Texte intégral
Madame le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
C'est pour moi un honneur et un plaisir de m'adresser aux membres de la Commission IMCO. J'ai conscience de l'excellente coopération établie pendant les présidences précédentes avec le Parlement européen, et avec cette commission en particulier. Je tiens à cet égard à saluer le travail remarquable effectué par les présidences slovène, portugaise et allemande. La volonté de la France sera de travailler tout au long de sa présidence en liaison étroite avec le Parlement, acteur majeur du processus de décision européen.
C'est aussi un sentiment d'humilité et de responsabilité qui m'anime. Mon rôle, comme celui de la Présidence française en général, sera d'être un "facilitateur", pour faire aboutir des sujets sensibles et complexes qui ont demandé des mois, parfois des années de travail. Le souhait de la Présidence est de valoriser le travail de tous, votre travail, pour lui faire prendre chair et pour que nous puissions dire aux européens "oui l'Europe travaille pour vous !", "Oui, nous avançons concrètement au service des consommateurs, de leur droits et de leur sécurité."
Si le "non" irlandais est un coup dur pour la construction européenne, il est cependant riche d'enseignements. Il nous rappelle la nécessité impérieuse de construire l'Europe par et pour les citoyens, de montrer aux européens les réponses concrètes que peut apporter l'Europe à leurs préoccupations quotidiennes. Pour cela, quel meilleur sujet que la consommation ?
L'Union européenne s'est construite par le façonnement d'un marché commun des biens, aujourd'hui des services. Et les études d'opinion réalisée par l'eurobaromètre nous montrent aujourd'hui que les citoyens européens, dans leur grande majorité, reconnaissent les bienfaits du marché commun ainsi que les vertus de la concurrence et de la liberté d'entreprendre, qui sont les fondamentaux d'un bon fonctionnement de l'économie de marché.
Mais pour autant, les citoyens sont très demandeurs de protections supplémentaires : la sécurité des produits, alimentaires ou non, la transparence dans l'information commerciale et l'affichage des prix, le souhait de voir une concurrence loyale s'appliquer sont des demandes fortes, partagées par l'ensemble des européens.
Cette notion de "protection" se déclinera doublement dans les travaux des 6 prochains mois. La protection, c'est d'abord la protection de l'intégrité physique de nos concitoyens, avec un travail important sur la sécurité des produits. La protection, c'est aussi la protection économique, la protection des droits et des libertés des consommateurs.
Soyons bien clairs : cette protection supplémentaire ne doit pas se faire au détriment de nos entreprises ou de la liberté économique ! Il n'y a pas d'antagonisme entre protection des consommateurs et prospérité économique.
Bien au contraire. La clé de la prospérité, c'est la confiance des consommateurs, et réglementer en matière de consommation est aussi une manière de récompenser les entreprises les plus vertueuses contre certains acteurs indélicats.
1. Sécurité des consommateurs
Les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux questions de sécurité. Avec les progrès techniques et l'amélioration matérielle et sanitaire globale connue depuis 50 ans, ils sont devenus très exigeants. Il leur paraît insupportable d'imaginer que la consommation, qui devrait être source de bien-être, de plaisir ou de confort puisse être une source de danger. Et face à la mondialisation, le consommateur européen exprime une inquiétude sourde mais bien réelle : d'où viennent les produits ? Comment ont-ils été conçus ? Avec quel respect de l'environnement et de la sécurité du consommateur ?
a) La révision de la directive jouets permettra d'apporter une première réponse concrète, sur des produits qui sont particulièrement sensibles, puisque par nature ils touchent les enfants et qu'ils sont majoritairement importés de pays n'ayant pas les mêmes normes et réglementations que l'Europe. Tout le monde a en tête les retraits massifs de jouets survenus l'été dernier.
La révision de la directive jouets permettra de mieux protéger les consommateurs et de responsabiliser davantage les opérateurs économiques tout au long de la chaîne commerciale. Le nouveau cadre juridique insistera en particulier sur les risques liés aux substances chimiques. Certaines seront interdites, d'autres, comme le plomb, verront leur utilisation davantage contrôlée.
