Déclaration de Mme Martine Aubry, secrétaire nationale du PS, sur le bilan de la politique gouvernementale et les défis à relever pour le parti socialiste pour construire un projet alternatif et un nouveau modèle économique, politique et social, Paris le 6 décembre 2008.

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Circonstance : Conseil national du parti socialiste, à Paris le 6 décembre 2008

Texte intégral

Cher(e)s camarades,
Je veux vous dire l'émotion qui est la mienne au moment où je prends la parole devant vous, membres du Conseil National.
Vous, qui êtes les représentants des militants.
Vous, qui êtes l'incarnation de la diversité de notre parti que vous reflétez dans vos sensibilités.
Vous, enfin et surtout, qui êtes le symbole de son unité par votre rassemblement et votre cohésion.
Je veux saluer François Hollande. Je veux saluer en notre nom à tous aussi François Deluga. Je vois sa victoire comme une belle promesse d'avenir.
Cette émotion est à la mesure de la responsabilité qui est la mienne désormais.
Première secrétaire du parti socialiste, c'est-à-dire de chacun des militants, que je veux, à travers vous, saluer fraternellement.
Notre congrès a eu lieu à un moment historique lié à la crise sans précédent du libéralisme financier et à un moment où les Français souffrent dans leur vie quotidienne et portent des angoisses majeures pour l'avenir.
Les militants, porteurs de cette réalité, nous ont envoyé à Reims deux messages :
. retrouvons nos valeurs, avec un parti ancré à gauche,
. renouvelons profondément nos réponses politiques ainsi que le fonctionnement de notre Parti.
Oui, je crois que nous devons retrouver la fierté et même l'orgueil d'être socialistes.
Mes camarades, il nous faut d'abord porter avec force notre héritage culturel.
Il nous faut être sereins, tranquilles quant à la force des valeurs qu'il porte, mais nous devons aussi changer, pour construire un socialisme contemporain de son époque, celui du XXI° siècle.
La modernité, c'est l'ouverture d'esprit ; ce n'est pas l'affadissement des convictions.
La modernité, c'est l'intelligence du monde et de la société ; ce n'est pas l'air du temps.
La modernité, c'est ce courage-là, le courage de tenir bon, « le courage (...) de chercher la vérité et de la dire », comme l'affirmait Jaurès.
Et la vérité, c'est que nos valeurs sont non seulement belles, mais qu'elles sont actuelles.
Mes camarades, les hommes de la Renaissance, ces hommes qui ont su, en leur temps, renouer avec la tradition de l'Antiquité pour fonder un nouvel humanisme, ces bâtisseurs aimaient à dire que s'ils voyaient loin, c'était parce qu'ils étaient « (...) juchés sur des épaules de géants ».
Nous aussi, nous sommes juchés sur des épaules de géants -et grâce à eux, nous aussi, nous pouvons voir loin. Et quels géants ! Et quelle actualité que celle de leurs combats !
La lutte pour la tolérance, et la liberté de penser, avec Voltaire !
La conviction que l'Homme est perfectible, que nous a léguée Rousseau !
Le combat contre la misère et pour la fraternité, guidé par Hugo !
L'établissement de la laïcité, avec les pères de la IIIème République !
La recherche inlassable de la justice et de la démocratie avec tous les grands socialistes qui nous ont précédés, de Jaurès, à Blum jusqu'à François Mitterrand.
Oui, nous sommes juchés sur l'épaule de ces géants pour analyser le monde et le changer.
Et, je vous le dis, chers camarades : nous avons le devoir de réussir.
La gravité de la situation l'exige.
Les Français attendent le retour du parti socialiste, un parti qui redonne un sens à la société, et un parti qui soit utile à la population.
Le travail est immense. Dès aujourd'hui, prenons chacun l'engagement de nous y engager, militants, élus et responsables.
Le premier devoir de la politique est de comprendre la société dans laquelle nous vivons. Il nous faut aujourd'hui analyser la crise dans laquelle nous a plongés le système actuel.
C'est pour lui un moment de vérité.
UN MOMENT DE VERITE.
Tous les jours nous égrenons toutes les dimensions de la crise : économique, financière, sociale, énergétique, climatique, alimentaire.
Un système financier en plein effondrement, des économies plongées dans la récession. 200 millions de chômeurs dans le monde, 2 millions en France. La pauvreté qui s'étend, et l'angoisse avec elle. Oui, cette crise est d'une gravité extrême.
De quoi s'agit-il ?
D'un moment de vérité en effet.
Ce moment crucial où un système économique -celui du capitalisme financiarisé et globalisé- jusque-là dominant, dominateur, dictant sa loi et délivrant ses leçons, affronte l'épreuve de vérité.
Le moment où emporté par sa propre folie, par ses excès, par le sentiment de totale impunité qui s'était installé chez ses zélateurs, ce système s'affaisse. Le moment où, défait, il livre ce qu'il est profondément : inhumain, injuste, prédateur.
Inhumain, comment l'ignorer quand le monde connaît les émeutes de la faim, que des conflits commencent à naître pour avoir accès à l'eau. Quelle honte au XXI°siècle !
Injuste, lorsque les trois personnes les plus riches du monde ont une fortune supérieure à celle des 48 pays les plus pauvres, alors qu'à l'autre bout, trois milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars par jour !
Injuste quand les deux tiers de la création de richesse dans notre pays vont vers le capital alors que les salariés s'en partagent un tiers, quand le pouvoir d'achat s'affaisse alors que la rémunération des principaux patrons de l'industrie et de la finance dépasse 100 années de salaires cumulés de leurs employés.
Injuste en effet, lorsqu'au-delà des difficultés des Français de partir en vacances ou d'offrir des cadeaux à Noël comme tous nos médias en parlent, nous savons surtout combien beaucoup ont du mal à payer leur loyer et leurs charges, à envoyer leurs enfants à la cantine ou à remplir leur caddie chaque semaine.
L'appât du gain a toujours existé. Mais le capitalisme est le seul système qui l'ait consacré comme valeur, qui l'ait placé en son coeur, qui l'ait proposé comme modèle.
Tout cela était connu. Tout cela, nous le savions. Et nous l'avons toujours combattu.
Ce que la crise a révélé au grand jour est plus profond encore. Le système qui se prétendait le plus efficace parce que le seul fondé sur la rationalité économique, était en vérité non seulement inhumain et injuste, mais aussi absurde et irrationnel.
-Comment a-t-on pu accepter la suprématie de la finance sur « l'économie réelle » ?
-Comment a-t-on pu laisser les actionnaires exiger une rentabilité financière de 15%, quand la croissance réelle dépassait rarement les 2 ou 3% ?
-Comment a-t-on laissé certains dirigeants se préoccuper plus de la valorisation boursière de leurs stock-options, que de la croissance, de l'emploi, des salaires, des conditions de travail ?
-Comment a-t-on pu pousser les ménages à s'endetter au-delà de leurs possibilités au point de les déposséder de leur épargne de toute une vie aux premières difficultés ?
-Comment a-t-on pu laisser les banques se débarrasser de leurs créances douteuses sur les marchés monétaires au point de pourrir tout le système ?
