Texte intégral
M.-O. Fogiel.- Vous allez présenter aujourd'hui au Sénat votre projet de loi création et Internet. Or hier, en commission, le Sénat a déjà infligé un camouflet à ce projet en remplaçant l'une de ses mesures phares, la coupure d'accès à Internet en cas de téléchargement illégal abusif par une amende finalement. Pour vous, c'est une déception ?
Cela va être simplement beaucoup explications et un combat certainement à mener à partir de ce soir, en effet, puisque le débat commence avec l'ensemble du Sénat. Personnellement, je ne suis pas favorable à l'idée d'une amende, parce que je pense que ce projet de loi, il va être vraiment pédagogique. C'est l'idée d'avertir les internautes, de ce qui se passe tout simplement, des 450.000 téléchargements par jour de cinéma...
700 millions de titres téléchargés illégalement en musique en 2007...
Voilà. L'effondrement de la moitié du secteur, 98 % de la filière sur des toutes petites PME en grande difficulté, des artistes qui ne...
Mais manifestement, les sénateurs n'entendent pas cela de cette oreille-là, puisqu'ils retoquent votre projet de loi...
Ils partagent l'analyse, mais ils disent que l'amende c'est une langue plus simple et moi, j'ai le sentiment que là, on sort d'une logique qui est une logique pédagogique, avec justement des messages puis une lettre recommandée, et puis in fine, en bout de course, une suspension de l'abonnement qui peut être brève puisqu'elle peut être discutée entre l'internaute et la nouvelle haute autorité.
On parle de 3 à 12 mois, c'est cela ?
Oui, c'est cela. Tandis que l'amende, on revient quand même vers la précédente fois qui était quand même beaucoup plus pénale, naturellement.
Est-ce que ce matin vous êtes déçue par rapport à ce camouflet hier infligé à votre projet de loi ?
Non, j'en avais discuté hier. L'amende apparaît à beaucoup comme plus simple, c'est-à-dire qu'il y a l'idée qu'il faut pouvoir lutter, il faut être efficace et ils se disent que finalement, une amende, c'est peut-être plus simple.
Donc, vous ne changez pas une ligne à votre projet de loi ? Vous allez le présenter tel quel ?
Non, non absolument pas, parce que là c'est la position de la commission des Affaires économiques, ce n'est pas forcément la position de la commission des Affaires culturelles. Puis, on va discuter, naturellement, avec l'ensemble du Sénat et je vais essayer de faire valoir mes arguments, parce que je pense qu'en effet, une amende d'abord, cela touche inégalement, évidemment, selon les moyens que l'on possède. Alors que je crois que, de même que si vous faites une infraction avec votre voiture, vous pouvez vous trouver privé du permis de conduire, je pense qu'il y a une vraie logique à avoir une suspension d'accès Internet.
Là, on sera fichés, puisque jusqu'à présent, il y a déjà eu des suspensions de l'accès à Internet, mais on peut aller se réabonner chez un autre fournisseur d'accès...
Oui, s'il a une suspension d'accès, en effet, vous ne pouvez pas tout de suite aller vous réabonner, mais c'est une suspension brève, et rien ne vous empêche d'aller chez votre mère ou en face au cybercafé, ou au bureau. Ce n'est pas comme un permis de conduire que vous perdez, vous pouvez toujours évidemment continuer à vous servir d'Internet.
Pour terminer, votre projet de loi, pour qu'il soit viable, il faudrait que le téléchargement du film, notamment en VO, coûte quand même beaucoup moins cher. C'est ça le problème...
Oui, mais je crois que c'est précisément quand on pourra faire baisser vraiment le piratage que l'on peut obtenir une offre légale beaucoup plus intéressante. Au cours de ces dernières années, des derniers mois, l'offre légale a augmenté de plus de 30 %, on va vers la suppression des DRM, qui sont ces systèmes de verrou qui vous empêchent d'écouter de la musique de votre ordinateur, de votre baladeur, etc. On va vers des améliorations et beaucoup d'offres qui sont quand même de plus en plus intéressantes. Si piratage continue, il n'y aura plus d'offre légale, ça c'est absolument certain. Et d'ailleurs, les créateurs seront évidemment en très grande difficulté et les artistes très mal.
Donc, vous êtes déterminée. Un mot encore pour terminer sur la télévision, puisque vous avez un autre projet de loi sur l'audiovisuel, la suppression de la pub après 20 heures sur le service public. Tout d'abord, est-ce que P de Carolis est l'homme de la situation pour vous ? On connaît ses bisbilles avec le président de la République ...
Le projet de loi tel qu'il est préparé ne met absolument pas fin au mandat des présidents qui continuent, et P. de Carolis va porter la réforme que, pour une part, d'ailleurs, il avait demandée.
D'autre part, on reproche beaucoup au Gouvernement son ingérence sur le service public de la télévision. Hier, il y a eu cette polémique autour de T. Saussez, et de cette émission de communication gouvernementale. J. Courbet vous a interpellée, puisqu'il en a marre de ces commentaires sur son compte de N. Sarkozy ou de vous, que répondez-vous à J. Courbet ?
C'est vraiment une polémique absurde. Je n'ai rien du tout contre J. Courbet, je suis vraiment pas une... Je veux dire il n'est aucunement question de demander des têtes ou des choses absurdes, comme j'ai pu lire. J'ai simplement répondu à une question sur les nouvelles émissions de France Télévisions...
Mais sur votre ingérence de la télévision publique aujourd'hui, la direction des programmes est plutôt au ministère de la Culture qu'à France Télévisions ?
Il n'y a pas d'ingérence. On fait un cahier des charges. Ce cahier des charges fixe des ambitions, des grandes lignes, mais il est bien clair que les programmations, c'est un métier et c'est évidemment les dirigeants de France Télévisions qui vont exercer ce métier, bien entendu. Il n'y a aucune ingérence.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 novembre 2008