Texte intégral
« Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, Mesdames, Messieurs, je veux d'abord vous remercier de votre présence et de votre accueil, toujours chaleureux. C'est pour moi un véritable plaisir d'être une nouvelle fois, en d'autres qualités, devant vous aujourd'hui. Je veux tout particulièrement saluer le président Dermagne, qui représente remarquablement votre institution et sait aussi en véhiculer une image extrêmement positive et utile dans l'ensemble du monde institutionnel. Permettez-moi également de saluer le travail effectué par votre section des finances, présidée par M. Reynaud, et la qualité du rapport de M. Valletoux sur l'évaluation et le suivi des relations entre l'État et les collectivités locales. Avec ce travail de fond, je réalise combien le Conseil économique et social est profondément utile et nécessaire à la vie démocratique de notre pays, parce qu'il se situe dans un contexte différent où chacun apporte son expérience dans un esprit constructif. C'est un élément qui nous permet d'avoir le recul nécessaire, de faire valoir des convictions et de trouver aussi ensemble un certain nombre de solutions.
Le sujet que vous avez traité n'est pas un sujet de seuls spécialistes. Nous tous, élus locaux, élus nationaux, responsables de cette assemblée, responsables gouvernementaux, sommes en charge de l'avenir de notre pays et avons un devoir d'agir ensemble, au-delà d'un certain nombre de différences, lorsqu'il s'agit de préparer ce pays à une concurrence mondiale et européenne de plus en plus présente.
Or, selon un vieil adage, il y a plus de sagesse dans plusieurs cerveaux que dans un seul : j'y crois profondément. Pour cela, nous devons agir en toute responsabilité et en toute clarté, car nous n'avons rien à dissimuler si ce que nous voulons c'est avancer pour améliorer la situation.
Je crois que la crise financière que traverse notre pays, mais aussi l'Europe et le monde, accentue cette exigence de travail en commun. Face aux incertitudes, l'État, mais aussi les collectivités locales, doivent entretenir des relations claires et en même temps sans tabou et sans ambiguïté. Et mon ambition, je vous le dis très clairement dans ce domaine, comme je vous l'ai indiqué lorsque j'ai eu l'occasion de venir ici sur d'autres sujets, est d'établir un nouveau partenariat entre l'État et les collectivités locales, fondé sur la clarté, la confiance et la transparence. Cela peut supposer de dissiper un certain nombre de malentendus et votre rapporteur en évoquait quelques-uns tout à l'heure. Cela suppose aussi d'avoir une vision claire de qui fait quoi, car c'est sur ces bases que nous pourrons construire quelque chose de solide.
Clarifier les relations entre l'État et les collectivités est aujourd'hui une nécessité financière, comme vous le rappeliez, Monsieur le rapporteur. De fait, le déséquilibre entre les dépenses et les recettes publiques est une constante dans notre pays depuis vingt cinq ans. L'État et les collectivités locales sont ainsi confrontés à la même nécessité de maîtriser les dépenses publiques, car ce qui est vrai pour l'État l'est aussi pour les collectivités locales. J'ai été moi-même été maire pendant de nombreuses années, je suis encore premier adjoint et je préside un syndicat intercommunal. Je sais donc très bien que si je veux mener dans la durée des actions, j'ai besoin d'avoir un véritable équilibre de mes finances communales ou intercommunales. Mais comme ministre, je sais également, même si parfois, pour tout autre que le ministre du Budget, cela présente un certain nombre d'inconvénients, que nous devons équilibrer nos finances parce que c'est notre engagement à l'égard de cet ensemble européen que nous avons voulu et qui nous est indispensable.
C'est aussi un devoir quant à nos capacités de préparer l'avenir économique de notre pays, et qui peut ignorer qu'aujourd'hui, nous consacrons plus que la totalité de l'impôt sur le revenu simplement à payer les intérêts de la dette ! C'est enfin une nécessité si nous voulons laisser à nos enfants et petits-enfants un pays capable d'affronter ses concurrents, ainsi que les grands défis du développement économique et social. Oui, je crois donc profondément que l'on ne peut pas séparer en la matière l'État et les collectivités locales, les contraintes pesant sur les uns comme sur les autres.