-Comment a-t-on pu bien sûr sur le plan social, j'en ai parlé, mais aussi sur le plan économique, comprimer les salaires et en conséquence la consommation et la croissance ?
- C'est la réalité de ce système.
Nous en dénoncions depuis longtemps l'injustice.
Nous prédisions son inefficacité.
Aujourd'hui, plus personne ne peut ignorer cette vérité.
Après la chute du communisme, le capitalisme est devenu le seul modèle de développement.
Privé d'alternative, le marché a ainsi échappé à tout contrôle. Source de créativité et d'innovation lorsqu'il est encadré et régulé, nous savons qu'il n'a jamais su répartir équitablement les ressources ; nous savons qu'il est myope, incapable de préparer l'avenir comme de préserver les ressources de la planète. Il est toujours fondé sur la même recherche effrénée du profit maximal, aux dépens de toute considération sociale ou morale.
S'il a su s'imposer avec force, il n'a jamais donné un sens à notre société.
Ce ne sont pas quelques banquiers stigmatisés, ce ne sont pas quelques règles ajustées, ce ne sont pas quelques anciennes recettes ressorties qui mettront fin à un système dont on a perdu la maîtrise et qui ne sert plus que quelques privilégiés.
Ce système doit être abandonné. C'est à nous, socialistes, de proposer un nouveau modèle, un nouveau sens.
Car soyons en sûrs, ce n'est pas la droite qui le fera.
UNE DROITE A CONTRESENS.
Toute la politique du Président de la République est inspirée du libéralisme financier. Nous en connaissons les résultats : récession, chômage, baisse du pouvoir d'achat, perte de confiance....mais aussi individualisme, peur des autres.
* Nicolas Sarkozy ne dit pas la vérité aux français
Rappelons-nous qu'il devait être le président du pouvoir d'achat, le Président des français tous propriétaires et le Président des Droits de l'Homme.
Ce ne sont pas ses fausses annonces qui s'apparentent plus à un plan de communication qu'à des plans de relance comme cette semaine à Douai, ou ses anathèmes portés contre les banquiers et le système financier il y a quelques semaines à Toulon, qui nous feront croire qu'il a changé d'avis.
Les français d'ailleurs ne s'y trompent pas : ils savent que le leit motiv de Nicolas Sarkozy c'est « écoutez ce que je dis, ne regardez pas ce que je fais ».
Lui qui, hier, raillait notre soi-disant « archaïsme » ; lui qui dénonçait nos solutions comme « dépassées » ; lui qui nous traitait de « ringards » parce que nous refusions de nous prosterner devant l'idole du marché sans règles, le voilà qui fait mine de redécouvrir le rôle de l'Etat, qui proclame son attachement à des services publics qu'il démantèle, qui prétend réguler une économie qu'il a contribué à libéraliser.
Mieux -ou pire ! - il voudrait se faire passer pour le procureur d'un libéralisme financier qu'il continue à pratiquer avec zèle en France.
Ne soyons pas dupes : au-delà des mots et d'un volontarisme de façade, Nicolas Sarkozy persiste et signe : il continue à déréguler, il refuse une vraie relance, il pénalise les plus défavorisés.
Alors que la France est déjà dans une position affaiblie par rapport à ses partenaires à cause de l'échec économique et social de sa politique depuis deux ans, il refuse en effet un plan de relance économique qui est pourtant réalisé dans de nombreux pays européens et particulièrement en Espagne chez José-Luis Zapatero.
José-Luis fait ce que nous demandons avec force depuis plusieurs semaines à savoir une relance de la politique du logement, une relance de l'aide aux collectivités locales, et la relance du pouvoir d'achat.
Nous savons que cela est finançable aujourd'hui : annulation de la loi TEPA -ou à tout le moins sa mise entre parenthèses-, et suppression d'une partie des niches fiscales qui prive chaque année le budget de l'Etat de 70 milliards d'euros de ressources.
Comment n'a-t-on pu trouver 25 vrais milliards de relance pour lutter contre la récession et le chômage ?
Car ce que l'on nous a annoncé à Douai, c'est du recyclage de crédits maintes fois annoncés et de vieilles recettes éculées comme la prime à la casse. Rien pour le pouvoir d'achat si ce n'est 200euros de primes sans lendemain aux bénéficiaires du RSA. Rien sur l'augmentation des minimas sociaux, des salaires et des retraites.
Oui, ce plan n'a rien d'un plan de relance à la hauteur de la crise, alors que 40 milliards d'euros ont été donnés aux banques ?
Il faut d'ailleurs, mes chers camarades, être extrêmement vigilants sur cette dernière question. Elle ne doit pas faire partie des dossiers classés. Nous avions demandé qu'il y ait des contreparties pour l'Etat aux 11 milliards déjà apportés aux grandes banques sous forme d'actions, afin de récupérer l'argent public lorsque la situation se sera améliorée et surtout d'être présents dans les conseils d'administration pour contrôler l'utilisation de l'argent public.
Faute d'accord des banquiers et de leurs actionnaires, Nicolas Sarkozy n'a rien fait de tout cela et les milliards dépensés ne remplissent pas leur mission : nous connaissons tous, des particuliers et des PME qui se voient refuser leur prêt alors même qu'ils sont dans une situation saine et portent des projets solides.
Nicolas Sarkozy maintient le cap qui nous mène dans le mur.
Plus encore : il persiste et signe.
Car son immobilisme économique se double d'un activisme lorsqu'il s'agit de démanteler et de déréguler.
Comme toujours avec Nicolas Sarkozy : ses mots sont doux, sa politique est dure.
* Nicolas Sarkozy démantèle et dérégule
Dure pour les services publics qu'il démantèle méthodiquement.
La Poste : il veut la privatiser en force. C'est pourtant la banque des plus modestes, le seul service public restant pour beaucoup de nos territoires.
L'hôpital public ? Il est étranglé financièrement au profit des cliniques privées par une politique tarifaire injuste, à quoi s'ajoutent les franchises médicales et le forfait hospitalier qui privent beaucoup de Français de l'accès aux soins.
L'Ecole ? Elle est gravement déstabilisée par les réductions massives de postes, par la suppression des RASED, par la semaine de quatre jours, par les menaces pesant sur l'école maternelle. Son ambition est rognée, ses moyens sabrés.
La droite démantèle mais aussi dérégule presque avec frénésie. Regardons simplement les quelques semaines qui viennent de s'écouler : elle utilise la crise avec cynisme pour continuer sa politique de régression sociale.
Que dire de l'annonce de l'extension des CDD alors que le chômage explose ? C'est l'indemnisation chômage qu'il aurait fallu étendre.
Que dire du scandale que constitue le passage en pleine nuit d'un amendement rendant possible l'âge de la retraite à 70 ans alors que les seniors sont mis à la porte des entreprises ? Qui va être obligé de travailler jusqu'à 70 ans ? Les plus modestes, pour atteindre une retraite décente. Arrêtons avec ces fausses libertés !
Comment enfin ne pas regarder l'extension du travail du dimanche comme un symbole d'un modèle de société que nous récusons totalement ?
