Déclarations de MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, et Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur les actions pour faire entrer la France dans la société de l'information, Hourtin, le 29 août 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 18ème université de la communication à Hourtin du 25 au 29 août 1997

Texte intégral

Discours de Christian PIERRET

Mesdames, Messieurs,
Au terme de cette semaine particulièrement riche en débats, vous vous êtes largement exprimés sur la communication, l'audiovisuel et la société de l'information. Le Gouvernement a tenu à marquer par une présence forte ses priorités dans ces domaines.
Le Premier ministre a annoncé ici, à HOURTIN, une politique volontariste pour l'entrée de la France dans la société de l'information, et plusieurs ministres et secrétaires d'Etat, ont tenu à affirmer cette priorité chacun dans le domaine de compétence qui est le sien. Ainsi que je l'ai exprimé lors de la conférence internationale de Bonn sur les réseaux globaux d'information, nous nous trouvons face une formidable opportunité pour stimuler la croissance et créer des emplois. Il s'agit d'une priorité économique pour la modernisation de notre pays et donc d'une priorité politique pour le Gouvernement.
Pour ma part, j'ai la volonté de mener une action déterminée pour faire résolument entrer les entreprises françaises dans la société de l'information.
I - Les enjeux de la société de l'information
Nous sommes tous conscients des enjeux considérables de la société de l'information dans tous les secteurs de l'économie ou de la vie publique, et l'Etat est plus que jamais soucieux que notre pays ne prenne aucun retard dans ce domaine.
Aussi, j'aborde ces nouvelles technologies avec la volonté que leur potentiel puisse être exploité par l'ensemble des acteurs de la société française. La France ne doit pas rester en retrait en raison des craintes qu'elles provoquent en termes d'évolution de l'emploi, de dérive des contenus, de risque pour les consommateurs et les libertés individuelles. Certes nous devons être vigilants. Le Premier ministre l'a rappelé en confiant à Monsieur BRAIBANT une mission de réflexion et de proposition sur la protection des données à caractère personnel, mais je suis convaincu que c'est dans une attitude positive que réside la meilleure approche.
II. La France dispose de nombreux atouts pour conquérir les nouveaux marchés
En matière de communication audiovisuelle, de multimédia et de technologies d'information, la France dispose de nombreux atouts pour conquérir de nouveaux marchés. Les acteurs français couvrent l'ensemble de la chaîne de la valeur ajoutée depuis la production des contenus jusqu'aux équipements terminaux de réception en passant par l'élaboration de bouquets de services et leur diffusion aux travers de réseaux performants.
La France a vu le lancement du premier bouquet de télévision numérique par satellite en Europe. Sur le plan industriel, Thomson Multimedia, qui a été le premier industriel à fabriquer des décodeurs numériques, Sagem, Philips, SGS - Thomson, notamment, ont constitué en France de remarquables compétences en matière de communication audiovisuelle.
Grâce au minitel, la France a de nombreux éditeurs de service en ligne qui sauront s'adapter à la transition vers le monde Internet mais également d'industriels compétents pour produire des terminaux à bas coût. Dans l'édition de contenus multimédia, des entreprises françaises ont déjà acquis une place significative sur la scène internationale.
De manière générale, face aux défis posés par la société de l'information, notre pays possède un ensemble d'atouts économiques, scientifiques et sociaux qui nous permettront de nous placer au meilleur niveau mondial.
Le rôle de l'Etat dans la société de l'information est important, quoiqu'il ne s'agisse en aucun cas pour lui de se substituer aux autres acteurs économiques dont les initiatives sont indispensables pour exploiter le potentiel de ces nouvelles technologies. Face au retard pris par la France dans certains secteurs, l'Etat doit avant tout inciter à leur diffusion dans la société et faciliter le renforcement de ce secteur économique, en veillant à ce que tous les citoyens puissent y accéder.
Cette approche doit être globale dans l'ensemble de la société : les entreprises, l'éducation, l'administration, le grand public. C'est en menant le combat sur tous ces fronts que nous parviendrons le plus rapidement à cet objectif.
L'usage de la micro-informatique et d'Internet à l'école aura un effet incitatif sur l'équipement des foyers. De même, la mise en oeuvre d'applications innovantes dans l'administration et les services publics devrait avoir un effet d'entraînement sur l'équipement des entreprises et des foyers. Au total, une meilleure diffusion des micro-ordinateurs et d'Internet dans les ménages incitera les entreprises à développer une offre de commerce électronique. Ce cercle vertueux que je souhaite encourager sera un élément essentiel de notre dynamisme économique.
