Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Le ministère des Affaires étrangères et européennes est engagé dans une vaste entreprise de modernisation. L'inauguration aujourd'hui du nouveau Centre de crise est une étape importante de cette modernisation, alors que la France vient de prendre la Présidence de l'Union européenne. Ce n'est pas un hasard de calendrier. J'ai voulu, dès mon arrivée l'an dernier, que notre pays, que ce ministère, se dote d'un outil performant à l'égal de ceux qui existent chez nos principaux partenaires européens et avec lesquels nous devons travailler plus étroitement.
Nous ne pouvons plus nous contenter de traiter les crises comme des préoccupations secondaires d'une diplomatie axée sur les "choses dites sérieuses" : la géopolitique, le temps long, les rapports de puissances. Bien sûr, tout ceci existe. Mais la gestion des crises, est désormais un élément majeur de la politique internationale d'un pays comme le nôtre. C'est une question de solidarité, d'influence et de sécurité. Sous l'oeil de plus en plus vigilant et exigeant de nos concitoyens comme de ceux du monde entier.
Question de solidarité, la nécessité de répondre à des malheurs qui ne nous sont plus jamais étrangers. Le flux médiatique mondialisé a créé une conscience planétaire qui nous oblige. Chaque malheur humain est un peu de notre responsabilité, une responsabilité à laquelle nous ne pouvons pas nous soustraire. C'est un progrès, c'est un devoir.
Question d'influence, ensuite. Etre capables d'intervenir partout dans le monde au nom de certains idéaux, c'est être fidèles à notre histoire, être à la hauteur des attentes que la France suscite à travers la planète. C'est aussi affirmer notre identité.
Question de sécurité, enfin, quand l'accélération prodigieuse des mouvements des hommes éparpille nos ressortissants sur la surface du globe. Aujourd'hui, pour les deux millions de Français qui vivent, travaillent ou voyagent à l'étranger, la sécurité nationale dépasse très largement les frontières de l'hexagone. Pour nous, cela implique une capacité de réaction aux crises profondément rénovée.
C'est pourquoi j'ai souhaité que nous repensions les moyens de ce ministère en la matière, avec deux objectifs : être mieux coordonnés; être plus ouverts aux partenariats.
Nous ne partons pas de zéro bien sûr. Qu'il s'agisse de la sécurité et de la protection consulaire de nos ressortissants à l'étranger, de notre contribution dans le domaine humanitaire, de notre implication dans les crises internationales politico-sécuritaires, les services de ce ministère n'ont pas à rougir. Et je tiens à rendre ici un hommage appuyé à tous les agents dont le dévouement et l'énergie sont admirables comme j'ai pu le constater encore à l'occasion des évènements au Tchad il y cinq mois.
Mais nous avions besoin d'un outil de coordination mieux structuré. Ne serait-ce que géographiquement, ce regroupement était devenu indispensable, certains agents impliqués dans la gestion d'une même crise étant jusqu'alors dispersés entre le Quai d'Orsay lui-même, des bureaux Boulevard Saint Germain, d'autres Boulevard des Invalides et j'en passe. Il leur fallait un lieu unique fonctionnant 24/24 h, 7 jours sur 7, doté des moyens de communication les plus modernes, proche du ministre et de son cabinet, ainsi que principales directions, et ouvert à tous nos partenaires : nationaux, européens, internationaux. C'est désormais le cas, comme vous pourrez le constater dans quelques instants.
Il y a vingt ans, secrétaire d'Etat chargé de l'Action humanitaire, j'avais créé la première cellule d'urgence du Quai d'Orsay. Elle est ensuite devenue délégation à l'Action humanitaire. En vingt ans, cette structure créée dans l'indifférence ou le scepticisme a largement contribué à définir et mettre en oeuvre une politique humanitaire française, en partenariat avec les ONG et le secteur associatif, les entreprises, les fondations et les collectivités territoriales.
