Interview de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à "RTL" le 26 septembre 2008, sur l'impact à terme de la crise économique et financière internationale sur la croissance en France, sur les chiffres du chômage et les prévisions en hausse du déficit budgétaire pour 2009.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour E. Woerth, la crise n'est pas finie a dit hier soir le président de la République à Toulon. Elle aura, a-t-il précisé, des conséquences dans les mois qui viennent sur la croissance en France, sur le chômage et sur le pouvoir d'achat. Chiffrez-vous ou évaluez-vous ce matin, E. Woerth, ces conséquences ?

D'abord, il s'agit de quoi ? Il s'agit de l'argent des Français. Hier, le président de la République en a parlé haut, en a parlé fort, en a parlé avec responsabilité. Il a parlé de l'ensemble de la situation française et il a dit la vérité. C'est-à-dire qu'on ne peut pas être totalement exempt ou exempté d'impact de cette crise mondiale et il a donné des solutions.

C'est un changement, parce que jusqu'à présent on disait que la crise...

Non, ce n'est pas un changement, il a pris en compte le fait que la situation internationale soit très difficile. Il faut regarder les choses en face, il ne faut pas se raconter d'histoires. On ne s'en est d'ailleurs jamais raconté, mais on voit des établissements bancaires américains s'effondrer. On voit des compagnies américaines très importantes, on voit la Réserve fédérale venir au secours de ces compagnies, donc évidemment il fallait en tenir compte et c'était bien que le président de la République puisse donner le la, le tempo. Dire que si la crise venait en France, telle qu'elle est aux Etats-Unis aujourd'hui, l'Etat serait là et l'ensemble des pouvoirs publics serait là et c'est bien de pouvoir le dire. Parce que rassurer c'est aussi créer de la confiance et la confiance c'est évidemment un des moteurs de l'économie.

Evaluez-vous ces conséquences ? Par exemple, le chômage, la rumeur circule que déjà, dès le mois d'août, le chiffre du chômage serait très mauvais, est-ce que vous le confirmez E. Woerth ?

On a vu, les statistiques du chômage publiées hier n'ont pas été bonnes. Mais quand on prend l'ensemble du chômage sur la période c'est plutôt bien. Quand on regarde la progression de la masse salariale, c'est plutôt bien, mais cela va se ralentir, évidemment. Vous ne pouvez pas avoir 1% de croissance et puis continuer à créer des emplois, il faut plus de croissance pour créer des emplois. Ça c'est la réalité. C'est vrai aussi sur le pouvoir d'achat ; vous ne pouvez pas développer le pouvoir d'achat, à partir du moment où vous avez une croissance très faible.

On parle de 40 000 chômeurs supplémentaires en août.

Oh, je n'ai pas à chiffrer le nombre de chômeurs supplémentaires en août, les statistiques sont parues hier sur le chômage...

Non, elles vont paraître mardi sur le chômage au mois d'août.

Elles sont en train de paraître...

Vous les avez peut-être eues, vous, sur votre bureau hier, c'est ça que vous voulez dire.

C'est possible, je ne vais surtout pas les donner, vous voyez, j'ai bien fait.

Donc, et vous pensiez que nous les avions eues nous aussi.

Oui, eh bien j'ai bien fait.

Donc 40 000 vous confirmez ?

Non, non, je ne confirme rien du tout sur les statistiques du chômage, mais bien évidemment, le chômage sera plus difficile. On crée beaucoup moins d'emplois, donc il faut réagir puissamment et réagir fortement et réagir avec exactitude. Réagir avec précision, réagir avec justesse, c'était bien le sens du discours du Président hier.

Alors, justement, le président de la République a évoqué une protection des épargnants par l'Etat. "Je n'accepterai pas qu'un seul déposant, a-t-il dit, perde un seul euro, parce qu'un établissement financier se révèlerait dans l'incapacité de faire face à ses engagements". On en déduit donc qu'il y a péril aujourd'hui sur le système bancaire français, E. Woerth.

Non, ce n'est pas du tout ça qu'il faut en déduire. Je pense que le Président a dit quelque chose d'assez simple. Il a dit : si la crise avait les mêmes conséquences que dans d'autres pays, comme par exemple les Etats-Unis, évidemment l'Etat serait là pour garantir. L'Etat, c'est l'ultime recours.

Rembourserait à l'euro près les épargnants.

Mais il faut bien évidemment rassurer. Le plus mauvais des sentiments dans une crise comme celle-là, c'est la peur. Il l'a d'ailleurs lui-même très très bien dit hier, c'est la peur. Et la peur est très mauvaise conseillère d'une manière générale et mauvaise conseillère pour l'économie. Et donc il faut rassurer ! Est-ce qu'on imaginerait d'ailleurs...

Concrètement, E. Woerth, concrètement, aujourd'hui on ne peut pas garantir à l'euro près les dépôts des épargnants. Cela veut dire que vous allez prendre des textes de loi ?

