Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, sur les grandes lignes du projet de loi de modernisation de l'économie portant notamment sur la création d'entreprise et le statut de l'auto-entrepreneur, l'attractivité de l'économie, la distribution du livret A, au Sénat le 30 juin 2008.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation de la loi de modernisation de l'économie au Sénat, Paris le 30 juin 2008

Texte intégral

Monsieur le président,
Madame le ministre,
Messieurs les ministres,
Monsieur le président de la Commission spéciale,
Monsieur le vice-président,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,

Croissance et plein emploi : c'est pour atteindre ces deux objectifs, en réformant profondément la France, qu'une large majorité de nos concitoyens a élu Nicolas Sarkozy président de la République. Sous l'autorité du Premier ministre, le gouvernement se consacre à cette tâche depuis un an. Beaucoup de travail a déjà été accompli : la France est en mouvement : même le FMI le reconnaît, intitulant son rapport annuel « France is on the move ». De grands chantiers sont encore devant nous pour les quatre ans à venir. Aujourd'hui, ce projet de loi de modernisation de l'économie, sur lequel nous travaillons depuis plus de 10 mois, engage d'importantes réformes de structure, et consolide le socle de notre stratégie économique.
Comme l'Allemagne dans les années 2000, comme les États-Unis dans les années 90, comme l'Espagne dans les années 80, la France entreprend aujourd'hui de moderniser son économie. Il était temps : dans un monde en croissance perpétuelle, ne pas avancer, c'est se condamner à reculer. Ainsi, selon le FMI, la France était encore 10e dans le monde en 1985 en termes de PIB par habitant, et seulement 21e vingt ans plus tard.
Nous connaissons tous la volonté, l'énergie, les talents de nos concitoyens, ce « génie français » qui a bien souvent étonné le monde. Ce potentiel, il faut maintenant en faire une réalité économique. Car nous voulons donner à la France et aux Français le visage heureux d'une « nouvelle croissance », pour reprendre l'expression du Premier ministre dans son discours de politique générale.
L'été dernier, nous avons pris des mesures d'urgence pour le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. Elles ont commencé à porter leurs fruits, si j'en crois les chiffres de créations d'emploi (+ 352 000 l'année dernière) ; la baisse continue du taux de chômage, qui devrait se poursuivre cette année ; ou la progression régulière des heures supplémentaires depuis 7 mois, qui ont été utilisées par 54 % des entreprises en mars 2008.
Certes, le contexte international est difficile, mais pas tragique : il n'est plus question de récession aux États-Unis, pour lesquels le FMI vient de réviser sa prévision de croissance à plus de 1 %. Notre économie résiste bien. J'aimerais vous rappeler trois bonnes nouvelles, qui ne constituent bien sûr pas une preuve définitive, mais un bon signe qui s'ajoute aux autres, et qui ne peuvent que nous encourager dans notre volonté de poursuivre plus avant les réformes voulues par le président de la République et le Premier ministre :
- première bonne nouvelle, le nombre de créations d'emplois salariés des secteurs marchands au 1er trimestre 2008 a été sensiblement revu à la hausse il y a une dizaine de jours, ce qui porte le nombre total d'emplois créés au premier trimestre à + 70 700. Le rythme historique de l'année dernière est donc maintenu.
- deuxième bonne nouvelle, que nous avons apprise la semaine dernière : la consommation de produits manufacturés par les ménages a augmenté de 2 % en mai, selon l'Insee.
- troisième bonne nouvelle, le crédit aux entreprises demeure très dynamique : sur les douze derniers mois, il augmente de 15,5 % en avril, après +15,4 % en mars. Les établissements bancaires continuent à prêter aisément parce que nos entreprises sont solvables et continuent d'investir.
Je pense donc que, timidement, le cercle vertueux de l'activité et de la consommation s'est mis en marche. Naturellement, je ne me satisfais pas de ces seuls résultats. La politique économique a toute sa place quand des vents contraires se lèvent : elle doit faire en sorte que, grâce à des réformes structurelles, notre vaisseau national soit prêt à repartir vite et bien à la moindre amélioration du contexte international.