Cette politique permet aujourd'hui à la France d'apporter des réponses aux catastrophes naturelles comme aux crises humanitaires durables. C'est elle qui permet à notre pays de réagir au Tsunami, aux crises africaines, du cyclone Nargis en Birmanie au tremblement de terre en Chine. C'est elle qui fait entendre la voix de la France dans toutes les enceintes européennes ou internationales qui débattent de l'action humanitaire.
Tout ceci, toute cette expérience, cette réflexion, ce savoir-faire accumulés, nous devons aujourd'hui nous en servir pour améliorer encore notre efficacité. Il ne s'agit pas, je le répète, de rompre avec le passé, mais d'insuffler une dynamique nouvelle.
Et cette dynamique concerne tous les types de crises, ou plus précisément toutes les dimensions d'une crise : car les effets de la mondialisation ici aussi se font sentir. Il est rare désormais qu'une crise soit purement humanitaire ou purement consulaire. Les derniers exemples le montrent clairement. Je ne dis pas bien sûr que la réponse doit être uniforme, on se travaille pas avec une ONG pour fournir une aide humanitaire d'urgence comme l'on s'occupe du rapatriement de ressortissants menacés - chacun sa culture, chacun ses méthodes - mais on peut, on doit, trouver des synergies, éviter les doublons, recherche une meilleure cohérence.
Dès mon arrivée au Quai d'Orsay, j'ai constaté que notre outil était perfectible. Effectifs trop peu nombreux, locaux insuffisants, coordination interne trop épisodique, duplication des procédures : tout ceci limitait nos capacités d'action. Il fallait renforcer nos équipes, rassembler les énergies et moderniser les équipements. Il fallait surtout donner une nouvelle dimension à cet outil, de manière à lui permettre de rayonner dans l'ensemble du ministère et d'enrichir véritablement notre diplomatie. C'est dans cet objectif que nous avons travaillé depuis un an, sur la base des conclusions d'un long travail de concertation qui avait été mené par le Centre d'Analyse et de Prévision du ministère, enrichies depuis par d'autres réflexions.
Le Livre blanc du ministère de la Défense qui vient d'être rendu public, le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne dont nous avons déjà le rapport d'étape et la Revue générale des politiques publiques se sont en effet penchés de manière convergente sur la nécessité pour la France de mieux réagir aux crises. Tous ces exercices ont abouti à la même proposition, celle d'une structure intégrée et stable, dotée d'un effectif suffisant et installée au sein de ce ministère.
Le projet auquel nous avons abouti est donc une synthèse de ces recommandations. Ce nouvel outil, je l'ai voulu simple et opérationnel.
Tout d'abord grâce à l'installation du Centre dans le coeur historique mais surtout fonctionnel du Quai d'Orsay, qui au-delà des raisons purement pratiques témoigne de notre volonté de souligner symboliquement sa centralité.
Autre décision importante : son rattachement au secrétariat général du ministère. Derrière ce choix, il s'agit avant tout de marquer la transversalité de la gestion des crises et de prendre acte de sa place nouvelle au sein de notre outil diplomatique. Non plus seulement un outil d'extrême urgence que l'on oublie entre deux drames, mais bien une dimension majeure de notre action extérieure, dont les préoccupations et les savoir-faire doivent être intégrés à la plupart de nos stratégies, de court comme de long-terme.
Dans le même temps, j'ai souhaité que se développe plus encore une indispensable culture humanitaire au sein de l'administration. C'est pourquoi nous avons choisi de nous appuyer sur ceux qui avaient d'ores et déjà acquis cette culture : les agents de l'ancienne délégation à l'Action humanitaire, que nous souhaitons voir prendre toute leur place au sein du nouveau dispositif. Nous avons choisi de sauvegarder une ligne budgétaire spécifique à l'action humanitaire. Au-delà de l'affichage administratif, il s'agit bien de marquer l'identité et la pérennité de cette mission originale du ministère.
