Interview de M. Patrick Devedjian, délégué général et porte parole du RPR, à Europe 1 le 28 mars 2001, sur l'inconstitutionnalité de la convocation du Président de la République par le juge Halphen.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

A. Chabot Cette convocation est-elle, selon vous, légitime de la part d'un juge qui veut tout simplement faire son travail et connaître la vérité ?
- "Non, pas du tout ! Elle n'est pas légitime. D'abord, je rappelle qu'il y a sept ans que le juge Halphen cafouille dans ses investigations et que ça n'avance pas. Sept ans, c'est quand même long et ça n'est pas fini ! D'autre part, le juge Halphen sait pertinemment - le Conseil constitutionnel l'en a averti - que ce genre de convocation est totalement illégal. Le Président de la République s'est expliqué d'ailleurs devant les Français sur la cassette Méry, qui motive cette convocation comme témoin. Là aussi, les choses sont claires : il n'a rien à révéler, puisque tout ceci est "abracadabrantesque !" comme l'a dit le Président de la République."
Vous dites que le juge Halphen fait de la politique ?
- "Pourquoi cette convocation, alors que le juge sait qu'elle est illégale et qu'elle ne peut aboutir à rien ? Pourquoi l'a-t-il envoyée ?"
Donc, c'est de la politique ?
- "Je vous laisse tirer les conclusions vous-même."
Le Chef de l'Etat fait savoir évidemment, compte tenu des règles constitutionnelles, qu'il ne répondra pas à cette convocation - un rappel de ce qu'il avait déjà dit dans une interview il y a quelques mois. Est-ce que le Président n'aurait pas, au fond, intérêt à s'expliquer devant un juge ? Ce serait clair pour tout le monde.
-" Mais ça n'a pas de fin ! Il y a 650 juges d'instruction en France. Si chacun d'eux décide d'entendre le Président de la République, c'est vraiment le début de l'anarchie. Je rappelle que dans toutes les démocraties, le pouvoir exécutif est protégé des investigations intempestives du pouvoir judiciaire. Même dans le cas de monsieur Clinton, souvenez-vous, pour des faits qui étaient totalement étrangers à sa fonction, les deux Chambres des Etats-Unis ont engagé une procédure spéciale pour désigner un attorney spécial - un juge -, qui lui-même a pu à ce moment-là procéder à des investigations. On peut penser qu'un juge convoque à sa convenance le Président de la République, soit disant comme témoin, pour simplement se faire peut-être de la publicité ou masquer finalement les carences de son enquête - ce dont on a le sentiment, c'est que l'enquête du juge Halphen depuis sept ans va accoucher d'une souris -, et qu'il veut dissimuler tout cela derrière une grande manoeuvre."
Les Français comprendront-ils l'attitude du Chef de l'Etat, même si la règle constitutionnelle est claire ?
- "Il s'est expliqué à la télévision, je crois, de manière assez claire."
Maintenant, vont-ils dire que le Président a raison de camper sur ses positions constitutionnelles ? "
- "On vit dans un Etat de droit tout de même ! Les sondages ne vont pas remplacer le droit !"
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 28 mars 2001)