C'est le sens de notre projet de loi de modernisation de l'économie, qui répond à la lettre de mission que m'ont adressée le président de la République et le Premier ministre, en me demandant de « lever les contraintes qui empêchent certains secteurs de se développer, de créer des emplois et de faire baisser les prix ». Ce projet contient des mesures de fond, des mesures structurelles ; des mesures courageuses mais peu coûteuses : selon nos dernières estimations, ce texte engage 450 M euros par an de dépenses nouvelles dans le budget de l'État. Il vise deux objectifs essentiels : plus d'entreprises et plus de concurrence, pour trois résultats concrets : plus de croissance, plus d'emplois, et plus de pouvoir d'achat.
Plus d'entreprises, plus de concurrence : voilà nos objectifs. Avec le président de la République, avec le Premier ministre, avec les secrétaires d'État qui sont présents à mes côtés aujourd'hui, Anne-Marie Idrac, Luc Chatel, Hervé Novelli et Éric Besson, nous sommes déterminés à faire souffler un vent de liberté sur notre économie. La liberté, c'est une idée que vous avez toujours défendue dans cette Chambre haute, à droite comme à gauche ; je sais que je peux vous faire confiance pour donner à ce texte la portée qu'il mérite.
Plus de concurrence et moins de blocages, cela signifie aussi : moins de surcoûts pesant in fine sur le consommateur. Pouvons-nous accepter aujourd'hui que l'ensemble de notre système de distribution commerciale soit organisé de telle manière que les yaourts, les boissons gazeuses ou les pâtes à tartiner soient moins chers pour un Allemand, un Espagnol ou un Néerlandais que pour un Français ?
Notre projet de loi s'articule autour de trois principes : croissance, liberté, équilibre. Car il n'y a pas de croissance durable sans la liberté pour chacun de créer et d'entreprendre ; et il n'y a pas de liberté acceptable sans une régulation permettant l'équilibre entre droits et devoirs.
L'équilibre, il se situe d'abord entre le titre II du projet de loi consacré à la concurrence, qui va demander des efforts à chacun, et le titre I consacré aux entreprises, qui va donner à tous de nouveaux ressorts pour avancer. L'équilibre se situe également au sein de chacun des titres, entre liberté de négociation et transparence, entre implantation facilitée et renforcement de l'autorité du régulateur.
Enfin, les titres III et IV, consacrés à l'attractivité et au financement de l'économie, permettront d'assurer l'équilibre des différentes forces économiques, que ce soit sur le plan international, national ou territorial.
Moderniser l'économie, c'est, en un sens, la rendre à ceux qui la font.
L'ambition qui nous mobilise tous depuis plus de 10 mois autour de ce projet de loi s'incarne en plusieurs temps, quatre temps pour être précise :
Il y eut le premier temps, celui des experts.
Il y eut le second temps, celui du débat, et vous avez su prouver que la coproduction se concilie fort bien avec le bicamérisme. Je tiens à remercier Gérard Larcher pour avoir su mener nos discussions avec tant d'énergie, d'habileté et de bonne humeur.
Il y a maintenant le troisième temps, celui de la décision : après l'examen de 1 600 amendements, deux semaines de débats, et huit nuits passées dans l'Hémicycle, les députés ont finalement voté ce projet de loi à une très large majorité, puisqu'il a remporté 323 voix. Ils l'ont considérablement enrichi, puisque le nombre d'articles a presque triplé ! Cela rend plus nécessaire que jamais votre examen, Mesdames et Messieurs les sénateurs, car je suis persuadée, contrairement à l'adage, que le mieux peut être l'ami du bien. Je compte sur la sagesse et la rigueur auxquelles vous nous avez habitués pour améliorer ce texte autant que possible, au service de la croissance, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
Sachez que le gouvernement est sensible au fait que vous ayez créé pour l'occasion une Commission spéciale, réunissant des sensibilités et des spécialités variées, et que vous ayez mené vos auditions à un rythme soutenu depuis le 26 mars dernier, puisqu'on en compte pas moins de 93 ! Je sais quelle énergie les trois Rapporteurs, Laurent Béteille, Elisabeth Lamure et Philippe Marini y ont consacré. Cela va nous permettre non seulement d'améliorer notre texte, mais aussi d'accélérer son application : je sais que vous proposez d'intégrer directement certains projets d'ordonnance sous la forme d'amendements, en ce qui concerne notamment l'Autorité de la Concurrence, la Fiducie ou la réforme de incapacités commerciales.
