Texte intégral
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
C'est pour moi, un très grand honneur de m'exprimer aujourd'hui devant vous en tant que Président du Conseil compétitivité alors qu'il n'y a pas si longtemps encore, j'étais dans vos rangs.
Je tiens en amont de mon propos à souligner l'importance de cet échange avec les membres de la Commission ITRE. Les présidences précédentes ont établi d'excellentes coopérations avec le Parlement européen, et avec cette commission en particulier. La France a aussi la volonté de travailler tout au long de sa présidence en liaison étroite avec le Parlement, acteur majeur du processus de décision européen. Une coopération étroite entre le Conseil et le Parlement européen est une condition « sine qua non » pour le succès de notre agenda.
Je tiens aussi à saluer devant vous l'excellent travail accompli sur les sujets qui nous concernent aujourd'hui par les présidences slovène, portugaise et allemande. La France a l'intention de continuer pendant ce semestre les travaux engagés sur la base des progrès accomplis par les Présidences précédentes.
Les perspectives économiques mondiales se sont récemment dégradées suite à la récession aux États-Unis, à la flambée des prix du pétrole et des produits de base, et aux perturbations qui agitent actuellement les marchés financiers. La crise sur le marché hypothécaire américain a eu des effets négatifs sur le secteur bancaire européen et sur sa capacité à fournir du capital aux entreprises européennes, notamment aux petites et moyennes entreprises. La volatilité excessive et les fluctuations désordonnées des taux de change nuisent à la croissance économique. Dans ce contexte, nous seront amenés à poursuivre les réformes et à renforcer les efforts de la Communauté pour maintenir et améliorer la compétitivité de notre économie.
La première priorité de la Présidence concerne la mise en place de mesures de soutien aux petites et moyennes entreprises européennes afin de donner corps à un plan d'action européen à savoir le « Small Business Act » pour l'Europe. Les autres priorités qui concourent également à la compétitivité des entreprises européennes dans l'économie mondialisée sont le système des brevets en Europe, la politique en faveur des clusters, la poursuite de la stratégie de Lisbonne en faveur de la croissance et de l'emploi et la prise en compte de la dimension externe de la compétitivité.
Je voudrais donc tout d'abord attirer votre attention sur la principale priorité dont j'ai la responsabilité, c'est-à-dire celle d'accroître la compétitivité et la croissance des PME européennes face au défi que représentent les économies émergentes.
Les 23 millions de PME européennes représentent environ 55% du PIB et 65% de l'emploi européen. Elles constituent la clé de voûte de l'économie européenne et ont le potentiel nécessaire pour contribuer significativement au renforcement souhaité de la croissance et de l'emploi dans l'Union. De plus, elles se positionnent fréquemment à la pointe de l'innovation. Il est donc crucial pour la prospérité économique de l'Union Européenne de dynamiser leur développement. Le Conseil, le Parlement et la Commission partagent cet objectif.
La Commission européenne a adopté le 25 juin une communication sur le Small Business Act. Nous comptons faire avancer ce dossier de manière significative pendant le semestre en cours. Ce point est déjà à l'ordre du jour de la réunion informelle des ministres en charge de la Compétitivité, qui a lieu aujourd'hui et demain à Versailles. Je crois savoir que la Commission ITRE envisage aussi de se saisir de ce sujet sous forme d'un rapport d'initiative. Je souhaite vous indiquer que la Présidence du Conseil y serait tout à fait favorable. En outre, il faudrait que ce rapport soit réalisé pendant le second semestre 2008 pour que son adoption suive les conclusions du Conseil compétitivité des 1er et 2 décembre.
Le Small Business Act comprend tout d'abord 5 textes de portée législative : la proposition de règlement établissant un statut de la Société Privée Européenne, le règlement général d'exemption par catégorie en matière d'aides d'Etat adopté début juillet, la proposition de directive relative aux taux réduits de TVA, visant notamment les services rendus localement, une directive sur la modernisation des règles de facturation de la TVA et la modification de la directive sur les délais de
paiement.
