Déclaration de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme et aux services, sur l'objectif d'inventer un modèle européen du tourisme, Bordeaux le 19 septembre 2008.

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Circonstance : 7ème Forum européen du tourisme, à Bordeaux les 18 et 19 septembre 2008

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les ministres et secrétaires d'État,
Mesdames, Messieurs les chefs de délégations,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs les participants,
Alors que ce 7e forum européen du tourisme s'achève, je souhaite remercier chaleureusement la Commission européenne, la mairie de Bordeaux, tous les organisateurs, les intervenants, les animateurs et monsieur le rapporteur pour le travail qu'ils ont fourni et sans lesquels le forum n'aurait pu se tenir.
Je remercie mes collègues et les chefs de délégation ainsi que tous les participants qui ont su rendre cette rencontre vivante et enrichissante pour la qualité des débats.
Je crois que nous avons partagé, au cours de la journée d'hier et de cette matinée, à travers nos travaux et les moments plus festifs, le sentiment d'appartenir à une « Destination Europe » unique et pourtant très diversifiée.
Je pense aussi que dans le contexte présent où l'incertitude semble s'installer dans notre monde économique, où des menaces liées à l'équilibre naturel de notre planète se précisent, ce forum nous a donnés la conviction que nous devions renforcer nos liens afin d'inventer un « modèle européen du tourisme ».
Ce "modèle européen du tourisme" que j'appelle de mes voeux doit reposer sur trois piliers : compétitivité, qualité et développement durable.
Nous avons, en effet, l'ardente obligation si nous voulons conserver le profit, le bien-être qu'apporte le tourisme de nous mobiliser pour adapter notre offre touristique à la fois aux évolutions de la demande mondiale et aux exigences environnementales.
Je tirerais plusieurs enseignements de cette conférence :
Tout d'abord, nous avons pu partager un diagnostic clair de la situation du tourisme européen : ses forces, ses faiblesses, les défis auxquels il doit faire face. À cet égard, j'insiste sur la nécessité de disposer de données fiables, de statistiques et d'études pertinentes sur les changements qui s'opèrent de manière accélérée. Ces éléments sont nécessaires pour éclairer les décideurs, qu'ils soient publics ou privés. J'insiste également sur leur diffusion la plus large, afin que le plus grand nombre d'entreprises, très majoritairement de petite taille dans notre secteur, puisse en bénéficier.
Lors de la réunion informelle des ministres du tourisme qui s'est tenu hier en marge du forum, j'ai rappelé ce nécessaire besoin de visibilité.
Permettez-moi de dire quelques mots sur cette réunion informelle qui fut également un moment important de nos échanges.
C'était pour moi l'occasion de dresser les principales conclusions d'une étude du Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) sur le thème "Pouvoir d'achat et vacances des Français". Il en ressort que face aux préoccupations liées à leur pouvoir d'achat, les consommateurs français maintiennent globalement leurs désirs de départs en vacances, mais réduisent des dépenses de vacances : ils vont moins loin, réduisent la durée de leurs séjours, choisissent des moyens de transports plus économiques, vont moins au restaurant, réduisent les loisirs payants sur les lieux de vacances et privilégient des hébergements de moindre niveau.
Avec le secours Internet, ils maîtrisent leurs dépenses : recours aux offres "à prix cassés" sur les principaux sites Internet de distribution de produits touristiques, départs et achats de prestation de dernière minute, choix d'offres "tout compris", auto-assemblage de prestations, négociation croissante des tarifs, voire des délais de paiement, et des prestations avec les fournisseurs ou distributeurs.
Ces constats ont été globalement partagés par tous les États membres. Il ressort de l'échange qui s'est engagé entre nous que certaines modifications de comportement des touristes sont probablement des ajustements d'ordre conjoncturel aux difficultés économiques mais que d'autres, en revanche, traduisent des mouvements de fond, plus structurels portés à la fois par l'extension continue de l'offre et de l'outil Internet.
À ma demande, et avec l'accord des États membres, la Commission européenne a donc décidé de lancer une étude de grande envergure sur les changements à la fois conjoncturels et structurels des pratiques des touristes en Europe.
Cette enquête permettra non seulement de mieux analyser et préciser ces nouveaux comportements mais également d'en identifier les impacts sur l'industrie du tourisme.
Un autre enseignement qu'il me semble devoir être tiré de ce forum européen du tourisme : c'est la formidable capacité d'innovation qui existe dans ce secteur et le fait que le tourisme peut constituer un véritable laboratoire expérimental dans les domaines des nouvelles technologies tout d'abord puisque c'est le secteur d'élection des internautes, de l'éco-conception des bâtiments touristiques ensuite, et enfin de la recherche de nouveaux produits touristiques, comme le développement de « l'itinérance douce ».
Je suis persuadé que nous devons aller plus loin en mettant davantage l'accent sur la recherche et l'innovation qu'elle soit technologique ou non, car le tourisme offre des champs d'investigation vastes.