Dans le même temps, on ne voit pas très bien comment se présentent les choses aujourd'hui. Entre les uns et les autres, il y a un véritable maquis de relation, d'implications financières, ce sont les mots exacts que vous avez utilisés dans votre rapport, et j'en partage la signification.
Aussi le temps est-il venu de lever les malentendus sur le poids des collectivités territoriales dans le déficit public. Vous l'avez dit tout à l'heure et je n'y reviendrai pas, sinon pour souligner que c'est la transparence qui nous permettra de lever les suspicions sur les responsabilités des uns et des autres.
Il nous faut également lever les malentendus sur la fiscalité locale. Il est vrai aujourd'hui que le poids des dégrèvements fiscaux fait que l'État est en réalité le premier contribuable local, ce qui n'est satisfaisant ni pour le contribuable ni pour les collectivités. Et je le dis tout de suite : étudier la réorganisation des collectivités locales, ce n'est pas repousser à plus tard la question de la fiscalité locale. Au contraire, si nous voulons avoir un ensemble cohérent, nous devons mener de front les deux éléments, parce que la fiscalité locale, ce sont les moyens mis à la disposition de l'exercice des compétences relevant de chacune des collectivités.
Au total, il est donc important, dans la situation actuelle, de laisser de la visibilité aux collectivités locales, qui sont des investisseurs, des responsables sociaux au même titre que les chefs d'entreprise, en veillant à ce qu'il n'y ait pas de rupture.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le gouvernement propose le même rythme d'évolution pour les dotations de l'État aux collectivités locales et les dépenses de l'État. L'année dernière, s'agissant de la progression de la dotation globale de fonctionnement, j'avais obtenu que l'on puisse continuer sur le même rythme que les années précédentes, mais j'avais d'ores et déjà indiqué à l'ensemble des maires et des responsables de collectivités locales que nous devrions arriver cette année à la même progression que celle de l'État, c'est-à-dire au rythme de l'inflation. De fait, il me paraissait très difficile pour un gestionnaire de devoir, en quelques mois, faire les adaptations nécessaires pour réduire une part de ses moyens de fonctionnement.
Si nous avons là un cadre général, il faut bien voir que nous ne clarifierons les relations financières entre l'État et les collectivités qu'à condition de faire en sorte que le partage des compétences soit lui-même moins confus. C'est pourquoi je disais que la réforme de la fiscalité est liée à cette clarification. Il faut clarifier les relations institutionnelles, les relations de compétences et financières entre l'État et les collectivités, mais il faut le faire aussi dans les rapports entre les collectivités elles-mêmes. Clarifier les compétences relève aujourd'hui d'une exigence de plus de démocratie. Car que nous disent nos concitoyens ? Ils veulent savoir qui fait quoi, à qui s'adresser. C'est d'ailleurs en partie aussi le cas des élus des petites communes, qui finissent par ne plus savoir à qui demander des subventions. Or il y a là une profonde injustice : celui qui est bien informé ou qui a une structure administrative importante saura récupérer le maximum d'argent, tandis qu'il y a peu de chance pour qu'un maire seul avec son secrétaire de mairie connaisse tous les tours et les détours pour recevoir de l'aide. Nous avons là un déni de démocratie.
De même, lorsque le citoyen vote, il doit savoir qui est responsable de quoi et qui a fait quoi. C'est la raison pour laquelle la clarification des compétences est aussi une nécessité démocratique.
Cependant, clarifier les compétences est un travail complexe. Voilà vingt-cinq ans que le mouvement de décentralisation est engagé et que l'on parle de la réforme des institutions. On en parle, mais on ne la fait pas. Pourtant, cette réforme est nécessaire, et il me semble qu'elle est aujourd'hui à notre portée si nous savons agir avec méthode et concertation. C'est en effet souvent sur un manque de méthode et de concertation que les tentatives de réformes ont avorté.
À mon sens, la méthode est d'abord une évaluation partagée. Je ne prétends pas que nous serons toujours d'accord avec les collectivités locales, mais qu'au moins, nous soyons d'accord sur le point dont nous parlons. Évaluer, simplifier, améliorer notre action, telle est la démarche initiée avec la revue générale des politiques publiques. Or, les collectivités territoriales ne peuvent rester à l'écart d'une telle démarche, et c'est pourquoi je propose la mise en oeuvre d'une revue territoriale qui serait conduite en partenariat entre les ministres concernés, les inspections générales et les représentants des collectivités territoriales.