Sur ce dossier, le Conseil soutient la Commission qui a pris beaucoup d'initiatives : Mme Kuneva s'est notamment déplacée en Chine, premier producteur mondial, pour y rencontrer les autorités chinoises et amorcer un dialogue. Elle travaille également à l'organisation d'une conférence tripartite Europe-Etats-Unis-Chine en novembre. L'instauration d'un dialogue est essentiel car les pays producteurs commencent à être sensibilisés à la question de la sécurité des jouets : ils sont conscients des risques liés à la dégradation de l'image d'un secteur qui pour eux est économiquement important.
b) La deuxième réponse en matière de sécurité des produits sera la révision de la directive Cosmétiques. Celle-ci sera remplacée par un règlement, qui poursuivra plusieurs objectifs : garantir un haut niveau de sécurité des produits mis sur le marché européen, éliminer les incertitudes juridiques, réduire le coût de la réglementation pour les entreprises. Par ailleurs, le nouveau règlement devrait permettre d'améliorer la surveillance de ce secteur. Le Conseil soutiendra en particulier la proposition actuelle de la Commission européenne qui prévoit le principe d'une interdiction des substances cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) dans les produits cosmétiques, avec des exceptions très strictement définies.
c) Troisième réponse sur la sécurité des produits : la poursuite des discussions sur le règlement relatif à l'information du consommateur sur les denrées alimentaires.
C'est un enjeu économique important pour les opérateurs, parce qu'il touche une gamme de produits très large. C'est aussi un enjeu sociétal, avec l'augmentation constante de l'obésité qui devient un véritable problème de santé publique. C'est enfin une manière de répondre à une attente précise des consommateurs, qui souhaitent être rassurés et mieux informés de ce qu'ils achètent.
Le règlement sera un vrai progrès en termes de simplification puisqu'il résultera de la fusion et de l'actualisation de huit textes sectoriels. Le nouveau texte devra à la fois maintenir l'acquis en matière d'étiquetage et renforcer l'information du consommateur. Il s'agira notamment d'obtenir une meilleure information sur l'origine géographique des produits et d'avoir en "face avant" des produits les informations nutritionnelles essentielles. D'une façon générale, la lisibilité des étiquetages sera améliorée.
d) Outre les textes existants ou à venir, l'Europe dispose également d'outils opérationnels pour assurer la sécurité des consommateurs. Le réseau d'alerte européen RAPEX (rapid exchange information system) est un exemple concret de ce qui peut bien fonctionner en Europe, au service des consommateurs. Vous le savez, il s'agit pour les autorités de contrôle des Etats membres d'adresser à la Commission européenne les informations qu'elles détiennent dès lors qu'elles ont identifié un produit susceptible de présenter un risque pour le consommateur et dont il est possible qu'il ait été commercialisé dans d'autres Etats. Dans le domaine non alimentaire, 1363 notifications d'alertes émanant du réseau d'alerte européen ont été gérées en 2007 soit une hausse de 50 % en un an. La diffusion rapide des notifications de risques présentés par les produits a permis le retrait du marché de ces produits et a amélioré très concrètement la sécurité des consommateurs en empêchant des accidents graves. Cet exemple montre combien le renforcement de la coopération entre Etats membres peut aboutir à des résultats concrets.
e) C'est cette même démarche que la Présidence appelle de ses voeux en matière de lutte contre le piratage et la contrefaçon. Dans la nouvelle ère industrielle, la richesse d'une nation ne dépend plus seulement de sa capacité à produire des biens. Elle dépend désormais de sa capacité à imaginer des concepts, à produire des idées, à créer des symboles, des signes, des références à l'échelle mondiale. Le potentiel créatif, l'image, la marque constituent un capital immatériel. Dès lors, les droits de propriété intellectuelle représentent un avantage compétitif clef de nos entreprises.
L'Europe doit les aider concrètement à préserver cet avantage en luttant de manière déterminée contre la contrefaçon et le piratage. Lors de sa présidence, la France va donc s'efforcer de faire progresser ce combat en présentant une approche globale. Il s'agira de proposer un plan intégré qui inclura un nouveau plan douanier succédant au plan douanier 2005-2008 actuellement en vigueur. Cette approche globale constituera un élément de conclusion sur la dimension externe de la compétitivité présentée lors du Conseil Compétitivité des 25-26 septembre prochains.
Il s'appuiera sur trois recommandations prioritaires :
Premièrement : pour lutter contre le phénomène, il faut pouvoir mieux le connaître et mieux le mesurer. C'est pourquoi la Présidence souhaite promouvoir la création d'un observatoire de la contrefaçon.
Deuxièmement : il faut mettre nos forces en commun. Cela vaut aussi bien pour la coopération entre acteurs publics et privés que pour une collaboration renforcée entre Etats membres. De manière très opérationnelle, il faut par exemple développer les actions douanières conjointes, qui pourraient être menées sous l'égide de l'Office européen de Lutte Anti-Fraude (OLAF) et engager une réflexion sur la contrefaçon de produits dangereux pour la santé et la sécurité. Il s'agit de renforcer l'échange d'informations opérationnelles entre administrations.
