Déclaration de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, sur la construction d'un cadre de référence de la ville durable et solidaire en Europe, Montpellier le 2 décembre 2008.

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Circonstance : Forum des villes à Montpellier les 2 et 3 décembre 2008 sur le thème "Après Leipzig, la ville durable et solidaire au quotidien"

Texte intégral

Monsieur le président (de Montpellier Agglomération et de la Région Languedoc-Roussillon, M. Georges Frêche),
Monsieur le Secrétaire d'Etat de la République fédérale d'Allemagne (M. Ulrich Kasparick),
Monsieur le directeur général de la DG régio de la Commission européenne (M. Dirk Ahner),
Monsieur le président de l'intergroupe Urban logement du Parlement européen (M. Jean-Marie Beaupuy),
Mesdames et Messieurs les représentants du Comité des régions, et du Comité économique et social européen,
Mesdames et Messieurs les élus
et représentants des autorités locales et de la société civile,
Mesdames et Messieurs,
Nous voici réunis pour ce Forum des villes, dans le cadre de la Présidence française de l'Union européenne.
Il y a 10 ans, se tenait un 1er Forum des villes, à Vienne, avec tous les acteurs locaux et d'abord les élus. Le thème choisi alors était... le développement urbain durable. Et c'est ce même sujet qui nous rassemble aujourd'hui ! Il s'est passé beaucoup de choses entre ces deux événements. Les villes et les réseaux de villes ont mené un travail considérable pour faire avancer le sujet. Je voudrais citer la Charte d'Aalborg de 1994, les « engagements d'Aalborg » 10 ans plus tard et la Charte européenne pour les villes vivantes. Quant aux 27 Etats membres de l'Union européenne, ils ont adopté, le 24 mai 2007 sous présidence allemande, une Charte sur la ville européenne durable. C'est d'elle que nous allons parler ces jours-ci, plus particulièrement, une semaine après la réunion des ministres du développement urbain à Marseille.
Je tiens d'ailleurs à saluer très chaleureusement la participation du maire de Leipzig demain (M. Burkhard Jung) à notre Forum !
Cette charte de Leipzig, elle a eu deux mérites : le premier, c'est de poser clairement les trois piliers du développement durable : la prospérité économique ; l'équilibre social ; le respect des impératifs écologiques. Si l'un des 3 piliers - économique, social ou écologique - manque, alors l'édifice s'écroule et l'avenir de nos villes est menacé. Ces 3 piliers sont indissociables et montrent bien la nécessité d'une approche globale et intégrée du développement de nos villes, la nécessité de dépasser les cloisonnements entre politiques sectorielles.
Le deuxième mérite de la Charte de Leipzig, c'est qu'elle accorde une grande importance à la réintégration des quartiers défavorisés dans la ville. On le sait tous, la coupure de la ville en termes humain, urbanistique, économique, c'est la porte ouverte à l'appauvrissement de certains quartiers qui se referment sur eux-mêmes, à l'immobilisme, à l'affaiblissement de toute la ville.
Alors qu'une ville, c'est d'abord et avant tout une communauté d'hommes et de femmes, qui aspirent à vivre le mieux possible ensemble, se déplacer, passer naturellement d'un quartier à l'autre, accéder facilement à l'emploi, aux services, aux loisirs.
Alors, 18 mois après l'adoption de cette charte de Leipzig, il fallait faire le point. Savoir si elle s'était traduite dans les faits, dans la réalité du quotidien. C'est pour cela qu'il y a une semaine, le 25 novembre, à Marseille, les ministres du développement urbain des 27 pays membres de l'Union européenne se sont réunis pour faire ce bilan, mais aussi pour faire un pas de plus. Pour cela, ils ont décidé de lancer un « Cadre de référence de la ville durable et solidaire ».
Alors tout d'abord, pourquoi avoir rajouté ce mot de « solidaire » ? Parce que le constat est simple : si la ville n'est pas solidaire, alors elle n'est pas durable. Si elle se désagrège plutôt qu'elle ne rassemble, si elle porte en elle des abcès de pauvreté, d'indifférence mutuelle, des germes de conflit, alors elle n'est plus, ni source de progrès, ni d'échanges, ni de richesse.
Cet ajout de « solidaire » ne trahit donc pas la Charte ! Au contraire, il ne fait que souligner la nécessaire cohésion de la ville, qui sous-tend le développement urbain intégré.
A cet égard, et au vu de l'importance de cette dimension sociale, je profite de cette tribune pour saluer les mesures annoncées le 26 novembre, par la Commission européenne, dont nous avons ici un éminent représentant, en la personne de M. Dirk Ahner, directeur général de la DG régio.
En effet, la Commission a décidé de simplifier les critères de soutien des Fonds structurels, en particulier du Fonds social européen et d'accélérer les avances dès le début de l'année 2009. Ceci pour permettre d'avoir accès plus rapidement à une enveloppe d'1,8 milliards d'euros à l'échelle européenne, en faveur de l'emploi et du soutien aux plus vulnérables. Cette mesure s'inscrit dans un plan plus vaste de relance pour la croissance et l'emploi. Les habitants de nos villes en tireront un grand avantage et je voulais remercier la Commission de cette initiative, particulièrement bienvenue pour faire face à la crise qui touche toute l'Europe.