Et il y aura demain le quatrième temps, celui de la mise en oeuvre - ce que les députés ont déjà appelé, avec le sens de la formule que nous leur connaissons : une postproduction. Pour que la future loi de modernisation de l'économie rencontre l'écho qu'elle mérite et soit pleinement appliquée, je vous propose de mettre en place des instances de suivi où les parlementaires auront toute leur place. De plus, je m'engage à ce que la plupart, sinon la totalité des décrets soient pris avant la fin de l'année : la loi de modernisation de l'économie devra être pleinement opérationnelle au 1er janvier 2009.
Aujourd'hui, je pourrais résumer notre projet en quelques chiffres : 30 mesures ; au moins +0,3 % de croissance par an à partir de 2009, soit approximativement 6 Md euros de richesses supplémentaires pour la France ; et 50 000 emplois supplémentaires par an ; pour un coût de 450 M euros.
J'aimerais vous présenter à présent dans le détail les quatre grands titres de notre projet de loi : encourager les entrepreneurs, relancer la concurrence, renforcer l'attractivité de notre économie, et améliorer son financement.
Titre 1 : mobiliser les entrepreneurs
Ce titre concerne donc toutes les étapes de la vie de l'entrepreneur : (1) la création d'entreprise, (2) le fonctionnement de l'entreprise, (3) la transmission de l'entreprise.
(1) Cinq mesures phares pour la création d'entreprise :
- Première mesure : créer un statut de l'auto-entrepreneur [ articles 1 et 3 ]. Un tiers des Français et deux tiers des jeunes se disent prêts à créer un jour leur propre entreprise. Ils n'ont pas attendu que le gouvernement les y encourage pour passer à l'acte : 140 000 entreprises ont été créées depuis le début de l'année, soit 10 % de plus que l'année dernière sur la même période.
Il existe donc une véritable demande sociale à laquelle répond le statut de l'entrepreneur individuel, en simplifiant les démarches et en allégeant la fiscalité. Celui qui veut vendre des souvenirs, concevoir des sites internet, fabriquer des bijoux fantaisie ou donner des cours particuliers, aura pour seule formalité un document à remplir, sur internet, afin de déclarer son activité. La loi supprime toute obligation d'immatriculation pour les petites activités indépendantes, et notamment celles effectuées en cumul d'un salaire, d'une retraite, ou d'un travail dans la Fonction publique. De plus, chaque entrepreneur individuel pourra s'acquitter en une fois de ses impôts et cotisations sociales en payant en tout et pour tout 13 % (pour les activités de commerce) ou 23 % (pour les activités de services) d'impôts, libératoires des prélèvements sociaux et fiscaux. Je pense que ce statut simple, fiscalement avantageux, peut fournir le même tremplin à tous ceux qui veulent entreprendre que celui mis en place pour les associations par la loi de 1901.
Vous avez sans doute reçu un spécimen du « kit de l'auto-entrepreneur » mis au point par Hervé Novelli, dont la version définitive, si vous votez ce texte, sera largement diffusée auprès du grand public.
L'Assemblée nationale a tout d'abord relevé le seuil de la micro entreprise à 80 000 euros pour les activités commerciales et à 32 000 euros pour les activités de service, et les a indexés pour l'avenir sur l'évolution du barème de l'impôt sur le revenu. D'autre part, les députés nous ont autorisés à étendre sans délai la Fiducie aux personnes physiques, et en particulier aux commerçants et aux artisans qui n'ont pas créé de société.
Je me réjouis également que la Commission des Lois du Sénat ait imaginé de nouvelles mesures de simplification du statut de l'entrepreneur individuel, comme la généralisation de la dispense d'immatriculation en-dessous de certains seuils de chiffres d'affaires, ou de nouvelles simplifications pour les entreprises unipersonnelles.
- Deuxième mesure : renforcer la protection du patrimoine personnel de l'entrepreneur [ article 5 ]. L'insaisissabilité, qui existe déjà pour la résidence principale, est élargie à tous ses biens fonciers bâtis et non bâtis non affectés à l'usage professionnel. Quelles que soient les difficultés financières, l'entrepreneur individuel conserve ses biens immobiliers.
- Troisième mesure : faciliter l'utilisation du local d'habitation comme local professionnel [ article 4 ], en supprimant l'obligation d'autorisation préfectorale pour les rez-de-chaussée. L'Assemblée nationale avait souhaité substituer la responsabilité du maire à celle du préfet : peut-être faudrait-il aller plus loin, et supprimer totalement le régime d'autorisation.