Bien évidemment, il faudra prendre en compte non seulement les problèmes d'équipement des utilisateurs finaux, mais aussi de disponibilité de contenus attractifs, de sensibilisation et de formation des différents acteurs, pour éviter les échecs passés de plans trop souvent focalisés sur les seuls équipements.
III - L'action du Ministère doit s'articuler autour de quelques priorités
D'ores et déjà, un certain nombre de décisions essentielles ont été annoncées par le Premier ministre :
- la généralisation d'équipements micro-informatique et de l'accès à Internet dans les écoles ;
- le développement de la présence culturelle française sur les nouveaux réseaux ;
- la libéralisation de la cryptologie afin de développer le commerce électronique ;
- une présence accrue des services publics et des données publiques sur Internet, notamment le Journal Officiel de la République Française.
Mais aujourd'hui, ce qu'il me revient de dire ce sont les orientations que j'entends prendre avec Dominique STRAUSS-KAHN au sein du Ministère de l'Economie des Finances et de l'Industrie pour affirmer cette priorité politique dans notre domaine de compétence au sein du Gouvernement.
- Soutenir le développement du commerce électronique
Le commerce électronique est pour nos entreprises une formidable opportunité d'ouverture commerciale au monde entier. Son développement relève avant tout de l'initiative privée. L'Etat doit pour sa part mettre en place un cadre réglementaire stable et favorable, encourager les initiatives innovantes et participer à la formation et au conseil des utilisateurs.
Le commerce électronique nécessite que soit garantie la sécurité des transactions, la confidentialité des informations échangées et la protection des consommateurs. La libéralisation de la cryptologie, décidée par le Premier ministre, va y contribuer. Conformément à la loi de réglementation des télécommunications, je vais mettre en oeuvre par arrêté une libéralisation de la cryptologie faible jusqu'au niveau de chiffrement de 40 bits. Dans ce cadre, la commercialisation de ces algorithmes sera prochainement soumise à une procédure simplifiée. En ce qui concerne le chiffrement de plus haut niveau, les décrets définissant le régime d'autorisation et les responsabilités des tierces parties de confiance sont actuellement soumis à la Commission Européenne et devraient être promulgués avant la fin de l'année. Cette libéralisation doit permettre aux entreprises françaises d'entrer pleinement sur ce marché, encore trop largement dominé par l'industrie américaine.
- Soutenir la diffusion des technologies de l'information dans les PMI
Les PMI françaises ont souvent du retard dans l'utilisation des technologies liées à Internet qui constituent pourtant un enjeu important pour leur compétitivité. Aussi je souhaite mettre en place des dispositifs facilitant leur appropriation par ces entreprises. Il s'agit de permettre aux PMI d'une part d'assurer grâce à Internet une meilleure veille technologique et commerciale, d'autre part d'améliorer grâce aux échanges électroniques les relations entre donneur d'ordre et sous-traitants, et enfin de développer des applications de commerce électronique qui leur ouvriront le marché mondial.
Dès 1998, les écoles et les établissements sous tutelle du Ministère de l'Industrie comme les Ecoles des Mines, les Ecoles des Télécommunications, l'INRIA vont mettre en place des sessions de sensibilisation et de formation aux technologies de l'information à destination des PMI et de leurs dirigeants. Je souhaite également qu'elles puissent mettre en place des plateformes de démonstration des utilisations avancées de ces technologies.
Les écoles d'ingénieurs du Ministère devront également assurer la formation des Assistants Techniques d'Industrie dans chaque Chambre de Commerce et d'Industrie afin de promouvoir ces technologies dans les entreprises. Bien entendu, ces formations seront également ouvertes aux autres chambres consulaires.
Des forums régionaux de sensibilisation et d'information ouverts aux PMI seront organisés avec tous les partenaires locaux concernés.
S'agissant des relations entre les entreprises et les services de mon Ministère, elles doivent être exemplaires dans l'utilisation des technologies de l'information. Ainsi, je souhaite que l'ensemble du dispositif des aides aux entreprises (FRAC, FDPMI, aides de l'ANVAR) soit d'une part consultable sur les serveurs WEB du Ministère et d'autre part que les formulaires de demande d'aides soit téléchargeables pour la fin 1998. C'est déjà le cas pour le guichet permanent pour les autoroutes de l'information. A terme, les entreprises devront pouvoir obtenir des compléments d'information sur les procédures d'aides par courrier d'électronique.
