Interview de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, à France 2 le 18 septembre 2008, sur les Journées du patrimoine et l'accessibilité des sites culturels aux handicapés.

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Média : France 2

Texte intégral


 
 
 
F. Laborde.- Avec C. Albanel, nous allons évidemment parler des grands rendez-vous culture, à commencer par ces Journées du patrimoine, qui ont lieu pendant la fin de semaine et qui vont démarrer d'ailleurs dès vendredi. Bonjour C. Albanel.
 
Bonjour F. Laborde.
 
C'est une initiative et c'est une innovation, pour permettre justement aux personnes handicapées de pouvoir s'y rendre plus facilement ?
 
Oui, il y a une opération, en effet, en direction des personnes handicapées, et cela dès vendredi. Il y a sept sites extrêmement importants, [des] monuments historiques du Centre des monuments nationaux, comme la Cité de Carcassonne, Saint-Denis, par exemple, enfin, une série vraiment de lieux emblématiques, sept d'ailleurs, qui vont ouvrir leur portes aux handicapés, et ceci dès vendredi, symboliquement. Et du château de Versailles, d'ailleurs, aussi, qui a des propositions.
 
Est-ce qu'il y a de nouveaux sites qui ouvrent cette année, ou simplement les sites habituels sont de plus en plus, si je puis dire, accessibles au public. C'est un peu ça l'idée ?
 
Oui, c'est un peu ça, donc, effectivement ils sont de plus en plus accessibles, et puis il y a de nouveaux sites. Le thème, c'est : patrimoine et création. Il va y avoir, par exemple, le Théâtre de Montreuil, qui va ouvrir pour la première fois, le Centre de la danse à Pantin, par exemple. Enfin, des séries de circuits "Architecture nouvelle", dans le Nord du côté de Maubeuge. Donc, à partir de ce thème « Patrimoine et... » - ou la Cité, pardon, du design à Amiens, donc, à partir du thème « Patrimoine et création » - plus d'ouvertures de lieux qui n'étaient pas ouverts jusque-là.
 
Les Français sont absolument fascinés, adorent ces visites, c'est toujours stupéfiant, parce qu'on sait que parfois ils sont prêts à faire des files d'attente très, très longues.
 
Inouï. Le patrimoine, c'est vraiment une passion française, je crois qu'on peut le dire, il y a 12 millions de visiteurs, il y en a plus du double, évidemment, dans toute l'Europe, et c'est vrai que les gens sont prêts à faire, vraiment, quasi une journée de queue, pour voir des lieux peut-être aussi particulièrement mythiques, comme l'Elysée, par exemple, qui remporte chaque année un succès énorme, et je crois que cette année, on va pouvoir entrer à l'Elysée, pas par la voie habituelle, en voyant encore davantage, peut-être même le « Salon d'argent » tellement célèbre. Donc, je crois qu'il va y avoir un succès encore plus grand.
 
J'ajoute que parmi les succès, il y a aussi la visite de France Télévisions, puisque France Télévisions ouvre largement les portes de ses studios et que, évidemment, chers téléspectateurs, vous pourrez venir nous visiter. Puisqu'on parle de patrimoine historique, il y a une question qui est revenue à propos, justement, du budget, des avantages fiscaux ici et là ; depuis la loi Malraux, les propriétaires de monuments historiques avaient des avantages fiscaux, il est question de les supprimer, de les plafonner, de... ?
 
Non. Ce qu'il y a, actuellement, il y a un débat actuellement pour avoir un plafonnement, je dirais, global, des niches fiscales. Pourquoi ? Parce qu'au nom de l'équité, c'est pour empêcher que des contribuables, éventuellement très riches, à force d'accumuler différentes niches fiscales, arrivent à ne plus payer d'impôt du tout, ce qui arrive quelquefois. Et donc l'idée, c'est d'avoir un plafonnement. Moi, la position que je défends depuis le début, et je continue bien sûr, c'est que les monuments historiques, ce n'est pas une niche fiscale. Je dis et j'en suis persuadée, que l'on n'a pas un monument pour faire des placements avantageux. On sait très bien qu'on y donne tout son temps, tout son argent, toute sa passion, en général toutes ses vacances, et que je crois, et en plus, ce faisant, on sauvegarde justement, on participe au bien commun. Donc, moi, effectivement...
 
Parce que la France est très riche, justement, en...
 
La France est très riche, donc moi je milite en effet pour que les avantages fiscaux, évidemment liés au patrimoine, soient évidemment complètement préservés.
 
Puisqu'on parle de lieux historiques, parlons aussi de polémique autour d'un lieu historique, c'est le Château de Versailles. Avec cette exposition de Jeff Koons, à l'initiative de J.-J. Aillagon, ancien ministre de la Culture et qui, en quelque sorte, a repris le poste que vous occupiez à Versailles... Alors, franchement, ces sculptures - enfin, je ne veux pas avoir l'air un peu trop, comme ça, conservatrice en matière de culture - mais, est-ce qu'il fallait absolument mettre dans les chambres, en tout cas dans les appartements royaux, un homard géant, un immense chien gonflable, enfin, toutes sortes de sculptures qui sont ludiques, par ailleurs, mais peut-être un peu décalées ?
 