Troisièmement : cela ne se joue pas seulement à l'intérieur des frontières de l'Europe. Rien ne sera possible si nous n'avançons pas de manière déterminée sur la négociation d'accords bilatéraux avec des pays-tiers ainsi que d'accords multilatéraux, tel que le projet de traité international visant à lutter contre la contrefaçon et le piratage (ACTA). Il ne s'agit pas seulement de convaincre les pays tiers mais aussi proposer concrètement un renforcement des actions de coopération.
2. La deuxième grande priorité du semestre à venir sera la protection économique des consommateurs
a) Cela commence par la révision de l'acquis communautaire en matière de protection des consommateurs. Celle-ci doit permettre une réelle harmonisation au niveau européen, bien sûr sans remettre en cause le niveau de protection des pays les plus avancés en la matière. La Présidence soutient totalement l'exercice de révision de l'acquis. Il est en effet essentiel de disposer d'un outil simplifié, plus clair, plus cohérent et qui puisse aisément s'adapter aux nouvelles méthodes de commercialisation et aux nouveaux produits et services offerts aux consommateurs. C'est un instrument essentiel pour la confiance des consommateurs dans le marché intérieur. Le sujet arrivera tard dans la Présidence mais la France aura à coeur de susciter le débat sur les points importants au cours d'une manifestation consacrée à la révision de l'acquis communautaire les 5 et 6 décembre 2008.
b) La directive Time Share concerne elle aussi beaucoup de consommateurs européens. La proposition de directive vise à renforcer la confiance des consommateurs européens dans un secteur d'activité qui draine plus de 10,5 milliards d'euros et qui emploie plus de 40.000 personnes dans l'Union européenne et à mettre fin aux agissements de certains professionnels qui peuvent jeter le discrédit sur les opérateurs honnêtes et causer des problèmes aux consommateurs. Les nouvelles dispositions doivent garantir aux consommateurs une même protection dans toute l'Union européenne et aux professionnels du secteur concerné l'application des mêmes règles du jeu afin de créer un marché homogène de la "multipropriété" en temps partagé.
La Présidence attache une très grande importance à ce dossier et souhaite parvenir à un accord en première lecture avec la commission IMCO du Parlement européen. Tant la présidente de cette commission, Mme MacCarthy, que le rapporteur, M. Manders, ou les groupes politiques ont fait preuve de leur volonté d'arriver à un accord et la Présidence française ne veut en aucun cas gâcher cette opportunité. Un accord avec le Parlement européen est donc prioritaire pour la Présidence du Conseil. Toutefois, il reste trois points critiques (loi applicable, sanctions de la non communication des informations contractuelles, condition suspensive du crédit) pour lesquels nous travaillons en ce moment même d'arrache-pied à trouver un accord. A cet égard, nous saluons l'initiative du Parlement européen de reporter en septembre son vote en session plénière, pour permettre à la Présidence de mettre toutes les chances de son côté pour parvenir à cet accord.
c) Paquet telecom et roaming : ce sont des sujets essentiels pour les Européens, tant les communications électroniques prennent une place croissante dans leur vie quotidienne (et aussi dans leur portefeuille !). Essentiel aussi parce que comme pour tous les marchés radicalement nouveaux, des dysfonctionnements apparaissent inévitablement au rythme du renouvellement technologique et de l'apparition de nouvelles pratiques commerciales. Les réglementations doivent avancer vite, au rythme de ces innovations. C'est la condition pour que la confiance du consommateur soit maintenue, pour qu'il y ait une prime aux entreprises qui ont les comportements les plus vertueux et les plus responsables, et in fine pour que le secteur garde son dynamisme. Dans le cadre du Conseil Télécom du 12 juin, des propositions fortes pour lutter contre le démarchage indésirable par SMS et les tentatives d'escroqueries sur mobile avaient déjà été formulées. Certains amendements du Parlement Européen visent à interdire ces pratiques. Nous soutiendrons ces amendements et pourrions proposer quelques améliorations (reconnaissance de la responsabilité de l'opérateur associé à la création d'un service de contrôle des pratiques litigieuses qui ordonnerait de suspendre ou d'annuler toutes les facturations relatives à ces pratiques).
Le Conseil se prononcera aussi sur la portabilité des numéros. Suite aux propositions de la commission, une réduction du délai de portabilité (autour de 3 jours) pourrait être envisagée. En parallèle il paraît également souhaitable d'instaurer des sanctions pour retard ou abus de portage.
