Texte intégral
Je suis heureux d'être parmi vous à Clermont- Ferrand après Annecy, pour échanger sur la PAC de l'après 2013, question que nous avons débattue au Conseil Informel qui s'est terminé avant-hier.
Je suis heureux d'être parmi vous, ici, avec les acteurs de terrain que vous êtes : élus, responsables professionnels, membres d'associations, après avoir passé 3 jours avec mes 26 collègues, et des parlementaires européens, dans un territoire de montagne.
Je suis également ravi de ce débat : un débat large où des points de vue différents s'expriment. Depuis que j'ai pris mes fonctions, je suis convaincu que l'agriculture n'est pas l'affaire des seuls agriculteurs, même si c'est d'abord la leur.
Annecy, à cet égard, a été exemplaire. J'ai rencontré les altermondialistes, les associations de protection de l'environnement. Les 26 Ministres de l'agriculture ont entendu les représentants européens des agriculteurs par la voix du COPA, regroupant les organisations professionnelles et celle des jeunes agriculteurs par la voix du CEJA. C'est parce que le débat sera ouvert, c'est parce que le débat sortira du pré carré de l'agriculture que les Ministres de l'agriculture pourront exercer pleinement leurs responsabilités.
Avant Annecy, il y avait eu le Grenelle de l'Environnement. Et ma stratégie a été la même : mettre l'agriculture au centre du jeu et pas dans un coin, comme si elle était du passé ou dépassée, voire même quelquefois accusée.
Vous avez inscrit l'avenir de la PAC à votre rencontre aujourd'hui. Il y a 16 mois, à mon arrivée au gouvernement, je lançais le chantier de l'après 2013. Cette initiative traduisait la volonté du Président de la République de ne pas attendre les échéances, de sortir de l'attitude défensive où l'on s'oppose plus que l'on ne propose. Cette initiative a surpris, elle a dérangé.
Et pourtant, les conclusions d'Annecy m'ont conforté dans l'utilité de la démarche. Et, vous en tant qu'acteurs des territoires, vous avez eu raison d'engager entre vous ce débat, de mettre des propositions sur la table. Propositions que j'ai d'ailleurs lues avec attention. Plusieurs régions ont, elles-mêmes, d'ailleurs conduit des travaux de qualité. Je pense notamment à la Bretagne.
Tout ne fait que commencer, le débat sera long, difficile. Je ne suis pas naïf. Mais il vaut la peine d'être conduit, car au-delà de l'agriculture et avec l'agriculture, c'est de notre modèle de développement futur et d'une certaine idée de l'Europe dont on discute.
Il ne faut donc pas relâcher la pression,
sans se tromper de débat, ce qui est en jeu c'est l'existence de la PAC. Avant de la réformer, faut-il encore être sûr de la conserver,
et en traduisant dans les faits les discours, dès 2010. Nous avons une opportunité avec le bilan de santé.
Ce sont ces trois points que je vais rapidement évoquer en répondant à vos propositions.
Ne pas relâcher la pression
Je suis convaincu que ne pas anticiper, renvoyer à plus tard le débat sur les raisons et les missions d'une politique agricole aurait été une erreur politique .Chacun connait l'agenda communautaire avec les élections européennes et le renouvellement de la Commission en 2009. Et chacun sait que les prochaines discussions seront dès 2010 celles des perspectives financières de l'Union européenne 2013-2020.
Ouvrir une réflexion stratégique sur l'agriculture est donc une urgence, si l'on ne veut pas que l'agriculture soit la variable d'ajustement du budget européen. La PAC vaut mieux que l'éternel marchandage budgétaire. Et à Annecy, aucun de mes collègues n'a contesté la pertinence de l'ouverture d'un tel débat aujourd'hui. C'est un premier acquis. Cela ne veut d'ailleurs pas dire que le débat budgétaire sera facile.