A qui fera-t-on croire que les Français pourront dépenser le dimanche l'argent qu'ils n'ont pas pour vivre en semaine ? Comment ignorer les pertes d'emplois dans le petit commerce vécues dans tous les pays qui ont étendu le travail du dimanche ? Comment faire croire que c'est la volonté des salariés de travailler le dimanche, alors que la précarité et la détérioration de la vie personnelle qu'il entraîne sont évidentes ?
Et enfin comment ne pas dire avec force à M. Sarkozy que pour nous, le bonheur ne consiste pas en l'acquisition toujours plus grande de bien matériels, que la consommation à tout crin ne peut être l'alpha et l'oméga de la société, et que pour nous, une société où l'on vit bien est une société qui fait une pause par rapport au monde de la consommation au moins un jour par semaine, pour vivre, tout simplement, avec sa famille, ses amis, pour partager des moments collectifs grâce au sport et à la culture...
Décidément, oui, nous n'avons pas la même conception de la société !
Oui, mes camarades, il nous faut donner acte à Nicolas SARKOZY d'avoir, au moins, tenu une de ses promesses de campagne : la rupture.
* Le Président de la République rompt avec les fondements de la République
Rupture avec les fondements même de la République, ce fleuve dont la droite et la gauche formaient les deux rives.
Rupture historique avec le rôle de l'Etat dans notre histoire nationale dans ses fonctions régaliennes, celles d'assurer la sécurité, la justice, de promouvoir la solidarité nationale, et de porter une vision de l'avenir.
Rupture avec la décentralisation mise en place par le gouvernement de Pierre Mauroy, qui a partout conduit à une amélioration du service rendu au public, avec aujourd'hui des collectivités locales que l'on étrangle financièrement et dont on s'apprête à modifier les contours, les ressources, et les modes d'élection par strict souci politicien.
Je le dis ici au Président de la République : il est inacceptable et nous n'accepterons pas que les collectivités locales soient modifiées sans notre accord. Nous sommes prêts à mieux en définir les missions, à mieux articuler leurs actions, à améliorer encore l'efficacité, mais il n'y aura pas au sortir de la commission Balladur de « Big Bang » institutionnel sans nous. Nous nous y opposerons avec force.
Rupture avec le compromis social issu du Conseil National de la Résistance, quand la sécurité sociale est mise en péril, quand le système des retraites ne prend pas en compte les travaux pénibles et difficiles, quand les partenaires sociaux sont méprisés, les associations et les ONG tenus en lisière.
Rupture avec les libertés publiques. La scandaleuse interpellation de l'ancien directeur de l'information du quotidien Libération n'a été possible que parce que le mépris des libertés individuelles et le dévoiement du code de procédure pénale ont été élevés au rang de culture d'Etat. En témoignent l'explosion inquiétante du nombre des gardes à vue, la manière inacceptable dont sont trop souvent effectués les contrôles de police quand il s'agit de jeunes de nos quartiers, les conditions dégradantes de la rétention de sécurité.
Et que dire de cette incroyable atteinte à la liberté de la presse que représente le projet de loi sur l'audiovisuel public ! Un audiovisuel public que l'on veut mettre au pas en en nommant le PDG par décret présidentiel. Un audiovisuel dont on pille les ressources en transférant les recettes publicitaires aux chaînes privées amies. Saluons le travail, formidable de nos camarades députés qui se battent avec force pour empêcher le vote de cette loi.
Rupture avec la France des Droits de l'Homme par la réception en grandes pompes de Khadafi et de El Assad, quand la diplomatie est confondue avec le « business ».
Rupture avec l'esprit des institutions par une pratique personnelle du pouvoir, qui banalise et fragilise sa fonction.
Pour lui, la société n'existe pas ; il n'y a, face à face, que des individus et l'opinion. Il s'inspire de l'opinion et ne parle qu'aux individus, en les opposant les uns aux autres : les lève tôt contre les assistés, les vrais jeunes contre les racailles, les CDI contre les CDD, les Smicards contre les Rmistes, les bons immigrés contre les clandestins...
Ainsi, il oppose au lieu de réunir ; il joue de la peur, des peurs ; il instrumentalise l'événement et manipule les émotions. Il ne cherche pas à expliquer, à éduquer les citoyens ; mais toujours à simplifier.
Mes camarades,
Nicolas Sarkozy ne propose pas une vision et un projet à notre société. Il impose la loi du plus fort, le règne de l'argent et l'individualisme.
Sa politique est vide : vide de valeurs, vide de solidarités, vide de sens.
Faute de sens collectif, il donne des fausses réponses. Car il espère bien prospérer sur ce vide.
Et pour donner le change, il propose aux Français de se raccrocher à de fausses réponses qui sont autant de vrais dangers. Ainsi de sa politique sécuritaire -l'emploi du Taser, le honteux fichier EDVIGE- qui n'empêche pas l'insécurité d'augmenter, puisque là n'est pas son objectif : son objectif est de mettre en scène l'insécurité.
Ainsi du discours sur la « laïcité positive », qui n'est en réalité qu'une remise en cause de notre laïcité. Ainsi de la récupération du religieux : je pense aux discours du Latran et de Ryad, à cette affirmation étonnante pour un Président de la République de considérer qu'un prêtre vaut mieux qu'un instituteur pour l'éducation des enfants.
Ainsi du refuge dans une crispation identitaire qui oppose scandaleusement « identité nationale et immigration » et dénature ainsi l'identité de la France. Ainsi des discours -celui de Dakar, en particulier- reprenant les préjugés du colonialisme.
Mes camarades,
Chaque homme a besoin de donner un sens à sa vie. De même, chaque société a besoin de se donner des repères, chaque nation a besoin de se construire un destin.
Or notre société n'a plus de sens, ou à tout le moins l'a trop souvent perdu.
On veut nous faire croire que la consommation pourrait remplir une vie d'homme. Ce n'est pas vrai.
Que le consommateur pourrait utilement évincer le citoyen. C'est faux.
Que l'avoir pourrait remplacer l'être. C'est absurde.
Ce n'est même pas un matérialisme que l'on nous propose. Le vrai matérialisme est tourné vers la vie dans son épaisseur, vers ses vraies joies et ses plaisirs profonds ; il inscrit l'Humanité dans la réalité de la Nature, il ne fait pas l'éloge de l'accumulation des biens.
Ce n'est donc même pas une société matérialiste que l'on nous offre en modèle, c'est une société triviale.
Alors que ce que nous voulons, c'est vivre bien, c'est vivre tous ensemble -tous âges, toutes générations, toutes origines, toutes couleurs de peau, toutes positions sociales confondus !
Vivre pour soi, pour ceux que l'on aime, pour ses amis, pour profiter de la beauté partout où elle se trouve -dans la poésie, dans la littérature, dans la musique, dans les paysages, dans les êtres !
A nous de redonner un sens à la société, à la France et à l'Europe.
C'est l'objectif majeur du socialisme.
UN PS RENOVE ET UTILE.
