Interview de M. André Santini, secrétaire d'Etat à la fonction publique, à "France 2" le 23 juin 2008, sur les mesures à venir pour la Fonction publique en matière de négociation salariale, de réduction d'effectifs, ou de mobilité professionnelle.

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Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard.- La négociation sur les salaires dans la fonction publique commence demain. Est-ce que l'Etat qui dit vouloir promouvoir, mettre en avant le pouvoir d'achat ne devrait pas donner l'exemple en donnant une bonne augmentation à ses salariés ?

Oui bien sûr comme, c'est avec l'argent des contribuables, on peut tout faire. Il faut aussi que les gens qui travaillent pour l'Etat ne soient pas volés. On a découvert à l'occasion d'une véritable étude réalisée par l'Insee bien sûr, par la Direction du budget et par la Direction générale de la Fonction publique, on a découvert qu'un certain nombre de fonctionnaires, depuis quelques années, n'avaient même pas atteint en progression le montant de l'inflation.

C'est ce que disaient les syndicats depuis longtemps...

Oui mais ils disaient ça pour le total, n'est-ce pas, ils parlaient de 6% de retard. Ce n'est pas vrai, il y a à peu près 17 % de fonctionnaires qui n'avaient pas cela, donc E. Woerth, ministre du Budget et de la Fonction publique, a décidé aussitôt de compenser cette perte et cela me semble parfaitement légitime. Alors nous avons lancé au mois de février un accord salarial, cela n'a pas été signé par tout le monde évidemment, parce que la progression n'était pas assez importante. Mais nous avions promis aussi que l'on se voie régulièrement et avant l'élaboration du budget. Nous y sommes.

Ce rattrapage, il sera fait quand ?

Le rattrapage est déjà en cours pour l'année 2007.

Je repose ma question sur l'augmentation du salaire des fonctionnaires : on disait que l'Etat pouvait donner l'exemple, est-ce qu'il va donner l'exemple ? Est-ce qu'il va y avoir réellement une augmentation du pouvoir d'achat des fonctionnaires ?

Nous essayons. Est mis en place ce qu'on appelle la GIPA, c'est-à-dire la garantie individuelle du pouvoir d'achat. Les syndicats sont pour l'instant sur une logique collective, générale.

Enfin, les syndicats disent augmentation générale de ce qu'on appelle "le point d'indice".

Ah, ça y est, là vous m'avez mis de bonne humeur ! Le point d'indice ne représente que 30 % de la progression du pouvoir d'achat. Le reste c'est ce qu'on appelle le GVT, le glissement vieillesse technicité.

C'est compliqué dans la fonction publique...

C'est très compliqué. Et nous essayons de mettre un petit peu d'ordre en respectant chacun. C'est d'ailleurs le cas des syndicats, six sur huit, ce qui est absolument historique, qui ont accepté de signer l'accord sur le dialogue social. C'est extraordinaire. Nous sommes très en avant sur le privé et il faut le dire parce qu'on ne le dit évidemment pas assez.

Mais l'idée d'une augmentation générale, ça, vous la refusez ?

Ce n'est pas - comment dire ? -, ce n'est pas une mesure d'emblée. On verra, peut-être que... N'oubliez pas quand même l'inflation qui a augmenté considérablement. Nous en tenons compte dans notre évaluation. Deuxièmement, nous voulons renégocier les grilles parce que les gens qui n'ont pas perçu au moins le montant de l'inflation, ce sont parfois des jeunes enseignants qui se trouvent coincés dans le jeu des grilles. Donc nous voulons, là encore, mettre de l'ordre. Mais tout cela, c'est un grand dossier que nous allons traiter ensemble et de façon responsable.

Et ce qui est certain, c'est qu'il y aura des suppressions de poste. Un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sera pas remplacé.

Oui, c'est confirmé.

Alors ça fera combien de postes cette année ?

Cette année, c'est 30.000 à peu près.

Et combien ça va rapporter à l'Etat ?

