Déclaration de M. Gérard Larcher, président du Sénat, sur l'évolution des collectivités territoriales, la création d'une commission parlementaire pour y réfléchir et sur la politique de la montagne, Saint-Flour le 23 octobre 2008.

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Circonstance : 24ème congrès de l'Association nationale des élus de la montagne à Saint-Flour (Cantal), du 23 au 25 octobre 2008

Texte intégral

Monsieur le Maire, cher Pierre JARLIER,
Monsieur le Président, cher Martial SADDIER,
Monsieur le Secrétaire général, cher Henri NAYROU,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames, Messieurs, chers Amis,
Je voudrais tout d'abord vous dire naturellement tout le plaisir que j'ai à être avec vous dans cette belle ville de Saint-Flour en cette première journée du 24ème congrès de l'ANEM, à y saluer son maire, particulièrement engagé au Sénat et pour son département.
Je suis parmi vous pour participer dans quelques instants à l'atelier relatif à l'offre de soins en territoires de montagne, mais aussi comme Président du Sénat, une Assemblée qui est fondamentalement attachée à tout le territoire, et aux territoires de montagne en particulier.
Naturellement, je me dois d'évoquer devant vous un sujet général qui nous concerne tous, celui des réflexions sur l'évolution de nos collectivités territoriales. Le Président de la République a lancé le chantier de la modernisation du cadre que nous connaissons aujourd'hui. Il le fallait.
Nous sommes tous confrontés, comme élus locaux, à la superposition des différents niveaux de collectivités territoriales et à l'émiettement de leurs compétences. Lorsque l'on ajoute à cela le développement du fait intercommunal et les conséquences souvent lourdes des étapes récentes de la décentralisation, on aboutit à un millefeuille administratif qui n'est pas toujours très digeste, il faut bien le reconnaître.
Nous avons donc besoin d'une certaine clarification et il est bon de pouvoir y réfléchir tous ensemble. Il était naturellement de mon devoir de faire en sorte que le Sénat, maison des collectivités territoriales, joue pleinement son rôle sur ce sujet et le fasse de façon ouverte et pluraliste.
C'est pourquoi, j'ai souhaité que le Sénat mette en place une mission temporaire associant majorité et opposition pour travailler à ce dossier.
Au Sénat, comme à l'ANEM, nous savons transcender les appartenances politiques pour travailler ensemble à défendre les intérêts de nos collectivités et de leurs habitants. La mission temporaire a été mise en place hier. Elle a été composée à la proportionnelle des effectifs des groupes. Elle comporte un président UMP (M. Claude BELOT), un premier vice-président socialiste (M. Pierre-Yves COLLOMBAT) et deux co-rapporteurs dont l'un est socialiste (M. Yves KRATTINGER) et l'autre centriste (Mme Jacqueline GOURAULT), tous les autres groupes ayant un représentant au bureau.
Cette mission a d'ores et déjà décidé de travailler en deux temps : dans une première étape, elle fera un état des lieux de la situation actuelle et des réflexions en cours ; et dans un second temps, elle formulera des propositions sur les différents projets annoncés par le Gouvernement et la mission qu'il a mise en place. C'est dire qu'il s'agit d'un travail de longue haleine, qui se poursuivra jusqu'au mi 2009. Le Sénat accompagnera donc cette réforme à toutes ses étapes.
La mission du Sénat travaillera sans tabous et ne devra pas hésiter à proposer des orientations audacieuses. Notre objectif pragmatique, c'est de définir des outils qui nous permettent de mettre en valeur au mieux nos territoires. C'est d'ailleurs pour cela que la mission effectuera des auditions sur le terrain et mettra en place des partenariats avec la presse régionale.
Naturellement, le Sénat continuera à jouer son rôle d'inspirateur des politiques de cohésion territoriale.
On ne peut pas évoquer une éventuelle réforme des collectivités territoriales sans parler des conditions concrètes de leur existence, c'est-à-dire de leur financement. Je n'oublie pas la péréquation. Cela appelle de ma part deux réflexions :
- en premier lieu, nous aurons un important travail à mener concernant l'évolution et l'avenir de la taxe professionnelle (TP). Certes, il s'agit un peu de l'arlésienne des finances locales, mais il va bien falloir examiner ce dossier en face. Il nous faudra déboucher sur une solution qui combine efficacité économique et garantie d'autonomie et de ressources pour les collectivités ;
- en second lieu, je suis très attentif, depuis mon élection, aux conditions de financement de nos collectivités, et en particulier à leur capacité de recourir à l'emprunt. Dans le cadre de la crise financière que nous connaissons ces dernières semaines, j'ai porté, avec le président de la commission des finances du Sénat et le rapporteur général, une attention toute particulière à ce point.