* Un Parti qui donne un nouveau sens
?Redonner le sens, c'est d'abord retrouver la fierté de nos valeurs et de notre mission historique.
Rappelons-nous la force, mais aussi l'actualité des valeurs qui sont les nôtres.
Le socialisme se préoccupe bien entendu d'abord de la vie concrète, matérielle.
Le logement, le salaire, le pouvoir d'achat, l'éducation des enfants, le niveau des retraites... Il fait sa matière de tout cela. C'est la mission historique des socialistes que de défendre ceux qui doivent l'être et que de se battre pour leur faire une existence plus douce.
Mais cette tâche si grande, si nécessaire et en elle-même déjà si belle, cette tâche ne lui suffit pas.
Ce que veut le socialisme, ce qu'il poursuit sans relâche, c'est l'émancipation de la personne humaine. Que chacun trouve, dans le cours de sa vie, les moyens de son épanouissement. Que chaque enfant puisse non seulement manger à sa faim, être protégé du froid, connaître l'insouciance, grandir dans l'affection de sa famille ; mais aussi recevoir l'instruction et l'éducation auxquelles il a droit, entendre des adultes les paroles de connaissance, de respect et de justice, d'autorité aussi, qui vont l'élever.
Mais c'est une chose plus grande encore qu'il veut atteindre : c'est, pour reprendre la belle expression de Jaurès, « l'ennoblissement de l'âme humaine ». C'est permettre à chaque homme de trouver la force de vaincre la part d'égoïsme présente en lui. De lui donner les ressources pour se tourner vers les autres, vers leurs douleurs et leurs peines. Vers les autres, tous les autres. Pas seulement ceux dont le malheur entr'aperçu au coin d'une rue nous touche, ceux que l'on connaît. Mais aussi ceux que l'on ne voit pas, ceux dont on ignore le visage mais dont la seule existence suffit à nous faire dire un jour : « Cela suffit. Je ne l'accepte pas. Je m'engage ».
Cette belle valeur s'appelle la solidarité et c'est son accomplissement que le socialisme se donne pour but ultime.
C'est en son nom que nous savons qu'il n'y a pas de liberté sans égalité.
Et c'est parce que nous croyons à la volonté des hommes et des femmes de maîtriser leur destin que les socialistes ont toujours voulu maîtriser le présent et préparer l'avenir.
Ce sont toutes ces valeurs que nous n'avions jamais dû laisser s'affadir en notre sein, qu'il faudra à nouveau convoquer à nouveau pleinement. C'est un travail intense que nous devrons mener. C'est une énergie collective que nous devrons porter pour rénover notre pensée et construire le nouveau modèle de développement.
?Redonner du sens à la société en inventant un nouveau projet pour la France et pour l'Europe
En effet, mes camarades, c'est bien un nouveau modèle qu'il nous faut construire.
C'est le sens du texte d'orientation politique majoritaire que nous avons construit et que nous venons d'adopter. Il donne le sens du projet à construire et constitue notre feuille de route pour les trois ans qui viennent.
Il faut en effet un nouveau modèle dans lequel la question sociale soit au coeur, où l'économie réelle reprenne le pas sur la finance et où l'écologie sorte des discours pour entrer dans les faits, où la puissance publique soit réarmée en commençant pas ses deux leviers que sont la fiscalité et les services publics.
Oui, il nous faudra une fiscalité juste, redistributive, au niveau local comme au niveau national.
Oui, il nous faudra défendre les services publics. Mais aussi les moderniser notamment pour mieux prendre en compte les attentes de chacun. Et en créer de nouveaux comme le service public de la petite enfance ou la prise en charge des personnes âgées dépendantes.
Réarmer la puissance publique au niveau de l'Europe et de l'Etat, c'est aussi constituer des fonds souverains pour accompagner notre économie ; c'est mettre l'euro au service de la croissance et de l'emploi ; c'est promouvoir, comme le dit Benoît, pour nous comme pour le Sud, un juste échange et pas simplement un libre-échange qui n'est en fait qu'un échange sans règles autres que celles de la loi du plus fort.
Je ne vais pas décliner toutes nos orientations politiques, nous en avons largement débattu au congrès et ce matin, mais oui, pour aller vers cette société que nous voulons, il y a un chemin. Tracer ce chemin, fidèle aux orientations que nous venons d'adopter, c'est la grande oeuvre qui nous attend dans les mois qui viennent.
Oui, il est possible d'augmenter les salaires.
Oui, il est possible que chaque enfant réussisse à l'école.
Oui, il est possible que la République garantisse l'accès de tous à la santé, au logement et que baissent les inégalités entre territoires.
Oui, il est possible de retrouver une croissance avec une juste répartition des richesses et des emplois plus nombreux et de qualité.
Oui, il est possible d'émanciper chacun, de maîtriser le monde, mais aussi de faire réellement une société.
Oui, il est possible de laisser une trace dans l'histoire de notre civilisation, en portant haut la culture qui relie les générations, ouvre les coeurs et les esprits. En portant un regard de fraternité vers ceux qui sont différents, en commençant par retrouver un autre regard sur l'immigration.
Ce modèle économique, social, durable, nous devons le construire pour la France.
Mais la renaissance de la gauche dans chacun des pays européens passe par un projet commun sur l'Europe, car à l'aune de l'interdépendance et de la mondialisation, l'avenir de la gauche passe aussi par l'existence d'un projet commun pour l'Europe.
Il n'y a pas de gauche sans projet européen.
Nous sommes tous pro-européens, c'est-à-dire tous pour porter haut le continent qui croit que les hommes et les femmes peuvent définir leur avenir, un avenir juste, efficace, porteur de paix, de solidarité et d'humanisme en son sein et dans le monde.
Il y a une grande page, peut être un grand livre à écrire aujourd'hui en Europe.
Je reviens avec beaucoup de nos camarades députés européens du Conseil du PSE à Madrid : le temps des socialistes est revenu. Il ne tient qu'à nous qu'il en soit ainsi.
L'Europe a connu 30 ans de nationalismes de 1914 à 1944 : elle en est sortie meurtrie et exsangue, en même temps elle a puisé dans ses malheurs la force de son union.
L'Europe a alors traversé 30 ans d'influence sociale-démocrate de 1945 à 1975 appelées les « Trente Glorieuses ».
Même le gaullisme en France se référait parfois à cette idéologie. Sont alors venus Thatcher au Royaume Uni puis Reagan aux Etats Unis.
Elle a alors connu 30 ans d'ultralibéralisme, d'économie financiarisée, de gonflements des écarts des revenus et de patrimoine.
Ce système est en crise. A nous de le remplacer.
A nous d'écrire les 30 prochaines années.
Si on ne le fait pas, les nationalismes reviendront, les populismes s'épanouiront, les extrémismes fleuriront. L'Europe y perdra son âme et la France son crédit. C'est la tâche essentielle que j'assigne à notre engagement socialiste.