Cette réflexion est d'autant plus nécessaire que l'agriculture est une question stratégique. Pour notre continent, car elle touche notre alimentation, notre mode de développement, notre environnement. Pour le monde, car elle est au coeur du défi de l'insécurité alimentaire identifiée comme une des 4 menaces pour notre planète, à côte de l'insécurité financière, par le World Economic Forum. Ce constat, vous l'avez repris dans vos propositions. Tous les Ministres à Annecy l'ont reconnu, et aucun n'a contesté la nécessité d'une PAC. C'est un second acquis du débat d'Annecy.
Enfin, cette réflexion est d'autant plus nécessaire que les 27 ne partagent pas la même vision de l'insertion de l'agriculture dans une économie mondialisée. L'agriculture doit-elle s'adapter aux règles du commerce international ou bien les règles du commerce international doivent-elles s'adapter aux réalités agricoles et alimentaires ? Je ne vous surprendrai pas quand je vous dirai qu'entre les Ministres à Annecy, il y a eu des nuances. Par contre, la sécurité sanitaire en Europe, à la lumière de la crise actuelle du lait frelaté en Chine, fait le consensus. C'est un troisième acquis d'Annecy.
Nous avons semé pour l'avenir. Le temps européen est un temps long. Le débat va sortir d'Annecy. Nous allons le poursuivre dans le cadre d'un prochain Conseil des Ministres avant la fin de l'année. Et puis la présidence tchèque s'est engagée à mettre cette question à l'ordre du jour de son propre Conseil informel. Ce pari d'ouvrir le débat sur la nouvelle PAC que certains jugeaient prématuré, il y a quelques mois, il a été compris. Il nous faut maintenant l'alimenter, sans se tromper de débat .Ce sera le deuxième point de mon intervention.
Ne pas se tromper de débat.
Comprenons-nous bien, c'est de l'existence de la PAC dont nous débattons. Je vois beaucoup de médecins à son chevet. Mais pour « soigner la PAC », pour reprendre une des formules que j'ai entendues à Annecy, faut-il encore qu'elle soit vivante et les agriculteurs suffisamment nombreux. En d'autres termes avant de parler d'outils, faut-il que nous soyons d'accord sur les objectifs assignés à notre agriculture.
A l'ère de l'urgence alimentaire et de l'exigence écologique, nos agriculteurs doivent produire plus, produire mieux et produire partout pour nourrir les 9 milliards d'individus que comptera la planète d'ici 2050. Ils devront concilier performance économique et efficacité écologique. Ils ne le feront pas en étant livrés aux seules lois du marché et soumis au moins disant sanitaire et environnemental. L'agriculture a besoin de régulation et de gouvernance. Au moment où le Président de la république a défendu à la tribune de l'ONU « un capitalisme régulé », je ne vois pas qui pourrait soutenir que l'alimentation, besoin vital de chaque être humain, ne participe pas, elle aussi, de la même logique.
J'ai bien retenu vos 5 adjectifs : une PAC efficace, une PAC équitable, une PAC cohérente, une PAC durable, une PAC protectrice. Pour ma part, j'en cite souvent 3 : une PAC préventive, une PAC équitable, une PAC durable. Au-delà du nombre de mots, au-delà de certaines de vos propositions qui font débat entre nous, ce qui nous rassemble, c'est que les signaux du marché, pour reprendre une formule bruxelloise, sont insuffisants.
Cette incapacité des marchés à gouverner seuls l'agriculture exige qu'au niveau communautaire :
* d'une part, nous préservions des mécanismes de régulation des marchés. Il n'y a pas de fatalité à tous les démanteler. Je pense à l'intervention pour les céréales, pour les produits laitiers que la Commission veut profondément transformer. Je pense aussi aux quotas laitiers qu'une majorité qualifiée d'Etats-membres veut supprimer en 2014/2015. Tout l'enjeu pour moi, c'est de trouver, si cette décision devait être prise, des leviers pour ne pas « déménager » l'économie laitière dans nos territoires.