Je suis également convaincu qu'il faut créer des emplois attractifs dans le tourisme et je pense qu'il faut aussi pour cela regarder au-delà de nos frontières européennes.
Il nous faut, en effet, articuler avec nos voisins les besoins d'emploi dans les secteurs en tension et les besoins de formation en tourisme.
Les métiers du tourisme connaissent des difficultés de recrutement.
Nous devons mettre en place de véritables partenariats qui permettraient des échanges en vue de formations qualifiantes avec des pays voisins, notamment des rives sud de la Méditerranée dont le tourisme se développe fortement et qui ont donc de grands besoins de formation pour leur futur personnel.
Il ne s'agit pas de profiter cyniquement de la ressource de main d'oeuvre dont disposent les pays du Sud, mais bien d'un accord structurant de partenariat mêlant formation et apprentissage, mais aussi accueil de travailleurs, dans le but de faire profiter chacun des avantages et savoir-faire de l'autre.
Je pense enfin que l'avantage compétitif du tourisme européen, à long terme, dans le marché mondial, ne viendra pas du coût du travail. Il sera fondé sur la qualité de l'offre touristique et des services. La qualité des emplois touristiques et le niveau élevé des compétences jouent un rôle essentiel.
À cet égard, je suis très favorable à la mobilité des travailleurs en Europe et donc à un « Erasmus » des apprentis - car il ne faut pas réserver la mobilité aux étudiants - et à des programmes type Leonardo da Vinci dans les métiers du tourisme.
La mobilité est un vecteur de nouvelles idées et d'échanges de bonnes pratiques et ce secteur pourrait en bénéficier en termes d'image, de prestige et de qualité de services.
Je serai d'ailleurs heureux d'accueillir, en présence du président de la République, le 3 octobre prochain, une manifestation qui rassemblera, dans le cadre de la Présidence française, plus de 12000 jeunes apprentis provenant des 27 pays de l'Union européenne.
Comme l'a lui-même souligné le vice-président de la Commission Günter Verheugen hier, je pense également que nous devons aider les PME du tourisme. Elles jouent un rôle primordial pour la croissance, mais sont souvent confrontées à des obstacles bureaucratiques : le « Small Business Act » que vient de présenter la Commission européenne propose des mesures concrètes qui faciliteront la vie des petites entreprises.
La Présidence française est particulièrement attentive à cette proposition qui est au coeur des travaux pour la compétitivité de l'économie européenne.
J'ai par ailleurs noté avec beaucoup d'attention la position très ferme du vice-président Günter Verheugen, défendant la TVA à taux réduit dans les services, en particulier dans la restauration.
Et puis nous savons tous que le tourisme est une matière transversale qui est affecté par de nombreuses politiques communes : la politique des transports, la fiscalité, la protection des consommateurs, la protection de l'environnement ... : dans toutes ces politiques, nous devons absolument faire valoir les intérêts du tourisme et veiller, à tous les niveaux, Commission européenne, Conseil, Parlement européen et dans nos instances nationales, à ce que cette dimension « Tourisme » soit prise en compte. Le poids économique de notre secteur le justifie pleinement.
Enfin, je voudrais terminer cette allocution en rappelant que le tourisme - nous l'avons peut-être un peu oublié pendant ces deux jours studieux - joue un rôle fondamental dans la vie quotidienne de nos concitoyens.
Les voyages, les vacances, les escapades de fin de semaine sont devenus des temps de repos, de délassement, de découverte, de curiosité ou de simples « respirations » nécessaires dans notre mode de vie occidental.
Or, de nombreux citoyens européens sont encore privés de ce « droit au tourisme » qui figure à l'article 7 du Code éthique mondial du tourisme approuvé par l'OMT en 1999.
Je considère que nous devons faire en sorte que le tourisme profite au plus grand nombre. C'est pourquoi, je souhaite que notre coopération s'accélère dans le domaine du "tourisme pour tous".
Je pense notamment à une harmonisation (et non une normalisation) de règles, qui pourrait améliorer la lisibilité du tourisme tant pour les clientèles européennes que pour les clientèles extérieures, par exemple en ce qui concerne l'accessibilité des équipements touristiques, et alors qu'aujourd'hui chaque pays a tendance à développer ses propres normes et sa propre signalétique.
Les nombreuses initiatives européennes, celles du Parlement européen, du Comité économique et social, au titre de l'objectif « Le tourisme pour tous » doivent à mon sens être soutenues par les États membres, par exemple en ce qui concerne le tourisme des seniors.
Tous ces sujets méritent une réflexion approfondie et nous avons, je n'en doute pas, encore beaucoup de travail avant de rapprocher nos systèmes. Dans le tourisme, comme ailleurs, l'Europe se construit progressivement.
Mais le chemin est déjà bien engagé pour bâtir un véritable "modèle européen du tourisme", alliant compétitivité, qualité et durabilité.
Je me réjouis d'avoir pu présider ce forum et je souhaite un excellent 8e forum européen du tourisme au prochain pays hôte.
Je vous invite maintenant à profiter de Bordeaux et de sa région.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 22 septembre 2008