Le vent de l'histoire a tourné le 11 septembre 2001 avec les attentats des Twin Towers à New York. George Bush a cru légitime de déclencher la guerre en Irak. Ses raisons étaient des mensonges. Sa décision a été une impasse. Le vent de l'histoire a encore tourné le 12 septembre 2008 avec la faillite de Lehman Brothers. Le 4 novembre il a pris le visage de Barack Obama. Nous avons le devoir -avec la gauche européenne- d'offrir au monde un nouvel horizon, la responsabilité de présenter un nouveau modèle.
Le moment est venu pour les socialistes français et européens de construire un projet alternatif à celui conduit actuellement par les droites européennes. C'est notre devoir.
Et pour cela il faut commencer par les élections en juin 2009 et devenir majoritaires au Parlement Européen. Je veux vous dire aujourd'hui que je m'engagerai personnellement, dans cette campagne, aux côtés de nos candidats.
Je sais que le combat n'est pas facile. Mais nous pouvons, nous devons le gagner.
Le « Manifesto » adopté à Madrid le 1er décembre 2008 par l'ensemble des partis membres du PSE que nous complèterons par nos propres propositions, constitue une chance historique d'y parvenir.
Jamais sans doute nous n'avons autant partagé entre socialistes et sociaux démocrates européens, la philosophie de la construction européenne que nous voulons faire ensemble.
Après une analyse partagée de la crise systémique du libéralisme, ce manifeste affiche un réel projet visant à « donner un sens à l'Europe », cette Europe qui paraît aujourd'hui aux européens plus comme un problème que comme une solution.
Les premières phrases du ce manifeste sont particulièrement claires : « la droite suit le marché, nous suivons nos convictions » et puis « la droite propose de s'adapter au marché, nous proposons de façonner notre avenir ».
Il dit clairement la volonté de profondément réorienter la construction européenne pour donner « un nouveau sens à l'Europe ».
Ce manifeste nous rejoint sur la volonté de donner à l'économie réelle toute sa place face à la finance. Il propose bien sûr de réguler les marchés financiers mais il annonce très clairement des mesures concrètes pour une croissance intelligente et écologique pour l'emploi et pour des emplois de qualité.
Il défend « une société plus juste plaçant les citoyens d'abord », mais aussi les moyens pour y parvenir. Il affirme la clause de progrès social pour garantir les acquis existants dans chaque pays, il prévoit un cadre juridique pour les services publics et des salaires minima décents dans tous les pays. Ce manifeste propose avec des mesures précises que l'Europe soit le leader mondial du développement durable et contre la crise climatique. Il affirme comme un objectif fondamental, au même niveau que les précédents, la promotion de l'égalité des sexes dans l'union européenne.
Il affirme que la solidarité que nous portons ne peut s'arrêter aux frontières de l'Europe, d'une Europe qui doit être porteuse de paix et d'équilibre dans le monde, qui doit porter un regard différent sur les immigrés et une ardente obligation vis-à-vis du Sud.
Ce manifeste est la première pierre de l'Europe que nous voulons construire. Il y en aura d'autres. Je vous fais plusieurs propositions.
Tout d'abord de lancer une campagne de soutien au manifeste et au programme des socialistes français pour l'Europe auprès de tous les militants d'une Europe digne de ses pères fondateurs.
Mais l'Europe doit être aussi auprès de nos concitoyens au moment où la récession les touche de plein fouet. D'ores et déjà et je vous l'annonce, nous avons prévu deux rencontres avec nos camarades européens, sur la crise économique et sociale et les moyens d'y remédier : -l'une avec nos camarades espagnols en Janvier, eux qui ont conduit avec J-L Zapatero une relance économique exemplaire ;
-l'autre avec nos camarades du SPD qui vont prochainement présenter un candidat comme chancelier en face d'Angela Merkel, pour débattre avec eux avant le sommet franco-allemand de mars 2008 pour débattre sur la crise économique et promouvoir des réponses coordonnées.
J'ajoute que nous rendrons public en janvier un bilan de la Présidence Française de l'Union Européenne ainsi qu'un compte rendu de mandat de l'action de nos députés européens.
Comme symbole de notre engagement européen, j'ai souhaité que nous rejoigne dans la direction du Parti, la présidente du PSE des femmes, qui joue un rôle majeur pour la lutte contre les discriminations des femmes, Zita Gurmai, Socialiste hongroise, qui a accepté, accompagnée d'une de nos camarades, d'être notre secrétaire nationale aux droits des femmes.
Elle est là.
Elle représente l'Europe dans sa dimension historique, dans son héritage humaniste et politique.
Elle a accepté avec l'enthousiasme et la force que chacun lui connaît cette proposition.
Je l'en remercie du fond du coeur.
L'Europe doit aussi peser dans les instances internationales, pour défendre notre volonté d'un nouveau modèle de développement. Elle doit aussi faire entendre une voix forte contre l'unilatéralisme américain qu'Obama veut cesser et son discours du choc des civilisations, au profit d'un monde multipolaire, développer une sécurité européenne porteuse de paix dans le monde, et aussi être sur tous les terrains où les droits et libertés des hommes et des femmes sont bafoués.
L'Europe et la France doivent prendre la tête de la solidarité internationale et en priorité vers le Sud. Nous vivons dans un monde où la richesse globale n'a jamais été aussi forte et où elle n'a jamais été aussi inégalement répartie.
C'est ainsi mes camarades que nous construirons l'Europe et agirons dans le monde, pas seulement en réfléchissant à Solférino, mais en allant au front partout, à Bruxelles, à New-York, à Pékin, à New-Dehli, à Sao Paulo, à Dakar ou à Bamako, pour défendre le monde que nous voulons et convaincre et construire des partenariats féconds qui feront naître et gagner la gauche.
Dès la mise en place de la nouvelle direction, je réunirai une commission Europe sous la responsabilité du Secrétaire National en charge de l'Europe et des affaires internationales. Sa première tâche sera de préparer les élections de juin en relation avec les socialistes européens. Parallèlement, nous aurons à composer nos listes dans les huit circonscriptions électorales. Je demanderai à nos candidats un engagement : celui de ne pas solliciter un mandat parlementaire national dès lorsqu'ils sont élus. C'est cela aussi la rénovation.
Ce nouveau modèle économique, social, durable et porteur de paix, nous le porterons ensemble en France et en Europe, mais nous devons le faire, comme le dit Bertrand Delanoë, avec une efficacité de gauche, c'est-à-dire en étant le parti porteur des espoirs et non d'illusions.
C'est la sincérité de nos engagements qui est en cause.
C'est notre devoir.
Ce travail nous allons le porter ensemble.
Nous élaborerons dans les semaines qui viennent un programme de travail sur les trois années qui viennent. Il sera ponctué de grands rendez-vous -sur la réponse à la crise, sur le modèle de développement, sur la rénovation du parti, sur le projet de société...- donnant la parole aux militants en commençant bien sûr par des conventions.
Ce programme de travail devra aussi être pensé en cohérence avec les grandes échéances électorales : les européennes en 2009, les régionales en 2010 et les cantonales de 2011.
Chers camarades, les réponses nouvelles, nous allons les inventer, dans un parti rénové et avec des pratiques que je vous exposerai dans quelques instants.
* Un Parti Socialiste utile
Mais aujourd'hui notre parti dans la crise doit aussi être utile aux Français.