Nous aurons désormais dans ce nouveau Centre de crise, une équipe d'environ 50 personnes spécialisées dans la gestion des crises humanitaires et consulaires à l'étranger. Majoritairement issues de la délégation à l'Action humanitaire et de la direction des Français à l'étranger et des Etrangers en France, elles sauront faire vivre l'expérience acquise ces dernières années et maintenir les contacts noués avec l'ensemble de leurs correspondants et partenaires.
Leur action sera orientée autour de trois priorités.
Premièrement, l'alerte précoce.
Une équipe spécialisée assurera une veille en continu, 7 jour sur 7 et 24 heures sur 24. Installée dans le centre de situation, elle centralisera l'ensemble des informations sur les événements à l'étranger susceptibles d'avoir une incidence sur la sécurité de nos ressortissants ou d'imposer une action humanitaire d'urgence. Elle s'appuiera naturellement sur les analyses des directions du ministère et de nos postes à l'étranger, le Centre de crise demeurant à leur service. Mais elle travaillera également en réseau avec l'ensemble des centres de situations des administrations françaises et européennes, ainsi qu'avec tous nos partenaires de terrain.
Seconde priorité, la réactivité opérationnelle.
La salle de gestion de crise saura répondre à tout moment à une ou plusieurs crises simultanées de grande ampleur. Elle sera dès lors à la disposition de la cellule interministérielle de crise, dirigée par mon cabinet, et disposera de tous les leviers nécessaires pour intervenir.
Troisième priorité, le partenariat avec les acteurs humanitaires.
En liaison avec les autres services compétents du ministère, le Centre de crise aura pour tâche de développer ce partenariat de manière à élaborer et adapter en permanence la politique humanitaire que nous voulons défendre dans les différentes enceintes internationales.
A ce sujet, la réflexion doit encore se poursuivre sur un dispositif d'appui à la sortie de crise qui permettra de couvrir l'ensemble des interventions, depuis la prévention des crises jusqu'à la reconstruction. Nous devrons conjuguer nos efforts en ce sens avec les ONG humanitaires - que nous continuerons à appuyer à travers le Fonds d'urgence humanitaire - ainsi qu'avec les acteurs de l'aide au développement.
A terme, il s'agira d'être capable de penser et d'agir dans un continuum urgence humanitaire - gestion de la sortie de crise - développement de long terme. Un continuum incarné par une procédure simplifiée pour nos partenaires, notamment les ONG : ce doit être désormais à l'administration qu'il revient de savoir de quel service relève telle ou telle demande ; ce doit être à l'administration de s'adapter aux besoins et aux logiques des usagers, non l'inverse. J'ai demandé que l'on y travaille activement.
Derrière cette réforme, et comme une ambition de l'ensemble du nouveau dispositif de réaction aux crises, il y a la volonté de repenser nos liens avec les acteurs non-gouvernementaux. Dans la gestion de crise comme dans l'ensemble de nos politiques, leur apport est désormais déterminant. Et notre dialogue quotidien. Mais c'est une réalité qui, pour des raisons culturelles, historiques ou tout simplement humaines, a encore du mal à s'imposer comme un fait durable, structurel, indispensable. La collaboration avec ces acteurs est le plus souvent vécue comme un aléa temporaire, un hasard, un accident.
C'est une réalité qui doit changer. Nous avons désormais besoin de ces compétences et de ces intelligences qui nous apportent leur créativité, leur réactivité et leur audace. Je souhaite que ce Centre soit l'occasion d'entamer un dialogue durable sur des bases nouvelles.
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Nous travaillons ensemble chaque jour. Je souhaite que ce nouveau Centre de gestion de crise nous permette de faire plus et de faire mieux.
Je tiens ici à rendre hommage à tous ceux qui, à Paris et sur le terrain, apportent leur concours à la mise en oeuvre de notre action humanitaire, sans laquelle la voix et l'image de la France ne seraient pas ce qu'elles sont. A tous ceux aussi qui contribuent avec tant d'efficacité à la protection et à l'évacuation de nos compatriotes. Aux forces armées et aux équipes de la sécurité civile. Aux ONG qui interviennent au bénéfice des populations frappées par des catastrophes.