- Quatrième mesure : créer un cadre fiscal favorable aux sociétés en amorçage [ article 9 ], en permettant aux petites sociétés de capitaux d'opter pour le régime des sociétés de personnes. Ainsi, l'entrepreneur pourra imputer d'éventuelles premières pertes sur son impôt sur le revenu.
- Cinquième mesure : réformer le système des sanctions commerciales [ article 18 ], en laissant la décision sur l'incapacité à l'appréciation du juge, au cas par cas : il ne faut pas automatiquement dénier à celui qui a purgé une peine, la possibilité de créer une nouvelle entreprise.
(2) Voilà pour la création. Maintenant, pour améliorer le fonctionnement de l'entreprise, nous proposons :
- la réduction des délais de paiement. [ article 6 ] C'est un sujet majeur pour la vie des entreprises, dont les parlementaires se sont fait depuis longtemps l'écho. Quel est le problème ? Aujourd'hui, les délais de paiement sont nettement supérieurs à la moyenne européenne (67 contre 57 jours). Nous proposons de les ramener à 60 jours. Les PME pourront ainsi améliorer leur fond de roulement ; et des accords secteur par secteur permettront de réduire encore davantage ces délais. L'État a pour sa part déjà montré l'exemple, en réduisant par décret ses délais de paiement à 30 jours.
- la prolongation jusqu'au 1er juillet 2010 du tarif réglementé transitoire d'ajustement au marché pour l'électricité, dit Tartam. L'Assemblée nationale a proposé d'intégrer cette mesure au projet de loi, afin de rendre moins brutal pour les entreprises l'ouverture du marché de l'électricité.
- l'élimination des conséquences financières brutales à l'occasion du passage des seuils de 10 à 20 salariés.
(3) La reprise et la transmission d'entreprises doivent être facilitées. [ articles 15 et 16 ]
Ceci est d'autant plus important que nous savons que 700 000 entreprises doivent changer de mains dans les 10 prochaines années.
- Les droits de mutation à titre onéreux des cessions de droits et des mutations de fonds de commerce seront abaissés de 5 % à 3 %. De plus, si le repreneur doit s'endetter pour réaliser son opération : nous proposons d'élargir le mécanisme de réduction d'impôt au titre des intérêts d'emprunt pour les repreneurs d'entreprise.
- Les transmissions d'entreprise à la famille ou aux salariés seront totalement exonérées de droit de mutation à titre onéreux jusqu'à 300 000 euros. L'Assemblée nationale a transformé ce seuil en abattement, ce qui rend le dispositif plus progressif, et donc plus juste.
Titre 2 : dynamiser la concurrence
La concurrence est le moyen le plus naturel et le plus sain d'agir sur les prix, dans une économie de marché, par opposition à une économie administrée. Renforcer la concurrence suppose de trouver un équilibre entre assouplir les conditions de négociation des prix, augmenter le nombre d'acteurs présents sur le marché, et lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. Il n'est pas normal que certains produits de base - je pense à une boisson gazeuse composée de cola ou à une pâte à tartiner au chocolat et noisettes - coûtent jusqu'à deux fois moins cher lorsqu'on franchit la frontière entre la France et l'Allemagne.
Sur ce titre particulièrement important et novateur, défendu avec talent par Luc Chatel, l'Assemblée nationale est parvenue à un compromis qui me semble raisonnable, et que j'aimerais vous présenter ici. J'espère que cet équilibre pourra être conservé. Tout l'enjeu est de ménager à la fois (1) la liberté des commerçants, petits ou grands, et (2) la régulation nécessaire à l'équilibre du tissu commercial dans notre pays.
(1) Côté liberté, nous proposons [ article 27 ] de supprimer le critère de densité commerciale par zone de chalandise, qui est contraire à l'article 14 de la directive services, et de relever le seuil d'autorisation des surfaces commerciales de 300 à 1 000 m2, tout en maintenant pour les autres une procédure d'autorisation collégiale, dans laquelle le rôle des élus se trouvera renforcé, puisqu'ils détiendront la majorité des sièges au sein des CDAC. Il n'est pas acceptable qu'aujourd'hui, les quatre premières enseignes de distribution détiennent plus de la moitié des parts de marché. Ce que nous voulons à travers cette mesure, c'est donner le choix au consommateur entre différents modes de distribution, et davantage d'opérateurs, pour lui permettre d'acheter là où les produits sont les moins chers, et pour inciter les distributeurs à baisser leurs prix. Car dans la guerre des prix, le grand gagnant, c'est toujours le consommateur.
