Texte intégral
Christian PONCELET, bonjour !
Bonjour !
Président du Sénat, deuxième personnage de l'Etat, vous êtes un des rares hommes politiques de l'opposition à ne pas vous être encore exprimé sur le débat politique de cette semaine. Alors, vous Christian PONCELET, est-ce que vous trouvez, vous, qu'un juge qui demande au Président de la République de témoigner dans une affaire dont il est saisi sort de son rôle ?
Ecoutez, je crois que le juge HALPHEN a commis une erreur juridique -mais, me direz-vous, l'erreur n'est-elle pas humaine ?- en convoquant le Président de la République même comme témoin. En effet, la situation juridique du Président de la République est claire depuis la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999. La responsabilité pénale du Chef de l'Etat ne peut être mise en cause pendant la durée de ses fonctions que devant la Haute Cour de Justice et elle seule, çà c'est clair. Le Président de la République n'est donc pas intouchable mais il relève d'une juridiction, la Haute Cour comme je viens de le rappeler qui obéit à ses propres règles de fonctionnement et de procédure, j'insiste là-dessus, et de procédure.
Mais, Christian PONCELET, pardonnez-moi, le Conseil constitutionnel a dit effectivement que le Président ne pourrait être mis en cause pénalement que devant la Haute Cour de Justice. Mais il n'a pas dit, le Conseil constitutionnel, ce que le Président devrait faire s'il était convoqué là comme témoin.
Mai il y a une chose qui me frappe d'abord, c'est que, s'il avait accepté, on serait devant un paradoxe. Le Président de la République serait donc moins bien traité que le Premier Ministre ou les ministres dont l'audition comme simple témoin, je le rappelle, ne peut intervenir qu'après autorisation du conseil des ministres et selon une procédure longue, lourde et contraignante pour les juges. Et par ailleurs, une chose me frappe. Personne à ce jour ne se demande si le Président n'aurait pas, lui, préféré répondre à cette convocation. Pourtant, cela aurait peut-être été plus facile pour lui. En l'état actuel de notre droit, cette convocation même comme simple témoin s'apparente qu'on le veuille ou non à une violation de notre constitution qui, je le répète, prévoit une procédure spécifique pour le Président de la République. Dès lors, le Chef de l'Etat était donc obligé de ne pas déférer à cette convocation.
Donc, je résume, vous approuvez totalement Jacques CHIRAC d'avoir réagi comme il l'a fait
Je l'approuve, je l'approuve bien sûr parce qu'il aurait à ce moment-là cautionné une violation de la Constitution alors même que notre loi fondamentale le charge, lui, Président de la République, de veiller au respect de la Constitution. Il s'agit là, je le dis et je le redis, de l'état actuel de notre droit. Maintenant, rien n'interdit de faire évoluer la Constitution mais sans pour autant ravaler la fonction de Président de la République au rôle de simple spectateur alors que le Président de la République demeure la clé de voûte de nos institutions.
Mais quelle violation de la Constitution, Christian PONCELET
La Constitution a prévu qu'il y avait une procédure particulière pour le Président de la République, qu'il ne pouvait être au pénal que traduit devant la Haute Cour de Justice. Et cette Cour de Justice a son fonctionnement particulier, a sa procédure particulière. Donc, il faut respecter cette procédure particulière.
Mais là, il est convoqué comme témoin.
Oui, mais il y a une procédure pour convoquer comme témoin en ce qui concerne la Haute Cour.
Jacques CHIRAC a demandé en fait au Premier Ministre de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter la Constitution. Là, vous l'approuvez ?
Je l'approuve bien sûr, surtout pour faire respecter le secret de l'instruction.
Comment vous avez trouvé la réponse qu'on a entendue de Lionel JOSPIN à l'Assemblée nationale ?
Ecoutez, là, il s'est un peu défaussé, disons le franchement. En définitive, la situation actuelle est tellement évidente sur le plan juridique que, pour ma part, je m'interroge sur l'objectif final de toute cette opération dont on a parlé toute la semaine. S'agit-il d'un simple coup médiatique ou d'une opération de déstabilisation qui arrive comme cela au lendemain d'élections favorables à l'opposition ? Je ne suis pas le seul. Beaucoup de Français s'interrogent sur cette affaire.
Le juge HALPHEN a reçu l'appui de tous les syndicats de magistrats.
Il est bien normal que la corporation se groupe autour de l'un des siens, encore que j'ai lu dans certains journaux que certains grands juristes avaient considéré que le juge HALPHEN dans cette affaire avait commis une erreur.
Est-ce que vous ne redoutez pas qu'il y ait à terme une vraie révolte des juges dans notre société, Christian PONCELET ?