* Elle exige, d'autre part, que nous défendions, sans état d'âme, la préférence européenne, notre préférence collective pour notre modèle alimentaire et pour notre modèle de développement territorial. Nous n'avons pas à nous excuser d'être européens. C'est bien, parce que l'Inde a refusé de livrer ses 800 millions de paysans aux importations à bas prix, qu'il y a eu échec à l'OMC. La détermination de la France lors de la semaine genevoise à la fin du mois de juillet a été sans faille : non à un projet très déséquilibré sur le volet agricole et qui ne comporte aucune avancée sur les biens industriels et les services. Notre détermination reste intacte. Cette détermination n'est pas le signe d'un quelconque protectionnisme. Elle est fondée sur notre volonté de garantir aux consommateurs des produits sains quelque soit leur origine et aux opérateurs des règles de concurrence loyales. C'est le sens du mémorandum que j'ai présenté à mes collègues en mai dernier. Soutenu par une vingtaine d'Etats-membres, il fera l'objet d'un plan d'actions d'ici la fin de l'année.
* Cette insuffisance des marchés exige, enfin, que nous mettions nos soutiens en phase avec les évolutions des marchés, la montée des risques et l'impératif d'un développement durable. La Commission privilégie le découplage total et le renforcement du second pilier. Pour moi, cette double orientation amorcerait la fin de la politique agricole. La politique agricole a une légitimité en tant que telle. Et son avenir, ce n'est pas de se diluer dans le second pilier. Sur ce point, je ne partage pas votre analyse selon laquelle c'est par le second pilier que l'on réorientera en profondeur la politique agricole vers des systèmes plus durables. J'ai plus d'ambition pour notre politique agricole. C'est notre économie agricole tout entière qu'il faut convertir vers plus de durabilité.
Ces priorités pour l'avenir doivent avoir leur première traduction dans le bilan de santé. La présidence française n'est pas schizophrène : il n'y a pas d'un côté de grandes ambitions pour demain et de l'autre une négociation au rabais pour la fin de l'année. Et c'est « un compromis dynamique » que je vise pour la mi-novembre, un compromis qui permette à chacun de nos pays, en fonction de ses spécificités, de tracer l'avenir de son agriculture.
Comment le traduire ?
Nos objectifs sont clairs, je les ai annoncés. Ils rejoignent les vôtres. Je me bats aujourd'hui pour disposer au niveau communautaire des moyens de les mettre en oeuvre, de tous les moyens pour pouvoir le moment venu, c'est à dire dans les premiers mois de 2009, décider de ce que nous retiendrons. Mais le temps d' aujourd'hui est encore un temps européen.
Mais j'ai bien entendu la détresse des éleveurs de cette région. Je connais leurs difficultés. Je le redis : nous mettrons tout en oeuvre pour leur permettre de passer le cap difficile de 2009 dans l'attente de la réorientation des aides en 2010.
Je ne suis pas non plus dogmatique. J'ai répondu favorablement à votre demande de « benchmarking » avec des pays européens qui n'ont pas fait les mêmes choix que nous en 2003. Et les conclusions qui vous ont été présentées ce matin par les membres de la mission donnent des points de repère utiles pour prendre nos décisions.
Vous proposez au service de l'équité, de la réactivité et de l'efficacité une régionalisation des aides du premier pilier et une nouvelle gouvernance, pour, et je vous cite, que les Conseils régionaux puissent « déterminer les orientations des aides ... afin de tenir compte des spécificités des territoires et des filières». Et vous le proposez dès 2009.
La prise en compte de la diversité des agricultures est, pour moi, essentielle. C'est un des axes qui j'ai inscrit dans le document d'Annecy. C'est un des axes sur lequel plusieurs Etats-membres se sont exprimés. Mais la régionalisation des aides que vous proposez est-elle le bon outil ? Je n'en suis pas sûr.
* Cette régionalisation sur une base nationale pour la détermination des enveloppes et sur une base régionale pour l'orientation des aides permettra-t-elle d'atteindre les objectifs poursuivis ?
* Cette régionalisation ne génèrera-telle pas des distorsions de concurrence ? Cette question des distorsions de concurrence est très présente actuellement dans le débat communautaire, quand on discute de l'article 68 qui va nous permettre de redistribuer les aides.
