Texte intégral
Madame la Présidente, chère amie Monsieur le rapporteur, Monsieur Chauvin Monsieur le Sénateur, Mesdames et Messieurs, membres du comité de réflexion
Avant toute chose, je souhaite vous remercier, Madame la Présidente, de me faire l'honneur de pouvoir participer à la réflexion de votre comité sur le Préambule de la Constitution.
Depuis mon plus jeune âge, les valeurs de notre République emportent mon adhésion. Pour moi, la République française n'est pas qu'un mode de gouvernance.
Notre République française, c'est bien plus que cela. Elle prône l'émancipation permanente pour tous et s'est donnée comme défi, la liberté et l'égalité pour tous, quelque soit les origines ethniques, sociales et religieuses.
Notre République, c'est ce qui permet aux hommes d'exister pleinement.
Dans son cheminement, la République Française s'est toujours nourrie des difficultés qu'elle a rencontrées.
C'est là où réside sa force, mais aussi sa faiblesse.
Sa force, c'est l'ambition qu'elle a pour ses les citoyens. Et sa faiblesse, c'est qu'elle ne fonctionne pas de la même façon pour tous. . Effectivement, devant notre difficulté à traduire dans les faits ce beau projet de société, certains commencent à douter de la pertinence des valeurs qu'il porte.
Nombreux sont ceux qui, en s'appuyant sur la réalité des inégalités, nous disent que ces valeurs ne sont que des mots, tout juste bons à exister sur les frontons de nos institutions.
Ce discours, je le connais. Ce discours, je l'ai affronté. Et je vois les renoncements qui se nichent derrière ces propos simplistes.
Pour moi, comme pour beaucoup, ces principes-là ne sont pas que des objectifs. Ils sont à la fois Objectifs et Moyens.
Si le principe d'égalité ne se traduit pas dans les faits ici ou là, et je suis bien placée pour le savoir, il faut se saisir de ce principe comme moyen de revendication et de mobilisation des citoyens pour réclamer son application.
C'est ce que j'ai fait quand j'ai été confrontée au sexisme et au racisme dans nos quartiers populaires. Je me suis saisis des principes républicains pour faire comprendre notre devoir collectif d'aider les filles des cités à s'émanciper et à se soustraire du carcan machiste et de l'idéologie intégriste et victimaire.
Ce sont ces convictions qui m'ont conduite à soutenir pleinement en 2004 la loi sur les signes religieux à l'école.
Dans les combats difficiles que j'ai menés, j'ai revendiqué à la fois l'égalité, la liberté, la fraternité, la mixité et la laïcité. Car pour moi, je savais qu'il ne pouvait y avoir d'égalité sans mixité, de mixité sans laïcité, de laïcité sans liberté.
Tout est lié. Il y a une symbiose à consolider entre les principes de notre République.
Cependant , Mesdames et Messieurs, je suis consciente qu'il faut répondre aux nouvelles exigences de nos concitoyens et affirmer leurs droits et leurs devoirs de vivre en harmonie dans une République métissée.
Je suis consciente qu'il faut nourrir notre projet républicain pour qu'il reste vivant. Mais, je crains que si on touche maladroitement à cet édifice, on risque de le mettre en péril.
D'où ma réticence, voire mon opposition sur certains débats qui sont devenus à la mode, comme la diversité et la discrimination positive.
Ce débat n'est pas nouveau. Il a été sous-jacent à celui sur la parité homme/femme en politique.
Mais, ce débat ne procède pas de la même logique parce que la parité concerne le genre.
Ainsi, il y a des femmes riches comme il y a des femmes pauvres , des femmes noires comme des femmes blanches.
Mais, hélas, ce principe de parité n'a pas eu l'effet escompté pour toutes les femmes, et notamment pour celles qui habitent nos quartiers populaires. Aussi avais-je rappelé à l'époque, avec véhémence quand j'étais Présidente de Ni Putes Ni Soumises que pour les filles des cités, la parité, c'était comme les soldes chez hermès.
La parité a besoin d'être affirmée. La consacrer dans notre loi fondamentale devient une nécessité. Et je souscris à son inscription dans le préambule de notre constitution.
En revanche, en ce qui concerne la diversité, vous connaissez ma position. Comme vous connaissez ma position sur la discrimination positive et son corollaire, les statistiques ethniques. Parce que pour moi, la réalité de Mamadou et de Benoît , de Fatima et de Christine, est la même dans nos quartiers populaires. Faire la distinction entre eux, c'est participer à élargir encore un peu plus le fossé et les renvoyer chacun et chacune à leur origine ethnique et à leur identité respective, et je dirais même comme Amin Maalouf « meurtrière ».