Etre utile aux Français, c'est s'opposer au gouvernement à l'Assemblée Nationale et au Sénat.
Etre utile aux Français, c'est retrouver notre place dans le mouvement social à chaque fois que les acquis fondamentaux sont en cause ; c'est pourquoi nous devrons être au coeur des manifestations dans les jours qui viennent pour défendre la Poste, l'Education Nationale, mais aussi une retraite équitable ou le pouvoir d'achat.
Etre utile aux Français, c'est être aussi présent auprès des salariés licenciés sur chacun de nos territoires, non seulement pour leur apporter notre soutien, mais aussi pour les aider à proposer et réagir.
C'est pourquoi j'ai décidé de mettre en place à Solférino une cellule relative aux licenciements pour tenir les comptes de ces milliers de vie dévastés par la politique actuelle, mais aussi pour aider et accompagner nos élus aux côtés des syndicats.
Nous voulons leur donner les moyens juridiques de s'opposer aux licenciements lorsque c'est possible, les moyens d'obtenir les plans sociaux de qualité mais aussi apporter fermement ce qui est notre conviction : les entreprises qui réalisent des bénéfices doivent en cas de licenciements reclasser les salariés et recréer autant d'emplois qu'ils en ont supprimé.
Nous devrons aussi nous interroger sur la nécessité de proposer un nouveau système de préretraites dans la conjoncture difficile qui s'ouvre.
Sur ces sujets, comme sur ceux du pouvoir d'achat ou de la protection sociale, je rencontrerai dans les deux semaines qui viennent les organisations syndicales avec nos camarades chargés de ces secteurs.
Je propose que le parti socialiste tout entier se mobilise tout entier contre la crise, avec des réponses concrètes dès aujourd'hui mais aussi nos propositions pour l'avenir.
Nous inviterons, le 31 janvier, l'ensemble de nos secrétaires de section à débattre ensemble sur nos propositions face à la crise.
Je vous demande à tous comme je demanderai aux secrétaires nationaux et je me l'appliquerai à moi-même, d'être sur le terrain aux côtés des salariés, ceux qui travaillent le dimanche, qui souffrent de la précarité, qui sont menacés dans leur emploi, mais aussi des jeunes des quartiers, des associations qui les épaulent...Bref que les socialistes soient là où ils sont attendus.
Nous devons être de tous les combats contre l'exclusion et les droits de l'homme. Nous devons montrer en première ligne aussi pour lutter contre la chasse aux immigrés, ne plus voir un enfant scolarisé renvoyé en charter, pour faire vivre la fraternité.
Pour conduire à la fois la réflexion sur notre projet pour la France et pour l'Europe, pour être aux côtés des français dans la crise qu'ils subissent, il nous faut nous arc-bouter sur nos valeurs, trouver nos réponses et nous appuyer sur un parti profondément renouvelé dans sa composition comme dans ses pratiques.
* Un Parti Socialiste rénové dans sa composition comme dans ses pratiques
Il faut ressembler à la France pour pouvoir lui parler.
La parité d'abord, celle qui grâce à la loi Jospin de 2000 a progressé dans les scrutins de liste.
Dans nos villes comme dans nos régions, une nouvelle génération de femmes élues s'est imposée. Mais la réalité est là. Dans nos scrutins uninominaux : 15% des conseillers généraux et 25% des députés socialistes sont des femmes. Que dire des 10 femmes qui viennent d'être élues secrétaires fédérales ?
Disons le simplement : les portes ne se sont pas ouvertes, par indifférence ou par résistance, elles se sont entrebaillées. Je ne considère pas que l'élection d'une femme au poste de première secrétaire vaille à elle seule comme preuve que la mutation a eu lieu.
Ainsi, je vous l'annonce dès maintenant :
-le Secrétariat National que j'ai composé est totalement mixte : 19 femmes, 19 hommes.
-j'ai demandé à chacune des sensibilités d'assurer la parité de leur représentation au bureau national ;
-et il me semble qu'il restera des efforts à faire pour que notre conseil national et nos conseils et bureaux fédéraux soient définitivement paritaires.
Beau sujet, parmi d'autres, de la refonte de nos statuts qui devra accompagner notre rénovation.
Ce parti totalement mixte doit aussi être aux couleurs de la France.
Je préfère cette expression à celle de minorité visible, comme s'il y avait une majorité invisible. De qui parlons-nous ? Des enfants ou petits-enfants, de ceux que la France a colonisés au nom de sa devise : « liberté, égalité, fraternité » et qui aujourd'hui ne bénéficient pas de cette même devise dans leur vie quotidienne.
De ceux qui sont venus d'ailleurs pour nous aider à construire, à développer notre pays et même à le défendre, et qui n'y trouvent toujours pas leur place. Alors, oui, au Parti socialiste, ils doivent être chez eux et leur place dans les instances nationales est celle qu'ils occupent dans notre pays. Ils représenteront 20% de notre Secrétariat National.
Alors oui, notre vieux Parti sera un parti à parité de femmes et d'hommes aux couleurs de notre pays, mais aussi un parti de jeunes et de nouvelles générations.
Nous avons trop longtemps laissé de côté le nécessaire renouvellement des générations et des parcours.
Combien de nouveaux responsables n'avons-nous pas su faire émerger ? Combien ont décidé de laisser notre parti vivre sa vie sans eux ? La direction que je vais vous présenter ce matin est l'illustration de ce changement : elle comporte 60% de nouveaux visages et 40% de moins de 40 ans.
L'exécutif que je vous propose est aussi un exécutif resserré : il comprend 38 secrétaires nationaux auxquels viendront s'adjoindre dans les semaines qui viennent une vingtaine de secrétaires nationaux adjoints. Je vous rappelle que nous avions dans la direction sortante 160 responsables - secrétaires nationaux, secrétaires nationaux adjoints, et responsables nationaux-.
Ce choix d'une équipe resserrée répond à un impératif d'efficacité. Difficile de travailler collégialement quand on est très nombreux ; difficile de se sentir pleinement responsable et d'être compris par l'opinion publique lorsque les responsabilités sont trop éclatées.
Mais c'est aussi de ma part une volonté de mieux faire participer nos fédérations à nos activités nationales. Elles font un travail considérable malheureusement insuffisamment valorisé. Je confierai à certaines fédérations le pilotage de réflexions nationales en fonction des questions sur lesquelles elles souhaitent s'investir particulièrement.
L'équipe de direction sera composée de deux pôles : un pôle fonctionnel qui réglera les questions relatives à notre organisation et à notre vie interne, et un pôle thématique avec des secrétaires nationaux dont les responsabilités correspondent aux grandes politiques : défense, sécurité, affaires sociales, éducation, recherche....
Le Secrétariat National se tiendra désormais tout les mardis matin. Cela nous permettra, avec la présence des présidents des groupes socialistes à l'Assemblée Nationale et au Sénat que j'inviterai à nos réunions, de préparer la semaine parlementaire, de prendre des positions communes, et de décider d'actions collectives.