Ce que je trouve, c'est que c'est une exposition, effectivement, assez tonique, ludique, avec pas beaucoup d'oeuvres, je veux dire, qui fonctionne, qui fonctionne bien en lieu. Je pense au coeur « Hanging Heart » géant au sommet de l'escalier, la grande « Lune bleue », qui est au fond de la Galerie des glaces, à l'endroit où se trouvait le trône. Différents objets, justement, d'argent, qui s'intègrent bien dans l'idée d'immobiliers d'argent de Versailles. Ceci étant, pour d'autres objets, on est plus à mon avis dans la confrontation, tout simplement, que dans le dialogue, et il est vrai que c'est dans les grands appartements, c'est-à-dire qu'au fond, Versailles devient un peu un écrin. Alors, je crois que quand on connaît Versailles, les gens sont, en fait, je crois, très heureux, très curieux de ce qui se passe et Jeff Koons est quand même un artiste très passionnant. Alors, peut-être que pour les visiteurs qui viennent pour la première fois à Versailles, ils voient plus...
 
Ils doivent trouver étrange de voir un homard suspendu au plafond de la chambre du roi.
 
Alors je pense qu'ils voient davantage Jeff Koons que Versailles, et c'est pour ça que je pense qu'il y a débat et que ce débat est légitime, et que c'est assez... c'est intéressant. Maintenant, c'est une exposition qui est évidemment temporaire, mais c'est vrai qu'il y a débat.
 
Mais, vous-même, quand vous étiez, si je puis dire, à la tête de Versailles, vous aviez fait des expositions, mais qui n'étaient pas dans ces lieux...
 
Non, c'est-à-dire que c'était évidemment des projets qui étaient plus limités, puisqu'en fait c'était « La nuit blanche », c'était deux soirées pour « La nuit blanche », quelquefois prolongées - on l'avait fait avec Buren, pour l'Orangerie - et dans des lieux que les gens ne voyaient pas, en réalité, c'est-à-dire c'était l'Orangerie, la Petite Ecurie, les jardins. C'est là où justement il peut y avoir débat, c'est-à-dire je trouve que le « Split-rocker » de Jeff Koons, devant l'Orangerie, au milieu des jardins tout en fleurs, est absolument extraordinaire. On peut s'interroger davantage sur telle oeuvre, en effet, par exemple au Salon de la guerre, où je suis moins convaincue.
 
En vous écoutant, je pensais au fait que Marseille ait été élue capitale européenne de la culture, je me disais : voilà, pour Jeff Koons, l'occasion peut-être de faire la fameuse sardine géante qui bouche le port de Marseille...
 
....A l'entrée du Vieux port.
 
... mais plus sérieusement, la victoire de Marseille, c'est la victoire, au-delà d'une ville, j'allais dire d'une région et d'une ville ouverte sur le bassin méditerranéen ?
 
Oui, je crois que c'est vraiment une victoire très symbolique. Tout le monde s'était rassemblé, effectivement, la région, le département, la ville, pour cette ville qui est très contrastée, dont on voit bien qu'aujourd'hui elle relève tous les défis à la fois, celui évidemment de rencontre des civilisations, des différentes cultures, liée au reste de l'Europe, complètement liée, effectivement, à la Méditerranée, aux pays du Sud. Donc je crois qu'il y avait un... il y a beaucoup de bonheur, d'ailleurs, à l'idée que finalement Marseille part maintenant dans une aventure pour 5 ans et pour devenir la capitale européenne de la Culture.
 
Parce que, a priori, on se dit que ce n'était pas forcément celle qui avait les infrastructures ou les atouts, même s'il y a évidemment des compagnies, une activité théâtrale très développée, mais je veux dire, ce n'était pas forcément... Mais, justement, l'objectif c'est de permettre de développer davantage encore ?
 
Je crois que l'on a bien vu, particulièrement avec Lille 2004, que Lille n'a pas été la même après, et avant. Et je crois que pour Marseille, qui a effectivement besoin de nouveaux équipements, ça va être une occasion fantastique de développement, avec d'ailleurs l'appui de l'Etat, parce que maintenant il y a une espèce d'enjeu national autour de Marseille.
 
Alors, on va parler aussi un petit peu de nous, puisque vous êtes, faut-il le rappeler, aussi, notre ministre de tutelle, pour employer un langage administratif. On sait que des projets autour de France Télévisions existent, avec la suppression ou en tout cas la limitation de la publicité, la création d'une entreprise unique. Vous-même, vous vous êtes rendue à la « Fête de l'Humanité », pour exposer et défendre ce projet de réforme. C'était un peu tendu, quand même.
 
Je suis allée effectivement participer à un débat à la Fête de l'humanité. Je savais bien que ce n'était pas un pays conquis...
 
Ce n'est pas là où vous alliez trouver le plus grand soutien.
 
Ce n'est pas là où j'allais susciter le plus grand soutien. En même temps, j'ai quand même dit que je trouvais étrange, justement, que ce soit justement... qu'il y a une espèce d'appel à la gauche, moins, d'ailleurs, des communistes, je dois dire, mais enfin une espèce d'appel à la gauche, pour le maintien de la publicité, finalement, sur le service public et qu'il y avait là quand même quelque chose de tout à fait paradoxal. J'ai dit à quel point je pensais que, une fois que les Français verraient cette télévision, qui va encore accentuer tous les tournants éditoriaux pris...
 
Mais la crainte, c'est la ressource.
 
La crainte, c'est la ressource et j'ai...
 
...Plus que la suppression de la pub, c'est la ressource.
 
Absolument et j'ai dit que vraiment j'étais tout à fait convaincue, et je le suis, que vraiment les financements sont aujourd'hui... vont être assurés, seront dans la loi, et c'est très, très important qu'ils soient très clairement prévus dans la loi. Et d'ailleurs, toutes les personnes présentent l'ont reconnu, avec des signaux positifs de la part de l'Europe, donc ça ne sera pas remis en question, probablement - on est sûr, maintenant - par l'Europe. Donc, je crois qu'il y a quand même là, des éléments très, très intéressants.
 
Merci beaucoup C. Albanel, d'être venue nous voir ce matin.
 
Merci à vous.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 septembre 2008