L'Assemblée nationale a voté cette disposition, et ouvert la possibilité pour les maires des communes de moins de 15 000 habitants de saisir la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) pour les projets compris entre 300 et 1 000 m², afin de mieux tenir compte des spécificités locales.
Nous avons également établi le principe de libre négociation des prix entre producteurs et fournisseurs, en mettant fin au système désuet des marges arrière. [ articles 21 et 22 ] Nous rejoignons ainsi les pratiques de tous les pays développés : Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande, Suède, États-Unis... tout en assurant la loyauté des négociations de prix : les députés ont exigé que la convention annuelle reprenne bien l'ensemble des obligations qui auront été convenues dans le cadre de la négociation tarifaire.
Pour ce qui est des petits commerçants, l'augmentation du Fisac de 20 % leur permettra de trouver le ressort nécessaire pour affronter cette nouvelle concurrence. Nous allons également [ article 24 ] autoriser tous les commerçants, petits et grands, à pratiquer deux semaines complémentaires de soldes par an, à des dates qu'ils choisiront librement, tout en réduisant d'une semaine les deux périodes officielles.
(2) Côté régulation, le texte propose la création d'une Autorité de la concurrence aux compétences élargies. [ article 23 ] Il ne sert à rien d'édicter des lois en faveur de la concurrence si elles ne sont pas pleinement respectées. Elle aura pour mission d'examiner tous les projets de concentrations et, comme aujourd'hui, les pratiques anticoncurrentielles. Elle disposera de ses propres enquêteurs, détachés auprès d'elle, et non plus mis à disposition, pour mieux rechercher et sanctionner les abus.
L'Assemblée nationale a souhaité aller plus loin, et mieux surveiller les trois principaux dysfonctionnements du marché : nous ne laisserons pas s'installer la loi du plus fort dans les négociations.
- les abus de situation dominante, qui augmentent les prix sans raison, pourront être dénoncés par les maires devant l'Autorité de la concurrence, laquelle pourra, quand les premières sanctions n'auront pas été suivies d'effet, prononcer des mesures structurelles allant jusqu'à la cession du magasin concerné,
- les pratiques commerciales déloyales vis-à-vis des consommateurs seront plus fermement sanctionnées, notamment en reprenant dans le code de la consommation, conformément aux exigences européennes, la liste des 31 pratiques qui doivent être regardées comme déloyales en toutes circonstances.
- les clauses abusives pourront être plus facilement combattues, en instituant un double régime de clauses abusives, à savoir une liste des clauses « grises » (présumées abusives) et des clauses « noires » (regardées, de manière irréfragable, comme abusives).
De plus, les députés ont souhaité que les maires aient un droit de préemption renforcé sur certaines zones commerciales. Le gouvernement s'est également engagé à intégrer les règles de l'urbanisme commercial dans le code de l'urbanisme, et nous sommes très ouverts aux propositions du Sénat en ce sens.
Titre 3 : renforcer l'attractivité de l'économie
[ article 29 ] Renforcer l'attractivité du territoire, cela suppose d'abord de le moderniser. La France est connue pour son avant-gardisme en matière technologique. Nous avons été parmi les premiers pays à nous doter d'un réseau téléphonique national dans les années 70. Nous avons inventé le minitel. Nous avons des lignes de train à grande vitesse admirées dans le monde entier. Aujourd'hui, avec Eric Besson et Luc Chatel, nous voulons gagner le pari du Très haut débit en étendant l'usage de la fibre optique : je souhaite qu'en 2012, au moins 4 millions de ménages puissent bénéficier de la télévision haute définition, de la téléassistance à domicile pour les personnes âgées, de l'e-enseignement, du web 2.0, etc.
Notre projet de loi généralise donc le pré-câblage des immeubles neufs et facilite le raccordement des immeubles existants, en incitant les opérateurs à prendre à leurs frais le coût du câblage, et en réalisant dans les immeubles un réseau unique de fibre optique ouvert à tous les opérateurs.
Mais il ne sert à rien d'avoir accès au très haut débit quand on n'a pas les moyens de s'offrir ce qui est devenu une nécessité dans notre société, à savoir un téléphone portable. C'est pourquoi l'Assemblée nationale a voté l'instauration d'un tarif social pour le téléphone mobile. Nous réunirons les différents opérateurs, dont beaucoup nous ont déjà témoigné leur bonne volonté, afin d'aboutir avec eux à une convention précise en termes de tarifs et de niveau de service, et de leur permettre d'utiliser un label "offre sociale".