Je tiens également à remercier Louise Avon, déléguée à l'Action humanitaire, Patrick Lachaussee, sous-directeur de la Sécurité des personnes, ainsi que leurs équipes, pour leur engagement quotidien et total dans la gestion des crises.
Je voudrais remercier enfin les personnels du ministère qui ont oeuvré à la mise en place du nouveau Centre de crise dans des délais records. A la nécessité d'améliorer notre outil s'est en effet ajoutée la perspective de la Présidence française de l'Union européenne, qui rendait plus que jamais nécessaire de disposer de cet outil pour le début de l'été. Un outil efficace qui nous permettra dès demain d'interagir en temps réel avec nos vingt-six partenaires et avec les autorités européennes de Bruxelles.
Je souhaiterais d'ailleurs, à ce sujet, dire un dernier mot sur la concertation entre Européens. Cette concertation est désormais indispensable, aussi bien pour des raisons de cohérence politique que d'efficacité sur le terrain. C'est pourquoi notre présidence s'attachera à approfondir cette cohérence, en particulier à travers le concept d'Etat pilote en matière de crise consulaire. Nous avons déjà organisé en juin un exercice avec nos partenaires européens qui simulait un acte de piraterie contre un bateau de tourisme au Mexique.
Plus largement, nous travaillerons à un renforcement de la capacité de réponse de l'Union européenne aux catastrophes, qu'elles surviennent sur le territoire européen ou en pays tiers. Notre objectif est de rendre l'échelon européen de réponse aux catastrophes et aux crises plus visible et mieux coordonné.
Ici encore, nous formons donc de vraies ambitions, dont ce Centre n'est qu'une manifestation. L'essentiel demeure notre détermination collective.
A vous toutes et à vous tous, j'adresse donc tous mes remerciements pour cette étape que nous franchissons ensemble. Et j'adresse également tous mes encouragements aux personnels qui vont tenir ce Centre dans des moments forcément difficiles.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 juillet 2008
Chers Amis,
Le ministère des Affaires étrangères et européennes est engagé dans une vaste entreprise de modernisation. L'inauguration aujourd'hui du nouveau Centre de crise est une étape importante de cette modernisation, alors que la France vient de prendre la Présidence de l'Union européenne. Ce n'est pas un hasard de calendrier. J'ai voulu, dès mon arrivée l'an dernier, que notre pays, que ce ministère, se dote d'un outil performant à l'égal de ceux qui existent chez nos principaux partenaires européens et avec lesquels nous devons travailler plus étroitement.
Nous ne pouvons plus nous contenter de traiter les crises comme des préoccupations secondaires d'une diplomatie axée sur les "choses dites sérieuses" : la géopolitique, le temps long, les rapports de puissances. Bien sûr, tout ceci existe. Mais la gestion des crises, est désormais un élément majeur de la politique internationale d'un pays comme le nôtre. C'est une question de solidarité, d'influence et de sécurité. Sous l'oeil de plus en plus vigilant et exigeant de nos concitoyens comme de ceux du monde entier.
Question de solidarité, la nécessité de répondre à des malheurs qui ne nous sont plus jamais étrangers. Le flux médiatique mondialisé a créé une conscience planétaire qui nous oblige. Chaque malheur humain est un peu de notre responsabilité, une responsabilité à laquelle nous ne pouvons pas nous soustraire. C'est un progrès, c'est un devoir.
Question d'influence, ensuite. Etre capables d'intervenir partout dans le monde au nom de certains idéaux, c'est être fidèles à notre histoire, être à la hauteur des attentes que la France suscite à travers la planète. C'est aussi affirmer notre identité.
Question de sécurité, enfin, quand l'accélération prodigieuse des mouvements des hommes éparpille nos ressortissants sur la surface du globe. Aujourd'hui, pour les deux millions de Français qui vivent, travaillent ou voyagent à l'étranger, la sécurité nationale dépasse très largement les frontières de l'hexagone. Pour nous, cela implique une capacité de réaction aux crises profondément rénovée.