Je vous propose aussi que les réunions de notre Bureau National aient lieu tous les quinze jours le mardi à 17 heures. Les autres mardis pourront être utilisés pour tenir des Bureaux nationaux exceptionnels organisés en tant que de besoin en fonction de l'actualité - par exemple cette semaine nous nous serions réunis pour définir le contenu d'un vrai plan de relance pour la France -, ou de sujets de fond pour débattre de manière ouverte y compris avec l'audition de personnes extérieures.
Au sein du pôle fonctionnel, les secteurs communication et fédérations notamment devront travailler ensemble pour animer la vie de notre Parti, faire remonter les réflexions de nos militants et les informer. Nous devrons utiliser au mieux les moyens de communication moderne, notamment toutes les potentialités du net en commençant par une télévision digne de ce nom, l'utilisation des réseaux sociaux ...
* Un Parti Socialiste rénové dans sa composition, mais aussi dans ses modes de fonctionnement.
Je veux remettre les élus au coeur de notre Parti.
Je veux que nous ouvrions les portes et les fenêtres vers les intellectuels, les experts, les acteurs sociaux et associatifs qui se sont détournés de nous ces dernières années.
J'ai donc décidé de créer deux instances majeures pour l'avenir de notre parti et le travail que nous avons à faire ensemble.
Tout d'abord, un Forum des territoires.
Nous sommes à la tête de 21 régions, de plus de la moitié des départements, de nombreuses municipalités. Nous y conduisons des politiques de justice sociale et d'efficacité économique, souvent innovantes.
Là où nous sommes en charge, les Français nous font confiance. Mais nous n'avons jamais pleinement tiré les conséquences de la décentralisation dans l'organisation de notre Parti.
Aujourd'hui il nous faut le faire.
Le Forum des territoires que je vous propose sera présidé par un grand élu, entouré d'autres camarades. Il aura trois fonctions essentielles.
-échanger sur nos pratiques, nos actions innovantes au service de nos populations. Ce travail transversal autour de thèmes précis - l'agenda 21, l'action culturelle,la démocratie participation...- devra nous permettre à la fois d'irriguer le parti des réponses les plus intéressantes, mais aussi d'alimenter notre projet.
-Le deuxième axe est majeur. Il consiste à défendre nos collectivités locales et leur place par rapport à un Etat que nous voulons fort, mais respectueux de la décentralisation car la décentralisation doit rimer avec responsabilité et autonomie. Le Forum des territoires travaillera, avec le Secrétariat National chargé de ces questions, sur les missions et les moyens des collectivités locales, sur la clarification de leur rôle et l'accroissement de la démocratie tout en proposant une fiscalité adaptée à chacun des types de collectivité et dynamique. C'est un travail majeur, à réaliser de manière coordonnée au moment où la droite veux rogner nos moyens et changer les règles pour de strictes intérêts politiciens.
-Enfin - c'est la troisième mission -, comment ne pas utiliser cette force que constitue nos élus pour agir de manière coordonnée y compris en étant dans l'opposition au niveau national ? Le Forum des territoires proposera et préparera des actions communes pour les collectivités que nous dirigeons.
Je souhaiterais que l'un de ces premiers chantiers, au moment ou tout le monde parle de l'effet Obama soit celui de la lutte contre les discriminations, que nous porterions partout de manière exemplaire : embauches, clubs d'entreprises, médiateurs pour accompagner les victimes de discriminations y compris devant les tribunaux, testings en lien avec les associations auprès des agences immobilières ou des clubs, mise en place de conseils de résidents étrangers avant que l'on puisse enfin instituer en 2012 le vote des étranger aux élections locales...
Voilà aussi un exemple de l'utilité que peut avoir notre parti à travers ses élus partout sur le territoire.
Deuxième instance que j'ai décidé de créer : « le laboratoire des idées » qui j'en suis certaine s'appellera vite « le lab ».
Le PS doit redevenir la ruche qu'il fut par le passé -je pense en particulier à la période avant 1981 ou entre 1995/1997 avec Lionel Jospin.
Le PS doit être à l'écoute de la société, être capable de l'analyser, de débattre, d'inventer de nouvelles réponses.
Pour cela, il doit ouvrir les portes et les fenêtres. Accueillir à nouveau ceux qui se sont éloignés : les intellectuels, des chercheurs, des créateurs, des artistes, les acteurs économiques, les syndicalistes, les associatifs...
Il nous faut passer un nouveau contrat avec le monde intellectuel. Il nous faut une méthode nouvelle de travail collectif, associant de manière loyale et durable, chercheurs, innovateurs actifs dans la société, militants et responsables politiques. Etablir un dialogue permanent, pour renouer avec ceux qui pensent, qui agissent, qui créent, qui inventent la société.
Le PS doit redevenir une force capable d'éclairer l'avenir pour fonder les choix de la gauche d'aujourd'hui, de produire des analyses et des grilles de lecture de la société afin de réinventer l'action publique, et de le faire à partir d'un agenda qui intègre les principales échéances politiques.
Du concret, du travail en réseau, des idées neuves, de la politique... Enfin !
Chacun responsable aujourd'hui à sa fabrique à idée, son club d'innovateur, son think tank. J'aimerais que demain tout ceci converge vers notre Parti et n'ait qu'un seul objectif : débattre et répondre aux problèmes des français pour alimenter notre projet.
Je souhaite par ailleurs confier à un camarade la responsabilité d'entretenir les relations fécondes avec les think-tanks proches de la gauche, ainsi que la direction de la revue de notre parti.
C'est le travail collectif, et en réseau, de notre Secrétariat National, du Forum des Territoires et du Laboratoire des idées, qui constitue notre nouveau dispositif. Sa philosophie est simple : situer notre réflexion au croisement de la science et de l'expérience, du savoir et de la vie, de l'expert et du citoyen.
* Un PS ouvert sur la société
Mais notre Parti doit aussi être plus ouvert sur la société.
Un PS rénové, c'est un grand parti populaire, ouvert, démocratique.
Un parti plus proche de ses électeurs et leur ressemblant davantage. Un parti à leur image. Le Parti socialiste doit accueillir plus de militants. Nous devons également faire venir ou revenir dans nos sections des jeunes, des ouvriers, des employés du secteur privé ; mais aussi des artisans, des commerçants.
Cela passe d'abord par notre capacité à être attractifs dans nos idées, par les méthodes d'élaboration de notre projet, par notre capacité à être proches de nos concitoyens
Cela nous amène à réfléchir sur les nouvelles formes de militance : organiser des débats qui touchent les gens sur l'Europe, sur l'Education, sur la maladie d'Alzheimer, comme sur des sujets de leur vie quotidienne sont autant d'occasion de rencontres et peut-être demain d'engagement.
Un parti rénové, c'est un parti qui retrouve sa fonction d'Education Populaire, qui apporte la transmission des savoirs, le partage de la connaissance, les outils de la réflexion critique, qui restitue à chacun sa confiance dans son autonomie de pensée et qui reconstruit les cadres d'une pensée et d'une action solidaire. Pour cela, nous mettrons en place des Universités régionales de la connaissance. Ces outils, plus proches du terrain, auront comme objectif de multiplier les efforts de formation. Si le niveau régional ne convient pas, ce sera à chaque fédération de créer sa propre université comme certaines le font déjà.