Quel est, en fait, le point commun entre nos compatriotes issus de l'immigration ?
Est-ce leur « fait migratoire» ou leur origine respective ?
Est ce leur condition sociale ou leur identité régional de leur pays d'origine ?
Je vous le dis ici : le risque qui est devant nous, est bien une république segmentée, catégorisée et balkanisée, au lieu d'une République de citoyens, certes avec des difficultés mais en marche.
C'est pour cette raison aussi que je suis contre les statistiques ethniques. Car, je sais comme disait l'autre, que la mesure crée la réalité. Et quand certains me disent qu'il vaut mieux une réalité mesurée qu'une réalité fantasmée, je leur dis que la mesure met tout juste en exergue.
Je m'explique. Quand on veut mesurer la délinquance dans telle ou telle catégorie de la population, on ne la réduit pas, mais on prend le risque de justifier sa stigmatisation.
On ne peut pas rester les bras croisés devant les inégalités et l'exclusion d'une partie de la population.
Nos principes républicains nous l'interdisent. Il faut les activer au coeur de nos politiques publiques. Et je m'y attèle dans l'exercice quotidien de ma mission conformément à la volonté du Président de la République et du Premier Ministre.
Mais comme le dit si justement Jean Jaurès « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots.». Pour moi, l'inscription du mot diversité dans le préambule de la constitution est porteur de risques parce que je crains son instrumentalisation.
Et je paraphraserai Victor Hugo en vous disant que « l'introduction du mot diversité dans notre Loi fondamentale peut être une arme ».
Une arme n'est rien par elle-même. Elle n'existe que par la main qui la saisit.
Or quelle est la main qui se saisira de cette introduction ! Là est toute la question.
Mesdames et Messieurs. Je redoute la main des communautaristes. Je redoute la main des intégristes mais je redoute aussi la main de ceux qui croient que notre République n'est qu'un agencement juridique.
C'est pourquoi je vous mets en garde contre l'idée d'introduire la notion même de diversité dans le préambule de notre constitution. Et je vous suggère plutôt d'y introduire l'idée de République métissée.
Pour finir, je terminerai mon propos avec une citation de Clémenceau. « Il faut savoir ce que l'on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire ».
Ayons donc le courage de prôner l'égalité, coûte que coûte, dans notre République métissée.
Source http://fadela-amara.net, le 22 septembre 2008
Avant toute chose, je souhaite vous remercier, Madame la Présidente, de me faire l'honneur de pouvoir participer à la réflexion de votre comité sur le Préambule de la Constitution.
Depuis mon plus jeune âge, les valeurs de notre République emportent mon adhésion. Pour moi, la République française n'est pas qu'un mode de gouvernance.
Notre République française, c'est bien plus que cela. Elle prône l'émancipation permanente pour tous et s'est donnée comme défi, la liberté et l'égalité pour tous, quelque soit les origines ethniques, sociales et religieuses.
Notre République, c'est ce qui permet aux hommes d'exister pleinement.
Dans son cheminement, la République Française s'est toujours nourrie des difficultés qu'elle a rencontrées.
C'est là où réside sa force, mais aussi sa faiblesse.
Sa force, c'est l'ambition qu'elle a pour ses les citoyens. Et sa faiblesse, c'est qu'elle ne fonctionne pas de la même façon pour tous. . Effectivement, devant notre difficulté à traduire dans les faits ce beau projet de société, certains commencent à douter de la pertinence des valeurs qu'il porte.
Nombreux sont ceux qui, en s'appuyant sur la réalité des inégalités, nous disent que ces valeurs ne sont que des mots, tout juste bons à exister sur les frontons de nos institutions.
Ce discours, je le connais. Ce discours, je l'ai affronté. Et je vois les renoncements qui se nichent derrière ces propos simplistes.
Pour moi, comme pour beaucoup, ces principes-là ne sont pas que des objectifs. Ils sont à la fois Objectifs et Moyens.
Si le principe d'égalité ne se traduit pas dans les faits ici ou là, et je suis bien placée pour le savoir, il faut se saisir de ce principe comme moyen de revendication et de mobilisation des citoyens pour réclamer son application.
C'est ce que j'ai fait quand j'ai été confrontée au sexisme et au racisme dans nos quartiers populaires. Je me suis saisis des principes républicains pour faire comprendre notre devoir collectif d'aider les filles des cités à s'émanciper et à se soustraire du carcan machiste et de l'idéologie intégriste et victimaire.
Ce sont ces convictions qui m'ont conduite à soutenir pleinement en 2004 la loi sur les signes religieux à l'école.