C'est pourquoi j'ai souhaité que nous repensions les moyens de ce ministère en la matière, avec deux objectifs : être mieux coordonnés; être plus ouverts aux partenariats.
Nous ne partons pas de zéro bien sûr. Qu'il s'agisse de la sécurité et de la protection consulaire de nos ressortissants à l'étranger, de notre contribution dans le domaine humanitaire, de notre implication dans les crises internationales politico-sécuritaires, les services de ce ministère n'ont pas à rougir. Et je tiens à rendre ici un hommage appuyé à tous les agents dont le dévouement et l'énergie sont admirables comme j'ai pu le constater encore à l'occasion des évènements au Tchad il y cinq mois.
Mais nous avions besoin d'un outil de coordination mieux structuré. Ne serait-ce que géographiquement, ce regroupement était devenu indispensable, certains agents impliqués dans la gestion d'une même crise étant jusqu'alors dispersés entre le Quai d'Orsay lui-même, des bureaux Boulevard Saint Germain, d'autres Boulevard des Invalides et j'en passe. Il leur fallait un lieu unique fonctionnant 24/24 h, 7 jours sur 7, doté des moyens de communication les plus modernes, proche du ministre et de son cabinet, ainsi que principales directions, et ouvert à tous nos partenaires : nationaux, européens, internationaux. C'est désormais le cas, comme vous pourrez le constater dans quelques instants.
Il y a vingt ans, secrétaire d'Etat chargé de l'Action humanitaire, j'avais créé la première cellule d'urgence du Quai d'Orsay. Elle est ensuite devenue délégation à l'Action humanitaire. En vingt ans, cette structure créée dans l'indifférence ou le scepticisme a largement contribué à définir et mettre en oeuvre une politique humanitaire française, en partenariat avec les ONG et le secteur associatif, les entreprises, les fondations et les collectivités territoriales.
Cette politique permet aujourd'hui à la France d'apporter des réponses aux catastrophes naturelles comme aux crises humanitaires durables. C'est elle qui permet à notre pays de réagir au Tsunami, aux crises africaines, du cyclone Nargis en Birmanie au tremblement de terre en Chine. C'est elle qui fait entendre la voix de la France dans toutes les enceintes européennes ou internationales qui débattent de l'action humanitaire.
Tout ceci, toute cette expérience, cette réflexion, ce savoir-faire accumulés, nous devons aujourd'hui nous en servir pour améliorer encore notre efficacité. Il ne s'agit pas, je le répète, de rompre avec le passé, mais d'insuffler une dynamique nouvelle.
Et cette dynamique concerne tous les types de crises, ou plus précisément toutes les dimensions d'une crise : car les effets de la mondialisation ici aussi se font sentir. Il est rare désormais qu'une crise soit purement humanitaire ou purement consulaire. Les derniers exemples le montrent clairement. Je ne dis pas bien sûr que la réponse doit être uniforme, on se travaille pas avec une ONG pour fournir une aide humanitaire d'urgence comme l'on s'occupe du rapatriement de ressortissants menacés - chacun sa culture, chacun ses méthodes - mais on peut, on doit, trouver des synergies, éviter les doublons, recherche une meilleure cohérence.
Dès mon arrivée au Quai d'Orsay, j'ai constaté que notre outil était perfectible. Effectifs trop peu nombreux, locaux insuffisants, coordination interne trop épisodique, duplication des procédures : tout ceci limitait nos capacités d'action. Il fallait renforcer nos équipes, rassembler les énergies et moderniser les équipements. Il fallait surtout donner une nouvelle dimension à cet outil, de manière à lui permettre de rayonner dans l'ensemble du ministère et d'enrichir véritablement notre diplomatie. C'est dans cet objectif que nous avons travaillé depuis un an, sur la base des conclusions d'un long travail de concertation qui avait été mené par le Centre d'Analyse et de Prévision du ministère, enrichies depuis par d'autres réflexions.