- Encourager la R D pour la société de l'information
Mon département ministériel entend orienter et focaliser les grands programmes de recherche et développement industriels vers le secteur des technologies de l'information: les composants électroniques, l'informatique, le multimédia, l'électronique professionnelle et grand public. Nous allons également adapter l'organisation de la recherche dans les télécommunications à l'ouverture à la concurrence décidée au niveau européen. La France devra en effet non seulement être consommatrice de technologies, mais également être capable de les produire afin de développer un secteur industriel performant et créateur d'emplois très qualifiés. L'Etat doit jouer un rôle dans les stratégies d'orientation de la recherche et développement pour une meilleure compétitivité des entreprises.
- Favoriser le déploiement de la télévision numérique
La réussite de la télévision numérique est pour une large part le fruit de la concertation européenne sur le plan technologique et sur le plan de la normalisation. Cependant, l'interopérabilité des systèmes de télévision numérique n'est pas assurée. Les consommateurs finaux courent donc le risque de devoir accumuler les boîtiers et les télécommandes pour accéder à différents fournisseurs de services, et d'être contraints de changer leurs équipements pour recevoir de nouveaux programmes. Il me parait essentiel que des mesures soient prises sur le plan européen pour harmoniser les plateformes tout en préservant au mieux les investissements réalisés. La télévision numérique par satellite est une réalité et la France est le seul pays européen à disposer de trois bouquets de programmes numériques avec aujourd'hui plus de 500 000 abonnés.
L'effort très important réalisé par notre pays pour l'équipement en réseaux câblés n'a pas été valorisé jusqu'à présent, dans des conditions satisfaisantes. Nous devons aujourd'hui profiter de cette infrastructure d'excellente qualité technique pour diffuser les nouveaux services de communication, dont l'accès à Internet. Cette priorité rend nécessaire une nouvelle appréciation de notre organisation dans ce domaine avec pour préoccupation première d'organiser des synergies positives au profit des utilisateurs, entre les prestataires de service et les opérateurs techniques.
En ce qui concerne la diffusion hertzienne, plusieurs pays comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou la Suède ont pris la décision de la numériser. Mais pour la France, la décision n'est pas encore prise. Cette transition de l'analogique vers le numérique permettrait de libérer des bandes de fréquences pour de nouveaux services. Cependant, la faisabilité de cette migration doit être examinée, et mes services étudient la planification des fréquences et les futurs récepteurs numériques en liaison avec ceux du Ministre de la Culture et de la Communication avec qui j'entends mener une réflexion d'ensemble sur la problématique de la diffusion numérique hertzienne.
- Poursuivre et valoriser les expérimentations sur les autoroutes de l'information
Je suis très attaché à la poursuite des projets d'expérimentation des autoroutes de l'information, dans des domaines aussi variés que ceux des nouveaux services commerciaux (commerce électronique, échanges inter-entreprises), des services à caractères sociaux (santé, éducation, emploi, culture...) et de l'audiovisuel.
Il me paraît important que de nouvelles expérimentations soient lancées par le secteur privé, ainsi que le secteur public, et pour ce faire, j'ai décidé la poursuite du guichet permanent des autoroutes de l'information, mis en place à la suite de l'appel à propositions. Dans ce cadre, mon Ministère apportera son appui financier au projets labellisés innovants et à ce titre je souhaite une participation active de la presse, et en particulier de la presse régionale
- Encourager la migration du Minitel vers Internet
Le Premier ministre a demandé à France Télécom de proposer des solutions afin d'assurer la transition des services Minitel vers Internet. L'opérateur public s'y prépare activement avec les industriels et proposera à la vente ou en location, à la mi 98, un terminal Internet-Minitel afin de faciliter l'accès à Internet pour tous. Une expérimentation de ces terminaux a d'ailleurs fait l'objet d'une labellisation et d'un soutien du Ministère de l'Industrie. Il conviendra encore de réfléchir à la tarification de l'accès à Internet, qui doit pouvoir être accessible sans abonnement et à un coût qui ne soit pas discriminant. Je souhaite que France Télécom propose rapidement des offres tarifaires adaptées au grand public et aux internautes.
- Donner à la Poste un rôle exemplaire dans la diffusion d'Internet auprès du grand public
Enfin, j'ai demandé à la Poste d'être exemplaire dans l'utilisation des technologies de l'information et dans la promotion d'Internet. Ainsi dans un premier temps, d'ici la fin 1998, j'ai décidé que 1000 bureaux de Poste seront équipés de terminaux d'accès à Internet afin de sensibiliser le maximum de français. Ces terminaux seront placés à la fois dans des bureaux situés en zone rurale, comme dans les villes, notamment dans les quartiers urbains sensibles. Ils permettront, entre autres, d'accéder à des applications de commerce électronique pour tous ceux qui ne disposent pas d'un accès à leur domicile.