Dans les combats difficiles que j'ai menés, j'ai revendiqué à la fois l'égalité, la liberté, la fraternité, la mixité et la laïcité. Car pour moi, je savais qu'il ne pouvait y avoir d'égalité sans mixité, de mixité sans laïcité, de laïcité sans liberté.
Tout est lié. Il y a une symbiose à consolider entre les principes de notre République.
Cependant , Mesdames et Messieurs, je suis consciente qu'il faut répondre aux nouvelles exigences de nos concitoyens et affirmer leurs droits et leurs devoirs de vivre en harmonie dans une République métissée.
Je suis consciente qu'il faut nourrir notre projet républicain pour qu'il reste vivant. Mais, je crains que si on touche maladroitement à cet édifice, on risque de le mettre en péril.
D'où ma réticence, voire mon opposition sur certains débats qui sont devenus à la mode, comme la diversité et la discrimination positive.
Ce débat n'est pas nouveau. Il a été sous-jacent à celui sur la parité homme/femme en politique.
Mais, ce débat ne procède pas de la même logique parce que la parité concerne le genre.
Ainsi, il y a des femmes riches comme il y a des femmes pauvres , des femmes noires comme des femmes blanches.
Mais, hélas, ce principe de parité n'a pas eu l'effet escompté pour toutes les femmes, et notamment pour celles qui habitent nos quartiers populaires. Aussi avais-je rappelé à l'époque, avec véhémence quand j'étais Présidente de Ni Putes Ni Soumises que pour les filles des cités, la parité, c'était comme les soldes chez hermès.
La parité a besoin d'être affirmée. La consacrer dans notre loi fondamentale devient une nécessité. Et je souscris à son inscription dans le préambule de notre constitution.
En revanche, en ce qui concerne la diversité, vous connaissez ma position. Comme vous connaissez ma position sur la discrimination positive et son corollaire, les statistiques ethniques. Parce que pour moi, la réalité de Mamadou et de Benoît , de Fatima et de Christine, est la même dans nos quartiers populaires. Faire la distinction entre eux, c'est participer à élargir encore un peu plus le fossé et les renvoyer chacun et chacune à leur origine ethnique et à leur identité respective, et je dirais même comme Amin Maalouf « meurtrière ».
Quel est, en fait, le point commun entre nos compatriotes issus de l'immigration ?
Est-ce leur « fait migratoire» ou leur origine respective ?
Est ce leur condition sociale ou leur identité régional de leur pays d'origine ?
Je vous le dis ici : le risque qui est devant nous, est bien une république segmentée, catégorisée et balkanisée, au lieu d'une République de citoyens, certes avec des difficultés mais en marche.
C'est pour cette raison aussi que je suis contre les statistiques ethniques. Car, je sais comme disait l'autre, que la mesure crée la réalité. Et quand certains me disent qu'il vaut mieux une réalité mesurée qu'une réalité fantasmée, je leur dis que la mesure met tout juste en exergue.
Je m'explique. Quand on veut mesurer la délinquance dans telle ou telle catégorie de la population, on ne la réduit pas, mais on prend le risque de justifier sa stigmatisation.
On ne peut pas rester les bras croisés devant les inégalités et l'exclusion d'une partie de la population.
Nos principes républicains nous l'interdisent. Il faut les activer au coeur de nos politiques publiques. Et je m'y attèle dans l'exercice quotidien de ma mission conformément à la volonté du Président de la République et du Premier Ministre.
Mais comme le dit si justement Jean Jaurès « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots.». Pour moi, l'inscription du mot diversité dans le préambule de la constitution est porteur de risques parce que je crains son instrumentalisation.
Et je paraphraserai Victor Hugo en vous disant que « l'introduction du mot diversité dans notre Loi fondamentale peut être une arme ».
Une arme n'est rien par elle-même. Elle n'existe que par la main qui la saisit.
Or quelle est la main qui se saisira de cette introduction ! Là est toute la question.
Mesdames et Messieurs. Je redoute la main des communautaristes. Je redoute la main des intégristes mais je redoute aussi la main de ceux qui croient que notre République n'est qu'un agencement juridique.
C'est pourquoi je vous mets en garde contre l'idée d'introduire la notion même de diversité dans le préambule de notre constitution. Et je vous suggère plutôt d'y introduire l'idée de République métissée.
Pour finir, je terminerai mon propos avec une citation de Clémenceau. « Il faut savoir ce que l'on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire ».
Ayons donc le courage de prôner l'égalité, coûte que coûte, dans notre République métissée.
Source http://fadela-amara.net, le 22 septembre 2008