Mais le Small Business Act proposé par la Commission est aussi composé de 10 principes à mettre en oeuvre conjointement par la Commission et les Etats membres. Dans le cadre du principe de subsidiarité et de la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne, le Small Business Act fera donc l'objet de mesures communautaires et de mesures prises au niveau national, voire au niveau local. La réussite du Small Business Act dépendra de l'engagement coordonné de l'ensemble des autorités publiques au sein de l'Union européenne sur le sujet.
Je n'évoquerai ici que les principes qui me paraissent les plus importants : la conception de la législation en tenant compte des intérêts des PME, c'est le « think small first », la promotion de l'entrepreunariat, un meilleur accès au financement et aux marchés publics, le soutien à l'innovation et à l'internationalisation.
La France a pour objectif que des conclusions déterminantes soient adoptées à l'issue de sa présidence afin de donner corps à un plan européen d'action répondant aux ambitions suivantes :
- Il nous faut accroître la compétitivité des PME au travers d'initiatives européennes concertées qui encouragent une meilleure qualification de la main d'oeuvre et un plus large accès aux programmes européens d'aide à l'innovation. En termes de qualification, j'attache une très grande importance à la mobilité des apprentis au sein de l'Union européenne. Comme pour les étudiants, le parcours de formation des apprentis doit pouvoir intégrer un échange dans d'autres Etats membres. La Présidence française organise à ce titre une manifestation à Paris les 2 et 3 octobre prochains où 10 000 apprentis venant de l'ensemble des Etats membres se réuniront. Vous y êtes cordialement invités.
- Il nous faut aussi améliorer le financement des PME en s'appuyant sur de nouveaux outils financiers développés par la Banque européenne d'investissement et sur une meilleure intégration du marché du capital-risque. Le marché, lorsqu'il est livré à lui-même, ne facilite pas l'attribution des financements suffisants pour la création ou le développement des PME. En outre, les turbulences actuelles des marchés financiers créent davantage de difficultés pour l'obtention de prêts commerciaux. De plus, l'application de délais de paiement plus courts dans toute l'Union permettra de soulager la trésorerie et le besoin en fonds de roulement des PME. La Présidence fera en sorte que le SBA permette de réelles améliorations du financement des PME.
- Il nous faut renforcer l'intégration du marché intérieur, notamment par l'adoption du statut de la « société privée européenne » et par l'amélioration du système des brevets en Europe dont je parlerai dans un instant. Trop souvent, les PME ne s'orientent pas assez vers des activités transfrontalières : nous devons être conscients qu'aujourd'hui seulement 8% des PME déclarent réaliser des exportations en dehors de leurs pays. Grâce au statut de la « société privée européenne », l'accès des PME au marché unique se trouvera facilité en réduisant les coûts d'adaptation liés aux 27 droits nationaux des sociétés au sein de l'UE. La Présidence fera tout pour aboutir, à l'issue des travaux législatifs, à un statut de la « société privée européenne » réellement européen, qui évitera l'écueil de renvoyer excessivement aux multiples droits nationaux.
- Le dernier aspect du SBA que je souhaite mentionner aujourd'hui est celui de l'accès des PME aux marchés publics. Les marchés publics représentent environ un sixième du PIB de l'UE et peuvent offrir d'importants débouchés aux PME. La Commission propose un code de bonne conduite pour faciliter l'accès des PME aux marchés publics, sans renoncer pour autant aux principes d'efficacité économique. La Présidence française se rapprochera des autres Etats membres pour examiner dans quelle mesure la proposition de la Commission en la matière peut encore être enrichie.
Après le SBA, la deuxième priorité qui intéresse votre Commission est l'amélioration du système des brevets en Europe, qui consiste en la création du brevet communautaire d'une part et à la mise en place d'une juridiction européenne unique en matière de litiges concernant les brevets européens et communautaires d'autre part.
En ce qui concerne le système des brevets en Europe, la proposition de la Commission date de 2000. Cela fait 8 ans que cet important dossier piétine alors qu'il est reconnu par tous comme une mesure essentielle pour le fonctionnement du marché intérieur et pour le soutien de l'activité des entreprises européennes, notamment des PME, sur les marchés mondiaux. Deux questions épineuses restent ouvertes : le régime linguistique et la clé de répartition des revenus émanant des taxes qui seront payées pour le maintien des futurs brevets communautaires. La présidence française poursuivra les travaux techniques sur le règlement sur le brevet communautaire, sur la base des propositions avancées sous présidence slovène.
