Texte intégral
Mesdames,
Mesdemoiselles et Messieurs,
La conférence de presse de ce matin est à la confluence de deux de mes compétences ministérielles : la santé et la jeunesse.
L'alcoolisme frappe un nombre croissant de jeunes. Le phénomène est d'autant plus insupportable qu'il peut être évité.
Nous constatons, en effet, une évolution rapide, brutale, alarmante des comportements d'alcoolisation parmi les jeunes.
Les chiffres sont éloquents : les cas d'hospitalisation pour des raisons liées à l'alcoolisation ont connu une augmentation de 50% de 2004 à 2007, pour la tranche des 15 à 24 ans, mais aussi pour la tranche d'âge des moins de 15 ans.
L'évolution des modes de consommation, tout en signalant une diminution de la consommation régulière d'alcool, indique donc une recrudescence très préoccupante de l'expérience de l'ivresse parmi les jeunes.
Ce sont des accidents de la route, aux conséquences parfois dramatiques, qui pourraient être évités.
Ce sont des troubles du comportement, de l'humeur ou de la vigilance.
C'est pour certains jeunes l'engrenage de la déscolarisation.
Sans évoquer, tous les effets induits par la déshinibition recherchée.
La gravité des enjeux de santé publique, révélée par ces données, m'a conduite à prendre, sans tarder, une série de mesures fortes à destination des jeunes.
Ainsi, le plan "Santé des Jeunes" que j'ai présenté en février dernier comprend des mesures visant à lutter contre l'alcoolisation massive des jeunes.
Notamment, le projet de relever à 18 ans l'âge légal pour acheter de l'alcool.
Les interdits que nous voulons instituer, comme par exemple, celui qui porte sur la pratique des open bars, n'ont cependant de sens que dans la perspective globale d'un plan d'ensemble et d'une politique de prévention à long terme.
C'est dans cet esprit que j'ai demandé à l'INPES de développer une campagne de communication innovante et non stigmatisante à destinationdes jeunes.
De manière générale, la lutte contre les addictions suppose, en effet, un équilibre entre prévention, soin et répression.
Poser un interdit, d'ailleurs, faut-il le souligner, n'est pas en soi une mesure strictement répressive.
L'expérience de la limite instituée par la loi, voire le rappel à l'ordre, est en tout cas une expérience plus structurante que ces pratiques à risques souvent déterminées, très précisément, par la quête destructrice des limites rendues tangibles par le prisme de l'excès.
A cet égard, la mode du "Bbinge drinking" est bien le signe d'un mal-être que la psycho-sociologie la plus élémentaire a tôt fait de désigner comme un indice alarmant d'absence de repères, comme l'expression spectaculaire de cette anomie qui touche toujours, en premier lieu, les plus vulnérables.
Interdire au moins de 18 ans la vente de l'alcool, est en ce sens une mesure responsable qui en appelle à la responsabilité de chacun.
D'ores et déjà, un certain nombre de grandes et moyennes surfaces se sont engagées positivement en faveur de cette mesure.
J'ai enregistré les réactions de nos concitoyens et des médias à cette annonce.
Je crois savoir qu'un débat est ouvert autour de la question de l'application, notamment dans les grandes surfaces, de la disposition interdisant la vente d'alcool aux mineurs.
Ce type de débat a déjà eu lieu au moment de l'entrée en vigueur du décret sur le tabac et je constate avec plaisir aujourd'hui qu'il est fermé. Je ferai la même réponse, qui tient en quelques points :
- nul ne peut ignorer la loi et les gestionnaires des établissements seront, dans un régime de liberté, reposant sur la responsabilité, chargés de son application. Il faut rappeler, en effet, qu'en cas de vente d'alcool à un mineur, l'infraction est commise par le magasin et non par le mineur. Dois-je rappeler à quel point l'écrasante majorité des établissements du secteur des cafés et restaurants a contribué au bon respect de la réglementation sur le tabac et l'alcool ?
- cette loi sera appliquée par constatation d'infractions ;
- ces réglementations, parce qu'elles procèdent d'une légitime préoccupation de santé publique, comme d'habitude, seront très largement respectées par nos concitoyens.
Que n'a-t-on pas entendu quand, dans le même esprit, ont été prises les mesures anti-tabac ?
Et pourtant cela marche, sans que, par la voie de l'exception, par la voie judiciaire, il soit nécessaire de multiplier les sanctions.
C'est bien cet esprit de responsabilité, collective aussi bien qu'individuelle, qui préside à ma politique de santé publique.
L'interdit n'est pas le tout de cette politique. Il n'est que la partie émergée d'un ensemble bien plus vaste.
Nos gains en espérance et en qualité de vie, nous les devons, en effet, d'abord et avant tout, non pas tant aux progrès de la médecine curative qu'à des habitudes et à une hygiène de vie dont nous avons l'impression qu'elles vont de soi, mais qui sont en réalité acquises.
La prévention a bien, en ce sens, pour ambition ultime d'encourager nos concitoyens à prendre en main leur santé.
Si certaines mesures d'interdiction peuvent être bénéfiques à court et à moyen terme, nous devons nous assurer qu'elles suscitent une démarche volontaire, librement assumée.
L'éducation, par définition, est émancipatrice. Il s'agit toujours, par la connaissance, d'éclairer une conscience libre, d'éveiller à l'autonomie.
A la politique de la peur répond soit la soumission qui attriste et rabaisse, soit la révolte, soit la duplicité et la ruse. Tel serait l'effet contre-productif, connu et reconnu, d'une politique réduite à sa dimension répressive et prohibitive.
Aussi, une politique de prévention bien pensée doit, à mes yeux, ne jamais oublier sa finalité ultime : sa finalité EDUCATIVE.
Les mesures paternalistes, les messages culpabilisateurs contribuent bien plus souvent à déresponsabiliser ceux qu'ils visent. Cet effet pervers est bien réel, ne l'oublions pas.
Sauver des vies, émanciper : telles sont donc les deux missions cardinales de la prévention.
Pour agir sur le long terme, il faut agir très en amont.
L'école, en ce sens, est sans doute le lieu privilégié pour initier une éducation à la santé, susceptible d'aider les jeunes à éviter l'écueil des comportements addictifs et plus largement des comportements à risques qui traduisent toujours, à l'adolescence, une perte de repère et un mal-être préjudiciables à l'épanouissement individuel et à la construction d'une identité autonome.
Sur tous ces sujets, complexes autant que graves, il est temps de mener une politique ambitieuse et équilibrée, menée de manière volontariste dans un climat de concertation.
Les difficultés d'application des mesures d'interdiction, notamment, ne sauraient constituer un prétexte pour ne pas prendre ces mesures.
Cette politique, bien entendu, est le fruit d'un travail collectif. Je tiens à souligner, en ce sens, le travail remarquable réalisé avec les parlementaires sur cette urgente et délicate question, notamment Jacques Domergue et Daniel Mach, qui sont ici aujourd'hui, parmi nous.
Il me faut également rendre hommage aux associations spécialisées qui oeuvrent au plus près des patients tout en contribuant à améliorer notre connaissance du champ de l'addictologie ; les soignants, qui prennent quotidiennement en charge les patients victimes de l'alcool.
Les pistes de réflexion ne manquent pas. Elles ont été depuis des années tracées, par tous les professionnels et les bénévoles, notamment étudiants, qui effectuent un travail de prévention remarquable auprès des jeunes, mais aussi par le conseil national de la jeunesse qui se saisit de toutes ces questions.
C'est, pour ma part, ce à quoi je veux m'employer avec la plus grande détermination.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 4 août 2008