Le Livre blanc du ministère de la Défense qui vient d'être rendu public, le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne dont nous avons déjà le rapport d'étape et la Revue générale des politiques publiques se sont en effet penchés de manière convergente sur la nécessité pour la France de mieux réagir aux crises. Tous ces exercices ont abouti à la même proposition, celle d'une structure intégrée et stable, dotée d'un effectif suffisant et installée au sein de ce ministère.
Le projet auquel nous avons abouti est donc une synthèse de ces recommandations. Ce nouvel outil, je l'ai voulu simple et opérationnel.
Tout d'abord grâce à l'installation du Centre dans le coeur historique mais surtout fonctionnel du Quai d'Orsay, qui au-delà des raisons purement pratiques témoigne de notre volonté de souligner symboliquement sa centralité.
Autre décision importante : son rattachement au secrétariat général du ministère. Derrière ce choix, il s'agit avant tout de marquer la transversalité de la gestion des crises et de prendre acte de sa place nouvelle au sein de notre outil diplomatique. Non plus seulement un outil d'extrême urgence que l'on oublie entre deux drames, mais bien une dimension majeure de notre action extérieure, dont les préoccupations et les savoir-faire doivent être intégrés à la plupart de nos stratégies, de court comme de long-terme.
Dans le même temps, j'ai souhaité que se développe plus encore une indispensable culture humanitaire au sein de l'administration. C'est pourquoi nous avons choisi de nous appuyer sur ceux qui avaient d'ores et déjà acquis cette culture : les agents de l'ancienne délégation à l'Action humanitaire, que nous souhaitons voir prendre toute leur place au sein du nouveau dispositif. Nous avons choisi de sauvegarder une ligne budgétaire spécifique à l'action humanitaire. Au-delà de l'affichage administratif, il s'agit bien de marquer l'identité et la pérennité de cette mission originale du ministère.
Nous aurons désormais dans ce nouveau Centre de crise, une équipe d'environ 50 personnes spécialisées dans la gestion des crises humanitaires et consulaires à l'étranger. Majoritairement issues de la délégation à l'Action humanitaire et de la direction des Français à l'étranger et des Etrangers en France, elles sauront faire vivre l'expérience acquise ces dernières années et maintenir les contacts noués avec l'ensemble de leurs correspondants et partenaires.
Leur action sera orientée autour de trois priorités.
Premièrement, l'alerte précoce.
Une équipe spécialisée assurera une veille en continu, 7 jour sur 7 et 24 heures sur 24. Installée dans le centre de situation, elle centralisera l'ensemble des informations sur les événements à l'étranger susceptibles d'avoir une incidence sur la sécurité de nos ressortissants ou d'imposer une action humanitaire d'urgence. Elle s'appuiera naturellement sur les analyses des directions du ministère et de nos postes à l'étranger, le Centre de crise demeurant à leur service. Mais elle travaillera également en réseau avec l'ensemble des centres de situations des administrations françaises et européennes, ainsi qu'avec tous nos partenaires de terrain.
Seconde priorité, la réactivité opérationnelle.
La salle de gestion de crise saura répondre à tout moment à une ou plusieurs crises simultanées de grande ampleur. Elle sera dès lors à la disposition de la cellule interministérielle de crise, dirigée par mon cabinet, et disposera de tous les leviers nécessaires pour intervenir.
Troisième priorité, le partenariat avec les acteurs humanitaires.
En liaison avec les autres services compétents du ministère, le Centre de crise aura pour tâche de développer ce partenariat de manière à élaborer et adapter en permanence la politique humanitaire que nous voulons défendre dans les différentes enceintes internationales.
A ce sujet, la réflexion doit encore se poursuivre sur un dispositif d'appui à la sortie de crise qui permettra de couvrir l'ensemble des interventions, depuis la prévention des crises jusqu'à la reconstruction. Nous devrons conjuguer nos efforts en ce sens avec les ONG humanitaires - que nous continuerons à appuyer à travers le Fonds d'urgence humanitaire - ainsi qu'avec les acteurs de l'aide au développement.