En ce qui concerne la nouvelle juridiction concernant l'actuel brevet européen et le futur brevet communautaire, les négociations sous présidence portugaise et slovène ont permis d'en élaborer les principales caractéristiques. La création du futur système juridictionnel des brevets reposerait sur un traité international conclu entre la Communauté européenne et ses Etats membres, qui serait ouvert à des Etats tiers, membres de l'Office européen des brevets. La présidence française est attachée à travailler, en lien avec la Commission, à la recherche de lignes de convergence sur les sujets restant en discussion.
Sur ces deux dossiers, la France poursuivra, au cours de sa présidence, les travaux et la dynamique des présidences slovène et portugaise dans la recherche de solutions acceptables par l'ensemble des Etats membres tout en correspondant aux besoins des utilisateurs du système des brevets.
A côté du brevet communautaire, les clusters sont aussi pour la présidence française un pilier d'une politique européenne d'innovation. La Commission va présenter dans les prochaines semaines une communication sur les clusters. La présidence française souhaite que le Conseil adopte des conclusions ambitieuses pour cette stratégie et que le Parlement lui apporte son soutien. J'ai la conviction que cette stratégie peut être la base d'une politique industrielle moderne pour faire de l'Europe un « leader » de l'économie de la connaissance.
Une stratégie européenne pour les clusters doit se baser sur un ancrage local fort comprenant à la fois des infrastructures de recherche de haut niveau, des concentrations industrielles importantes, susceptibles de valoriser les résultats de la recherche, des universités et des écoles pour former les jeunes et les professionnels aux technologies portées par les clusters dans le cadre du principe de subsidiarité.
A la lumière de l'expérience menée en France depuis 3 ans, je crois qu'il y a quelques secrets de fabrication de cette politique :
- Ce sont les acteurs des clusters qui pilotent leur groupement autour d'une stratégie commune. Une politique industrielle moderne doit reposer sur les idées et le dynamisme des industriels, des entrepreneurs et des chercheurs.
- Le partenariat public-privé entre les entreprises, les universités et les centres de formation est essentiel. Ce partenariat permet le transfert de connaissances, notamment au profit des PME qui bénéficient tout particulièrement des réseaux mis en place.
- Les pouvoirs publics ne dictent pas la stratégie, ils l'accompagnent sur des projets ciblés.
- Il faut constituer un environnement global favorable au développement économique : recherche et innovation sont au coeur des clusters bien sûr, mais autour de ce noyau dur, il y a un écosystème complet qui suscite le développement économique.
- Et enfin, c'est une exigence d'excellence qui doit nous guider collectivement. Il convient d'éviter l'éparpillement que pourrait engendrer de trop nombreuses initiatives n'atteignant pas la taille critique. Pour cela, la stratégie européenne des clusters doit s'appuyer sur la notion d'excellence, qui va au-delà de la simple concentration industrielle. Il nous faut faire émerger en Europe des clusters de taille mondiale, basés sur des technologies de rupture, afin de permettre aux entreprises européennes de développer de nouveaux produits et services qui vont conquérir de nouveaux marchés. Je suis convaincu que les clusters constituent la politique industrielle moderne dont l'Europe a besoin pour conserver son rang dans l'économie mondialisée. Grâce à cette stratégie, les clusters européens pourront rivaliser avec les concentrations technologiques de nos concurrents internationaux.
La 4ème priorité que je souhaite mentionner est la stratégie de Lisbonne en faveur de la croissance et de l'emploi, et plus précisément son cycle 2008-2010. Les effets positifs de l'euro et du marché unique et aussi les réformes structurelles qui ont été engagées ces dernières années dans le cadre de la stratégie de Lisbonne ont produit des résultats économiques tangibles. Le dernier tableau de bord européen de l'innovation, présenté en février 2008, a montré que les Etats-Unis et le Japon devancent toujours l'Union en matière d'innovation, mais que l'écart s'est réduit entre 2003 et 2007. Au cours des cinq dernières années, l'Union européenne a maintenu avec succès sa part de marché mondiale à environ 15% alors que, dans la même période, la part de marché mondiale pour les Etats-Unis est tombée de 15 à 8%. Ce maintien est à valoriser car il a été réalisé au cours d'une période où de nouveaux acteurs économiques importants comme le Brésil, la Russie, la Chine et l'Inde ont eu un fort impact sur l'économie mondiale. Ce succès significatif montre que l'Union européenne est capable de maintenir sa compétitivité dans une économie mondialisée.