La Présidence soutiendra les mesures en faveur d'une meilleure information du consommateur, notamment en matière tarifaire, juridique et technique. Certaines propositions des parlementaires européens visent notamment à obliger l'inclusion obligatoire dans les contrats, des informations sur les méthodes de paiement proposées, sur les "coûts réels" de résiliation pour les consommateurs et sur les éventuels mécanismes d'indemnisation qui interviennent en cas d'incident ayant trait à la sécurité. Enfin, certains amendements prévoient que les Etats membres obligent les opérateurs à communiquer dans les points de vente et lors de la transaction une comparaison des tarifs applicables pour un service selon qu'il est proposé ou pas au sein d'une offre groupée.
Enfin, dernier sujet auquel je suis attaché, le roaming. Une prorogation et une extension du règlement relatif à l'itinérance internationale pourraient être soumises au Parlement et au Conseil courant septembre. Le précédent règlement de 2007 a conduit à des baisses de l'ordre de 60 % des tarifs de communications mobiles, qui bénéficient largement aux consommateurs et nous nous en félicitons.
L'extension pourrait concerner d'une part les SMS, d'autre part les données. Service très voisin de l'offre de voix en itinérance et souvent couplé dans l'offre des opérateurs, les SMS en itinérance font l'objet d'une facturation relativement élevée et les premiers échanges entre Etats Membres semblent montrer qu'une régulation des tarifs de gros et de détail des SMS n'est pas inenvisageable. La régulation des échanges de données paraît plus complexe. L'objectif doit être de stimuler ce marché naissant en favorisant la confiance des consommateurs. Au-delà des tarifs élevés pratiqués par les opérateurs, le manque de transparence sur les conditions tarifaires et plus encore l'impossibilité pour l'utilisateur de maîtriser ses dépenses (avec les connexions automatiques, la récupération à l'insu de l'abonné des données en itinérance) constituent les éléments auxquels il conviendra de remédier.
Certains Etats membres estiment qu'une extension du règlement actuel à la régulation des données, sous la forme d'un encadrement des tarifs pourrait poser problème du fait de la diversité des offres, de la nécessité de poursuivre le déploiement des réseaux 3G et du caractère émergent du marché des données. D'autres estiment cependant qu'une action forte est nécessaire afin de permettre le développement rapide de ces nouveaux services, indispensables pour les voyageurs d'affaires notamment. Comme vous pouvez le constater, ce sujet nécessitera un débat nourri au sein du Conseil, et l'avis du parlement européen nous fournira un éclairage précieux.
3. Troisième priorité de la Présidence : l'action de groupe comme réponse au sentiment d'insécurité juridique des consommateurs Nous observons partout en Europe une évolution des modes de consommation, qui est souvent synonyme de complexité, avec :
- La multiplicité des contrats (une vingtaine en moyenne pour une famille type en France)
- Une technicité croissante des produits et des services
- La dématérialisation de la relation commerciale pour l'achat et aussi le règlement (prélèvements automatiques)
- La complexité croissante de la tarification (facturation d'options etc.) Cette complexité entraîne l'augmentation du nombre de litiges. Les consommateurs se sentent aujourd'hui désarmés, notamment face aux "petits litiges du quotidien", pour lesquels ils ne peuvent obtenir réparation et qui ne justifient pas une action en justice, souvent longue et onéreuse pour un particulier.
La réponse, c'est l'action de groupe : je partage globalement les "règles d'or" pour une action de groupe réussie, énoncées par les associations de consommateurs européennes au sein du BEUC:
- avoir pour objectif une réparation ;
- permettre aux organisations de consommateurs d'intenter une action ;
- couvrir tant les cas nationaux que transfrontières, même s'il ne peut s'agir que d'une ambition de long terme ;
- laisser au tribunal l'appréciation de la recevabilité de la plainte ;
- permettre une distribution équitable de l'indemnisation.
Nous considérons cependant qu'il faut prendre le temps nécessaire pour avoir la garantie de parvenir à un dispositif équilibré, qui ne soit pas facteur d'insécurité juridique pour les opérateurs économiques. L'action de groupe doit favoriser les entreprises les plus vertueuses et les respectueuses des consommateurs. Il n'est pas acceptable que les "bons élèves" subissent la concurrence déloyale de celles qui ne respectent pas les règles. L'action de groupe mettra les quelques producteurs indélicats face à leurs responsabilités, en évitant que leur comportement ne fasse peser la suspicion sur tout un secteur.
