Interview de M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat chargé de l'aménagement du territoire, dans "L'information agricole" de juillet-août 2008, sur le rôle des pôles d'excellence rurale, le maintien des services pubics et le développement des nouvelles tehnologies de l'information pour dynamiser les zones rurales.

Prononcé le 1er juillet 2008

Intervenant(s) : 

Média : L'Information agricole

Texte intégral

L'Information Agricole - « Le territoire donne à l'homme son identité et ses racines » mais il peut aussi les lui faire perdre. Comment, avec un urbanisme grandissant et des campagnes qui se dépeuplent, maintenir un équilibre ?
Hubert Falco - De plus en plus, dans ce que les observateurs appellent parfois les campagnes urbaines, les maux des territoires sont ceux d'une croissance démographique mal maîtrisée : l'étalement urbain en est une des conséquences les plus dommageables pour nos territoires. Chaque année, 60 000 ha de terres agricoles disparaissent ainsi. A croissance de population égale, nous consommons deux fois plus d'espace que nos amis allemands. Nous ne pouvons plus continuer sur cette pente.
Pour trouver l'équilibre propre à chaque territoire, il faut une approche intégrée et réellement volontariste des problématiques du rural et de l'urbain, à l'échelle de bassins de vie cohérents, autour des villes, petites et moyennes. C'est pourquoi je souhaite redonner du sens aux outils de planification spatiale, comme le schéma de cohérence territoriale (SCOT). C'est à cette échelle, celle des intercommunalités vécues, celle des Pays, que les collectivités peuvent bâtir des stratégies de développement durable des territoires. L'Etat va les y aider. C'est un enjeu majeur de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.
Ne laissons pas disparaître l'âme de nos villages. C'est la responsabilité de nos élus locaux, et c'est l'ancien maire d'une commune rurale qui le dit, tout autant que le ministre.
I. A. - Comment allez-vous favoriser cette sauvegarde de la vie et l'activité dans les campagnes françaises ?
H. F. - Je suis très attentif à l'action en faveur des territoires ruraux affectés par le déclin économique ou démographique, ou disposant d'une base économique peu diversifiée. Le dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR, ndlr) bénéficie à 13 602 communes métropolitaines et 5,3 millions d'habitants. Le dispositif de soutien apporté par l'Etat est extrêmement incitatif et couvre un très large spectre d'actions. A titre d'exemple, les mesures fiscales ont bénéficié en 2006 à 3 098 entreprises, pour 12 millions d'euros.
Toutefois, il apparaît que l'ensemble des mesures instaurées par la loi du 23 février 2005 ne fait pas l'objet d'une égale publicité ni d'une mise en oeuvre complètement satisfaisante. J'ai appelé les préfets à la plus grande vigilance. Une évolution prévue par la loi permettra de mesurer la portée générale du dispositif en faveur des ZRR en 2009.
Les territoires ruraux sont une chance pour le développement de notre pays. Ils y apportent un équilibre, un potentiel de ressources exceptionnelles et un dynamisme en matière d'activité et d'innovation, révélé au grand jour par les pôles d'excellence rurale.
I. A. - Quels rôles vont justement avoir les pôles d'excellence rurale dans votre dispositif pour dynamiser les zones rurales ?
H. F. - La grande majorité des 379 pôles d'excellence rurale (PER, ndlr) labellisés ont démarré en 2007. L'objectif est d'engager la totalité des actions pour fin 2008. La politique des PER est une démarche de compétitivité et d'attractivité des territoires au service de la cohésion territoriale : les deux tiers des projets labellisés interviennent en zones de revitalisation rurale. Les projets lancés couvrent des domaines aussi variés que la santé, des services à la population, le patrimoine, l'habitat, les énergies renouvelables, mais aussi les produits agricoles de qualité.
J'ai demandé à la DIACT de dresser le bilan de l'action menée d'ici la fin 2008, avant d'envisager une nouvelle étape ambitieuse pour cette politique, que je veux orienter plus fortement autour du développement durable.
I. A. - Quels services publics maintenir dans ces zones qui se dépeuplent dangereusement ?
