Interview de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication à France-Info le 26 juin 2008, sur la télévsion publique, le financement de la publicité télévisuelle et le contrôle de l'audiovisuel.

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Média : France Info

Texte intégral


 
 
 
R. Duchemin.- L'avenir de la télé publique, c'est donc "La Question du jour". Et pour y répondre, la ministre de la Communication, C. Albanel. L'opposition dénonce un quasi retour à l'ORTF, la gauche et le MoDem aussi n'y vont pas par quatre chemins. Ecoutez justement ce qu'en dit F. Bayrou.
 
F. Bayrou : C'est un plan de prise de contrôle de l'audiovisuel en France. La télévision publique, c'est elle qui est essentiellement visée, parce qu'elle va désormais dépendre du pouvoir, puisque son patron va être nommé directement par le pouvoir. Quant à la télévision privée, elle, elle reçoit toute la manne publicitaire disponible, avec une deuxième coupure. Bref, c'est vers elle qu'on envoie l'argent. Eh bien, ceci, d'abord ça ne serait possible dans aucun autre pays démocratique, où partout on sépare télévision et pouvoir. Et puis ensuite, il y a un moment où les Français vont dire : ça suffit ! C'est impossible d'accepter que des choses comme ça se passent en France sans qu'on dise rien !
 
Alors, on ne va pas tourner autour du pot, plan de prise de contrôle ou pas ?
 
Non, absolument pas. Je crois qu'il y a une très forte logique dans ce qui a été annoncé. Cela veut dire que désormais c'est l'Etat - l'Etat est actionnaire naturellement - c'est le Gouvernement effectivement qui nommera les dirigeants de France Télévisions. Mais, suite à la réforme constitutionnelle, et comme tous les grands postes finalement de dirigeant des entreprises de service public, ça devra se faire sous le contrôle du Parlement à la majorité qualifiée, et avec avis conforme du CSA. Cela veut dire que...
 
Sauf que la télévision n'est pas forcément une entreprise publique comme les autres puisqu'elle fait de l'information...
 
Tout à fait.
 
Est-ce qu'il n'y a pas un risque justement de...
 
Non...
 
...de nominations politiques ?
 
Non, absolument pas, puisque je vous dis : contrôle du Parlement à la majorité qualifiée, et avis conforme du CSA, ce qui fait que le CSA, avis conforme, cela veut dire que le CSA peut s'opposer. Et pour le reste, il est logique finalement que l'actionnaire nomme le dirigeant, les dirigeants de France Télévisions. Je pense qu'il y a une logique et une logique après qui est complètement contrôlée, de façon démocratique. C'est pour cela que je m'inscris complètement en faux contre les propos de F. Bayrou, franchement !
 
Il y a quand même quelques voix qui s'élèvent ce matin pour se poser la question, et se demander si ça n'est pas anticonstitutionnel ? En 1989, on avait justement parlé de séparation du pouvoir et de la télé. Est-ce qu'on n'est pas un petit peu en train de s'asseoir dessus ?
 
Non, je crois que ça s'inscrit dans la réforme constitutionnelle qui est en train justement d'être discutée, qui va être votée par le Congrès, qui prévoit que, toute une série de postes de hauts dirigeants, il va y avoir toute une liste, qui fera l'objet d'une nomination de ce type par le Gouvernement, sous contrôle du Parlement. Et de plus...
 
Et qui garantit l'indépendance ?
 
Et justement, le contrôle du CSA est là, l'avis conforme du CSA est là pour bien contrôler l'indépendance. Et puis vous savez, une majorité qualifiée, cela veut dire que c'est justement un groupe issu des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui comporte naturellement l'opposition. Donc, je crois qu'il y a suffisamment de verrous et de contrôle pour qu'on ne puisse pas parler de prise de contrôle du pouvoir. C'est une absurdité. Ce n'est absolument pas l'objet de cette loi.
 
Donc, vous dites aujourd'hui, c'est normal finalement, puisque l'Etat est le principal actionnaire ?
 
Oui, pourquoi pas ? L'Etat est le principal actionnaire. Il n'aurait pas été logique qu'il nomme sans aucun contrôle, mais il y a des contrôles.
 
Alors, on va pousser la logique jusqu'au bout. Est-ce que par extension, ici, à Radio France, le service public de radio, on va finalement faire la même chose ? Ça va se passer de la même manière, on va nommer aussi un PDG directement via l'exécutif ?
 
Pas directement de toute façon via l'exécutif, c'est-à-dire que, s'agissant des grands postes touchant aux médias, je pense qu'on pourrait retrouver...mais ça n'a pas du tout été tranché pour Radio France puisque la liste des dirigeants concernés n'est pas sortie pour l'instant. Ce n'est pas décidé.
 
Mais enfin, si on suit la logique du chef de l'Etat... ?
 
Ça pourrait en effet s'inscrire dans la même logique. Avec contrôle du CSA, encore une fois.
 
On va parler de la publicité : finie après 20 heures, à partir du mois de janvier 2009 sur les chaînes publiques. C'est un cadeau direct aux chaînes privées ? On regarde le cours de l'action, par exemple ?
 
C'est quand même une absurdité incroyable d'entendre ça, parce que, dans le plan de financement...
 
C'est une question ?
 