Les élus locaux le savent, les politiques menées aujourd'hui par les collectivités territoriales sont essentielles à la solidarité, au développement économique et à l'aménagement du territoire. Nous constatons néanmoins qu'aucune évaluation systématique n'est menée, ce que vous avez souligné. Il me semble pourtant que la méthode de l'évaluation doit être développée dans tous les domaines car c'est la seule façon de porter un regard aussi objectif que possible sur sa propre action. Ainsi, Monsieur le rapporteur, je vous rejoins sur le fait que l'évaluation des politiques menées par les collectivités doit être améliorée, systématisée, et cela dans un esprit de dialogue et non de jugement ou de dénigrement. L'évaluation n'a de sens que si elle met en oeuvre une analyse des manques, mais aussi des perspectives futures.
La méthode doit être aussi celle d'une approche concrète au cas par cas, politique publique par politique publique. Si l'on fait les choses globalement, on reste dans le flou. Il convient donc d'examiner chacun des domaines d'action des collectivités afin de pouvoir juger quel est le niveau le plus pertinent. La région est-elle le niveau pertinent pour gérer les lycées, ou bien est-ce le département ?
Nous pouvons d'ailleurs réfléchir par bloc de compétences. Dans le domaine de l'enseignement par exemple, il y a l'enseignement professionnel, l'enseignement secondaire, etc. : qui est le mieux à même de connaître le terrain tout en apportant les réponses les plus adaptées ? De même dans le domaine des transports : un certain nombre de mesures ont été prises à ce niveau, notamment au moment de la décentralisation, et en matière de transport ferré, les régions jouent un rôle de plus en plus grand, mais le transport par rail n'est pas le seul mode de transport, il y a tous les autres. Les départements jouent notamment un rôle dans le transport scolaire : est-ce le niveau le plus pertinent ? Je ne donne pas de réponse, j'affirme simplement que c'est un bloc de compétence important. Et la question est la même dans le domaine de l'action sociale : qui est le mieux à même de mener une action sociale efficace, avec un contrôle de son efficacité ?
Dans le cadre de la conférence nationale des exécutifs, le Premier ministre a demandé la mise en place d'un groupe de travail réunissant les associations d'élus et des représentants du Parlement, pour mener un travail d'analyse et de prospective. Je souhaite que les premières propositions puissent être faites avant la fin de l'année. Lorsqu'on parle de réforme, il est en effet inutile de fixer des échéances trop lointaines, car il peut toujours arriver quelque chose. Il est préférable de fixer des échéances courtes.
Si nous faisons une analyse pour déterminer le niveau le plus pertinent de compétence, il faut aussi que nous réfléchissions à l'organisation institutionnelle dans sa globalité. Ma conviction est qu'il ne faut rien s'interdire. L'ambition doit faire aussi partie de la méthode, il ne doit pas y avoir de tabou. Cela ne signifie pas que les propositions les plus extrêmes seront suivies, mais encore faut-il qu'elles soient mises sur le tapis. C'est ainsi que nous éviterons toute arrière-pensée et que nous trouverons peut-être certaines solutions.
N'ayons ainsi pas peur de nous interroger sur la pertinence de l'action de chacun des échelons locaux. Des pistes sont d'ores et déjà avancées et je souhaite qu'aucune ne soit exclue, que les avantages et les inconvénients de chacune d'entre elles soient étudiés. Certains parlent d'un rapprochement des départements et des régions, dans le but d'agir plus efficacement ensemble au service des citoyens. D'autres parlent d'une répartition contractuelle des compétences entre les collectivités pour favoriser le dialogue et une action adaptée à la réalité de chacun des territoires. D'aucuns évoquent une réforme des modes de scrutin pour simplifier l'organisation territoriale, avec la mise en oeuvre de systèmes semblables à ceux de la loi PLM pour offrir une meilleure fluidité entre certains niveaux. Le débat est lancé, toutes ces hypothèses méritent examen, l'important étant de ne pas perdre le sens du terrain, car nos collectivités ne sont pas enfermées à l'intérieur du périphérique. Il existe un certain nombre de réalités locales, historiques et affectives qui ne doivent pas être ignorées.