Je vous confirme donc que la Présidence sera pleinement impliquée pour porter ce débat au niveau communautaire.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juillet 2008
Mesdames et Messieurs les Députés,
C'est pour moi un honneur et un plaisir de m'adresser aux membres de la Commission IMCO. J'ai conscience de l'excellente coopération établie pendant les présidences précédentes avec le Parlement européen, et avec cette commission en particulier. Je tiens à cet égard à saluer le travail remarquable effectué par les présidences slovène, portugaise et allemande. La volonté de la France sera de travailler tout au long de sa présidence en liaison étroite avec le Parlement, acteur majeur du processus de décision européen.
C'est aussi un sentiment d'humilité et de responsabilité qui m'anime. Mon rôle, comme celui de la Présidence française en général, sera d'être un "facilitateur", pour faire aboutir des sujets sensibles et complexes qui ont demandé des mois, parfois des années de travail. Le souhait de la Présidence est de valoriser le travail de tous, votre travail, pour lui faire prendre chair et pour que nous puissions dire aux européens "oui l'Europe travaille pour vous !", "Oui, nous avançons concrètement au service des consommateurs, de leur droits et de leur sécurité."
Si le "non" irlandais est un coup dur pour la construction européenne, il est cependant riche d'enseignements. Il nous rappelle la nécessité impérieuse de construire l'Europe par et pour les citoyens, de montrer aux européens les réponses concrètes que peut apporter l'Europe à leurs préoccupations quotidiennes. Pour cela, quel meilleur sujet que la consommation ?
L'Union européenne s'est construite par le façonnement d'un marché commun des biens, aujourd'hui des services. Et les études d'opinion réalisée par l'eurobaromètre nous montrent aujourd'hui que les citoyens européens, dans leur grande majorité, reconnaissent les bienfaits du marché commun ainsi que les vertus de la concurrence et de la liberté d'entreprendre, qui sont les fondamentaux d'un bon fonctionnement de l'économie de marché.
Mais pour autant, les citoyens sont très demandeurs de protections supplémentaires : la sécurité des produits, alimentaires ou non, la transparence dans l'information commerciale et l'affichage des prix, le souhait de voir une concurrence loyale s'appliquer sont des demandes fortes, partagées par l'ensemble des européens.
Cette notion de "protection" se déclinera doublement dans les travaux des 6 prochains mois. La protection, c'est d'abord la protection de l'intégrité physique de nos concitoyens, avec un travail important sur la sécurité des produits. La protection, c'est aussi la protection économique, la protection des droits et des libertés des consommateurs.
Soyons bien clairs : cette protection supplémentaire ne doit pas se faire au détriment de nos entreprises ou de la liberté économique ! Il n'y a pas d'antagonisme entre protection des consommateurs et prospérité économique.
Bien au contraire. La clé de la prospérité, c'est la confiance des consommateurs, et réglementer en matière de consommation est aussi une manière de récompenser les entreprises les plus vertueuses contre certains acteurs indélicats.
1. Sécurité des consommateurs
Les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux questions de sécurité. Avec les progrès techniques et l'amélioration matérielle et sanitaire globale connue depuis 50 ans, ils sont devenus très exigeants. Il leur paraît insupportable d'imaginer que la consommation, qui devrait être source de bien-être, de plaisir ou de confort puisse être une source de danger. Et face à la mondialisation, le consommateur européen exprime une inquiétude sourde mais bien réelle : d'où viennent les produits ? Comment ont-ils été conçus ? Avec quel respect de l'environnement et de la sécurité du consommateur ?
a) La révision de la directive jouets permettra d'apporter une première réponse concrète, sur des produits qui sont particulièrement sensibles, puisque par nature ils touchent les enfants et qu'ils sont majoritairement importés de pays n'ayant pas les mêmes normes et réglementations que l'Europe. Tout le monde a en tête les retraits massifs de jouets survenus l'été dernier.
La révision de la directive jouets permettra de mieux protéger les consommateurs et de responsabiliser davantage les opérateurs économiques tout au long de la chaîne commerciale. Le nouveau cadre juridique insistera en particulier sur les risques liés aux substances chimiques. Certaines seront interdites, d'autres, comme le plomb, verront leur utilisation davantage contrôlée.