La commission des finances du Sénat travaille sur ce sujet, afin de pouvoir proposer des solutions concrètes si besoin en était. Je suis moins préoccupé aujourd'hui qu'il y a une dizaine de jours. La réaction rapide du Gouvernement, qui vient de débloquer 5 milliards d'euros en faveur du refinancement des collectivités territoriales, est un élément positif. Il s'agit d'un geste fort, qui répond aux pistes que nous avions commencé à dégager au Sénat.
Cela étant, nous devons rester vigilants. Mesdames et Messieurs les élus, je suis aussi venu vous dire que si les collectivités avaient besoin de soutien, le Sénat assumerait pleinement son rôle de représentant constitutionnel des collectivités territoriales.
Le Sénat représente la diversité et les spécificités de nos territoires.
Cela explique que le Sénat ait un attachement particulier aux zones de montagne. Celui-ci s'est exprimé à de très nombreuses reprises ces dernières années. Au-delà des activités continues de notre groupe d'études sur la montagne, présidé par notre ami Jacques BLANC ici présent, le Sénat a marqué à plusieurs occasions son attention à vos territoires. Cela a été le cas avec la proposition de loi de 2003 du Président Christian PONCELET. Du reste, de nombreux aspects de cette proposition de loi et du travail mené dans le cadre du rapport d'information de notre collègue Jean-Paul AMOUDRY, ont été introduits par le Sénat dans la loi sur le développement des territoires ruraux en 2004.
Je ne vous fais pas la liste des très nombreux travaux d'information que le Sénat a consacrés à la montagne : ils prouvent que nous avons pleinement conscience de l'atout extraordinaire que constituent pour notre pays nos zones de montagne, mais aussi de leur fragilité et de la nécessité de les préserver. C'est ainsi que, tout récemment encore, le Sénat publiait un rapport de Gérard BAILLY et François FORTASSIN sur le pastoralisme et l'élevage ovin.
Je ne prendrai qu'un seul exemple de la subtilité de la politique de la montagne : la nouvelle exigence française en matière de développement durable, que le Président de la République a traduite au travers du Grenelle de l'environnement. Vous venez d'en débattre au cours de la première table r onde, donc je serai bref. Il est évident que nos zones de montagne recèlent à plusieurs titres un potentiel environnemental considérable :
- ressources en eau : des montagnes naissent nos fleuves et se déploie donc l'ossature de notre réseau hydrographique. Par ailleurs, ces ressources alimentent également notre production d'énergie hydroélectrique ;
- massifs forestiers , qui sont tout à la fois des écosystèmes remarquables, des puits de carbone, une ressource d'énergie renouvelable que nous devons encore développer et un élément d'attractivité touristique qui joue un rôle considérable en matière d'aménagement du territoire ;
- l'agriculture de montagne, avec ses qualités si particulières, tellement appréciées de nos compatriotes. Comment ne pas saluer, dans cette belle terre du Cantal, en particulier, nos AOC ;
- plus généralement, des massifs montagneux homogènes abritant une biodiversité remarquable.
Je connais les difficultés des productions des AOC Cantal et Solers, dans le cadre de la remise en cause de la fixation du prix du lait par le CNIEL. Nous devons être attentifs à ce dossier.
En même temps, il va de soi que la montagne ne peut rester vivante qu'en maintenant et développant une activité économique. Nous sommes donc bien là au coeur de la thématique du Grenelle de l'environnement : comment faisons-nous, aujourd'hui, pour concilier nos exigences environnementales légitimes et les exigences tout aussi légitimes des activités humaines de nos territoires ? Il est clair dans mon esprit que le développement ne peut être durable que s'il ne compromet pas la vie des hommes qui peuplent ces territoires. Or, pour vivre, il faut avoir une activité économique.
Dans des zones aussi sensibles, nous mesurons pleinement l'ampleur du pari du développement durable et la finesse des arbitrages politiques qu'il suppose. Pour réussir ce pari, la France a deux atouts : son vivier d'élus locaux qui maîtrisent parfaitement toute la complexité de ce dossier ; et la diversité magnifique de ses territoires.
C'est pourquoi, je voudrais, Mesdames et Messieurs les élus de la montagne, saluer votre action et vous dire que les sénateurs, dont beaucoup sont issus de vos rangs, savent très bien quel rôle déterminant vous jouez dans l'application concrète des lois votées par le Parlement.
En conclusion, je voudrais vous souhaiter à toutes et à tous un bon congrès. Je sais que vos échanges seront, comme à l'accoutumée, tout à fait riches et porteurs de propositions.
Je vous remercie.
Source http://www.anem.org, le 29 octobre 2008