Bien sûr, mais je ne réponds pas...ce sont les critiques qui sont portées. Le plan de financement prévoit une taxe sur la publicité au fond des chaînes privées, d'une part, et la téléphonie mobile, d'autre part. Et quand j'entends dire qu'on veut faire des cadeaux aux amis du Président, j'observe que, par exemple, Bouygues est touché à double titre : sur la taxe sur la téléphonie mobile, d'une part, et sur la taxe sur les chaînes privées, d'autre part. Je trouve qu'il y a un plan de financement, qui a le mérite d'être clair, qui apporte vraiment les ressources nécessaires, et qui les calcule de façon finalement assez généreuse. Parce que, si en 2009 on calculait à peu près qu'il y aurait 800 millions d'euros de publicité, ils vont être justement intégralement compensés, alors qu'on sait bien que dans le marché actuel qui n'est pas très flambant, et on voit bien que toutes les chaînes de télévisions en ce moment ont des problèmes avec les marchés publicitaires, il n'est pas du tout dit qu'il y aurait eu ces 800 millions d'euros. C'est dire qu'il y a vraiment - cela, plus les 150 millions d'euros de dotation dès cette année -, je trouve un engagement très, très fort de la part de l'Etat.
 
Vous parlez justement du financement. Franchement, n'était-il pas plus simple de demander directement aux gens de payer, puisque c'est ce qui va se passer au final ? On aurait augmenté la redevance, ça revenait pratiquement au même, puisqu'on faisait payer directement les gens qui regardent la télé ? Parce que, là, on va passer par les fournisseurs, par les opérateurs, c'est un peu hypocrite, c'est finalement le consommateur qui va payer aussi ?
 
Ce n'est pas hypocrite. D'abord, il y a l'indexation de la redevance, l'indexation, c'est-à-dire, le fait que la redevance ne suive pas...
 
Oui, cela il n'en a pas reparlé hier N. Sarkozy ?
 
...ça, c'est une chose qui est ouverte. Je crois que c'est vraiment une question qui est tout à fait ouverte et qui aura lieu. C'est une chose. Pour le reste, il y a une grosse différence entre augmenter tout à coup massivement la redevance et en effet, prendre une taxe, qui n'est pas quand même une taxe énorme. Je rappelle que le chiffre d'affaires total des opérateurs de téléphonie fixe mobile, accès à Internet, c'est 39 milliards d'euros. Alors, on prend l'équivalent de...les 0,9, ça fait 370 millions d'euros sur 39 milliards d'euros. Donc, c'est quand même...Et dire qu'aussitôt ils vont répercuter, je crois qu'il faut faire confiance à la concurrence. La concurrence ça existe, précisément pour ne pas tout à coup augmenter massivement tous les abonnements.
 
À propos de cette taxe sur les fournisseurs d'accès et sur les opérateurs, ça fait déjà tiquer Bruxelles. Comment allez-vous vous y prendre si l'idée est retoqu??e ?
 
Je ne pense pas du tout que l'idée soit retoquée. De toute façon...
 
La commissaire européenne déjà émettait quelques doutes dès hier matin ?
 
J'ai discuté avec V. Reding plusieurs fois. En réalité, les règles européennes font que chaque pays peut très bien choisir les moyens à développer, par exemple son audiovisuel public, d'une part. Et l'arrêt Monti, c'est une chose qui l'a complètement consacré. Après, on peut très bien...il ne faut pas faire de discrimination, mais si vous faites signer à une petite taxe qui touche l'ensemble des opérateurs, taxe qui n'est pas affectée juridiquement, c'est une taxe, et après on peut faire le choix politique, en effet, de diriger des ressources nouvelles vers l'audiovisuel public, mais ce n'est pas affecté juridiquement. Donc, je ne vois pas en quoi cette décision serait fragile, juridiquement, je ne crois pas.
 
Vous nous confirmez que l'idée d'indexer la redevance sur l'inflation, on en a parlé très brièvement. Finalement, on a vu le Président hier, avec le stylo à la main, biffer quelques paragraphes du rapport Copé. C'est maintenu, ça, cette idée-là ?
 
L'idée de l'indexation, je crois que, là, elle paraît normale parce que autrement ça veut dire que la redevance baisse. L'idée de l'indexation est vraiment ouverte, je crois. Après, augmentation de la redevance, ça, ce sont d'autres questions qui pour l'instant ne sont pas ouvertes.
 
Sur la question de la publicité, ce sera ma dernière question, est-ce que Radio France va finalement suivre le même sort que France télévisions ? Suppression également prévue, programmée... ?
 
Non, Radio France, qui avait déjà une publicité institutionnelle, qui n'était qu'une faible part de ses ressources, n'est pas concerné. Mais je veux dire simplement pour terminer que, dans toutes ces discussions on oublie quelque chose qui est que, tous les téléspectateurs pourront voir, à 20h30 tous les jours, des programmes qui seront peut-être encore plus intéressants, encore plus exigeants, peut-être, avec plus de créations, de cinéma, etc.
 
Plus culturel, plus populaire ?
 
Plus culturel et en même temps plus populaire qu'aujourd'hui. Et cela, c'est quand même pas mal. Et voir deux programmes par soirée au lieu d'un.
 
Et ce sera à partir de... ?
 
À partir du 1er janvier 2009.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 26 juin 2008