Sur ce dossier, le Conseil soutient la Commission qui a pris beaucoup d'initiatives : Mme Kuneva s'est notamment déplacée en Chine, premier producteur mondial, pour y rencontrer les autorités chinoises et amorcer un dialogue. Elle travaille également à l'organisation d'une conférence tripartite Europe-Etats-Unis-Chine en novembre. L'instauration d'un dialogue est essentiel car les pays producteurs commencent à être sensibilisés à la question de la sécurité des jouets : ils sont conscients des risques liés à la dégradation de l'image d'un secteur qui pour eux est économiquement important.
b) La deuxième réponse en matière de sécurité des produits sera la révision de la directive Cosmétiques. Celle-ci sera remplacée par un règlement, qui poursuivra plusieurs objectifs : garantir un haut niveau de sécurité des produits mis sur le marché européen, éliminer les incertitudes juridiques, réduire le coût de la réglementation pour les entreprises. Par ailleurs, le nouveau règlement devrait permettre d'améliorer la surveillance de ce secteur. Le Conseil soutiendra en particulier la proposition actuelle de la Commission européenne qui prévoit le principe d'une interdiction des substances cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) dans les produits cosmétiques, avec des exceptions très strictement définies.
c) Troisième réponse sur la sécurité des produits : la poursuite des discussions sur le règlement relatif à l'information du consommateur sur les denrées alimentaires.
C'est un enjeu économique important pour les opérateurs, parce qu'il touche une gamme de produits très large. C'est aussi un enjeu sociétal, avec l'augmentation constante de l'obésité qui devient un véritable problème de santé publique. C'est enfin une manière de répondre à une attente précise des consommateurs, qui souhaitent être rassurés et mieux informés de ce qu'ils achètent.
Le règlement sera un vrai progrès en termes de simplification puisqu'il résultera de la fusion et de l'actualisation de huit textes sectoriels. Le nouveau texte devra à la fois maintenir l'acquis en matière d'étiquetage et renforcer l'information du consommateur. Il s'agira notamment d'obtenir une meilleure information sur l'origine géographique des produits et d'avoir en "face avant" des produits les informations nutritionnelles essentielles. D'une façon générale, la lisibilité des étiquetages sera améliorée.
d) Outre les textes existants ou à venir, l'Europe dispose également d'outils opérationnels pour assurer la sécurité des consommateurs. Le réseau d'alerte européen RAPEX (rapid exchange information system) est un exemple concret de ce qui peut bien fonctionner en Europe, au service des consommateurs. Vous le savez, il s'agit pour les autorités de contrôle des Etats membres d'adresser à la Commission européenne les informations qu'elles détiennent dès lors qu'elles ont identifié un produit susceptible de présenter un risque pour le consommateur et dont il est possible qu'il ait été commercialisé dans d'autres Etats. Dans le domaine non alimentaire, 1363 notifications d'alertes émanant du réseau d'alerte européen ont été gérées en 2007 soit une hausse de 50 % en un an. La diffusion rapide des notifications de risques présentés par les produits a permis le retrait du marché de ces produits et a amélioré très concrètement la sécurité des consommateurs en empêchant des accidents graves. Cet exemple montre combien le renforcement de la coopération entre Etats membres peut aboutir à des résultats concrets.
e) C'est cette même démarche que la Présidence appelle de ses voeux en matière de lutte contre le piratage et la contrefaçon. Dans la nouvelle ère industrielle, la richesse d'une nation ne dépend plus seulement de sa capacité à produire des biens. Elle dépend désormais de sa capacité à imaginer des concepts, à produire des idées, à créer des symboles, des signes, des références à l'échelle mondiale. Le potentiel créatif, l'image, la marque constituent un capital immatériel. Dès lors, les droits de propriété intellectuelle représentent un avantage compétitif clef de nos entreprises.
L'Europe doit les aider concrètement à préserver cet avantage en luttant de manière déterminée contre la contrefaçon et le piratage. Lors de sa présidence, la France va donc s'efforcer de faire progresser ce combat en présentant une approche globale. Il s'agira de proposer un plan intégré qui inclura un nouveau plan douanier succédant au plan douanier 2005-2008 actuellement en vigueur. Cette approche globale constituera un élément de conclusion sur la dimension externe de la compétitivité présentée lors du Conseil Compétitivité des 25-26 septembre prochains.
Il s'appuiera sur trois recommandations prioritaires :
Premièrement : pour lutter contre le phénomène, il faut pouvoir mieux le connaître et mieux le mesurer. C'est pourquoi la Présidence souhaite promouvoir la création d'un observatoire de la contrefaçon.
Deuxièmement : il faut mettre nos forces en commun. Cela vaut aussi bien pour la coopération entre acteurs publics et privés que pour une collaboration renforcée entre Etats membres. De manière très opérationnelle, il faut par exemple développer les actions douanières conjointes, qui pourraient être menées sous l'égide de l'Office européen de Lutte Anti-Fraude (OLAF) et engager une réflexion sur la contrefaçon de produits dangereux pour la santé et la sécurité. Il s'agit de renforcer l'échange d'informations opérationnelles entre administrations.