Être attractif, c'est aussi pouvoir attirer des talents et des financements.
[ articles 31 et 32 ] Pour attirer les talents, nous prévoyons d'une part d'assouplir le régime des impatriés, en étendant ce statut à tous les recrutements directs de salariés à l'étranger ; et, d'autre part, de faciliter la délivrance d'un titre de résident pour les cadres étrangers de haut niveau. Les députés ont complété très logiquement cette mesure par une exemption de certaines cotisations d'assurance vieillesse pour les salariés étrangers venant en France dans le cadre d'une mobilité temporaire, et qui adhérent chez eux à des régimes de retraite.
[ article 37 ] Enfin, la création de « fonds de dotation » permettra d'attirer des financements privés pour des missions d'intérêt général, telles que les laboratoires de recherche, les hôpitaux, les bibliothèques ou les musées. Nous espérons qu'il connaîtra le même succès que les fondations pour les universités : depuis que la loi sur l'autonomie des universités a été votée, la fondation de la Toulouse School of Economics a ainsi pu lever 33 M euros de fonds, preuve qu'il existe de la part des entreprises une véritable volonté de mettre de l'argent au service de l'intérêt général !
Titre 4 : améliorer le financement de l'économie
Améliorer le financement de l'économie, cela mobilise deux circuits : (1) le circuit interne, pour mieux gérer l'épargne disponible, et (2) le circuit international, pour attirer des capitaux.
(1) Le circuit interne
[ articles 39 et 40 ] Nous proposons de généraliser à toutes les banques la possibilité de distribuer le livret A, qui devrait donc être disponible dans 40 000 agences bancaires au lieu de 22 000 aujourd'hui.
En effet, peut-on continuer à accepter que le produit d'épargne préféré des Français ne soit disponible que dans trois établissements bancaires ? Désormais, chacun pourra ouvrir un compte d'épargne défiscalisé dans sa banque, ce qui améliorera à l'autre bout de la chaîne le financement - déjà très dynamique - du logement social. Je n'ai pas l'intention de faire le moindre cadeau aux banques : au contraire, ce que propose le gouvernement, c'est de prendre aux banques pour donner au logement social. La commission qu'elles perçoivent pour la collecte sera réduite de près de moitié, ce qui permettra de dégager des économies supplémentaires pour la construction de logements sociaux.
L'Assemblée nationale a choisi de renforcer l'obligation pour les banques d'utiliser les ressources du livret A et du livret de développement durable qui ne sont pas centralisées à la CDC pour financer les PME. Mais nous avons bien précisé dans la loi que l'épargne collectée sur le livret A restera utilisée en priorité pour le financement du logement social et de la politique de la ville.
L'Assemblée a également renforcé le droit opposable au compte qui existait déjà mais dont l'application aujourd'hui, grâce aux nouvelles dispositions de la loi, revêtira toute sa portée. Demain, un consommateur ne pourra plus sortir d'une agence bancaire sans s'être vu ouvrir un compte ou être au moins entré dans une procédure de « droit au compte en 24h ».
[ article 41 ] Une réforme mesurée de la Caisse des dépôts et consignations me paraît essentielle non seulement pour améliorer le circuit de financement du logement social, mais au-delà pour renforcer la participation de cette institution publique à notre économie. Nous allons donc préciser le rôle de la Caisse des dépôts comme investisseur de long terme au service du développement des entreprises, et moderniser sa gouvernance, quasi inchangée depuis 1816 - sans remettre en cause le contrôle du Parlement sur cette institution, qui pour « vénérable » n'en doit pas moins se moderniser.
(2) Le circuit international
[ article 42 ] Nous voulons moderniser encore la place financière française, dans le droit fil du travail d'amélioration de l'attractivité entrepris depuis près d'un an, avec notamment la suppression de l'impôt de Bourse votée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2007. Nous mettons aujourd'hui en oeuvre les mesures préparées dans le cadre du Haut comité de Place que j'ai mis en place. C'est le moment ou jamais de faire de Paris la place de cotation en bourse de référence de la zone euro.