Ecoutez, je n'irai pas jusqu'à emprunter les propos qui ont été prononcés par un sénateur tout récemment mais je pense que chacun doit rester dans son rôle. Et cette médiatisation qui est faite en cours d'instruction d'une affaire, à mon avis, me choque. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le Sénat a pris l'initiative, lui, de modifier le Code pénal en ce qui concerne la protection des décideurs publics et privés. Je l'ai dit, bientôt pour un oui ou pour un non, on allait être mis en examen. Et par conséquent, même si çà n'aboutissait pas, l'effet médiatique avait été désastreux pour les élus.
Dans l'entourage du Président, on est allé jusqu'à parler de forfaiture. C'est un mot qu'un Président du Sénat ne peut pas ignorer parce qu'un de vos prédécesseurs, Gaston MONNERVILLE, l'avait utilisé en 1900...
Mais je ne le prononce pas.
Vous ne le prononcez pas. Vous trouvez qu'en l'espèce il est beaucoup trop exagéré ?
Je ne le prononce pas.
Autre chose, Christian PONCELET, dans le débat sur le regroupement de l'opposition, est-ce que vous êtes favorable, vous, à une formation unique ?
Ecoutez, pour ma part, moi, j'encourage tout ce qui conduit à rassembler et à unir l'opposition. Et ce n'est pas d'aujourd'hui puisque, dès le lendemain de mon élection à la Présidence du Sénat, j'ai pris l'initiative de réunir très régulièrement les présidents des groupes parlementaires de l'opposition aussi bien les parlementaires du Sénat que de l'Assemblée nationale pour que nous examinions ensemble les différents projets qui sont soumis à l'appréciation du Parlement, que nous harmonisions nos positions et que nous puissions faire entendre une voix à peu près identique dans l'opposition que nous exprimions à tel ou tel texte.
Donc, vous seriez favorable à un groupe unique de l'opposition au Sénat comme à l'Assemblée nationale ?
Ecoutez, au Sénat, je ne dirais pas que le groupe unique existe mais il existe, ce qu'on appelle, nous au Sénat, la concertation régulière, c'est-à-dire que toutes les semaines, les présidents des groupes de la majorité sénatoriale, donc de l'opposition nationale, se réunissent et examinent l'ordre du jour du Parlement, examinent les grands sujets d'actualité pour essayer d'avoir ensemble un point de vue commun sur les arguments développés pour s'opposer à tel ou tel texte.
Il ne faut pas aller au-delà
Il faut aller progressivement, il faut aller progressivement. Je ne suis pas hostile à ce que -nous le faisons au Sénat- tous les parlementaires de l'opposition se réunissent dans la même salle, ensemble, mais chaque groupe conservant son identité, conservant ses références pour voir comment dans la discussion budgétaire par exemple nous allons avoir une position identique, nous allons soutenir tel ou tel amendement, combattre telle autre disposition. Donc, c'est déjà une démarche qui nous conduit vraiment vers ce que j'appellerais une démarche unitaire, unitaire de l'ensemble des groupes de l'opposition.
Un dernier mot, Christian PONCELET, l'Assemblée nationale va voter la semaine prochaine l'inversion du calendrier de nouveau pour que les présidentielles aient bien lieu avant les législatives. Est-ce qu'après, vous, les sénateurs, vous direz " bon d'accord, on renonce à tout faire pour que la loi ne soit jamais promulguée " ?
Non. Ecoutez, les sénateurs se sont exprimés en première lecture. Ils ont fait part de leurs observations. En commission paritaire, nous avons rappelé quelles étaient nos positions. Le débat va revenir devant le Sénat. A nouveau, nous allons développer les arguments qui justifient que cette inversion ne s'imposait pas. D'ailleurs, elle est suspecte, cette inversion. Pourquoi, si vraiment on est sincère, pourquoi ne pas l'avoir proposée au lendemain des élections de 1997 ? C'est là qu'il fallait dire dès le lendemain, attention. On a changé les règles, bien, tout de suite on les rétablit. Mais on a attendu bien sûr de connaître un peu ce que serait l'opinion à la veille d'élections législatives et d'élections présidentielles. Ça a un caractère évident politicien.
Donc, vous allez continuer à batailler contre ?
Non, non, non. Nous n'allons pas reprendre tous les arguments que nous avons développés au cours de la première lecture. Nous allons rattraper certains arguments. Mais il appartiendra au Conseil constitutionnel qui va être automatiquement saisi puisqu'il s'agit d'une loi organique, le Conseil constitutionnel s'en saisit automatiquement, de nous dire si ce texte est convenable ou non au regard de la Constitution.
Merci beaucoup, Monsieur le Président !
C'est moi qui vous remercie !