H. F. - En matière de services publics et de services au public, je souhaite parvenir rapidement, à l'échelle de territoires de vie pertinents, à un niveau d'offre de services équitable et garanti. Celui-ci pourra faire l'objet, le moment venu, d'un « contrat territorial de services » entre l'Etat, les collectivités et les opérateurs, s'appuyant sur la Charte nationale des services publics signée en juin 2006.
J'ai demandé aux préfets de conduire, pour la fin de l'été, un diagnostic sur l'accès aux services au public par bassins de vie et un état d'avancement de leurs projets territoriaux de services. Seront particulièrement étudiés les exemples de mise en réseau de services ou de structures mutualisées, de dématérialisation des services ou d'itinérance des services. J'attends en particulier des exemples de bonnes pratiques pour les services offerts en matière de santé.
Dans ce contexte, la révision générale de politiques publiques ne peut pas se faire contre les territoires, et en particulier les territoires ruraux et leurs collectivités, aux ressources limitées. Au contraire, elle doit être l'occasion de revisiter l'offre de services publics et de services au public, pour mieux l'adapter à la réalité de chaque territoire et à l'évolution des besoins.
I. A. - Est-ce que les campagnes françaises peuvent espérer avoir accès aux TIC, au même titre que les villes ?
H. F. - Le développement des technologies de l'information et de la communication (TIC) est un enjeu essentiel pour l'accessibilité aux communes, pour la lutte contre l'exclusion, pour l'éducation, pour la coopération, la mutualisation des compétences et des savoirs dans le cadre du développement économique.
Je souhaite la couverture totale du territoire par le haut débit d'ici 2012, c'est-à-dire le droit d'accès de tous au très haut débit. Pour y parvenir, j'ai demandé au Premier ministre d'arbitrer en faveur de l'affectation aux communications électroniques d'une partie des fréquences qui seront libérées par la migration de la télévision analogique sur le numérique. C'est au travers de l'affectation de ce « dividende numérique » que l'on pourra trouver une alternative à la fibre optique, dont nous ne pourrons pas équiper tout le territoire à un horizon et un coût raisonnables.
Je souhaite par ailleurs encourager le dynamisme des collectivités qui interviennent dans le déploiement des réseaux et la fourniture de services pour pallier la carence de l'initiative privée dans les zones rurales. Je veux apporter plus d'outils aux collectivités et améliorer la cohérence entre les échelons territoriaux.
C'est dans cet esprit que j'ai installé avec Eric Besson (secrétaire d'Etat chargé de la Prospective, de l'Evaluation des politiques publiques et du Développement de l'économie numérique, ndlr) et Luc Chatel (secrétaire d'Etat chargé de l'Industrie et de la Consommation, ndlr) un comité pour la couverture numérique des territoires.
J'ai enfin engagé une discussion ferme avec les opérateurs mobiles pour faire émerger une solution permettant la couverture, pour la fin 2011 au plus tard, des 364 communes couvertes par aucun opérateur mobile.
I. A. - Comment la question du territoire, et du développement durable plus généralement, va-t-elle être prise en compte pendant la présidence européenne ?
H. F. - La présidence française de l'Union européenne va permettre de faire avancer le débat sur la cohésion territoriale et l'avenir de la politique de cohésion. La cohésion territoriale peut devenir un élément important, voire structurant, de la politique de cohésion. La présidence française part du constat des progrès accomplis en termes de convergence économique et sociale des régions européennes, mais aussi de la persistance d'inégalités entre les territoires, pour engager une réflexion sur le contenu de cette politique dont a besoin l'UE. Elle veut assurer la cohésion de son territoire et se préparer à relever les nouveaux défis qui lui sont lancés, en particulier l'adaptation au changement climatique, la protection de la biodiversité, l'équilibre énergétique.
PROPOS RECUEILLIS PAR CLAIRE NIONCEL
source http://www.fnsea.fr, le 9 septembre 2008