Troisièmement : cela ne se joue pas seulement à l'intérieur des frontières de l'Europe. Rien ne sera possible si nous n'avançons pas de manière déterminée sur la négociation d'accords bilatéraux avec des pays-tiers ainsi que d'accords multilatéraux, tel que le projet de traité international visant à lutter contre la contrefaçon et le piratage (ACTA). Il ne s'agit pas seulement de convaincre les pays tiers mais aussi proposer concrètement un renforcement des actions de coopération.
2. La deuxième grande priorité du semestre à venir sera la protection économique des consommateurs
a) Cela commence par la révision de l'acquis communautaire en matière de protection des consommateurs. Celle-ci doit permettre une réelle harmonisation au niveau européen, bien sûr sans remettre en cause le niveau de protection des pays les plus avancés en la matière. La Présidence soutient totalement l'exercice de révision de l'acquis. Il est en effet essentiel de disposer d'un outil simplifié, plus clair, plus cohérent et qui puisse aisément s'adapter aux nouvelles méthodes de commercialisation et aux nouveaux produits et services offerts aux consommateurs. C'est un instrument essentiel pour la confiance des consommateurs dans le marché intérieur. Le sujet arrivera tard dans la Présidence mais la France aura à coeur de susciter le débat sur les points importants au cours d'une manifestation consacrée à la révision de l'acquis communautaire les 5 et 6 décembre 2008.
b) La directive Time Share concerne elle aussi beaucoup de consommateurs européens. La proposition de directive vise à renforcer la confiance des consommateurs européens dans un secteur d'activité qui draine plus de 10,5 milliards d'euros et qui emploie plus de 40.000 personnes dans l'Union européenne et à mettre fin aux agissements de certains professionnels qui peuvent jeter le discrédit sur les opérateurs honnêtes et causer des problèmes aux consommateurs. Les nouvelles dispositions doivent garantir aux consommateurs une même protection dans toute l'Union européenne et aux professionnels du secteur concerné l'application des mêmes règles du jeu afin de créer un marché homogène de la "multipropriété" en temps partagé.
La Présidence attache une très grande importance à ce dossier et souhaite parvenir à un accord en première lecture avec la commission IMCO du Parlement européen. Tant la présidente de cette commission, Mme MacCarthy, que le rapporteur, M. Manders, ou les groupes politiques ont fait preuve de leur volonté d'arriver à un accord et la Présidence française ne veut en aucun cas gâcher cette opportunité. Un accord avec le Parlement européen est donc prioritaire pour la Présidence du Conseil. Toutefois, il reste trois points critiques (loi applicable, sanctions de la non communication des informations contractuelles, condition suspensive du crédit) pour lesquels nous travaillons en ce moment même d'arrache-pied à trouver un accord. A cet égard, nous saluons l'initiative du Parlement européen de reporter en septembre son vote en session plénière, pour permettre à la Présidence de mettre toutes les chances de son côté pour parvenir à cet accord.
c) Paquet telecom et roaming : ce sont des sujets essentiels pour les Européens, tant les communications électroniques prennent une place croissante dans leur vie quotidienne (et aussi dans leur portefeuille !). Essentiel aussi parce que comme pour tous les marchés radicalement nouveaux, des dysfonctionnements apparaissent inévitablement au rythme du renouvellement technologique et de l'apparition de nouvelles pratiques commerciales. Les réglementations doivent avancer vite, au rythme de ces innovations. C'est la condition pour que la confiance du consommateur soit maintenue, pour qu'il y ait une prime aux entreprises qui ont les comportements les plus vertueux et les plus responsables, et in fine pour que le secteur garde son dynamisme. Dans le cadre du Conseil Télécom du 12 juin, des propositions fortes pour lutter contre le démarchage indésirable par SMS et les tentatives d'escroqueries sur mobile avaient déjà été formulées. Certains amendements du Parlement Européen visent à interdire ces pratiques. Nous soutiendrons ces amendements et pourrions proposer quelques améliorations (reconnaissance de la responsabilité de l'opérateur associé à la création d'un service de contrôle des pratiques litigieuses qui ordonnerait de suspendre ou d'annuler toutes les facturations relatives à ces pratiques).
Le Conseil se prononcera aussi sur la portabilité des numéros. Suite aux propositions de la commission, une réduction du délai de portabilité (autour de 3 jours) pourrait être envisagée. En parallèle il paraît également souhaitable d'instaurer des sanctions pour retard ou abus de portage.