M'entendre parler d'affectif peut vous sembler bizarre, mais lorsque vous demandez à quelqu'un d'où il vient, il vous répond le nom de la ville dans laquelle il habite. L'attachement à la commune est aujourd'hui une réalité que je constate partout, mais je n'en dirai pas de même pour toutes les structures. Certaines se consacrent à des missions spécifiques, notamment de solidarité et de proximité, tandis que d'autres échelons sont davantage ceux de la rationalité et de l'action.
Il faut donc savoir prendre en compte les deux, et surtout, ne pas ignorer cette réalité psychologique et affective. Ma vie politique me confère aujourd'hui une certaine expérience : si vous engagez une réforme qui n'est pas ressentie comme logique ou qui n'emporte pas l'adhésion des gens, elle est vouée à l'échec ! Même si les textes passent, il y a alors toujours des structures et des personnes pour empêcher leur mise en oeuvre. Nous faisons des textes, nous avons des institutions, mais ce sont les femmes et les hommes qui en font ce qu'ils sont. Si nous voulons réussir une réforme, il faut que nous sachions prendre en compte les réactions des uns et des autres, que nous sachions convaincre. C'est une nouvelle façon de faire de la politique, indispensable si l'on veut être efficace.
Je ne suis pas sûre d'avoir répondu dans le détail à toutes les questions que vous avez soulevées. Je le ferai très volontiers à l'avenir, y compris sur la comparaison des comptes. Celle-ci correspond d'ailleurs à deux visions différentes, le Budget et le ministère de l'Intérieur n'ayant pas la même approche. Les comptes nationaux et les comptes des collectivités ne répondent pas exactement aux mêmes besoins. C'est la raison pour laquelle, même si l'on a besoin d'éléments qui permettent des comparaisons, il faut éviter les divergences et les ambiguïtés. Il sera donc nécessaire de s'atteler à ce sujet, mais ce n'est pas aujourd'hui le moment.
Mesdames et Messieurs, Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, évaluer, analyser, innover, c'est la méthode à laquelle je crois et que je vous propose pour clarifier les compétences. Elle est la condition d'un partenariat durable entre l'État et les collectivités, d'un partenariat responsable, d'un partenariat de confiance, d'un partenariat pour l'avenir. Ne l'oublions jamais, chacune de nos collectivités est à la fois le lieu de vie de chacun de nos concitoyens et une part de la France. Je vous remercie. »
source http://www.conseil-economique-et-social.fr, le 13 octobre 2008
Le sujet que vous avez traité n'est pas un sujet de seuls spécialistes. Nous tous, élus locaux, élus nationaux, responsables de cette assemblée, responsables gouvernementaux, sommes en charge de l'avenir de notre pays et avons un devoir d'agir ensemble, au-delà d'un certain nombre de différences, lorsqu'il s'agit de préparer ce pays à une concurrence mondiale et européenne de plus en plus présente.
Or, selon un vieil adage, il y a plus de sagesse dans plusieurs cerveaux que dans un seul : j'y crois profondément. Pour cela, nous devons agir en toute responsabilité et en toute clarté, car nous n'avons rien à dissimuler si ce que nous voulons c'est avancer pour améliorer la situation.
Je crois que la crise financière que traverse notre pays, mais aussi l'Europe et le monde, accentue cette exigence de travail en commun. Face aux incertitudes, l'État, mais aussi les collectivités locales, doivent entretenir des relations claires et en même temps sans tabou et sans ambiguïté. Et mon ambition, je vous le dis très clairement dans ce domaine, comme je vous l'ai indiqué lorsque j'ai eu l'occasion de venir ici sur d'autres sujets, est d'établir un nouveau partenariat entre l'État et les collectivités locales, fondé sur la clarté, la confiance et la transparence. Cela peut supposer de dissiper un certain nombre de malentendus et votre rapporteur en évoquait quelques-uns tout à l'heure. Cela suppose aussi d'avoir une vision claire de qui fait quoi, car c'est sur ces bases que nous pourrons construire quelque chose de solide.