(source http://www.senat.fr, le 3 avril 2001)
Bonjour !
Président du Sénat, deuxième personnage de l'Etat, vous êtes un des rares hommes politiques de l'opposition à ne pas vous être encore exprimé sur le débat politique de cette semaine. Alors, vous Christian PONCELET, est-ce que vous trouvez, vous, qu'un juge qui demande au Président de la République de témoigner dans une affaire dont il est saisi sort de son rôle ?
Ecoutez, je crois que le juge HALPHEN a commis une erreur juridique -mais, me direz-vous, l'erreur n'est-elle pas humaine ?- en convoquant le Président de la République même comme témoin. En effet, la situation juridique du Président de la République est claire depuis la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999. La responsabilité pénale du Chef de l'Etat ne peut être mise en cause pendant la durée de ses fonctions que devant la Haute Cour de Justice et elle seule, çà c'est clair. Le Président de la République n'est donc pas intouchable mais il relève d'une juridiction, la Haute Cour comme je viens de le rappeler qui obéit à ses propres règles de fonctionnement et de procédure, j'insiste là-dessus, et de procédure.
Mais, Christian PONCELET, pardonnez-moi, le Conseil constitutionnel a dit effectivement que le Président ne pourrait être mis en cause pénalement que devant la Haute Cour de Justice. Mais il n'a pas dit, le Conseil constitutionnel, ce que le Président devrait faire s'il était convoqué là comme témoin.
Mai il y a une chose qui me frappe d'abord, c'est que, s'il avait accepté, on serait devant un paradoxe. Le Président de la République serait donc moins bien traité que le Premier Ministre ou les ministres dont l'audition comme simple témoin, je le rappelle, ne peut intervenir qu'après autorisation du conseil des ministres et selon une procédure longue, lourde et contraignante pour les juges. Et par ailleurs, une chose me frappe. Personne à ce jour ne se demande si le Président n'aurait pas, lui, préféré répondre à cette convocation. Pourtant, cela aurait peut-être été plus facile pour lui. En l'état actuel de notre droit, cette convocation même comme simple témoin s'apparente qu'on le veuille ou non à une violation de notre constitution qui, je le répète, prévoit une procédure spécifique pour le Président de la République. Dès lors, le Chef de l'Etat était donc obligé de ne pas déférer à cette convocation.
Donc, je résume, vous approuvez totalement Jacques CHIRAC d'avoir réagi comme il l'a fait
Je l'approuve, je l'approuve bien sûr parce qu'il aurait à ce moment-là cautionné une violation de la Constitution alors même que notre loi fondamentale le charge, lui, Président de la République, de veiller au respect de la Constitution. Il s'agit là, je le dis et je le redis, de l'état actuel de notre droit. Maintenant, rien n'interdit de faire évoluer la Constitution mais sans pour autant ravaler la fonction de Président de la République au rôle de simple spectateur alors que le Président de la République demeure la clé de voûte de nos institutions.
Mais quelle violation de la Constitution, Christian PONCELET
La Constitution a prévu qu'il y avait une procédure particulière pour le Président de la République, qu'il ne pouvait être au pénal que traduit devant la Haute Cour de Justice. Et cette Cour de Justice a son fonctionnement particulier, a sa procédure particulière. Donc, il faut respecter cette procédure particulière.
Mais là, il est convoqué comme témoin.
Oui, mais il y a une procédure pour convoquer comme témoin en ce qui concerne la Haute Cour.
Jacques CHIRAC a demandé en fait au Premier Ministre de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter la Constitution. Là, vous l'approuvez ?
Je l'approuve bien sûr, surtout pour faire respecter le secret de l'instruction.
Comment vous avez trouvé la réponse qu'on a entendue de Lionel JOSPIN à l'Assemblée nationale ?
Ecoutez, là, il s'est un peu défaussé, disons le franchement. En définitive, la situation actuelle est tellement évidente sur le plan juridique que, pour ma part, je m'interroge sur l'objectif final de toute cette opération dont on a parlé toute la semaine. S'agit-il d'un simple coup médiatique ou d'une opération de déstabilisation qui arrive comme cela au lendemain d'élections favorables à l'opposition ? Je ne suis pas le seul. Beaucoup de Français s'interrogent sur cette affaire.
Le juge HALPHEN a reçu l'appui de tous les syndicats de magistrats.
Il est bien normal que la corporation se groupe autour de l'un des siens, encore que j'ai lu dans certains journaux que certains grands juristes avaient considéré que le juge HALPHEN dans cette affaire avait commis une erreur.
Est-ce que vous ne redoutez pas qu'il y ait à terme une vraie révolte des juges dans notre société, Christian PONCELET ?