Dès 1998, de nombreux jeunes nouvellement recrutés aideront le grand public à s'initier à Internet et je tiens particulièrement à cette fonction sociale qui s'inscrit dans une volonté d'égalité et de convivialité des citoyens face à la technologie.
CONCLUSION
Le Gouvernement, comme l'a affirmé ici même le Premier ministre, souhaite que les acteurs économiques français se mobilisent rapidement et fortement pour porter la France au meilleur niveau en Europe et dans le monde dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Cet effort collectif est indispensable pour que notre pays participe pleinement et avec autorité aux discussions internationales qui se sont engagées notamment au niveau européen pour préparer l'avènement attendu du commerce électronique. Nous avons tous les atouts pour y parvenir : des technologies reconnues au plan mondial, des entreprises dynamiques, une recherche de grande valeur, une capacité d'innovation remarquable dans la création de services et contenus multimédia. Tout ce potentiel ne demande qu'à s'épanouir dans un contexte juridique, économique et social qu'il faut rendre favorable. C'est avant tout la responsabilité de l'Etat mais c'est aussi celle de toute la société. Vous avez la responsabilité, vous, acteurs de la communication de favoriser une prise de conscience collective des enjeux majeurs dont vous avez débattus cette semaine.

(source http://www.industrie.gouv.fr, le 31 décembre 2001)
Discours de M. Jacques DONDOUX.
Mesdames, Messieurs, mes chers Amis,
Je suis particulièrement heureux de participer à vos 18e universités d'été de la communication.
D'autant plus que - comme vous le savez - le sujet pour lequel vous m'avez invité : " les nouvelles technologies de l'information : une chance pour le développement du territoire " me tient particulièrement à coeur en tant que Président des Inforoutes de l'Ardèche.
Dans mon esprit, tout se tient : nous pourrons mieux aider les entreprises à exporter, et en particulier les plus petites d'entre elles, lorsque nous aurons maîtrisé la formation des citoyens. Ne nous y trompons pas : dans la révolution de l'intelligence à laquelle nous sommes confrontés, il m'apparaît nécessaire d'être présent sur le terrain pour voir les véritables difficultés engendrées par la société de l'information, et dessiner des solutions viables et crédibles.
En effet, le secteur des technologies de l'information et de la communication, en forte croissance, est porteur d'opportunités dignes d'intérêt pour le développement des entreprises. Il suscite cependant des réticences compréhensibles dont il faut prendre localement la mesure. On ne doit pas négliger les écueils perçus par les citoyens et les entreprises. Nous ne sommes plus dans un monde où une décision centralisée - l'équipement de toute la France en réseaux à hauts débits, par exemple - peut être appliquée sans autre forme de procès. Il faut au contraire développer progressivement une conscience citoyenne des enjeux, en laissant ensuite la société sécréter ses solutions et ses équipements.
Car le développement de la société de l'information ne peut pas laisser indifférent : cette révolution touche tous les citoyens, et il convient de veiller à ne pas laisser sur le bord du chemin certains d'entre eux pour des raisons financières ou géographiques.
Les nouvelles technologies, une histoire de campagne
L'attractivité du territoire ne se mesure pas à sa distance à Paris : aujourd'hui ce qui compte c'est la distance à la plus proche fibre optique qui permet d'acheminer images, textes et sons à l'autre bout du monde pour atteindre de nouveaux marchés lointains. Or, avec le développement des infrastructures de télécommunications, un village devient aussi proche de la Silicon Valley qu'une multinationale implantée en banlieue parisienne. C'est cette opportunité que doivent saisir les PME françaises aujourd'hui, soutenues par une politique ambitieuse de soutien à l'exportation et au développement international.
Deux piliers pour appuyer le développement des nouvelles technologies en zone rurale : l'éducation et les PME
L'éducation
Deux pistes d'action retiennent plus particulièrement mon attention : l'éducation, et l'usage des nouvelles technologies par les PME.