Clarifier les relations entre l'État et les collectivités est aujourd'hui une nécessité financière, comme vous le rappeliez, Monsieur le rapporteur. De fait, le déséquilibre entre les dépenses et les recettes publiques est une constante dans notre pays depuis vingt cinq ans. L'État et les collectivités locales sont ainsi confrontés à la même nécessité de maîtriser les dépenses publiques, car ce qui est vrai pour l'État l'est aussi pour les collectivités locales. J'ai été moi-même été maire pendant de nombreuses années, je suis encore premier adjoint et je préside un syndicat intercommunal. Je sais donc très bien que si je veux mener dans la durée des actions, j'ai besoin d'avoir un véritable équilibre de mes finances communales ou intercommunales. Mais comme ministre, je sais également, même si parfois, pour tout autre que le ministre du Budget, cela présente un certain nombre d'inconvénients, que nous devons équilibrer nos finances parce que c'est notre engagement à l'égard de cet ensemble européen que nous avons voulu et qui nous est indispensable.
C'est aussi un devoir quant à nos capacités de préparer l'avenir économique de notre pays, et qui peut ignorer qu'aujourd'hui, nous consacrons plus que la totalité de l'impôt sur le revenu simplement à payer les intérêts de la dette ! C'est enfin une nécessité si nous voulons laisser à nos enfants et petits-enfants un pays capable d'affronter ses concurrents, ainsi que les grands défis du développement économique et social. Oui, je crois donc profondément que l'on ne peut pas séparer en la matière l'État et les collectivités locales, les contraintes pesant sur les uns comme sur les autres.
Dans le même temps, on ne voit pas très bien comment se présentent les choses aujourd'hui. Entre les uns et les autres, il y a un véritable maquis de relation, d'implications financières, ce sont les mots exacts que vous avez utilisés dans votre rapport, et j'en partage la signification.
Aussi le temps est-il venu de lever les malentendus sur le poids des collectivités territoriales dans le déficit public. Vous l'avez dit tout à l'heure et je n'y reviendrai pas, sinon pour souligner que c'est la transparence qui nous permettra de lever les suspicions sur les responsabilités des uns et des autres.
Il nous faut également lever les malentendus sur la fiscalité locale. Il est vrai aujourd'hui que le poids des dégrèvements fiscaux fait que l'État est en réalité le premier contribuable local, ce qui n'est satisfaisant ni pour le contribuable ni pour les collectivités. Et je le dis tout de suite : étudier la réorganisation des collectivités locales, ce n'est pas repousser à plus tard la question de la fiscalité locale. Au contraire, si nous voulons avoir un ensemble cohérent, nous devons mener de front les deux éléments, parce que la fiscalité locale, ce sont les moyens mis à la disposition de l'exercice des compétences relevant de chacune des collectivités.
Au total, il est donc important, dans la situation actuelle, de laisser de la visibilité aux collectivités locales, qui sont des investisseurs, des responsables sociaux au même titre que les chefs d'entreprise, en veillant à ce qu'il n'y ait pas de rupture.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le gouvernement propose le même rythme d'évolution pour les dotations de l'État aux collectivités locales et les dépenses de l'État. L'année dernière, s'agissant de la progression de la dotation globale de fonctionnement, j'avais obtenu que l'on puisse continuer sur le même rythme que les années précédentes, mais j'avais d'ores et déjà indiqué à l'ensemble des maires et des responsables de collectivités locales que nous devrions arriver cette année à la même progression que celle de l'État, c'est-à-dire au rythme de l'inflation. De fait, il me paraissait très difficile pour un gestionnaire de devoir, en quelques mois, faire les adaptations nécessaires pour réduire une part de ses moyens de fonctionnement.