Quel meilleur ambassadeur de nos idées que des militants formés et fiers de leur parti ? Face à la saturation médiatique de l'hyper présidence nous devons initier et faire vivre le débat public, argumenté et pluraliste. La démocratie française est asphyxiée, la gauche ne pourra revenir au pouvoir que si elle lui donne de l'air.
* Des Assises de la rénovation
Nous allons dès maintenant engager cette rénovation de notre Parti, mais nous savons que c'est un immense travail.
Je proposerai à un de nos camarades qui sera placé à mes côtés, de porter cet immense chantier de la rénovation qui doit préparer des assises de la rénovation, modifiant nos statuts mais aussi nos pratiques. Tant de choses restent à penser.
-Comment militer dans la France du XXI°siècle ?
-Comment construire un Parti de masse ?
-Quel rôle accorder à chacune de nos instances ?
-Comment renouveler nos pratiques internes de fonctionnement comme la fabrication de notre projet ?
-Comment accroître la démocratie et assurer la transparence et le respect de nos règles ? A cet égard, je vous annonce sans attendre que j'ai décidé la création d'une commission d'organisation de nos scrutins internes dans laquelle toutes les motions de Reims seront représentées.
Oui, c'est une immense tâche, qui touche à notre fonctionnement mais aussi au lien entre notre Parti et la société. Je souhaite que cette réflexion irrigue l'ensemble de nos sections, donne lieu aux débats nécessaires et fasse naître un nouveau parti socialiste ancré sur son héritage politique et ouvert sur la société du XXI° siècle.
Ce sont ces nouvelles méthodes, ce sont ces nouvelles pratiques transparentes, ouvertes, qui permettront aussi à notre parti de parler d'une même voix.
Je m'engage à cette rénovation, mais je le dis aussi avec force.
La rénovation, c'est aussi le respect de la décision prise en commun, le respect du vote des militants. C'est la nature même d'un parti que de fonctionner ainsi.
Il y aura de nouvelles règles, mes camarades.
Il y aura de grands débats.
Mais soyons en sûrs : rien ne sera possible sans le changement de comportement entre nous. Le respect des opinions divergentes.
Le respect des personnes.
Et au-delà des comportements, comment ne pas rêver d'une confiance retrouvée entre des hommes et des femmes qui, au-delà de divergences ponctuelles, partagent l'héritage commun du socialisme.
Et pourquoi ne pas parler de convivialité et de l'enthousiasme retrouvé de travailler ensemble pour ceux qui attendent tant de nous ?
Nous avons ce matin adopté un texte d'orientations politiques avec une majorité forte qui regroupe une des deux lignes politiques qui se sont dégagées lors de notre congrès.
Je suis heureuse que nous nous soyons retrouvés, pour notre parti, mais aussi pour les Français.
Avec Bertrand Delanoë et ses amis, Bertrand qui au-delà du grand maire de Paris que nous connaissons, est une personnalité majeure, qui compte dans notre pays, un dirigeant socialiste utile à notre Parti et dont l'expérience et l'imagination seront bien nécessaires à notre formation politique ; Bertrand, qui réunit dans quelques jours les prix Nobel de la Paix, Gorbatchev, Walesa, Ingrid Betancourt dans un grand forum de la Paix, démontre une fois de plus sa capacité à faire rayonner Paris et la France.
Avec Benoît Hamon et ses amis, qui font souffler sur le Parti le vent rafraichissant de la rénovation à gauche et qui incarne la nouvelle génération du socialisme, faite de générosité dans l'action et de détermination dans l'ancrage à gauche.
Avec la motion D, qui préfigurait dans le rassemblement de fabusiens, de strausskahniens, d'amis d'Arnaud Montebourg, de Marylise Lebranchu et des fédérations du Nord et du Pas de Calais, ce nouvel alliage dont nous avons tant besoin pour préparer l'unité de la gauche.
Tous ensemble, nous pouvons, nous devons, donner un nouveau souffle au socialisme, assurer le renouveau pour la gauche et pour la France.
Au-delà de cet accord majoritaire, j'ai la conviction que nous pouvons tous être unis dans les objectifs que nous partageons comme la rénovation du Parti ou la nouvelle place des élus en son sein.
J'ai fait des propositions à Ségolène Royal et à ses amis en ce sens. Elle n'a pas souhaité y répondre positivement. Je respecte sa décision mais je redis que la porte restera toujours ouverte.
Je serai la garante de l'unité du Parti pour que pas un socialiste ne manque aux français dès aujourd'hui.
* Mais je souhaite aussi un parti socialiste qui redonne des couleurs à la gauche.
Le rose, tout d'abord : nous devons être fiers d'être socialistes ! Je le dis à cette tribune. Je le dis devant vous, je n'aurai de cesse de travailler à la réunification de la famille socialiste.
Le rouge et le vert : le PS au coeur de la gauche.
Je n'aurai de cesse de me battre pour que l'unité de la gauche ne soit pas seulement un slogan mais une stratégie de réussite collective. Je n'aurai de cesse de travailler à l'unité de la gauche, proposer à nos camarades communistes, écologistes, Verts, républicains et radicaux d'être ensemble auprès des français et de préparer l'avenir ensemble.
C'est rassemblés que nous serons plus forts. J'ai déjà pris contact eux. Pourquoi ne pas nous réunir ensemble dès le début de l'année pour parler ensemble du recul de la République, des régressions sociales mises en place par le Président de la République et des réponses à y apporter.
Ayons des initiatives concrètes et positives, apprenons à travailler ensemble nationalement comme nous le faisons localement.
CONCLUSION
Chèr(e)s camarades,
Pour commencer, je vous ai dit ma fierté.
Je veux, pour finir, vous assurer de ma confiance. J'ai confiance en nous. Je sais que nous saurons puiser en nous l'intelligence, la force, la droiture, la vivacité et l'imagination aussi, pour affronter, ensemble, les défis qui nous attendent.
Cette confiance, ma rencontre, avec les responsables du PSE à Madrid le week-end dernier, l'a confortée. Ils m'ont tous dit l'attention qu'ils accordaient à notre situation et à notre rénovation ; l'importance qu'ils prêtaient à notre redressement. Ils savent que de France peut venir un nouveau printemps de la gauche en Europe ; ils attendent de nous détermination et courage. Ils ont espoir en nous.
Ne les décevons pas. Ne décevons pas la gauche. Ne décevons pas les Français.
Remettons-nous au travail. Reprenons ensemble le chemin de la bataille des idées et du combat politique. Redevenons ce que nous avons été, il n'y a pas si longtemps, dans la fraternité.
Un Parti Socialiste qui donne le nouveau sens à notre société.
Un Parti Socialiste utile aux Français.
Un Parti Socialiste engagé, au sein de la gauche, dans une dynamique de victoire.
Un Parti Socialiste, qui va de l'avant !
Oui, en avant, les socialistes !
Source http://www.parti-socialiste.fr, le 8 décembre 2008