* Cette régionalisation qui aura du mal à maintenir les aides animales couplées à leur niveau actuel ne préfigure-t-elle pas la future PAC réduite à une aide à l'hectare uniformisée en Europe avec l'abandon de tout outil d'orientation des productions ?
* Et puis, le grand risque de cette régionalisation, c'est qu'elle porte en germe une renationalisation de la PAC qui se traduira par inéluctablement par un cofinancement ?
Je comprends ce qui vous anime : le caractère dépassé des références historiques. Et je le partage. Pas seulement moi d'ailleurs. Le Président de la République lui-même s'est interrogé au SPACE, il y a un an.
Une réorientation des aides ciblée ne permet-elle pas d'atteindre simultanément les objectifs d'équité et d'efficacité ? Un prélèvement sur les secteurs qui bénéficient de conditions de prix favorables depuis ces dernières années et une redistribution sur les productions et les territoires fragiles ainsi que sur les systèmes de production durables doivent permettre de mieux préserver l'avenir. J'entends ici et là certains affirmer avec force: il faut prendre telle décision aujourd'hui, parce qu'en 2013 la PAC aura tel visage, parce qu'en 2013 il n'y aura plus deux piliers, mais trois ou un seul. Je les trouve très sûrs d'eux. A la lumière des débats à Annecy, je serai prudent sur les formes de cette politique commune. Notre premier enjeu, c'est qu'elle reste commune et même communautaire. C'est sa meilleure garantie : un budget pour 7 ans !!!!
Et je n'ai pas oublié le deuxième terme que vous avez liée à régionalisation, c'est celui de gouvernance régionale. Et il me semble qu'en ce domaine, la question se pose en termes différents entre le premier pilier et le second pilier.
Vous l'avez compris, la juxtaposition de politiques agricoles régionales, voire la concurrence entre elles, n'est pas la meilleure des voies pour maintenir une politique européenne. Mais j'entends complètement la question de l'association des élus à nos choix de politique agricole. C'est à cette préoccupation que j'ai essayé de répondre en organisant des débats sur le terrain au début de l'année sur le bilan de santé de la PAC. Mon objectif était d'associer très largement les acteurs de terrain pour qu'un véritable dialogue s'instaure, et je sais que les collectivités territoriales y ont participé. L'on peut mieux faire, c'est sûr.
Sur la régionalisation du second pilier, la question se pose en des termes différents. Dans le cadre de la programmation 2007-2013, nous avons marqué une étape, que certains jugent, je le sais, insuffisante.
Vous proposez dans le cadre de la programmation actuelle d'aller plus loin et de revenir sur les choix qui ont été faits en 2006. Je vous le dis tel que je le pense, cela ne me paraît pas réaliste. Par contre, je suis totalement ouvert sur l'après 2013 pour aller vers plus de décentralisation régionale, dès lors que l'on ne perd pas la cohérence de notre politique de développement rural qui garantit notre cohésion territoriale.
J'ai une conviction que j'ai acquise quand j'ai présidé pendant 17 ans le Conseil Général de Savoie, nos politiques publiques doivent être mieux articulées entre nos différents échelons. Faut-il encore les connaître. C'est le sens de l'étude comparée sur les politiques agricoles conduites par les conseils généraux et les conseils régionaux que j'ai demandée au Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux. Et noue en reparlerons ensemble.
Le débat que nous avons aujourd'hui n'est pas simplement un débat franco-français sur la répartition des aides à l'agriculture. Il n'est pas simplement un débat agricole. Il préfigure l'Europe que nous voulons :
- ou bien, l'Europe deviendra, comme le souhaitent certains une zone de libre échange,
- ou bien, l'Union européenne restera une communauté de nations solidaires avec des politiques intégrées : la PAC et d'autres encore sur l'énergie, la recherche ...