Ecoutez, je n'irai pas jusqu'à emprunter les propos qui ont été prononcés par un sénateur tout récemment mais je pense que chacun doit rester dans son rôle. Et cette médiatisation qui est faite en cours d'instruction d'une affaire, à mon avis, me choque. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le Sénat a pris l'initiative, lui, de modifier le Code pénal en ce qui concerne la protection des décideurs publics et privés. Je l'ai dit, bientôt pour un oui ou pour un non, on allait être mis en examen. Et par conséquent, même si çà n'aboutissait pas, l'effet médiatique avait été désastreux pour les élus.
Dans l'entourage du Président, on est allé jusqu'à parler de forfaiture. C'est un mot qu'un Président du Sénat ne peut pas ignorer parce qu'un de vos prédécesseurs, Gaston MONNERVILLE, l'avait utilisé en 1900...
Mais je ne le prononce pas.
Vous ne le prononcez pas. Vous trouvez qu'en l'espèce il est beaucoup trop exagéré ?
Je ne le prononce pas.
Autre chose, Christian PONCELET, dans le débat sur le regroupement de l'opposition, est-ce que vous êtes favorable, vous, à une formation unique ?
Ecoutez, pour ma part, moi, j'encourage tout ce qui conduit à rassembler et à unir l'opposition. Et ce n'est pas d'aujourd'hui puisque, dès le lendemain de mon élection à la Présidence du Sénat, j'ai pris l'initiative de réunir très régulièrement les présidents des groupes parlementaires de l'opposition aussi bien les parlementaires du Sénat que de l'Assemblée nationale pour que nous examinions ensemble les différents projets qui sont soumis à l'appréciation du Parlement, que nous harmonisions nos positions et que nous puissions faire entendre une voix à peu près identique dans l'opposition que nous exprimions à tel ou tel texte.
Donc, vous seriez favorable à un groupe unique de l'opposition au Sénat comme à l'Assemblée nationale ?
Ecoutez, au Sénat, je ne dirais pas que le groupe unique existe mais il existe, ce qu'on appelle, nous au Sénat, la concertation régulière, c'est-à-dire que toutes les semaines, les présidents des groupes de la majorité sénatoriale, donc de l'opposition nationale, se réunissent et examinent l'ordre du jour du Parlement, examinent les grands sujets d'actualité pour essayer d'avoir ensemble un point de vue commun sur les arguments développés pour s'opposer à tel ou tel texte.
Il ne faut pas aller au-delà
Il faut aller progressivement, il faut aller progressivement. Je ne suis pas hostile à ce que -nous le faisons au Sénat- tous les parlementaires de l'opposition se réunissent dans la même salle, ensemble, mais chaque groupe conservant son identité, conservant ses références pour voir comment dans la discussion budgétaire par exemple nous allons avoir une position identique, nous allons soutenir tel ou tel amendement, combattre telle autre disposition. Donc, c'est déjà une démarche qui nous conduit vraiment vers ce que j'appellerais une démarche unitaire, unitaire de l'ensemble des groupes de l'opposition.
Un dernier mot, Christian PONCELET, l'Assemblée nationale va voter la semaine prochaine l'inversion du calendrier de nouveau pour que les présidentielles aient bien lieu avant les législatives. Est-ce qu'après, vous, les sénateurs, vous direz " bon d'accord, on renonce à tout faire pour que la loi ne soit jamais promulguée " ?
Non. Ecoutez, les sénateurs se sont exprimés en première lecture. Ils ont fait part de leurs observations. En commission paritaire, nous avons rappelé quelles étaient nos positions. Le débat va revenir devant le Sénat. A nouveau, nous allons développer les arguments qui justifient que cette inversion ne s'imposait pas. D'ailleurs, elle est suspecte, cette inversion. Pourquoi, si vraiment on est sincère, pourquoi ne pas l'avoir proposée au lendemain des élections de 1997 ? C'est là qu'il fallait dire dès le lendemain, attention. On a changé les règles, bien, tout de suite on les rétablit. Mais on a attendu bien sûr de connaître un peu ce que serait l'opinion à la veille d'élections législatives et d'élections présidentielles. Ça a un caractère évident politicien.
Donc, vous allez continuer à batailler contre ?
Non, non, non. Nous n'allons pas reprendre tous les arguments que nous avons développés au cours de la première lecture. Nous allons rattraper certains arguments. Mais il appartiendra au Conseil constitutionnel qui va être automatiquement saisi puisqu'il s'agit d'une loi organique, le Conseil constitutionnel s'en saisit automatiquement, de nous dire si ce texte est convenable ou non au regard de la Constitution.
Merci beaucoup, Monsieur le Président !
C'est moi qui vous remercie !
(source http://www.senat.fr, le 3 avril 2001)