés européens sont élus (à la proportionnelle) n'est pas satisfaisante.
Q - Que préconisez-vous ?
R - On pourrait imaginer un scrutin mixte, à la fois proportionnel au plan national et majoritaire par circonscription. Ce qui permettrait de représenter toutes les sensibilités politiques, mais aussi au citoyen d'élire directement son représentant au Parlement européen, en l'identifiant clairement et en pouvant éventuellement le sanctionner. C'est comme pour un maire, si vous n'en êtes pas satisfait, vous aurez le choix de ne pas voter pour lui. A contrario, s'il fait des choses bien, vous voterez pour lui. Je souhaite l'équivalent européen. Aujourd'hui, cela n'existe pas.Source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 24 juin 2008