Si nous avons là un cadre général, il faut bien voir que nous ne clarifierons les relations financières entre l'État et les collectivités qu'à condition de faire en sorte que le partage des compétences soit lui-même moins confus. C'est pourquoi je disais que la réforme de la fiscalité est liée à cette clarification. Il faut clarifier les relations institutionnelles, les relations de compétences et financières entre l'État et les collectivités, mais il faut le faire aussi dans les rapports entre les collectivités elles-mêmes. Clarifier les compétences relève aujourd'hui d'une exigence de plus de démocratie. Car que nous disent nos concitoyens ? Ils veulent savoir qui fait quoi, à qui s'adresser. C'est d'ailleurs en partie aussi le cas des élus des petites communes, qui finissent par ne plus savoir à qui demander des subventions. Or il y a là une profonde injustice : celui qui est bien informé ou qui a une structure administrative importante saura récupérer le maximum d'argent, tandis qu'il y a peu de chance pour qu'un maire seul avec son secrétaire de mairie connaisse tous les tours et les détours pour recevoir de l'aide. Nous avons là un déni de démocratie.
De même, lorsque le citoyen vote, il doit savoir qui est responsable de quoi et qui a fait quoi. C'est la raison pour laquelle la clarification des compétences est aussi une nécessité démocratique.
Cependant, clarifier les compétences est un travail complexe. Voilà vingt-cinq ans que le mouvement de décentralisation est engagé et que l'on parle de la réforme des institutions. On en parle, mais on ne la fait pas. Pourtant, cette réforme est nécessaire, et il me semble qu'elle est aujourd'hui à notre portée si nous savons agir avec méthode et concertation. C'est en effet souvent sur un manque de méthode et de concertation que les tentatives de réformes ont avorté.
À mon sens, la méthode est d'abord une évaluation partagée. Je ne prétends pas que nous serons toujours d'accord avec les collectivités locales, mais qu'au moins, nous soyons d'accord sur le point dont nous parlons. Évaluer, simplifier, améliorer notre action, telle est la démarche initiée avec la revue générale des politiques publiques. Or, les collectivités territoriales ne peuvent rester à l'écart d'une telle démarche, et c'est pourquoi je propose la mise en oeuvre d'une revue territoriale qui serait conduite en partenariat entre les ministres concernés, les inspections générales et les représentants des collectivités territoriales.
Les élus locaux le savent, les politiques menées aujourd'hui par les collectivités territoriales sont essentielles à la solidarité, au développement économique et à l'aménagement du territoire. Nous constatons néanmoins qu'aucune évaluation systématique n'est menée, ce que vous avez souligné. Il me semble pourtant que la méthode de l'évaluation doit être développée dans tous les domaines car c'est la seule façon de porter un regard aussi objectif que possible sur sa propre action. Ainsi, Monsieur le rapporteur, je vous rejoins sur le fait que l'évaluation des politiques menées par les collectivités doit être améliorée, systématisée, et cela dans un esprit de dialogue et non de jugement ou de dénigrement. L'évaluation n'a de sens que si elle met en oeuvre une analyse des manques, mais aussi des perspectives futures.
La méthode doit être aussi celle d'une approche concrète au cas par cas, politique publique par politique publique. Si l'on fait les choses globalement, on reste dans le flou. Il convient donc d'examiner chacun des domaines d'action des collectivités afin de pouvoir juger quel est le niveau le plus pertinent. La région est-elle le niveau pertinent pour gérer les lycées, ou bien est-ce le département ?
Nous pouvons d'ailleurs réfléchir par bloc de compétences. Dans le domaine de l'enseignement par exemple, il y a l'enseignement professionnel, l'enseignement secondaire, etc. : qui est le mieux à même de connaître le terrain tout en apportant les réponses les plus adaptées ? De même dans le domaine des transports : un certain nombre de mesures ont été prises à ce niveau, notamment au moment de la décentralisation, et en matière de transport ferré, les régions jouent un rôle de plus en plus grand, mais le transport par rail n'est pas le seul mode de transport, il y a tous les autres. Les départements jouent notamment un rôle dans le transport scolaire : est-ce le niveau le plus pertinent ? Je ne donne pas de réponse, j'affirme simplement que c'est un bloc de compétence important. Et la question est la même dans le domaine de l'action sociale : qui est le mieux à même de mener une action sociale efficace, avec un contrôle de son efficacité ?
Dans le cadre de la conférence nationale des exécutifs, le Premier ministre a demandé la mise en place d'un groupe de travail réunissant les associations d'élus et des représentants du Parlement, pour mener un travail d'analyse et de prospective. Je souhaite que les premières propositions puissent être faites avant la fin de l'année. Lorsqu'on parle de réforme, il est en effet inutile de fixer des échéances trop lointaines, car il peut toujours arriver quelque chose. Il est préférable de fixer des échéances courtes.