On le saura bientôt, mais l'engagement du Président, c'est de donner à la masse salariale des fonctionnaires ou aux conditions de travail, la moitié de l'économie ainsi réalisée. Ce sera fait et ce sera fait en liaison avec les organisations syndicales.

On dit que ça pourrait être 400 millions qui seraient reversés aux fonctionnaires. C'est le chiffre ?

Peut-être, oui peut-être. Alors évidemment, plus il y a de départs et plus il y a de recettes. Mais ce n'est pas à nous de dire aux syndicats, "soyez plus rapides".

Justement, à propos de départs, les syndicats disent que vous poussez un petit peu les fonctionnaires vers la porte en leur donnant une prime de départ.

Là vous faites allusion au prochain texte sur la mobilité qui a été adopté par le Sénat, qui est passé en commission des lois à l'Assemblée et j'espère qu'il va passer bientôt à l'Assemblée qui est bloquée, vous le savez, par l'audiovisuel public, avec la mise en application des directives européennes sur l'environnement. Il y a une mesure sur le pécule. Je vais vous surprendre...

Le pécule donc, c'est cette prime qui serait donnée en cas de départ volontaire ?

Voilà. Qui permettrait parce que nous avons senti le besoin, parce que 26 % des fonctionnaires nous l'ont demandé très clairement et que beaucoup sont favorables, qui permettrait de toucher jusqu'à deux ans de salaire si on quittait la fonction publique. Les Canadiens, qui avaient lancé cette mesure, l'avaient limitée à un an.

Mais vous ne les poussez pas un petit peu vers la porte ?

Mais non, parce que l'intérêt, ce n'est pas + c'est ce qui s'est passé au Canada - de mettre dehors les plus jeunes et les plus compétents. Nous aurons besoin dans les années à venir de fonctionnaires très compétents et très bien formés. Et l'Etat aura du mal à recruter. Donc nous devons, là encore, ajuster mais en étant responsables.

Cette loi sur la mobilité qui doit permettre aux fonctionnaires d'aller d'une administration à une autre...

Ou au sein de l'administration...

Les syndicats disent que c'est en fait un plan social déguisé.

Oui parce qu'ils relient le phénomène à ce qu'on appelle la RGPP, c'est-à-dire la révision générale des politiques publiques. Ils disent, "comme par hasard, au moment où on va supprimer des postes pour harmoniser ; par exemple, dans tel département, tout près d'ici, on parle de fermer une sous-préfecture... Ça n'a rien à voir ! Mais nous devons aussi être attentifs. En tous cas, il est prévu des primes de mobilité, il est prévu des primes de départ. Aujourd'hui, il n'y a rien. Si la loi n'est pas votée, quand ils nous disent "si on refuse trois postes, vous nous mettez en disponibilité" ; oui, et c'est tant mieux, parce que pour l'instant, il y a rien. Donc on peut, je le rappelle, supprimer des postes et ne pas remplacer les gens.

A propos de réduction d'effectifs, il y a une idée qui avait été mise en avant, c'était celle de permettre aux notaires de prononcer les divorces. C'est abandonné ?

J'ai entendu dire que la commission chargée par R. Dati de creuser cette idée, j'ai entendu dire que ça n'avançait pas très favorablement. Nous verrons.

Vous le regrettez ? Je n'ai pas regardé le dossier de près parce que ça va largement au-delà de la fonction publique, mais si c'était une mesure de rationalisation, d'efficacité, d'économie, c'est dommage qu'on l'abandonne.

Sur les heures supplémentaires dans la fonction publique, il n'y aura pas de limitation ?

Non. Les heures supplémentaires fonctionnent très bien dans la fonction publique. On le dit dans le privé et pas assez, mais dans la fonction publique aussi. La plupart des heures supplémentaires d'ailleurs sont effectuées par les enseignants, faut-il le rappeler, compte tenu de leur masse d'effectifs.

Mais il y aura plus de plafond à ces heures supplémentaires ?

En théorie, il y a plus de plafond.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 23 juin 2008