Pour l'école, il est indispensable d'agir dès l'enseignement primaire, car c'est dès le plus jeune âge que la sensibilisation à ce que sera demain le monde doit se faire. L'ouverture de leurs maîtres aux nouvelles technologies, source de renouveau pédagogique, est certaine, comme le montrent nos réalisations en Ardèche. Une formation précoce aux technologies de l'information permettra aux enfants de prendre conscience de la diversité du monde, et en particulier de la richesse de l'Europe - ce qui nous distingue fortement des États-Unis, ne serait-ce que par la diversité linguistique.
Les distinctions nationales traduisent en effet des acceptions différentes du licite et de l'interdit et des cultures variées qui sont une richesse qu'il faut découvrir, et parfois préserver. Cette sensibilisation des élèves leur fera toucher du doigt combien des avis divers sur un sujet méritent d'être pris en compte. Le respect de la diversité des points de vue et des cultures devrait permettre - entre autres bénéfices - un développement harmonieux et profitable de la société de l'information.
La mise en oeuvre effective des connexions pour les écoles se heurte trop souvent à l'éternelle question du paiement du trafic, surtout dans les petites communes. Je rappellerai simplement que les États-Unis ont, quant à eux, opté pour la solution d'une taxe parafiscale sur les lignes téléphoniques.
Les PME
Il est désormais indispensable que les PME disposent de leur place sur le Web, et qu'elles soient elles-mêmes convaincues que cela augmentera leur activité - à condition bien sûr d'être bilingues dans cette présence. Il me paraît important que, à l'échelon local, on puisse aider les PME à se connecter, par exemple en créant des centres de communication animés par les autorités locales ; c'est, vous le savez, ce que nous avons commencé à faire en Ardèche. Cela ne demande pas d'effort financier exceptionnel, mais bien plutôt un déploiement d'énergie pour animer localement ces centres. A cet égard, les nouveaux emplois-jeunes de Mme Martine Aubry devraient être bien utiles.
Pour prendre un exemple dans le domaine du commerce extérieur, je crois que les PME peuvent être aidées dans leur démarche internationale par une utilisation beaucoup plus large d'Internet. Ce dernier offre en effet un accès très facile à une information économique qui est indispensable lorsque l'on s'attaque aux marchés étrangers. Je souhaite d'ailleurs, en liaison avec Mme Marylise Lebranchu, Secrétaire d'État aux PME, au commerce et à l'artisanat, tester rapidement cette idée, afin de voir comment ces services peuvent être offerts aux PME exportatrices. Vous ne serez pas surpris si je vous dis que nous avons pour projet de demander aux PME d'Ardèche et du Finistère leur opinion...
Il y a naturellement d'autres idées qui sont mises en avant dans le but d'aider les PME à venir à ces nouvelles technologies. Certains évoquent par exemple la mise en place de formules de crédit d'impôt. Toutes ces idées contribueront à la réflexion du Gouvernement dans les prochaines semaines afin que nous puissions préparer le plan d'action qu'évoquait le Premier ministre ici même il y a deux jours.
L'économie du multimédia et le commerce électronique.
Le rôle de l'État ne devrait pas se limiter à la formation, voire à la mise à disposition de contenus ou de matériels.
En effet, dans un contexte d'ouverture des marchés et de convergence technologique entre l'informatique et les télécommunications, une politique ambitieuse de développement de ces technologies et de soutien aux entreprises françaises exportatrices est plus que jamais nécessaire pour permettre aux sociétés, et notamment les plus petites, de gérer au mieux les mutations du secteur et d'exporter leur savoir-faire.
Dans cet esprit, les nouveaux réseaux sont le vecteur de l'économie de l'immatériel. C'est notamment de cette manière que pourra se développer demain l'industrie du multimédia.
J'en prendrai pour exemple le Commerce Électronique, qui est largement connu des Français à travers le Minitel : les possibilités d'échanges électroniques changent de dimension avec l'arrivée d'Internet, qui permet des ventes dans le monde entier et offre une séduction de l'acheteur beaucoup plus forte qu'avec le Minitel.
Le développement du Commerce Électronique reste cependant handicapé par l'absence de système de paiement comparable au kiosque et par le manque de confiance, peut-être justifié, qu'il suscite pour des transactions commerciales.
Pour résumer rapidement mon propos, les entreprises perdent trop souvent de l'argent en passant d'un serveur Minitel à Internet, et les clients potentiels refusent de perdre la sécurité offerte par le Minitel, à laquelle ils sont habitués.
Cette situation est spécifiquement française, et les actions des pouvoirs publics français se sont pour l'instant surtout limitées, afin de ne pas déstabiliser une activité naissante, à un soutien au développement d'outils techniques.