Si nous faisons une analyse pour déterminer le niveau le plus pertinent de compétence, il faut aussi que nous réfléchissions à l'organisation institutionnelle dans sa globalité. Ma conviction est qu'il ne faut rien s'interdire. L'ambition doit faire aussi partie de la méthode, il ne doit pas y avoir de tabou. Cela ne signifie pas que les propositions les plus extrêmes seront suivies, mais encore faut-il qu'elles soient mises sur le tapis. C'est ainsi que nous éviterons toute arrière-pensée et que nous trouverons peut-être certaines solutions.
N'ayons ainsi pas peur de nous interroger sur la pertinence de l'action de chacun des échelons locaux. Des pistes sont d'ores et déjà avancées et je souhaite qu'aucune ne soit exclue, que les avantages et les inconvénients de chacune d'entre elles soient étudiés. Certains parlent d'un rapprochement des départements et des régions, dans le but d'agir plus efficacement ensemble au service des citoyens. D'autres parlent d'une répartition contractuelle des compétences entre les collectivités pour favoriser le dialogue et une action adaptée à la réalité de chacun des territoires. D'aucuns évoquent une réforme des modes de scrutin pour simplifier l'organisation territoriale, avec la mise en oeuvre de systèmes semblables à ceux de la loi PLM pour offrir une meilleure fluidité entre certains niveaux. Le débat est lancé, toutes ces hypothèses méritent examen, l'important étant de ne pas perdre le sens du terrain, car nos collectivités ne sont pas enfermées à l'intérieur du périphérique. Il existe un certain nombre de réalités locales, historiques et affectives qui ne doivent pas être ignorées.
M'entendre parler d'affectif peut vous sembler bizarre, mais lorsque vous demandez à quelqu'un d'où il vient, il vous répond le nom de la ville dans laquelle il habite. L'attachement à la commune est aujourd'hui une réalité que je constate partout, mais je n'en dirai pas de même pour toutes les structures. Certaines se consacrent à des missions spécifiques, notamment de solidarité et de proximité, tandis que d'autres échelons sont davantage ceux de la rationalité et de l'action.
Il faut donc savoir prendre en compte les deux, et surtout, ne pas ignorer cette réalité psychologique et affective. Ma vie politique me confère aujourd'hui une certaine expérience : si vous engagez une réforme qui n'est pas ressentie comme logique ou qui n'emporte pas l'adhésion des gens, elle est vouée à l'échec ! Même si les textes passent, il y a alors toujours des structures et des personnes pour empêcher leur mise en oeuvre. Nous faisons des textes, nous avons des institutions, mais ce sont les femmes et les hommes qui en font ce qu'ils sont. Si nous voulons réussir une réforme, il faut que nous sachions prendre en compte les réactions des uns et des autres, que nous sachions convaincre. C'est une nouvelle façon de faire de la politique, indispensable si l'on veut être efficace.
Je ne suis pas sûre d'avoir répondu dans le détail à toutes les questions que vous avez soulevées. Je le ferai très volontiers à l'avenir, y compris sur la comparaison des comptes. Celle-ci correspond d'ailleurs à deux visions différentes, le Budget et le ministère de l'Intérieur n'ayant pas la même approche. Les comptes nationaux et les comptes des collectivités ne répondent pas exactement aux mêmes besoins. C'est la raison pour laquelle, même si l'on a besoin d'éléments qui permettent des comparaisons, il faut éviter les divergences et les ambiguïtés. Il sera donc nécessaire de s'atteler à ce sujet, mais ce n'est pas aujourd'hui le moment.
Mesdames et Messieurs, Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, évaluer, analyser, innover, c'est la méthode à laquelle je crois et que je vous propose pour clarifier les compétences. Elle est la condition d'un partenariat durable entre l'État et les collectivités, d'un partenariat responsable, d'un partenariat de confiance, d'un partenariat pour l'avenir. Ne l'oublions jamais, chacune de nos collectivités est à la fois le lieu de vie de chacun de nos concitoyens et une part de la France. Je vous remercie. »
source http://www.conseil-economique-et-social.fr, le 13 octobre 2008