L'enjeu principal qui est devant nous, c'est de simplifier notre réglementation et de la rendre plus conforme aux standards internationaux connus des investisseurs. C'est pourquoi j'ai souhaité engager avec ce projet de loi une réforme en profondeur de la notion historique qui fonde notre droit financier : l'appel public à l'épargne. Il faut nous adapter pour que notre longue tradition financière ne devienne pas un handicap. C'est ainsi que nous pourrons attirer les capitaux de pays comme la Chine ou le Brésil.
Dans la même optique, je vous propose également d'habiliter le gouvernement à moderniser par ordonnance le cadre juridique de la gestion d'actifs, afin de faciliter l'exportation de fonds d'investissement depuis la France. Concrètement, nous allons simplifier les règles de fonctionnement des fonds qui sont réservés aux investisseurs avertis, en laissant davantage de place à la liberté contractuelle.. Notre pays est aujourd'hui leader européen de la gestion d'actifs : ne nous endormons pas sur nos lauriers.
L'Assemblée nationale a proposé de renforcer le contrôle interne des banques, afin d'empêcher que ne se reproduisent des défaillances comme celles que la Société Générale a connues. Elle a également adopté un amendement qui habilite le gouvernement à transposer par ordonnance la directive européenne anti-blanchiment, ce qui va nous permettre de rejoindre rapidement les standards européens en matière de lutte contre l'argent sale.
Voilà donc, Mesdames et Messieurs les sénateurs, les 30 principales mesures de notre loi de modernisation de l'économie, qui correspondent aux engagements pris par le président de la République devant les Français. C'est une loi courageuse, qui examine sans tabous les problèmes structurels de l'économie française. Courageuse, mais peu coûteuse, comme je le disais en introduction, puisqu'elle se chiffre à 450 M euros en année pleine (d'ici 2011).
Comment se décompose ce chiffre ? Sur les 300 M euros du projet de loi initialement présenté à l'Assemblée nationale, 100 vont à la baisse des droits de mutation, 60 au gel des seuils financiers, 60 aux sociétés en amorçage à responsabilité limitée, et 60 au prélèvement fiscal et social de l'auto-entrepreneur. Les amendements de l'Assemblée nationale ont ajouté à cela environ 150 M euros, soit 125 consacré au relèvement et à l'indexation du seuil micro, et 25 à la transformation, pour les droits de mutation, du seuil de 300 000 euros en abattement.
Cet argent est un argent bien dépensé, car cette loi va simplifier la vie de tous nos concitoyens.
Elle va simplifier la vie des entrepreneurs, qui auront moins de formalités à remplir, et plus de possibilités pour se développer.
Elle va simplifier la vie des consommateurs, qui auront davantage de choix entre des magasins différents, car ceux-ci pourront s'installer plus librement et négocier leurs prix.
Elle va simplifier la vie des petits fournisseurs, qui seront mieux protégés des pratiques abusives.
Elle va simplifier la vie des petits commerçants, qui bénéficieront des allégements de la TACA, des aides du FISAC, ou de la réforme des baux commerciaux.
Mais au-delà, cette loi va changer la vie quotidienne de tous les Français : ils pourront facilement lancer une activité indépendante, grâce au statut de l'auto-entrepreneur ; ils profiteront plus souvent des semaines de soldes ; ils bénéficieront d'un accès de plus en plus fréquent au très haut débit ; ils se verront proposer un livret A dans leur banque habituelle...
Pour s'en convaincre, il suffit d'aller visiter le site www.modernisationeconomie.fr. En cliquant sur le dessin de la "rue des potentiels", vous trouverez tout ce qui va changer dans une rue, qui pourrait être la rue de n'importe quelle ville ou village de la France.
Ce projet de loi de modernisation de l'économie consolide le socle de notre stratégie économique. Celle-ci vise essentiellement, vous l'aurez compris, là où il y avait des blocages et de la pesanteur, à offrir un véritable tremplin à tous ceux qui ont l'envie d'entreprendre, le goût du risque, le sens de la compétition. L'été dernier, la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat a permis, en anticipant les effets de la crise internationale, de redistribuer du pouvoir d'achat aux nombreux Français qui veulent travailler plus : les heures supplémentaires sont aujourd'hui utilisées par 6 entreprises sur 10, selon les derniers chiffres pour le mois de mars 2008. Demain, la loi de modernisation de l'économie permettra de libérer de nouvelles énergies et d'actionner les forces de la concurrence.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 2 juillet 2008