Il convient de ne pas s'arrêter là, et il apparaît indispensable d'apporter au moins le même niveau de confiance que celui offert lors de la réalisation d'une transaction par Minitel. Le consommateur se trouvant en France doit se voir appliquer le plus simplement possible et sans ambiguïté les règles connues du droit français ou les accords internationaux pertinents pour tout ce qui touche à l'acte d'achat et ses conséquences. Il ne s'agit pas d'opposer le Minitel à Internet, mais d'utiliser les avantages de chacun (et le Minitel a encore certains avantages) pour mettre en place un Internet " beau " (il l'est déjà) mais également en lequel il est raisonnablement possible d'avoir confiance.
Conditions d'attractivité des zones rurales.
Les zones rurales seront source de croissance et d'emplois grâce à l'usage des nouvelles technologies, sous la condition essentielle que les conditions économiques y soient réunies pour que les entreprises viennent s'y installer et travailler. Les décisions d'aménagement du territoire sont fondamentales, mais il faut aller plus loin et redonner toutes leurs chances aux zones rurales. D'ailleurs, si ces dernières se développent grâce au désenclavement permis par la tarification d'Internet, pour les entreprises et pour les citoyens, cela permettra également de résoudre une partie des questions qui agitent les banlieues des grandes villes comme la sur-assistance, la sécurité ou ... la pollution. Y pense-t-on assez quand on parle d'aménagement du territoire, de la ville ?
Je vois pour ma part quelques éléments fondamentaux qui permettront cette " égalité des chances " pour le monde rural :
Tout d'abord l'accès aux réseaux de communication : les liaisons téléphoniques fixes, la télévision sont bien en place. En est-il de même pour la téléphonie mobile, et pour tous ?
Ensuite, l'existence d'hôpitaux de proximité pratiquant une médecine d'une qualité égale à celle disponible dans les grandes agglomérations est un élément primordial d'attractivité des zones rurales. Pense-t-on assez à la téléformation des praticiens de terrain, comme nous l'expérimentons dans le petit hôpital de ma commune de Saint-Agrève ?
Le télé-enseignement est une condition indispensable du développement de l'activité dans ces zones. Je pense en particulier à l'enseignement supérieur court, qui bénéficierait grandement d'un réel télé-enseignement, permettant à tous de recevoir l'enseignement désiré sans surcoût insupportable pour les familles rurales les plus modestes. Un satellite de télécommunications numérique dont les 150 canaux seraient dédiés à cette tâche permettrait de disposer d'un système viable et fonctionnel.
Il n'y a pas de solution miracle.
Ce ne sont là que quelques idées. On ne peut tout résoudre, et il n'existe certainement pas de solution " miracle " unique. J'insisterais cependant sur le fait que pour mettre tout ceci en place, se reposer sur les seules forces du marché est insuffisant : l'État doit se donner comme rôle essentiel d'être initiateur de ce développement de l'usage de ces technologies. Même aux États-Unis, temple du libéralisme, on en a conscience, et des programmes nationaux ont été lancés, et leur financement en partie public a été trouvé.
Soyons optimistes : ce n'est pas parce que les Français se tournent tard vers les technologies de l'information, qu'il ne s'y mettront pas : regardez l'aventure du téléphone ! Parti parmi les derniers, nous avons su prendre la tête en Europe. Nous avons aujourd'hui, dans notre retard, une occasion historique de nous montrer les plus novateurs, de profiter des derniers développements technologiques et des baisses de prix que nous laisse espérer l'industrie des terminaux, où il faudrait que la France réapparaisse.
Le Premier ministre a dessiné lundi dernier devant vous une approche qui doit être globale, pour cette question qui ne peut être résolue par un seul ministère, mais bien par les contributions des différents départements concernés. Après bien des années de quasi-silence des gouvernements successifs sur l'importance de ces nouvelles technologies pour la société de demain, M. Jospin montre la fermeté du nouvel engagement de l'État, et je m'en réjouis vivement.
Gageons que cet engagement politique au plus haut niveau saura provoquer, dans la même veine que la décentralisation et le renouveau du service public, une prise de conscience des citoyens et des administrations de l'importance des enjeux.
Je m'attacherai ainsi, aux côtés de Dominique Strauss-Kahn, à proposer des mesures concrètes visant à encourager l'usage de ces nouvelles technologies sur tout le territoire, afin que l'utilisation des nouveaux moyens d'exportation se développe dans notre pays, tout particulièrement pour les PME installées en zone rurale, et plus généralement toutes celles qui veulent bien envisager d'aborder le marché mondial.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 2 août 2002)