Toutefois, la conjoncture s'est dégradée ces derniers mois et l'économie européenne sera vraisemblablement confrontée à un environnement plus difficile pendant les années à venir. Le lancement du nouveau cycle triennal 2008-2010 de la stratégie de Lisbonne qui a été approuvé lors du Sommet de Printemps du 13 et 14 mars derniers représente le cadre dans lequel nous devons concentrer nos efforts pour soutenir et améliorer la compétitivité européenne. Aucun changement politique radical ne sera nécessaire, mais davantage de ressources devraient être mises dans la recherche et l'innovation, le renouvellement du potentiel commercial, l'aide aux petites et moyennes entreprises, et l'amélioration des marchés du travail.
Tous les efforts de la Présidence française seront orientés vers la compétitivité économique, l'environnement et la cohésion sociale, qui sont les trois piliers de la stratégie de Lisbonne. En même temps, afin de réaliser nos ambitions en ce qui concerne la politique environnementale et pour mieux défendre l'acquis social, une priorité absolue sera donnée au rétablissement d'une saine et vigoureuse croissance économique et à la création d'emplois.
En outre, un premier échange de vues sur la stratégie au-delà de 2010 s'est tenu le 26 mai 2008 au sein du groupe des coordonnateurs nationaux de cette stratégie, présidé par la président Barroso. La plupart des intervenants ont marqué leur attachement à la démarche, tout en l'adaptant pour tenir compte des nouveaux défis que sont le réchauffement climatique, la problématique migratoire et l'accélération de la mondialisation. Ils ont fait part de leur disponibilité pour engager dès à présent cette réflexion, au sein du groupe des coordonateurs de Lisbonne, qui constitue une enceinte informelle, appropriée pour lancer ce travail. L'objectif de ce processus est de fournir les éléments d'une stratégie adaptée aux nouveaux défis rencontrés par l'Europe, qui sera définie in fine par le Conseil européen de mars 2010. Cette réflexion se fera donc sous les présidences française, tchèque et suédoise, et devrait s'achever au début de la présidence espagnole. La présidence française et la Commission européenne organiseront une réunion du groupe des coordonnateurs en novembre prochain sur ce sujet, afin de commencer la réflexion sur la base des propositions de la Commission.
Le dernier sujet que je souhaite aborder est la nécessité que les institutions européennes prennent en compte la dimension externe de la compétitivité de notre économie pour définir leurs interventions. Les décisions et textes législatifs décidés au niveau communautaire ont un impact sur la compétitivité des entreprises européennes dans une économie mondialisée. Notre préoccupation est de ne pas affaiblir la compétitivité européenne et d'avancer vers des conditions de concurrence équitables sur le plan international. Le principe de réciprocité pourrait être aussi retenu lorsqu'il s'agit d'élaborer des stratégies pour convaincre les Etats tiers de supprimer les obstacles désavantageant les entreprises européennes.
Aujourd'hui, cette question d'une meilleure prise en compte de la dimension externe de la compétitivité se décline à travers quatre axes qui sont sur la table du Conseil compétitivité informel qui se tient demain :
- le volet externe du Small Business Act et notamment l'accès des PME aux marchés internationaux ;
- la mise en oeuvre de la politique industrielle durable et notamment du système d'échange de quotas d'émissions ;
- le volet international du Plan d'action « Production et Consommation industrielle durables / Politique industrielle durable » et le dialogue réglementaire pour promouvoir des standards européens au niveau international ;
- la protection des droits de propriété intellectuelle et la lutte contre la contrefaçon.
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
J'espère que je n'aurai pas été trop long. Le Small Business Act, le brevet communautaire, les clusters, la stratégie de Lisbonne et la dimension externe de la compétitivité sont les priorités que je souhaitais vous présenter ce matin. Nous avons besoin de vous pour les faire progresser et aboutir pendant la Présidence française.
Source http://www.ue2008.fr, le 5 août 2008