Interview de M. Yves Jégo, dans "Civique" du 30 mai 2008, sur le développement de l'outre-mer et l'avenir du ministère de l'outre-mer.

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Média : Civique

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Magazine Civique : Dès votre nomination, vous avez affirmé votre souhait de faire le tour des différents territoires : est-ce un signe politique ?
Yves Jégo : Pour comprendre l'Outre-Mer divers et personnalisé, s'enfermer dans ses bureaux parisiens serait une erreur. La moindre des courtoisies républicaines, quand on vient d'être nommé, est de se présenter aux élus, aux acteurs économiques et sociaux et aux agents de l'Etat. Mais je ne veux pas de ces visites protocolaires, qui accaparent les représentants de l'Etat et irritent les responsables locaux : à chaque déplacement, j'entends être au contact des réalités et engager le dialogue sur le fond. Mon rôle, c'est d'incarner et d'animer cette proximité indispensable et renouvelée avec nos territoires ultramarins.
Je souhaite travailler avec tout le monde avec comme seule exigence partagée le souci de servir l'intérêt collectif. Pour finaliser notamment la loi de développement de l'Outre-mer, ma méthode, c'est la concertation transparente avec les élus territoriaux, avec les socioprofessionnels et avec les parlementaires qui attachent de l'importance à l'avenir de l'Outre-mer.
Magazine Civique : Précisément, en quoi cette nouvelle loi pour le développement économique et la promotion de l'excellence outre-mer est-elle importante ?
Yves Jégo : Cette loi permet d'affirmer une nouvelle ambition collective pour l'Outre-mer en prenant en considération la diversité des situations et en refusant une vaine dispersion de nos moyens et de nos objectifs.
Il s'agit d'une loi d'étape, ce qui relève d'une démarche innovante en matière législative, qui part de l'évaluation de nos politiques publiques, pour permettre leur recentrage stratégique sur les mesures les plus efficaces. Il s'agit de rectifier ce qui ne marche pas et d'être plus audacieux dans les dispositifs qui favorisent l'activité économique. Il s'agit aussi de se donner les moyens de tenir certains de nos objectifs , comme en matière de construction de logements sociaux, mais en allant au-delà, c'est-à-dire en favorisant aussi l'accès à la propriété.
Sur le plan économique, nous partons d'un constat partagé : en dépit d'une croissance économique de l'ordre de 3,5%, d'importantes insuffisances demeurent, comme le fait que le chômage est toujours deux à trois fois plus élevé qu'en métropole, que les secteurs économiques à forte valeur ajoutée sont insuffisamment développés, que la formation professionnelle accuse des retards persistants... La nouvelle loi entend ainsi apporter des réponses opérationnelles à ces blocages. Ainsi le dispositif des « zones franches globales d'activité » dans les vise à favoriser l'affirmation des secteurs moteurs dans chaque territoire au moyen d'exonérations fiscales renforcées dans ces activités jugées prioritaires par les acteurs locaux eux-mêmes. En outre, la loi comprend un important volet centré sur la formation professionnelle. L'objectif est bien de définir une stratégie économique globale qui soit adaptée à la singularité territoriale.
Magazine Civique : Un mois après votre arrivée au ministère de l'Outre-mer, quel est votre état d'esprit ?
Yves Jégo : Mon sentiment, c'est que notre pays ne prend pas suffisamment la mesure du potentiel que représente l'Outre-Mer. Dans la mondialisation, l'enjeu est de puiser toute la richesse que vient de notre diversité tout en ayant le sens d'un destin commun. Dans cette perspective, nous avons à apprendre de l'Outre-Mer. Je pense notamment à l'exemple de la Réunion, qui est une école du vivre ensemble dans la diversité.
Nombre de nos compatriotes connaissent bien ces territoires pour leur attrait touristique. Au demeurant, ces territoires offrent de nouvelles possibilités exceptionnelles avec le développement de « l'écotourisme », attaché à la préservation de l'environnement et à la promotion de la biodiversité.
Mais certains clichés ont la vie dure. Trop de nos compatriotes conçoivent le lien entre la France et les territoires ultramarins comme un poids de l'histoire, entretenu parfois à contre-coeur et, souvent, à de manière coûteuse. Considérer l'Outre-Mer à travers le prisme budgétaire, c'est en occulter le véritable potentiel. La diversité des populations est un atout dans la mondialisation. La responsabilité première de ce ministère est de permettre que se déploie la capacité d'excellence de ces territoires.
Magazine Civique : Quel sera l'avenir du ministère de l'Outre-Mer ?
Yves Jégo : Nous ne parviendrons pas à donner corps à notre ambition pour l'Outre-Mer sans une administration efficiente, mobilisée et inventive. Et loin d'être menacée de disparition, notre organisation, qui date de 30 ans, va se renforcer en évoluant. Nous devons nous concentrer sur les secteurs stratégiques. La RGPP est, de ce point de vue, une opportunité, à condition ne pas la réduire à une simple logique comptable aux dépens des missions de l'Etat outre-mer. Ce qui doit nous guider, c'est de mettre en place l'organisation grâce à laquelle l'Outre-Mer trouvera sa place dans l'ensemble de nos politiques publiques et apportera à la France et à l'Europe une plus grande prise sur le monde.
Magazine Civique : Vous nourrissez de grandes ambitions pour l'Outre-Mer...
Yves Jégo : Avec Michèle Alliot-Marie, nous sommes en effet plein d'ambitions pour nos outre-mer car ils sont une chance pour la France dans la mondialisation. Les territoires ultramarins donnent à notre pays une ouverture sur tous les continents, des relais dans tous les océans. Ils font de la France le deuxième territoire maritime mondial. Et ce sont des écoles de la diversité, tant humaine que naturelle.
J'ai la certitude que certains de ces territoires peuvent devenir exemplaires en matière de développement durable. Je considère aussi qu'ils sont le point d'ancrage d'une nouvelle stratégie portuaire dans un monde où l'essentiel du flux de marchandises transitent par la mer. Dans le domaine agroalimentaire, s'agissant des énergies renouvelables, L'Outre-Mer sera être en pointe de ce que Jean-Louis Borloo appelle « l'écolonomie ».
Mon ambition vient en premier de ces territoires ultramarins et de leurs habitants, qui entendent déployer toute leur singularité au sein d'une France ouverte sur elle-même et sur le monde.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 18 août 2008