Derrière cette vision de l'Europe, il y a aussi une vision de la mondialisation. Notre monde a besoin de régulation. Ce n'est sûrement pas maintenant que nous accepterons de détricoter la première des politiques économiques porteuse de régulation et de gouvernance. Et j'ajoute, une politique agricole qui investit dans un modèle alimentaire et de développement territorialisé auquel nous tenons.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 26 septembre 2008
Je suis heureux d'être parmi vous, ici, avec les acteurs de terrain que vous êtes : élus, responsables professionnels, membres d'associations, après avoir passé 3 jours avec mes 26 collègues, et des parlementaires européens, dans un territoire de montagne.
Je suis également ravi de ce débat : un débat large où des points de vue différents s'expriment. Depuis que j'ai pris mes fonctions, je suis convaincu que l'agriculture n'est pas l'affaire des seuls agriculteurs, même si c'est d'abord la leur.
Annecy, à cet égard, a été exemplaire. J'ai rencontré les altermondialistes, les associations de protection de l'environnement. Les 26 Ministres de l'agriculture ont entendu les représentants européens des agriculteurs par la voix du COPA, regroupant les organisations professionnelles et celle des jeunes agriculteurs par la voix du CEJA. C'est parce que le débat sera ouvert, c'est parce que le débat sortira du pré carré de l'agriculture que les Ministres de l'agriculture pourront exercer pleinement leurs responsabilités.
Avant Annecy, il y avait eu le Grenelle de l'Environnement. Et ma stratégie a été la même : mettre l'agriculture au centre du jeu et pas dans un coin, comme si elle était du passé ou dépassée, voire même quelquefois accusée.
Vous avez inscrit l'avenir de la PAC à votre rencontre aujourd'hui. Il y a 16 mois, à mon arrivée au gouvernement, je lançais le chantier de l'après 2013. Cette initiative traduisait la volonté du Président de la République de ne pas attendre les échéances, de sortir de l'attitude défensive où l'on s'oppose plus que l'on ne propose. Cette initiative a surpris, elle a dérangé.
Et pourtant, les conclusions d'Annecy m'ont conforté dans l'utilité de la démarche. Et, vous en tant qu'acteurs des territoires, vous avez eu raison d'engager entre vous ce débat, de mettre des propositions sur la table. Propositions que j'ai d'ailleurs lues avec attention. Plusieurs régions ont, elles-mêmes, d'ailleurs conduit des travaux de qualité. Je pense notamment à la Bretagne.
Tout ne fait que commencer, le débat sera long, difficile. Je ne suis pas naïf. Mais il vaut la peine d'être conduit, car au-delà de l'agriculture et avec l'agriculture, c'est de notre modèle de développement futur et d'une certaine idée de l'Europe dont on discute.
Il ne faut donc pas relâcher la pression,
sans se tromper de débat, ce qui est en jeu c'est l'existence de la PAC. Avant de la réformer, faut-il encore être sûr de la conserver,
et en traduisant dans les faits les discours, dès 2010. Nous avons une opportunité avec le bilan de santé.
Ce sont ces trois points que je vais rapidement évoquer en répondant à vos propositions.
Ne pas relâcher la pression
Je suis convaincu que ne pas anticiper, renvoyer à plus tard le débat sur les raisons et les missions d'une politique agricole aurait été une erreur politique .Chacun connait l'agenda communautaire avec les élections européennes et le renouvellement de la Commission en 2009. Et chacun sait que les prochaines discussions seront dès 2010 celles des perspectives financières de l'Union européenne 2013-2020.
Ouvrir une réflexion stratégique sur l'agriculture est donc une urgence, si l'on ne veut pas que l'agriculture soit la variable d'ajustement du budget européen. La PAC vaut mieux que l'éternel marchandage budgétaire. Et à Annecy, aucun de mes collègues n'a contesté la pertinence de l'ouverture d'un tel débat aujourd'hui. C'est un premier acquis. Cela ne veut d'ailleurs pas dire que le débat budgétaire sera facile.
Cette réflexion est d'autant plus nécessaire que l'agriculture est une question stratégique. Pour notre continent, car elle touche notre alimentation, notre mode de développement, notre environnement. Pour le monde, car elle est au coeur du défi de l'insécurité alimentaire identifiée comme une des 4 menaces pour notre planète, à côte de l'insécurité financière, par le World Economic Forum. Ce constat, vous l'avez repris dans vos propositions. Tous les Ministres à Annecy l'ont reconnu, et aucun n'a contesté la nécessité d'une PAC. C'est un second acquis du débat d'Annecy.