Non, il n'y a pas de textes de loi à prendre, ...c'est un engagement extrêmement fort.

C'est un engagement qui n'engage pas l'Etat alors !

C'est un engagement juste du président de la République, qui à mon avis, évidemment engage l'Etat.

Qui va se traduire par une loi, excusez-moi, soyons précis, cela se traduira par une loi l'engagement du président de la République ?

Bien sûr que non, il n'y a pas de nécessité de prendre des projets de loi. Pourquoi en France toujours prendre des projets de loi ? Non, à situation ...

Parce que tous les dépôts ne sont pas garantis à 100 %, vous le savez E. Woerth ?

A situation de crise - c'est ce qu'a dit le président de la République - à situation de crise comparable à celle des Etats-Unis, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui en France, mai si... donc c'est très important, il faut garantir l'avenir. Si, alors à ce moment là, financement de crise, réponse de crise. Et la réponse de crise c'est la garantie de l'Etat, elle prendrait à ce moment-là beaucoup de formes différentes, on en parlerait j'imagine. On en parlerait beaucoup !

Les Echos de ce matin, le quotidien économique, E. Woerth, donne des informations sur le budget que vous allez présenter. Le déficit budgétaire 2008 serait revu à la hausse, vous le chiffreriez finalement à 48 milliards d'euros, le confirmez-vous ?

Oui, le déficit budgétaire 2008 sera plus important que le déficit que nous prévoyions l'année dernière, on prévoyait à peu près 41,4 milliards d'euros de déficit, il sera plutôt aux alentours de 49. Donc je le présenterai tout à l'heure, l'écart, il est à peu près de 8 milliards d'euros, il s'explique d'une manière très très simple : il s'explique par une diminution des recettes, d'ailleurs que j'avais indiquée dès le mois de juin, de 5 milliards d'euros. C'est-à-dire que nous avons moins de recettes fiscales, moins de croissance égale moins de recettes fiscales. Et puis également, il s'explique par une augmentation très très lourde des charges d'intérêt de la dette et pourquoi ? Tout simplement par l'inflation, à cause de l'inflation. L'inflation a été très forte cette année 2008 et une partie de la dette française est indexée sur l'inflation. Ça, cela fait 9 milliards d'euros, ce n'est pas sur la dépense, la dépense publique, la dépense des administrations, elle est extrêmement bien maîtrisée.

2009, 52 milliards de déficit, le confirmez-vous ?

Oui, 2009, c'est le chiffre que je présenterai tout à l'heure avec C. Lagarde. 52 milliards d'euros, c'est-à-dire une progression du déficit et en même temps, un budget qui fait plus la vérité. En réalité, je pourrais vous présenter un budget qui soit stabilisé à 49 milliards, ce qui serait déjà une performance dans un contexte économique tel qu'il est.

On arrête de tricher quand on présente les comptes ! Aujourd'hui, c'est ça ?

Oui, j'ai souhaité qu'un certain nombre de dépenses qui n'étaient pas dans le budget auparavant soient dans le budget cette année. Cela ne change rien au déficit global. Vous savez, on parle souvent du déficit maastrichtien, c'est Journaux là-dessus qu'on est jugé. Nous ferons 2,7% de déficit en 2008, nous ferons 2,7% en 2009. Nous avons fait 2,7 en 2007, c'est dans ce contexte extraordinairement incertain, je trouve une performance de l'Etat français, voilà qui peut être rassurante.

Peut-on dire ce matin E. Woerth, sur RTL, que le retour à l'équilibre budgétaire prévu en 2012 est désormais hors d'atteinte ?

Non, je ne dirai pas ça, je pense qu'il est au contraire, il peut être atteint, je dirai même qu'il faut tout faire...

Jusque là, vous teniez un discours de vérité et là, tout à coup, on peut douter, E. Woerth.

Non, non, je tiens toujours des discours de vérité, on se projette dans le futur. Pendant trois ou quatre ans, il va se passer plein de choses. Bien sûr, on peut le faire, on peut le faire en tenant la dépense, la maîtrise de la dépense telle qu'on a commencé à le faire, jamais on n'a fait ça, jamais on n'a fait ça. Depuis trente ans, il n'y a jamais cet effort de la maîtrise de la dépense, et c'est vrai qu'il faut penser...

On peut être à l'équilibre en 2012 ?

Oui, à partir du moment où la croissance repart un peu, à partir de 2010, c'est possible. La crise est venue d'une manière extrêmement violente, mais la reprise peut être aussi extraordinairement forte.

Si vous étiez congressiste américain, E. Woerth, vous voteriez le plan Paulson de 700 milliards d'euros de reprises des actions pourries... ? Dans la situation des Etats-Unis, je le voterais. Eh bien les Américains, eux, ils hésitent. E. Woerth qui a tenu un discours de vérité, au moins à 90 % ce matin sur RTL.

A 100 %, Monsieur Aphatie.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 26 septembre 2008