La Présidence soutiendra les mesures en faveur d'une meilleure information du consommateur, notamment en matière tarifaire, juridique et technique. Certaines propositions des parlementaires européens visent notamment à obliger l'inclusion obligatoire dans les contrats, des informations sur les méthodes de paiement proposées, sur les "coûts réels" de résiliation pour les consommateurs et sur les éventuels mécanismes d'indemnisation qui interviennent en cas d'incident ayant trait à la sécurité. Enfin, certains amendements prévoient que les Etats membres obligent les opérateurs à communiquer dans les points de vente et lors de la transaction une comparaison des tarifs applicables pour un service selon qu'il est proposé ou pas au sein d'une offre groupée.
Enfin, dernier sujet auquel je suis attaché, le roaming. Une prorogation et une extension du règlement relatif à l'itinérance internationale pourraient être soumises au Parlement et au Conseil courant septembre. Le précédent règlement de 2007 a conduit à des baisses de l'ordre de 60 % des tarifs de communications mobiles, qui bénéficient largement aux consommateurs et nous nous en félicitons.
L'extension pourrait concerner d'une part les SMS, d'autre part les données. Service très voisin de l'offre de voix en itinérance et souvent couplé dans l'offre des opérateurs, les SMS en itinérance font l'objet d'une facturation relativement élevée et les premiers échanges entre Etats Membres semblent montrer qu'une régulation des tarifs de gros et de détail des SMS n'est pas inenvisageable. La régulation des échanges de données paraît plus complexe. L'objectif doit être de stimuler ce marché naissant en favorisant la confiance des consommateurs. Au-delà des tarifs élevés pratiqués par les opérateurs, le manque de transparence sur les conditions tarifaires et plus encore l'impossibilité pour l'utilisateur de maîtriser ses dépenses (avec les connexions automatiques, la récupération à l'insu de l'abonné des données en itinérance) constituent les éléments auxquels il conviendra de remédier.
Certains Etats membres estiment qu'une extension du règlement actuel à la régulation des données, sous la forme d'un encadrement des tarifs pourrait poser problème du fait de la diversité des offres, de la nécessité de poursuivre le déploiement des réseaux 3G et du caractère émergent du marché des données. D'autres estiment cependant qu'une action forte est nécessaire afin de permettre le développement rapide de ces nouveaux services, indispensables pour les voyageurs d'affaires notamment. Comme vous pouvez le constater, ce sujet nécessitera un débat nourri au sein du Conseil, et l'avis du parlement européen nous fournira un éclairage précieux.
3. Troisième priorité de la Présidence : l'action de groupe comme réponse au sentiment d'insécurité juridique des consommateurs Nous observons partout en Europe une évolution des modes de consommation, qui est souvent synonyme de complexité, avec :
- La multiplicité des contrats (une vingtaine en moyenne pour une famille type en France)
- Une technicité croissante des produits et des services
- La dématérialisation de la relation commerciale pour l'achat et aussi le règlement (prélèvements automatiques)
- La complexité croissante de la tarification (facturation d'options etc.) Cette complexité entraîne l'augmentation du nombre de litiges. Les consommateurs se sentent aujourd'hui désarmés, notamment face aux "petits litiges du quotidien", pour lesquels ils ne peuvent obtenir réparation et qui ne justifient pas une action en justice, souvent longue et onéreuse pour un particulier.
La réponse, c'est l'action de groupe : je partage globalement les "règles d'or" pour une action de groupe réussie, énoncées par les associations de consommateurs européennes au sein du BEUC:
- avoir pour objectif une réparation ;
- permettre aux organisations de consommateurs d'intenter une action ;
- couvrir tant les cas nationaux que transfrontières, même s'il ne peut s'agir que d'une ambition de long terme ;
- laisser au tribunal l'appréciation de la recevabilité de la plainte ;
- permettre une distribution équitable de l'indemnisation.
Nous considérons cependant qu'il faut prendre le temps nécessaire pour avoir la garantie de parvenir à un dispositif équilibré, qui ne soit pas facteur d'insécurité juridique pour les opérateurs économiques. L'action de groupe doit favoriser les entreprises les plus vertueuses et les respectueuses des consommateurs. Il n'est pas acceptable que les "bons élèves" subissent la concurrence déloyale de celles qui ne respectent pas les règles. L'action de groupe mettra les quelques producteurs indélicats face à leurs responsabilités, en évitant que leur comportement ne fasse peser la suspicion sur tout un secteur.
Je vous confirme donc que la Présidence sera pleinement impliquée pour porter ce débat au niveau communautaire.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juillet 2008