Enfin, cette réflexion est d'autant plus nécessaire que les 27 ne partagent pas la même vision de l'insertion de l'agriculture dans une économie mondialisée. L'agriculture doit-elle s'adapter aux règles du commerce international ou bien les règles du commerce international doivent-elles s'adapter aux réalités agricoles et alimentaires ? Je ne vous surprendrai pas quand je vous dirai qu'entre les Ministres à Annecy, il y a eu des nuances. Par contre, la sécurité sanitaire en Europe, à la lumière de la crise actuelle du lait frelaté en Chine, fait le consensus. C'est un troisième acquis d'Annecy.
Nous avons semé pour l'avenir. Le temps européen est un temps long. Le débat va sortir d'Annecy. Nous allons le poursuivre dans le cadre d'un prochain Conseil des Ministres avant la fin de l'année. Et puis la présidence tchèque s'est engagée à mettre cette question à l'ordre du jour de son propre Conseil informel. Ce pari d'ouvrir le débat sur la nouvelle PAC que certains jugeaient prématuré, il y a quelques mois, il a été compris. Il nous faut maintenant l'alimenter, sans se tromper de débat .Ce sera le deuxième point de mon intervention.
Ne pas se tromper de débat.
Comprenons-nous bien, c'est de l'existence de la PAC dont nous débattons. Je vois beaucoup de médecins à son chevet. Mais pour « soigner la PAC », pour reprendre une des formules que j'ai entendues à Annecy, faut-il encore qu'elle soit vivante et les agriculteurs suffisamment nombreux. En d'autres termes avant de parler d'outils, faut-il que nous soyons d'accord sur les objectifs assignés à notre agriculture.
A l'ère de l'urgence alimentaire et de l'exigence écologique, nos agriculteurs doivent produire plus, produire mieux et produire partout pour nourrir les 9 milliards d'individus que comptera la planète d'ici 2050. Ils devront concilier performance économique et efficacité écologique. Ils ne le feront pas en étant livrés aux seules lois du marché et soumis au moins disant sanitaire et environnemental. L'agriculture a besoin de régulation et de gouvernance. Au moment où le Président de la république a défendu à la tribune de l'ONU « un capitalisme régulé », je ne vois pas qui pourrait soutenir que l'alimentation, besoin vital de chaque être humain, ne participe pas, elle aussi, de la même logique.
J'ai bien retenu vos 5 adjectifs : une PAC efficace, une PAC équitable, une PAC cohérente, une PAC durable, une PAC protectrice. Pour ma part, j'en cite souvent 3 : une PAC préventive, une PAC équitable, une PAC durable. Au-delà du nombre de mots, au-delà de certaines de vos propositions qui font débat entre nous, ce qui nous rassemble, c'est que les signaux du marché, pour reprendre une formule bruxelloise, sont insuffisants.
Cette incapacité des marchés à gouverner seuls l'agriculture exige qu'au niveau communautaire :
* d'une part, nous préservions des mécanismes de régulation des marchés. Il n'y a pas de fatalité à tous les démanteler. Je pense à l'intervention pour les céréales, pour les produits laitiers que la Commission veut profondément transformer. Je pense aussi aux quotas laitiers qu'une majorité qualifiée d'Etats-membres veut supprimer en 2014/2015. Tout l'enjeu pour moi, c'est de trouver, si cette décision devait être prise, des leviers pour ne pas « déménager » l'économie laitière dans nos territoires.