Revenons maintenant au « Cadre de référence » lancé à Marseille, pour mettre en oeuvre la Charte de Leipzig au quotidien. De quoi s'agit-il ? Certainement pas d'une nouvelle norme ! Ni d'une nouvelle contrainte ! Mais plutôt d'un outil de questionnement, de bonnes pratiques et d'indicateurs, à construire petit à petit par le dialogue entre les Etats, les villes, les experts, les habitants. Le but c'est de voir émerger des expériences reconnues dans telle ou telle ville européenne, qui puissent se transmettre dans une autre ville.
Il ne s'agit pas d'imposer tel ou tel type de développement, d'urbanisme, d'activités économiques ou de modèle social. Non à l'uniformité ! Le but est au contraire que les villes européennes arrivent, en s'inspirant d'exemples réussis ailleurs, mais toujours chacune à leur manière, à offrir à leurs habitants, sur le très long terme, les conditions de leur épanouissement.
Je pense par exemple à des réalisations telles que la gestion de la voirie urbaine à usage partagé à Barcelone, aux systèmes de distribution urbaine, de livraison et de portage à domicile à Paris, au "Tramfret urbain" à Munich etc... Les exemples sont si nombreux !
Mesdames et Messieurs, la ville durable et solidaire, c'est un enjeu majeur, fondamental. C'est un enjeu de civilisation. Car nous sommes 70 % à vivre dans une ville, sur le continent européen.
La manière dont nous gérons nos villes aura des conséquences énormes sur la viabilité à long terme du développement économique et social, au sein de l'Union européenne et donc sur la réussite des stratégies de Lisbonne et Göteborg.
C'est pour cela que le rôle des autorités locales est en passe de devenir le déterminant majeur de la politique européenne de développement durable.
Alors qu'allons-nous faire, pendant ces deux jours à Montpellier ?
Nous allons apporter, dans le même esprit qu'à Marseille la semaine dernière, et cette fois en présence de tous les acteurs de la ville, élus, associations, urbanistes, experts de toute l'Union européenne, une première pierre à la construction de ce « Cadre de référence » de la ville durable et solidaire.
Car notre conviction, c'est qu'un « cadre de référence » ne se construit pas d'en haut, ne se plaque pas artificiellement, imposé par les Etats. C'est ensemble qu'il faut le construire ! Nous avons besoin de l'expérience vécue de ceux qui administrent la ville, la gèrent, la planifient, la pensent.
Les échanges entre vous, pendant ce Forum des villes 2008, seront l'amorce de cette construction. Il a été décidé d'un commun accord à Marseille que les travaux se poursuivront ensuite pendant l'année 2009, conduits à la fois par un groupe à haut niveau, animé par la France, qui sera constitué de représentants des Etats membres, des institutions européennes, des représentants des collectivités, de la société civile et du secteur privé, et puis, par un « groupe de travail de villes », notamment dans le cadre du programme URBACT 2, qui sera piloté par l'une d'entre elles.
Je salue à cet égard les travaux menés hier pendant la conférence annuelle d'URBACT. Le groupe des villes aura pour mission de transmettre au groupe de haut niveau des expérimentations réussies et des nouvelles propositions. Le groupe de haut niveau, sur cette base, devra bâtir le « Cadre de référence ». L'ensemble des travaux devra aboutir au plus tard au premier semestre 2010, sous présidence espagnole.
Alors comment vont se dérouler en pratique les échanges pendant ces deux journées ? En organisant notre réflexion autour de 12 tables rondes réparties en deux sessions, qui traiteront d'abord de toutes les dimensions de la ville : les services, la mobilité, la culture, les fonctions de la ville, les quartiers en difficulté ... puis des outils pour la rendre encore plus durable et solidaire.
Je le rappelle, l'objectif est bien d'enclencher une dynamique partagée et d'amorcer un processus de construction collective du «Cadre de référence». Il s'agit donc pour chacun des intervenants de témoigner d'une « bonne pratique » et des moyens qu'il a fallu emprunter pour y arriver, avec toujours bien en tête, le souci que cette expérience réussie puisse servir à d'autres, être « transmise à
d'autres ».
Puis demain, en fin de matinée, une restitution des travaux s'opèrera et Mme Fadela AMARA Secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, clôturera l'ensemble du Forum.
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Nous avons devant nous un chantier majeur ! Nous devons repenser la ville et la façon d'y vivre. Repenser une ville où l'homme sera réconcilié avec les siens, comme avec la nature. Il s'agit de préparer la ville dans laquelle vivront nos enfants et les enfants de nos enfants.
Je crois donc que l'heure est venue de porter très haut nos ambitions communes.
Je vous remercie.
Source http://www.ville.gouv.fr, le 9 décembre 2008