A terme, il s'agira d'être capable de penser et d'agir dans un continuum urgence humanitaire - gestion de la sortie de crise - développement de long terme. Un continuum incarné par une procédure simplifiée pour nos partenaires, notamment les ONG : ce doit être désormais à l'administration qu'il revient de savoir de quel service relève telle ou telle demande ; ce doit être à l'administration de s'adapter aux besoins et aux logiques des usagers, non l'inverse. J'ai demandé que l'on y travaille activement.
Derrière cette réforme, et comme une ambition de l'ensemble du nouveau dispositif de réaction aux crises, il y a la volonté de repenser nos liens avec les acteurs non-gouvernementaux. Dans la gestion de crise comme dans l'ensemble de nos politiques, leur apport est désormais déterminant. Et notre dialogue quotidien. Mais c'est une réalité qui, pour des raisons culturelles, historiques ou tout simplement humaines, a encore du mal à s'imposer comme un fait durable, structurel, indispensable. La collaboration avec ces acteurs est le plus souvent vécue comme un aléa temporaire, un hasard, un accident.
C'est une réalité qui doit changer. Nous avons désormais besoin de ces compétences et de ces intelligences qui nous apportent leur créativité, leur réactivité et leur audace. Je souhaite que ce Centre soit l'occasion d'entamer un dialogue durable sur des bases nouvelles.
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Nous travaillons ensemble chaque jour. Je souhaite que ce nouveau Centre de gestion de crise nous permette de faire plus et de faire mieux.
Je tiens ici à rendre hommage à tous ceux qui, à Paris et sur le terrain, apportent leur concours à la mise en oeuvre de notre action humanitaire, sans laquelle la voix et l'image de la France ne seraient pas ce qu'elles sont. A tous ceux aussi qui contribuent avec tant d'efficacité à la protection et à l'évacuation de nos compatriotes. Aux forces armées et aux équipes de la sécurité civile. Aux ONG qui interviennent au bénéfice des populations frappées par des catastrophes.
Je tiens également à remercier Louise Avon, déléguée à l'Action humanitaire, Patrick Lachaussee, sous-directeur de la Sécurité des personnes, ainsi que leurs équipes, pour leur engagement quotidien et total dans la gestion des crises.
Je voudrais remercier enfin les personnels du ministère qui ont oeuvré à la mise en place du nouveau Centre de crise dans des délais records. A la nécessité d'améliorer notre outil s'est en effet ajoutée la perspective de la Présidence française de l'Union européenne, qui rendait plus que jamais nécessaire de disposer de cet outil pour le début de l'été. Un outil efficace qui nous permettra dès demain d'interagir en temps réel avec nos vingt-six partenaires et avec les autorités européennes de Bruxelles.
Je souhaiterais d'ailleurs, à ce sujet, dire un dernier mot sur la concertation entre Européens. Cette concertation est désormais indispensable, aussi bien pour des raisons de cohérence politique que d'efficacité sur le terrain. C'est pourquoi notre présidence s'attachera à approfondir cette cohérence, en particulier à travers le concept d'Etat pilote en matière de crise consulaire. Nous avons déjà organisé en juin un exercice avec nos partenaires européens qui simulait un acte de piraterie contre un bateau de tourisme au Mexique.
Plus largement, nous travaillerons à un renforcement de la capacité de réponse de l'Union européenne aux catastrophes, qu'elles surviennent sur le territoire européen ou en pays tiers. Notre objectif est de rendre l'échelon européen de réponse aux catastrophes et aux crises plus visible et mieux coordonné.
Ici encore, nous formons donc de vraies ambitions, dont ce Centre n'est qu'une manifestation. L'essentiel demeure notre détermination collective.
A vous toutes et à vous tous, j'adresse donc tous mes remerciements pour cette étape que nous franchissons ensemble. Et j'adresse également tous mes encouragements aux personnels qui vont tenir ce Centre dans des moments forcément difficiles.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 juillet 2008