Déclaration de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, sur la valorisation du patrimoine culturel européen et la lutte contre le trafic des biens culturels, Strasbourg le 21 juillet 2008.

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Circonstance : Séminaire sur la valorisation du patrimoine européen à Strasbourg le 21 juillet 2008

Texte intégral


Introduction
Je vous propose d'organiser cette séance en deux parties :
- Tout d'abord une réflexion sur les moyens concrets que nous pourrions mettre en oeuvre pour valoriser le patrimoine européen et le faire connaître par un large public, notamment par les plus jeunes ;
- Nous pourrons en second lieu évoquer la question de la prévention et de la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, enjeu déterminant pour la préservation du patrimoine européen public et privé et sa transmission aux futures générations.
Venons en donc à notre premier point.
Nous avons besoin d'une Europe de projets, dans lesquels s'incarne l'esprit européen.
Le projet du label du Patrimoine européen s'inscrit bien dans la mise en oeuvre de l'article 151 du Traité. Il prévoit que l'action de la Communauté vise à encourager la coopération entre Etats membres et, si nécessaire, à appuyer et compléter leur action dans le domaine de la conservation et de la sauvegarde du patrimoine culturel d'importance européenne.
Le projet de « label du Patrimoine européen » a été proposé lors des « Rencontres pour l'Europe de la culture » de Grenade d'avril 2006 et débattu lors de celles de Lublin en Pologne, en octobre 2006. Il a fait l'objet d'un important travail intergouvernemental de définition et de conception lors des réunions de Paris (en juillet 2006), d'Athènes (en octobre 2006) et de Madrid (en janvier 2007). Seize États membres se sont joints à cette initiative. Plusieurs d'entre vous m'ont fait part de leur intérêt voire de leur enthousiasme lors d'entretiens bilatéraux.
Quel est l'objectif de ce projet ?
Il vise avant tout à distinguer et à mettre en réseau les biens culturels, monuments, sites naturels ou urbains, et les lieux de mémoire, témoins de l'histoire et de l'héritage européens, et plus encore des croisements continus de nos héritages nationaux.
Plusieurs interrogations ont émergé sur la valeur ajoutée d'une telle initiative alors qu'il existe déjà d'autres actions internationales en faveur de la sauvegarde du patrimoine, dont la plus connue est la liste du « Patrimoine mondial » de l'UNESCO. Ce projet est tout à fait complémentaire si l'on considère que la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco est axée sur la protection des monuments et des sites eu égard à leur valeur universelle. Ainsi la maison natale de Rossini ou les chantiers navals de Gdansk ne sont pas destinés à être inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO, en revanche, ils ont toute leur place au sein des sites labellisés du patrimoine européen pour ce qu'il représente dans notre mémoire collective.
Par ailleurs, un tel projet me semble devoir trouver une autre complémentarité forte avec l'action et l'expertise qu'a développées le Conseil de l'Europe depuis de nombreuses années. Je veux citer les « Itinéraires culturels européens» du Conseil de l'Europe, axés principalement sur les peuples, les migrations et les grands courants de civilisation.
Je remarque que les objectifs du label du Patrimoine européen rejoignent ceux du plan de travail du Conseil 2008-2010 dans le domaine culturel, adopté sur la base de la contribution décisive de la Commission présentée par Jan Figel en mai 2007. En effet il s'agit :
- de valoriser le patrimoine et de renforcer l'attachement des citoyens européens à cet héritage ;
- d'améliorer l'attractivité économique et le développement durable des territoires de l'Union ;
- de développer l'éducation culturelle et artistique, particulièrement à destination des jeunes.
Il importe de veiller à ce que ce projet se traduise par des retombées pratiques.
Je note également que le Parlement européen, dans sa résolution du 10 avril 2008 sur un agenda européen de la culture à l'ère de la mondialisation, a apporté son appui à la création par l'Union d'un tel « label du Patrimoine européen ».
Pour atteindre notre objectif :
- il ne faut surtout pas créer une usine à gaz administrative, mais au contraire s'appuyer sur une structure de gestion la plus légère possible. A mon avis, la Commission serait probablement la plus à même de l'accueillir. A mes yeux, un bon exemple est la manière dont est coordonnée l'initiative des capitales européennes de la culture. C'est un réseau qu'il s'agit de créer et pas une nouvelle administration ;
- en deuxième lieu, il conviendra de travailler ensemble pour bien préciser les modalités et critères des futurs sites à labelliser. En la matière, on pourrait utilement s'inspirer du projet intergouvernemental actuel : c'est-à-dire articuler, selon des procédures simples et souples, les niveaux nationaux et européen de désignation.
- Enfin, il me semble important qu'en contrepartie de leur sélection, les sites s'engagent à promouvoir les activités artistiques, culturelles et scientifiques sous diverses formes, à développer un accueil et une information du public de qualité en plusieurs langues. La mise en valeur de leur dimension européenne est un aspect essentiel à mes yeux.
Ce projet aurait tout intérêt à se matérialiser également par la mise en place d'un site internet donnant des informations sur le réseau et les sites labellisés, ce qui assurerait une large publicité en Europe.
Dernier point sur lequel je souhaite appeler votre attention, c'est celui de la jeunesse, de l'accès de la jeunesse au patrimoine européen, son patrimoine. Il me semble très important que nous essayions d'identifier la meilleure façon de sensibiliser à l'intérêt et à la valeur du patrimoine culturel et historique de l'Europe. Je sais que certains d'entre vous ont mis en place des dispositifs très intéressants : conditions d'accès privilégiés pour les jeunes, accompagnement pédagogique, etc. Je crois qu'il serait très utile que nous échangions nos expériences en la matière.
Une initiative à destination des jeunes certains sites labellisés pourrait faire l'objet d'engagements spécifiques de la part de ces sites, comme par exemple un accès à des conditions privilégiées - qui pourraient être la gratuité.
Afin de nourrir notre discussion, trois questions vous ont été soumises :
- sur les actions nouvelles qui, pourraient être menées par l'Union européenne en matière de valorisation du patrimoine européen et de promotion de son accès
- sur la création d'un « label du Patrimoine européen » par l'Union européenne,
- et sur les initiatives concrètes complémentaires qui pourraient être envisagées au niveau européen afin de favoriser l'accès du public, et notamment des jeunes, au patrimoine
Voilà, Monsieur le Commissaire, chers collègues, les quelques réflexions préliminaires dont je voulais vous faire part. Je vous propose, cher Jan Figel, qui avez dès le début manifesté une attention plus que bienveillante à ce projet, d'engager la discussion.
Conclusion
Je vous remercie, chers collègues, de vos contributions très utiles et constructives, qui permettent de donner un cadre aux discussions des prochains mois.
L'Europe est riche de projets qui, initiés par quelques-uns, ont progressivement incarnés la volonté des Etats membres de l'Union d'avancer ensemble. Ainsi, les « capitales européennes de la culture », avant d'être une action européenne, ont été un projet intergouvernemental. Le label du « Patrimoine européen » pourrait suivre la même voie.
Je propose que sur la base de la discussion d'aujourd'hui, le comité des affaires culturelles soit saisi de ce dossier et prépare un texte sur lequel nous pourrions nous entendre lors du conseil culture du 20 novembre.
Ce texte, par exemple, pourrait inviter la Commission à nous présenter un proposition de décision que serait soumise au conseil et au Parlement européen.
Merci encore pour ce riche débat.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 4 août 2008