* Elle exige, d'autre part, que nous défendions, sans état d'âme, la préférence européenne, notre préférence collective pour notre modèle alimentaire et pour notre modèle de développement territorial. Nous n'avons pas à nous excuser d'être européens. C'est bien, parce que l'Inde a refusé de livrer ses 800 millions de paysans aux importations à bas prix, qu'il y a eu échec à l'OMC. La détermination de la France lors de la semaine genevoise à la fin du mois de juillet a été sans faille : non à un projet très déséquilibré sur le volet agricole et qui ne comporte aucune avancée sur les biens industriels et les services. Notre détermination reste intacte. Cette détermination n'est pas le signe d'un quelconque protectionnisme. Elle est fondée sur notre volonté de garantir aux consommateurs des produits sains quelque soit leur origine et aux opérateurs des règles de concurrence loyales. C'est le sens du mémorandum que j'ai présenté à mes collègues en mai dernier. Soutenu par une vingtaine d'Etats-membres, il fera l'objet d'un plan d'actions d'ici la fin de l'année.
* Cette insuffisance des marchés exige, enfin, que nous mettions nos soutiens en phase avec les évolutions des marchés, la montée des risques et l'impératif d'un développement durable. La Commission privilégie le découplage total et le renforcement du second pilier. Pour moi, cette double orientation amorcerait la fin de la politique agricole. La politique agricole a une légitimité en tant que telle. Et son avenir, ce n'est pas de se diluer dans le second pilier. Sur ce point, je ne partage pas votre analyse selon laquelle c'est par le second pilier que l'on réorientera en profondeur la politique agricole vers des systèmes plus durables. J'ai plus d'ambition pour notre politique agricole. C'est notre économie agricole tout entière qu'il faut convertir vers plus de durabilité.
Ces priorités pour l'avenir doivent avoir leur première traduction dans le bilan de santé. La présidence française n'est pas schizophrène : il n'y a pas d'un côté de grandes ambitions pour demain et de l'autre une négociation au rabais pour la fin de l'année. Et c'est « un compromis dynamique » que je vise pour la mi-novembre, un compromis qui permette à chacun de nos pays, en fonction de ses spécificités, de tracer l'avenir de son agriculture.
Comment le traduire ?
Nos objectifs sont clairs, je les ai annoncés. Ils rejoignent les vôtres. Je me bats aujourd'hui pour disposer au niveau communautaire des moyens de les mettre en oeuvre, de tous les moyens pour pouvoir le moment venu, c'est à dire dans les premiers mois de 2009, décider de ce que nous retiendrons. Mais le temps d' aujourd'hui est encore un temps européen.
Mais j'ai bien entendu la détresse des éleveurs de cette région. Je connais leurs difficultés. Je le redis : nous mettrons tout en oeuvre pour leur permettre de passer le cap difficile de 2009 dans l'attente de la réorientation des aides en 2010.
Je ne suis pas non plus dogmatique. J'ai répondu favorablement à votre demande de « benchmarking » avec des pays européens qui n'ont pas fait les mêmes choix que nous en 2003. Et les conclusions qui vous ont été présentées ce matin par les membres de la mission donnent des points de repère utiles pour prendre nos décisions.
Vous proposez au service de l'équité, de la réactivité et de l'efficacité une régionalisation des aides du premier pilier et une nouvelle gouvernance, pour, et je vous cite, que les Conseils régionaux puissent « déterminer les orientations des aides ... afin de tenir compte des spécificités des territoires et des filières». Et vous le proposez dès 2009.
La prise en compte de la diversité des agricultures est, pour moi, essentielle. C'est un des axes qui j'ai inscrit dans le document d'Annecy. C'est un des axes sur lequel plusieurs Etats-membres se sont exprimés. Mais la régionalisation des aides que vous proposez est-elle le bon outil ? Je n'en suis pas sûr.
* Cette régionalisation sur une base nationale pour la détermination des enveloppes et sur une base régionale pour l'orientation des aides permettra-t-elle d'atteindre les objectifs poursuivis ?
* Cette régionalisation ne génèrera-telle pas des distorsions de concurrence ? Cette question des distorsions de concurrence est très présente actuellement dans le débat communautaire, quand on discute de l'article 68 qui va nous permettre de redistribuer les aides.
* Cette régionalisation qui aura du mal à maintenir les aides animales couplées à leur niveau actuel ne préfigure-t-elle pas la future PAC réduite à une aide à l'hectare uniformisée en Europe avec l'abandon de tout outil d'orientation des productions ?
* Et puis, le grand risque de cette régionalisation, c'est qu'elle porte en germe une renationalisation de la PAC qui se traduira par inéluctablement par un cofinancement ?
Je comprends ce qui vous anime : le caractère dépassé des références historiques. Et je le partage. Pas seulement moi d'ailleurs. Le Président de la République lui-même s'est interrogé au SPACE, il y a un an.
Une réorientation des aides ciblée ne permet-elle pas d'atteindre simultanément les objectifs d'équité et d'efficacité ? Un prélèvement sur les secteurs qui bénéficient de conditions de prix favorables depuis ces dernières années et une redistribution sur les productions et les territoires fragiles ainsi que sur les systèmes de production durables doivent permettre de mieux préserver l'avenir. J'entends ici et là certains affirmer avec force: il faut prendre telle décision aujourd'hui, parce qu'en 2013 la PAC aura tel visage, parce qu'en 2013 il n'y aura plus deux piliers, mais trois ou un seul. Je les trouve très sûrs d'eux. A la lumière des débats à Annecy, je serai prudent sur les formes de cette politique commune. Notre premier enjeu, c'est qu'elle reste commune et même communautaire. C'est sa meilleure garantie : un budget pour 7 ans !!!!
Et je n'ai pas oublié le deuxième terme que vous avez liée à régionalisation, c'est celui de gouvernance régionale. Et il me semble qu'en ce domaine, la question se pose en termes différents entre le premier pilier et le second pilier.
Vous l'avez compris, la juxtaposition de politiques agricoles régionales, voire la concurrence entre elles, n'est pas la meilleure des voies pour maintenir une politique européenne. Mais j'entends complètement la question de l'association des élus à nos choix de politique agricole. C'est à cette préoccupation que j'ai essayé de répondre en organisant des débats sur le terrain au début de l'année sur le bilan de santé de la PAC. Mon objectif était d'associer très largement les acteurs de terrain pour qu'un véritable dialogue s'instaure, et je sais que les collectivités territoriales y ont participé. L'on peut mieux faire, c'est sûr.
Sur la régionalisation du second pilier, la question se pose en des termes différents. Dans le cadre de la programmation 2007-2013, nous avons marqué une étape, que certains jugent, je le sais, insuffisante.
Vous proposez dans le cadre de la programmation actuelle d'aller plus loin et de revenir sur les choix qui ont été faits en 2006. Je vous le dis tel que je le pense, cela ne me paraît pas réaliste. Par contre, je suis totalement ouvert sur l'après 2013 pour aller vers plus de décentralisation régionale, dès lors que l'on ne perd pas la cohérence de notre politique de développement rural qui garantit notre cohésion territoriale.
J'ai une conviction que j'ai acquise quand j'ai présidé pendant 17 ans le Conseil Général de Savoie, nos politiques publiques doivent être mieux articulées entre nos différents échelons. Faut-il encore les connaître. C'est le sens de l'étude comparée sur les politiques agricoles conduites par les conseils généraux et les conseils régionaux que j'ai demandée au Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux. Et noue en reparlerons ensemble.
Le débat que nous avons aujourd'hui n'est pas simplement un débat franco-français sur la répartition des aides à l'agriculture. Il n'est pas simplement un débat agricole. Il préfigure l'Europe que nous voulons :
- ou bien, l'Europe deviendra, comme le souhaitent certains une zone de libre échange,
- ou bien, l'Union européenne restera une communauté de nations solidaires avec des politiques intégrées : la PAC et d'autres encore sur l'énergie, la recherche ...
Derrière cette vision de l'Europe, il y a aussi une vision de la mondialisation. Notre monde a besoin de régulation. Ce n'est sûrement pas maintenant que nous accepterons de détricoter la première des politiques économiques porteuse de régulation et de gouvernance. Et j'ajoute, une politique agricole qui investit dans un modèle alimentaire et de développement territorialisé auquel nous tenons.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 26 septembre 2008